| par Invité Ven 16 Aoû - 11:46
| Toujours aucune expression ne s'affichait sur le visage de son interlocuteur. Comment pouvait-on rester ainsi de marbre alors qu'on se prenait -presque- un savon de la part de son supérieur direct ? Est-ce que l'humain pouvait être doué à ce point pour dissimuler chacune de ses émotions ? Avait-il seulement une conscience propre dans ce cas ? La question commençait doucement à se faire une place dans l'esprit du Lightness tandis qu'il observait l'homme. Confiance ou pas, il était évident que l'autre ne le craignait pas. Parce qu'il s'était renseigné sur ses capacités ? Ou tout simplement sur sa race et qu'il ne pensait pas que le jeune professeur puisse représenter une quelconque menace pour lui ? Dans ce cas, ce devait être l'humain le plus mal renseigné des deux. Dans une autre situation, Jilan aurait apprécié avoir en face de lui, un interlocuteur avec du cran et qui soit capable de le toiser droit dans les yeux, sans sourciller à la moindre de ses réflexions cinglantes. Sauf que vu son humeur vacillante au gré de ses pensées et paroles de l'homme, il aurait presque était judicieux pour ce dernier de baisser les yeux devant lui, histoire de ne pas exacerber davantage le colère de son supérieur. A moins qu'il se moqua éperdument de ce que le Lightness pouvait penser de lui ? Parce qu'il était le chien fidèle de la louve ? Ou que rassurer d'avoir obtenu la confiance de Kyarra, il se croyait intouchable pour ce fait ? Que le second ne pourrait rien tenter sur la personne du protégé de la leader des rebelles ? A cette idée, le jeune professeur se retint de soupire. Dire qu'il traitait le Cercle et ses acolytes de naïfs idéalistes mais... Il semblait que chaque camp avait son lot de naïfs... A différents degrés. Il songea un instant à renvoyer l'individu d'où il venait, de peur de perdre totalement patience à son encontre. L'autre était venu lui remettre un rapport inutile dans le but de quérir son approbation, utile quant à elle, soit. Et ensuite ? Si aucun des deux n'avait l'envie évidente de prolonger la conversation, pourquoi donc demeurer ainsi à s'observer en chiens de faïence ? Jilan nota tout de même qu'à la suite de cette entrevue, il devrait toucher un mot ou deux à la lycanne. D'une, pour tirer au clair cette histoire de rapport. Car il n'avait pas le souvenir qu'elle lui ait déjà demandé une chose pareille et qu'il serait trop amusant d'avoir à l'expliquer au concerné une fois que le Lightness aurait obtenu plus d'informations à ce sujet. De l'autre, il voulait maintenant connaître l'avis de sa supérieure concernant l'humain. Il se doutait que Kyarra ne l'avait pas choisi au hasard et ce, pour diverses raisons. Qu'il n'ait pas assisté à leur affrontement était un fait mais se tenir au courant de qui rentrait dans l'organisation et surtout, comment, en était un autre qu'en tant que second, le jeune professeur devait avoir connaissance. Etait-ce la conséquence de son manque de présence dans le lieu qui leur servait de repaire ? Très certainement... La louve était venue une fois le trouver directement chez lui, pour l'engager, elle n'allait pas, en plus, se rendre à son appartement pour le mettre au courant des nouvelles, bonnes ou mauvaises pour le groupe armé. Mais alors que l'idée de renvoyer l'homme se faisait de plus en plus insistante dans son esprit, ce dernier choisit ce moment pour reprendre la parole. Alors comme ça, il n'en avait pas terminé ? Qu'il n'aille pas se plaindre ensuite de se retrouver de nouveau à l'infirmerie, ou pire, à la morgue. Toutefois, ses propos firent oublier toutes pensées meurtrières à Jilan. Il soupçonnait ses supérieurs d'avoir cherché à le tester en envoyant plusieurs tueurs aux trousses du garçon ? N'importe quoi. Les rebelles n'étaient pas encore suffisamment nombreux pour se permettre une chose pareille. Malheureusement, aussi valable que l'était cet argument, le Lightness ne pouvait le formuler avec ces mots là. Ce n'était pas vendeur pour l'image de l'organisation, même si l'homme avait déjà certainement dû remarquer que les couloirs de la Grotte étaient loin d'être animés s'il logeait dans l'une des chambres mises à disposition des membres. Quant au fait que le gamin soit pris par cible par d'autres qu'eux... Le jeune professeur ne répondit pas immédiatement à la remarque de son interlocuteur. Il demeurait pensif. Est-ce que d'autres potentiels rebelles avaient décidé de s'en prendre à Natsume ? C'était possible, encore plus si ces derniers ne faisaient pas encore partis du groupe armé, leurs actions n'étant pas contrôlés. Pourquoi cette hypothèse ? Hormis le fait que le garçon avait l'air d'attirer les problèmes à lui comme certains attirent les femmes, Jilan ne pouvait pas admettre que le Cercle chercha à se rapprocher de lui également. Après tout, il était particulier. Mais dans quel but ? Le neutraliser ou le rallier à leur cause ?... Un soupire étira doucement les lèvres du Lightness. Pourquoi tant d'inquiétudes à ce sujet ? Il n'était plus nécessaire de se préoccuper du morveux à présent...
« Il est possible que d'autres se soient intéressés à lui, pour certaines raisons. Pas que d'autres membres se soient vus attribuer la mission de l'éliminer. A moins que tu ne sous-entendes que je fasse mal mon travail ici ? » répliqua t-il sans se défaire de son sourire.
Affimer qu'il avait réussi à reprendre en main son humeur était peu dire ! Le jeune professeur était particulièrement fier de lui sur ce coup là. Non pas qu'il avait abandonné tout projet d'éliminer l'individu en face de lui mais il redevenait l'interlocuteur calme en apparence, manipulateur et sournois à l'intérieur, personnage qu'il était satisfait d'incarner pour le bien du groupe terroriste. Il était impossible de dire ce qui se cachait derrière ce sourire, si caractéristique du Lightness. Etait-il en train de se jouer de l'homme ? De le mépriser avec politesse ? Ou simplement de camoufler une colère sous-jacente, particulièrement violente à l'égard de l'humain ? Ce même sourire qui avait fait tomber de nombreuses femmes au cours des siècles, il avait appris à le maîtriser et à en tirer parti. Il savait, par expérience, qu'il était plus méritant de conserver une apparente tranquillité, même devant la provocation et l'insolence, pour arriver à ses fins. N'utiliser la colère et la violence qu'en étant certain de l'emporter, au risque de perdre toute crédibilité. Ne pas agir sans réfléchir en somme. Le jeune professeur savait que le manque de lumière de jouait pas en sa faveur ici mais il pouvait blâmer le destin autant qu'il le souhaitait pour avoir conduit son interlocuteur ici-même, cela ne changerait rien au fait qu'il lui avait témoigné sa mauvaise humeur. Les supérieurs colériques, ce n'était pas amusant. C'était davantage le rôle de Kyarra que le sien, qui plus est. Voilà pourquoi elle avait fait de lui son homme de main. Il était temps de jouer à un autre jeu. Jilan arqua un sourcil quand il entendit la suite des propos de l'homme. Il eut le temps de le voir dégainer son arme et la perspective de la mort effleura son esprit. Cette vieille amie. Il l'avait dupée une fois, il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui fasse une nouvelle fleur. Bien qu'immortel, ses choix de vie ne lui laissait pas espérer une existence sans fin. Pourtant, l'arme retrouva subitement sa place dans le fourreau que l'homme conservait attaché à sa taille. Si le Lightness n'avait pas eu de doutes sur ce qui venait de se passer, il aurait cru voir s'agiter le sabre devant lui, tandis que son interlocuteur s'était emparé du dossier. Quand les confettis de papier se répandirent sur le bureau et sur le sol, semblant flotter indéfiniment dans l'air de la pièce, le sourire du jeune professeur s'élargit un peu plus. C'était quoi ça ? Une démonstration de force ? Une tentative d'intimidation ? Ou un mélange des deux ? Peut-être que l'humain démontrait enfin autre chose que son impassibilité maladive. L'aurait-il malencontreusement agacé avec ses remarques ? Cette idée amusa Jilan, plus encore que celle imaginant quelle serait l'expression de la louve quand elle découvrirait l'état de son bureau. Ou de leur bureau quand l'occasion le permettait. Est-ce que l'individu avait seulement conscience d'accumuler les gaffes vis-à-vis de la lycanne ? Plus que tout au monde, le jeune professeur souhaitait assister à leur prochain face à face. Les choses promettaient d'être amusantes. Plus pour lui que du point de vue de l'humain, cela allait de soi. Devait-il lui en faire part ? Non, il aurait tout le loisir d'apprendre à mieux connaître sa tendre supérieure bien-aimée. Après ce petit brassage d'air ambiant, son interlocuteur sembla vouloir disposer de lui. Parfait, le Lightness n'en demandait pas plus. Cependant, l'homme ne voulut pas le quitter sans une dernière réflexion à son encontre. Rien que les premiers mots de ce dernier, firent tiquer le jeune professeur, qui n'écouta même pas la fin de sa réplique. Enfin, si, pour la forme mais il n'y prêta pas vraiment attention. Il se garda bien de raidir son sourire, preuve incontestable que son interlocuteur avait fait mouche avec sa discrète pique. Maintenant qu'il avait repris le dessus sur ses sautes d'humeur, il n'allait pas s'emporter pour une vulgaire petite provocation si ? Voyant que l'autre attendait visiblement une réponse de sa part avant de joindre le geste à la parole, pour quitter la petite pièce, Jilan prit néanmoins un court moment de réflexion silencieuse afin de lui communiquer sa réponse. Il ne devait pas se montrer atteint dans son égo pour si peu mais ne pas non plus se laisser descendre par un simple membre. Il gardait toujours à l'esprit que Kyarra l'avait choisi pour une bonne raison, outre celle que l'organisation manquait de membres compétents pour ce poste...
« Mal informé dis-tu ? Parce que tu aurais préféré que je me penche sur ton cas ? Je fais confiance à ma partenaire pour ce qui touche à ses affaires, elle en fait de même pour moi et tout le monde est content. Je suis le seul à qui elle témoigne cette confiance. Tout comme je suis certainement le plus patient de l'organisation. Je te l'indique à titre d'information pour la suite de ta progression parmi nous. »
C'était avec une légère accentuation sur le terme de « partenaire », que Jilan avait ainsi évoqué la louve. Car oui, même s'il lui témoignait du respect pour ses convictions et sa reprise du groupe armé, il la considérait plus comme une partenaire de chasse, une complice du meurtre gratuit, qu'une réelle supérieure. Peut-être était-ce dû au fait qu'ils avaient déjà tué ensemble ? Ou même qu'ils aient simplement agi de concert lors de certaines occasions, bien avant l'entrée du Lightness au sein de l'organisation ? A moins que cela ne soit dû à la visite privée de la lycanne à son appartement, marquant une sorte d'intimité entre eux sans qu'il y eut autre chose que des piques au cours de l'entrevue ? Cependant, il apparut bien vite que ce n'était pas ce genre de réponse qu'attendait son interlocuteur. Il ne devait d'ailleurs pas à être du genre à se préoccuper des histoires personnelles entre membres, du moment que celles-ci n'interféraient pas avec la qualité du travail des concernés. Sur ce point là, le jeune professeur était certain que l'homme serait compétent. Froid, impassible, un brin irritant de part son attitude, mais efficace. Il n'en demandait pas plus de sa part, connaissance d'avance, ce que représentait la durée de vie d'un simple humain au sein du groupe. Jilan porta un rapide regard sur le tatouage qu'on lui montrait. Il l'avait déjà vu quelque part effectivement. Au cours de plus de trois siècles d'existence, on avait le temps et l'occasion de découvrir beaucoup de choses. Surtout qu'avec ses idées bien arrêtées sur l'égalité entre les races, il pouvait difficilement être passé à côté d'une organisation telle que la ligue des Ombres. Oui sauf que celle-ci s'en prenait aux créatures, ce qui la plaçait à l'opposé du Lightness, lui qui préférait chasser de l'humain. Oh bien entendu, seule la loi du plus fort primait pour lui donc si une créature n'était pas suffisamment forte pour survivre et prouver sa suprématie raciale, elle n'avait pas sa place dans ce monde. Aux yeux du jeune professeur, cette théorie valait pour tout le monde, lui inclus. Mais comme il avait la chance de connaître -et d'admettre- ses limites, contrairement à d'autres, il pouvait espérer survivre un peu plus longtemps que ses congénères rebelles. Tant pis s'il devait perdre la vie dans les jours prochains. Il n'aurait pas eu à se plaindre de son existence. Est-ce que son interlocuteur s'attendait à une remarque de sa part concernant la marque ? Dans tous les cas, il allait être déçu car Jilan comptait ignorer superbement ce détail. S'il s'écoutait, il lui rétorquerait froidement qu'un membre de cette ligue n'avait pas sa place parmi eux, de son point de vue en tout cas mais puisque la louve l'avait d'ores et déjà accepté, il ne pouvait pas aller contre son jugement. C'était le deal que lui imposait cette confiance mutuelle entre eux. Si l'un ou l'autre commettait une erreur, même infime, leurs têtes seraient les premières à tomber. Ils en avaient conscience tous les deux, ce qui laissait croire que Kyarra n'avait pas agi à la légère en recrutant l'individu. A moins qu'elle ignora tout de cette ligue ? Dans ce cas, les choses seraient un peu plus compliquées et le Lightness ferait mieux de lui en toucher un mot à l'occasion. Si la conversation continuait de réserver son lots de bonnes et mauvaises surprises, le jeune professeur finirait par croire qu'une longue entrevue avec la lycanne l'attendait prochainement. Ce qui le laissait mitigé sur le plaisir et l'ennui qu'il pourrait en retirer...
« Après cette petite démonstration, tu me proposes d'en voir davantage ? Pour être tout à fait honnête, j'apprécie l'offre. Je commençais à croire que tu n'étais bon qu'à agiter un sabre mais si tu es capable de mieux... Je demande à voir. En revanche, je ne serai pas ton adversaire, si tu en as besoin d'un pour exprimer ton talent. Car vois-tu, je suis plus doué pour tuer de manière silencieuse et invisible, sans même avoir le besoin de toucher ma cible comme tu le fais avec ton arme. Pour faire simple, si ta tête ne m'avait pas plu dès ton entrée dans cette pièce, tu serais en train de vivre tes derniers instants, à bout de souffle, sans même savoir ce qui t'arrive. Ce serait dommage de gâcher la surprise tu ne crois pas ? » |
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