Gardez votre sang frais [PV Nathaniel Kathûnn] [Terminé]

Encore le soir. Eleonor était chez elle vautré devant la télé, un pot de crème glacée à la main. Ce spectacle curieux s'expliquait par la fascination qu'Eleonor avait pour la nourriture humaine. En sortant du travail, elle était allé se chercher ladite crème glacée dans un super marché, curieuse de savoir pourquoi les humains aimaient tant ce dessert. Elle avait demandé à la caissière, le pot à la main:

-Le chocolat est bien le parfum préféré des humains, non?

La caissière avait prit un instant pour comprendre la question et avait répondu, surprise:

-Hé bien…c'est un parfum très populaire, oui.

Cela avait suffit à la vampire. Une fois chez elle, elle avait ouvert le pot et mangé avec ses doigts, puisqu'elle ne possédait pas d'ustensiles. Elle recracha immédiatement sa bouchée. Beurk! Mais c'est dégoûtant! Et dire que j'ai payé si cher pour un si petit pot. Crème glacée de qualité supérieure mon oeil! Elle mit le pot dans le congélateur, comptant le donner à un collègue humain. Étrange de voir comme elle s'acharnait. Elle avait déjà goûté la crème glacée avant et n'avait pas aimé. Mais elle voulait comprendre ce qui poussait les humains à mettre tant d'effort dans la préparation des aliments. Toutes leurs épices, toutes leurs...comment disent-ils? Fines herbes pour donner plus de goûts à des plats qui fournissent déjà tous les nutriments nécessaires à leur survie. La crème glacée devait être un délice pour que certaines personnes nuisent à leur santé en en mangeant trop. Mais les vampires ne pensent pas comme ça. Eleonor aurait voulu se prendre une poche de sang, mais il ne lui en restait plus. Elle était donc retournée se vautrer sur le sofa, mécontente. Elle bailla devant une scène romantique qui passait à la télé. Ça non plus elle ne comprenait pas, mais aurait bien aimé, car cela semblait encore plus délicieux que la nourriture.

N'empêche que tout cela l'ennuyait, elle n'aimait pas ce qui passait à la télé, et avait été encore déçue par la nourriture. Il faut que je sorte. C'est ce qu'elle fit. Elle se rendit au bar Bouken, pour boire un bon verre de sang frais. La vampire s'assied au bar du rez-de-chaussée et demanda une bouteille de son sang préféré. Étant donné son salaire, elle aurait pu aller au second étage avec la classe plus riche, mais elle trouvait cette séparation des classes passéiste et inapproprié, surtout dans un bar où les gens vont pour socialiser. La richesse matérielle ne devrait pas avoir d'importance. Le barman déposa un verre rempli de sang et une bouteille devant la vampire. La simple odeur du sang la faisait saliver, cela la ragaillardit. Elle avait faim. Elle sirotait tranquillement le sang frais, lorsqu'elle s'aperçut qu'il y avait un homme à côté d'elle. De bonne humeur, elle décida de l'aborder. Après tout, elle n'avait jamais été déçue d'une rencontre, il se passait toujours quelque chose d'intéressant ou de franchement extraordinaire par ici. Elle espérait juste que pour une fois ça ne soit pas dangereux. Elle leva son verre.

-Au sang donné par des volontaires, meilleur que la chasse!

Elle bu une longue gorgée. Elle avait sentit que cet homme était un humain, et s'était dit qu'un tel commentaire ne pourrait que le mettre à l'aise, car bien que les gens finissaient toujours par se détendre lorsqu'ils la connaissait, la plupart des humains avaient une certaine crainte à se faire aborder par une vampire, et le verre qu'elle avait à la main trahissait l'espèce à laquelle elle appartenait. La vampire avait vidé son verre et s'en versa un autre. Puis elle regarda un instant l'homme à qui elle s'était adressé. Ses traits lui étaient…familiers. Se pourrait-il qu'elle l'ait déjà vu quelque part? Peut-être, mais où? Elle n'arrivait pas à se rappeler, mais se dit que ça ne devait pas être important.

Notre vampire était concentré à essayer de trouver qui pouvait bien être cet homme. N'osant pas le lui demander, elle le scrutait discrètement du regard. De toute façon, elle le découvrirait bien éventuellement. Sauf que cet homme alla droit au but. Alors lui aussi avait la même impression. S'il croyait l'avoir déjà vu quelque part, c'est qu'il y avait de bonne chance pour que les impressions d'Eleonor soient fondées. La vampire lui aurait répondu sur le champ si ça n'avait été des rires. C'était vrai que hors contexte, cette phrase semblait destiné à la draguer, mais elle savait très bien que ce n'était pas le cas. Le pauvre, manifestement gêné de tous ces rires, tenta de se justifier. Pas moche? Les rires reprirent de nouveau. La vampire eut envie de rire également, mais se contenta de sourire. Ben dis donc, celui-là sait parler aux femmes! S'il y avait une caractéristique commune à tous les vampires, c'était bien leur grande beauté physique. Eleonor ne fut donc aucunement offusqué par sa remarque, comprenant que ce n'était pas ce qu'il avait voulu dire, et s'amusait même de voir tous ces gens dans le bar rire de ces bévues. Ce ''Nath'' semblait être un habitué de l'endroit, et ça ne devait pas être sa première gaffe. Lorsque le barman vint au secours du pauvre maladroit, Eleonor répondit:

-Sans doute.

Puis, n'en pouvant plus, elle eut un léger rire. Non pas un rire méprisant, mais plutôt un rire servant à détendre l'atmosphère, car le pauvre homme semblait embarrassé. Ah ces humains! Il ne devait pas être très vieux, et le manque d'expérience le rendait gauche. Du haut de ses 91 ans, jamais Eleonor ne se serait sentit embarrassée en pareille situation. D'ailleurs en y repensant, elle doutait même de pouvoir éprouver ce sentiment, mais se doutait que ce devait être désagréable à éprouver. Et dire qu'elle avait cru l'avoir vu à l'hôpital. Il n'avait pas l'air d'un médecin, et ne semblait pas assez vieux non plus pour l'être. Alors c'était peut-être un de ses patients? Non, elle s'en souviendrait. Bien qu'elle trouvait la situation comique comme elle l'était, elle décida tout de même de venir en aide à cet inconnu. Afin de l'aider à se calmer (ou pas) elle mit sa main sur la sienne, un sourire amical aux lèvres. Les quelques rires qui persistaient dans le bar cessèrent, et un idiot siffla son geste. Ça ne la dérangeait aucunement, ces gens finiraient bien par retourner à leur conversation.

-Je sais. Moi aussi j'ai l'impression de vous avoir déjà vu quelque part. Auriez-vous visité l'hôpital récemment?

Si ce n'était pas un de ses patients, alors peut-être était-ce un ancien malade aux soins intensifs dont elle avait eue la garde un temps. Ou peut-être un membre du personnel? Décidément elle n'arrivait pas à se souvenir, bien qu'il lui semblait rattaché à l'hôpital.

Je commençais à retrouver mon calme lorsque la jeune femme posa sa main sur la mienne. A vrai dire ce ne m'était pas arrivé souvent. Un sifflement retentit dans la salle ce qui à la fois me gêna mais je sentais aussi une légère colère sur le moment. Ces quelques secondes, j'eus une peur, comme une bribe d'un passé qui remontait. Cela ne dura pas plus d'une seconde mais avait suffi à me faire légèrement pâlir. J'en avais totalement oublié les remarques des gens. La jeune femme prit alors la parole et me demanda si j'avais été à l’hôpital. Cela me coupa dans ma pensée. L'hôpital était mon lieu de travail alors oui j'y étais souvent. Étais ce la que je l'avais vu ? Surement sinon pourquoi cette question. J'essayais de restituer rapidement quelques images dans mon esprit où j'aurais pu la voir la bas mais rien ne venait.

"Heu ... je travaille la bas depuis peu. J'ai été embauché comme ... disons médecin du dernier recours. "

Il est vrai que mon poste n'était pas vraiment précis. J'étais le dernier recours quand la panique gagnait mais on ne m'avais jamais dit si j'étais médecin, chirurgien ou un autre intitulé. Sans même y penser, je parlais de cette manière alors qu'il s'agissait peut être d'une grande directrice de l’hôpital qui me supervisais. Après tout je n'étais pas au travail et j'étais de repos. Je ne craignais rien.

"et vous ? vous êtes employée ou patiente ? A moins qu'il n'y ai aucun lien du tout."

Tout en repoussant doucement mon verre vide, je me tournais légèrement sur le coté pour faciliter la discussion. parler avec quelqu'un qui ne vous regarde pas, ça n'était pas vraiment poli. Je la regardais donc en souriant très légèrement. Quelques hommes me regardaient toujours en attendant une autre bourde mais la plupart étaient reparti à leurs discussions et boissons.

Décidément, cet homme lui plaisait bien. Il était un peu gaffeur, c'est vrai, mais semblait habité d'une sincère gentillesse. Quelque chose de rare chez les congénères d'Eleonor, et qu'elle savait apprécier. Elle n'aurait pas cru cependant que son geste aurait pu le faire pâlir. Peut-être cela lui avait-il fait peur? Après tout, sa main était glacée comme celles de tous les vampires et cela ne devait pas être agréable. Elle la retira. L'homme dit être un médecin du dernier recours. Eleonor réfléchit un peu à cela et écarquilla les yeux. Elle se souvenait. C'était lui le mage qu'on avait embauché pour ses pouvoirs de guérison. Elle avait entendu parler de lui, mais ils n'avaient encore jamais eu à travailler ensemble. Eleonor n'avait pas besoin de son aide pour soigner ses patient! Quoi que, il lui aurait été bien utile pour soigner l'élémentaire de feu dont le mal était inexplicable.

-Mais oui je me souviens! Vous êtes un mage! Je vous ai déjà vu guérir un homme qui avait de la vitre dans l'oeil. On croyait qu'il allait perdre la vue, mais vos pouvoirs ont tout arrangé.

Lorsqu'elle avait entendu parler de lui pour la première fois, la chirurgienne avait d'abord été sceptique, surtout sachant que cet homme n'avait pas de doctorat. Elle s'était même surprise un instant à éprouver de la jalousie, elle qui avait du faire des pieds et des mains pour être accepté en médecine dans les années 1960, époque où les femmes commençaient à peine à être les égales des hommes, et qui encore aujourd'hui devait se battre contre ses homologues humains qui disaient que les vampires ne devraient pas être médecin pour la sécurité des patients, n'en revenait pas qu'on ait pu engager cet homme si facilement. Mais par la suite, l'ayant vu procéder, elle ne pouvait qu'espérer qu'il choisisse de faire fructifier ses dons pour le bien de tous. Eleonor hésita à répondre à sa question. Elle était chirurgienne de formation et pourtant elle agissait davantage comme urgentologue dans cette ville où la violence était omniprésente.

-Moi? Je suis chirurgienne et ces temps-ci chercheuse. Je m'appelle Eleonor Doherty.

Puis elle tendit la main, voulant échanger une poignée de main, et du même coup l'encourager à se présenter. Pourquoi avait-elle ajouté être chercheuse? Elle hésita un instant, se demandant si elle pouvait lui parler de cette maladie étrange qu'elle avait vu à l'hôpital, mais qu'on essayait de cacher à la population afin de ne faire paniquer personne. La vampire voulait découvrir ce qui se cachait derrière cette pathologie, et faisait des recherches dans les laboratoires de l'hôpital dans ses temps libres.

Lorsque le barman vint proposer un autre verre à l'homme, celui-ci refusa, mais Eleonor demanda 2L de vodka. Normalement, elle ne buvait jamais d'alcool, par peur d'avoir une intervention chirurgicale d'urgence le lendemain. Le règlement était stricte: un médecin ne doit pas avoir bu dans les 24 heures précédant une opération. Cette règle n'était cependant pas adapté aux vampires, dont le métabolisme était d'une rapidité extrême. Pourtant, Eleonor s'y conformait, soucieuse de suivre les règles. Or, le lendemain, grâce à une entente prise avec ses collègues, les urgences seraient léguées à d'autres afin qu'Eleonor ait un peu plus de temps à consacrer à ses recherches. Elle pouvait donc boire…modérément, bien sûr.

Elle serra la main de son collègue, mais cessa son mouvement lorsqu'elle l'entendit dire qu'il était homme à tout faire. C'était une blague? Comment pouvait-il trouver le temps de faire autre chose alors que l'hôpital débordait de malades? Quoi qu'en y réfléchissant, il avait été nommé médecin sans avoir eu la formation au préalable, il est donc très probable qu'avant d'avoir été engagé à l'hôpital, il exerçait un autre métier. C'était surprenant. Ça y est, Nathaniel voulait en savoir plus sur ses recherches. Elle réfléchit un instant, se demandant si elle avait le droit d'en parler. Oui, elle pouvait lui en parler. Après tout, il s'agissait d'un collègue et il semblait digne de confiance. La vampire reçu sa commande et versa une bonne quantité de vodka dans son verre de sang. Elle regarda les alentours, vérifiant que plus personne n'écoutait leur conversation, bu une gorgée, s'approcha de Nathaniel et dit:

-Je suis sûre que, travaillant à l'hôpital comme moi, vous avez du voir des patients atteint de cette maladie étrange.

Un homme assis à une table plus loin se mit à tousser du sang. Eleonor ne se tourna pas, mais continua de parler:

-Vous voyez cet homme derrière moi? Il est probablement atteint de cette maladie. Les patients toussent du sang, ont de la fièvre, des maux de tête, une faiblesse musculaire. En quelques jours, voir quelques semaines, ils meurent, et nous ne savons pas quoi faire pour les soigner. Mais ayant effectué des recherches indépendantes, je crois être sur le point de découvrir le virus ou la bactérie responsable de cette maladie.

Ça y est, elle lui avait dit. Elle vida son verre, et se refit un verre vodka-sang. La vampire ajouta, afin d'être certaine qu'ils se comprennent bien:

-Quoi qu'il en soit, pas un mot à personne, où il y aurait une panique générale.

C'était peut-être traitre de ne pas informer la population sur ce qui se passait, mais au fond personne n'était certain de quoi que ce soit, même les médecins.

Eleonor était satisfaite de la réponse de son collègue. Si la nouvelle de cette maladie s'ébruitait, cela pourrait avoir des conséquences désastreuses. Mieux valait en parler lorsqu'on saura de quoi il s'agit. Une chose qui l'avait par contre intrigué, c'était qu'il avait dit voir des lésions sur cet homme. À part cracher du sang, Eleonor n'avait rien perçu de tel. Elle jeta un regard discret sur l'homme, puis regarda de nouveau Nathaniel, l'air étonné. La vampire en était à son troisième verre de vodka-sang et cela avait piqué la curiosité de Nathaniel, qui lui posa des questions sur le sujet, devançant Eleonor dans ses interrogations à elle. Elle se dit qu'elle était peut être la première vampire qu'il rencontrait. Au fond, elle même n'avait jamais rencontré de mage auparavant. Et en voyant la quantité de liquide qu'elle consommait, il devait se dire qu'elle allait se rendre malade à boire autant et aussi vite. Il ne devait pas connaître le métabolisme des vampires. En 91 ans d'existence, il aurait été surprenant que ce soit la première fois qu'Eleonor boive de l'alcool. L'assurance avec laquelle elle avait commandé et bu en témoignait.

Quand l'homme lui demanda de tester sa résistance, elle eut le même sourire que lorsqu'il avait tenté de se justifier de la façon dont il l'avait abordé plus tôt. Ce type était un phénomène. Mais au fond ça rendait la conversation d'autant plus intéressante. Elle questionna un instant sur le but de sa demande. Était-ce dans le but scientifique d'en apprendre davantage sur les effets de l'alcool sur les vampire, ou plutôt afin de la soûler, que ce soit pour rire un peu ou pour la ramener chez lui. Cette pensée la fit sourire. Elle l'écouta cafouiller ses explications, prise entre l'envie d'écouter par politesse et celle de lui couper la parole pour lui dire qu'elle comprenait parfaitement. Pas la peine de se stresser pour ça, après tout il était bien normal qu'il se pose des questions sur le sujet. On ne rencontre pas un vampire tout les jours…non? Ainsi il n'avait jamais vu de vampire boire de l'alcool. C'est qu'il ne connaissait pas Eleonor, qui avait déjà testé sur elle une panoplie de choses que les humains font ou consomment. Elle pensa avec une certaine hilarité à la tête que le mage aurait fait s'il l'avait vu manger de la crème glacée plus tôt. Elle commença par le rassurer sur le but de ses questions, toujours souriante:

-Ne vous en faîtes pas, je comprends parfaitement. Je me suis moi-même déjà posé ces questions. Et à mon âge, j'ai testé beaucoup de choses dont certaines vous étonnerait. Pour ce qui est de l'alcool, j'y ai trouvé des réponses intéressantes.

Elle finit alors son troisième verre, qui contenait plus de vodka que de sang, non sans un certain plaisir à l'idée que cela puisse inquiéter son interlocuteur. Alors qu'elle se refaisait un verre, elle expliqua.

-Pour survivre, je n'ai besoin que de sang, mais je peux consommer de la nourriture humaine ou de l'alcool. Je trouve souvent le goût de ce qui n'est pas du sang froncièrement mauvais, mais le goût de l'alcool ne me dérange pas. Je peux dire par contre que je n'ai réussit à me soûler qu'en de rares occasions, et j'avais bu bien plus que quelques shooter de vodka. L'effet d'ailleurs s'estompe assez rapidement.

Puis, toujours intrigué par ce que son interlocuteur avait vu plus tôt, et espérant qu'elle répondait à ses questions, elle enchaîna:

-Vous avez dit plus tôt que vous avez vu des lésions dans cet homme. Ça veut dire qu'en plus de votre phénoménal pouvoir de guérison, vous voyez ce qui se passe à l'intérieur du corps des gens?

C'était une question typique de sa personnalité. La médecine n'était pas que son métier, c'était une véritable passion, qu'elle entretenait depuis des décennies. Elle pensa, sans amertume: C'est plus long que toutes les relations que j'ai pu avoir avec des hommes mises ensemble. D'habitude, ce n'est pas le genre de sujet qui lui traverse l'esprit, mais, ayant déjà bu la moitié de sa bouteille de vodka, elle se sentait d'humeur moins…refoulé. Elle avait une sensation de chaleur au niveau des tempes et un léger sentiment d'euphorie. C'était agréable, elle se sentait bien, de meilleur humeur qu'en entrant.

Spoiler:

Eleonor avait écouté avec grand intérêt la réponse de son interlocuteur. Elle hocha la tête, car elle avait compris. Ou du moins, elle le croyait. Cet homme permettait au corps de se régénérer en modifiant son flux d'énergie. Et dire qu'il y a une décennie de cela à peine elle lui aurait rit au nez s'il lui avait dit ça. Pourtant, que la science ne puisse pas l'expliquer pour l'instant importait peu: la magie existait, sinon Nathaniel aurait été incapable de telles prouesses. Seuls les idiots continuaient de contester ce qui se trouvait sous leurs yeux. Eleonor pensa qu'il serait intéressant que cet homme serve de cobaye à des fins de recherches. Mais au fond, les scientifiques du monde entier en avaient déjà plein les bras avec toutes les autres créatures volontaires déjà présentes. Les encyclopédies sortaient à la pelleté, chaque mois on faisait de nouvelles découvertes, les scientifiques étaient comme des chiens fous ne sachant plus où donner de la tête pour satisfaire leur curiosité. Il y en avait encore pour quelques années avant que la quantité de travail diminue et que les travaux de recherches retrouvent une épaisseur normale. Pour l'instant, et Eleonor en était consciente, nous étions dans une époque tumultueuse, mais aussi fascinante.

Elle étant enfoncée dans ses réflexions et ne s'aperçu aucunement de l'échange de signe discret qui se fit entre le mage et le barman. La remarque de Nathaniel, qui brisa quelque peu les pensées dans lesquelles elle aurait voulu s'enfoncer davantage, la firent lever un sourcil. Déjà la sensation de chaleur commençait à s'estomper, mais au fond elle avait assez rit. Elle voyait bien que cela l'inquiétait et après quelques secondes durant lesquelles elle le fixa sans bouger, elle décida de mettre le demi litre de vodka qu'il lui restait de côté.

-Vous avez raison. Ici vaut mieux rester en contrôle de ses moyens.

Cela lui rappela avec effroi sa rencontre avec Catherine et plus tard avec Elisabeth. Toutes deux auraient pu la tuer, et elle avait eue de la chance de s'en sortir. Malheureusement, toujours dans ses réflexions, notre vampire poussa la bouteille de vodka un peu brusquement, et celle-ci se renversa sur un homme assis juste à côté, ou plutôt derrière elle, puisqu'elle s'était tournée vers Nathaniel. Elle entendit alors l'homme jurer, et se tourna vers lui afin de s'excuser.

-Mon pauvre monsieur, je suis désolée, laissez-moi vous aider…

-Tu l'as fait exprès espèce de salope!

La vampire écarquilla les yeux et resta figée un moment. Ce n'était pas le genre de réponse auxquelles elle s'attendait. Eleonor ne le savait pas, mais elle avait affaire à un ivrogne qui venait souvent dans ce bar pour chercher la bagarre. N'importe qui d'autre dans ce bar aurait réagit de façon plus aimable, elle avait juste été malchanceuse de tomber sur lui. Eleonor bredouilla:

-Euh…mais non, je vous assure…

-Je savais que j'aurais dû te faire surveiller. Allons, calme-toi maintenant, dit le barman.

Le barman, qui veillait à la sécurité de ses clients, tenta de s'interposer entre l'homme et la vampire. L'ivrogne riposta d'un violent coup de poing qui projeta le pauvre homme plusieurs mètres plus loin, dans les tables où il n'y avait presque plus personne. Eleonor constata alors pour la première fois qu'il était vraiment tard, ou vraiment tôt selon le point de vue. Elle devrait surveiller l'heure, afin d'arriver à l'hôpital avant le lever du soleil, sans quoi elle resterait piégée ici. Notre vampire, qui ne se sentait pas particulièrement vigoureuse en ce moment, l'alcool n'aidant en rien, tenta de riposter avec un coup de poing plutôt paresseux, et l'homme toujours en colère attrapa celui-ci aisément. C'est alors qu'elle se rendit compte qu'il n'était pas humain. Ses yeux étaient devenus rouges et ses canines plus longues.

-Alors, la végétarienne, ça t'amuse de boire du sang en bouteille à ce que je vois. Tu es une honte à mon espèce. Je ne sais pas ce qui me retient de te montrer la différence de force entre les faibles comme toi et les vrais vampires comme moi.

Il avait dit cela avec un sourire sardonique, puis d'un coup sec plia le poignet d'Eleonor. On entendit alors un craquement sonore, puis un deuxième. Le premier provenait du poignet de la vampire, le deuxième semblait venir du bras de l'homme, qui lâcha sa prise d'un seul coup, prit de douleur. La vampire se demandait ce qui se passait, impossible que son bras ait cassé si facilement, et pourtant elle ne l'avait pas touché.

Le poignet cassé, et désormais prise d'une colère furieuse, Eleonor, les yeux et les crocs semblables à son congénère, allait se jeter sur lui et entamer une bagarre plus sérieuse. En lui cassant une articulation, il était allé trop loin! Mais Nathaniel intervint en attrapant le bras de l'ivrogne. S'en suivit une scène fort étrange durant laquelle l'homme se tordit de douleur plusieurs secondes alors que le mage continuait de lui tenir le bras, sans bouger. Hormis les plaintes du vampire, l'ambiance étant statique, et on comprenait mal ce qui se passait. Si Eleonor n'avait pas été informé plutôt des pouvoir de cet humain, elle aurait eue du mal à suivre.

Plus étonnant encore, le vampire, qui tenait maintenant son bras blessé, le regard amer, se mit soudain à trembler et à hurler, cette fois sans que personne ne l'eut touché. Il s'enfuit, ne cherchant aucunement à riposter. Eleonor, dont les yeux et les crocs étaient redevenus d'apparence humaine, avait observé le mage agir, prise entre la curiosité et la peur. Si cet homme décidait de s'attaquer à elle, ses chances de gagner semblaient minces. Quoi qu'il semblait vraiment très affaiblit d'avoir vaincu un tel adversaire, et pourtant il demanda la main de la vampire. Il faut dire que sur le coup, l'adrénaline l'avait empêché de ressentir la douleur, mais désormais des maux lancinants lui donnait l'impression qu'elle subissait une hémorragie interne, ce qui n'était pas très bon. Elle se laissa donc soigner sans broncher, incrédule face à la force de cet homme. L'articulation de son poignet se remit et place, et les saignements internes cessèrent.

-Extraordinaire…, murmura-t-elle.

Il faut dire que sa curiosité l'avait également poussé à accepter les soins du mage, car ses capacités de régénération lui aurait permit de guérir en quelques minutes. Cependant elle préférait son traitement, car il était plus rapide et indolore. Le mage perdit alors connaissance. Eleonor ouvrit grand les yeux et se précipita sur lui.

-Nathaniel…Nathaniel!…Vous m'entendez? Allez me chercher de l'eau!

Trop tard, Nathaniel était inconscient. Elle avait donné son ordre au pauvre barman, qui se précipita derrière le bar et versa un grand verre d'eau. Eleonor comptait suivre la procédure habituelle lorsqu'un homme perd conscience, mais il se réveilla assez rapidement. N'ayant pas son attirail médical, elle s'était débrouillé avec ce qu'elle avait sous la main, et lui avait fait humer le peu de vodka qui était resté dans sa bouteille. L'homme s'était réveillé un peu hagard, et Eleonor en fut soulagé. Il semblait en bon état, simplement très fatigué. À ce mal, il n'y avait pas d'autre remède que le repos. Elle lui tendit le verre d'eau et dit:

-Ouf! Vous m'avez fait peur. Il est déjà très tard…je crois que je ferais mieux de vous raccompagner chez vous. Vous devriez vous reposer.

Le barman fit un signe affirmatif de la tête, d'accord avec l'idée de la vampire. Eleonor n'était pas certaine qu'il puisse arriver à son logis dans l'état de fatigue dans laquelle il semblait être, et se portait donc volontaire pour l'aider. Elle se leva et lui tendit la main, afin de l'aider à se relever. Une fois tous deux debout, elle dit:

-Vous savez…ce n'était pas nécessaire d'en faire autant. J'aurais finit par reprendre le dessus si vous m'en aviez laissé le temps.

Ah les vampires et leur fierté! Celle d'Eleonor en avait prit un coup, quoi qu'elle en dise. Un vampire qui a besoin de se faire aider d'un humain, ce n'est pas très fort, même s'il s'agit d'un mage. Et il faut dire qu'elle se sentait coupable, d'abord de ne pas être intervenue alors que Nathaniel se vidait de son énergie, et ensuite de s'être laissé soigné alors qu'elle aurait très bien pu supporter la douleur encore quelques minutes le temps de guérir. Cet homme lui avait été d'un grand secours, et la moindre des choses à faire maintenant, c'était s'assurer qu'il rentre chez lui sain et sauf.

En voyant Nathaniel payer ses consommations, la vampire n'avait pas été d'accord. Lui n'avait bu qu'un verre alors qu'elle avait demandé 2L de vodka et une bouteille de sang humain frais! La différence de prix était trop grande, mais puisque le barman empocha l'argent avant même qu'elle n'ait le temps de sortir le sien, elle dit:

-Merci, mais le prix de nos consommations est vraiment inégal. La prochaine tourné, c'est moi qui la paye.

La vampire avait dit cela avec un sourire. Elle espérait en effet qu'il y ait une prochaine fois, et puisqu'ils travaillaient au même hôpital, ils ne risquaient pas de se perdre de vue. Alors qu'ils marchaient silencieusement depuis déjà un instant, Eleonor se décida à lui poser une question. Elle savait bien qu'il se sentait très fatigué, et avait d'abord préféré se concentrer sur chaque pas qu'il faisait, car chacun d'eux semblaient être un effort. Pourtant, elle trouvait les pouvoirs de cet hommes très intriguant, et bien qu'elle ait compris que c'était en altérant le flux d'énergie de l'ivrogne qu'il lui a cassé le bras, elle ne comprenait pas qu'il ait fuit en hurlant si fort. Elle se risqua donc à demander, en regardant le sol:

-Tout à l'heure, le vampire, vous l'avez battu en le touchant à peine. Et ensuite, il s'est enfuit comme si…comme s'il avait vu quelque chose de vraiment horrible.

Au fond, ça n'avait pas vraiment la forme d'une question, mais elle espérait qu'il comprenne ce qu'elle voulait dire. Au moins la nuit était calme, il n'y avait personne dehors à cette heure, ce qui donnait à Eleonor un certain sentiment de sécurité. Cependant, il ne fut pas maintenu longtemps, car tous deux passèrent devant une ruelle dans laquelle se tenait un homme qui les toisait d'un regard mauvais. La vampire, qui avait la tête penché vers le sol, se redressa d'un seul coup pour soutenir le regard de cet homme, puis releva un sourcil, surprise. Oui, c'était bien lui. C'était l'homme qui lui avait cassé le poignet tout à l'heure. Il était appuyé négligemment contre un mur de la ruelle, cachant son bras blessé contre son torse, sous sa veste. Et dire qu'ils venaient juste de parler de lui. De toute évidence, cet homme les avait reconnu, et, voyant le pas lourd avec lequel le mage marchait, il chercherait peut-être à régler des comptes. Eleonor, qui d'abord éprouvait beaucoup de colère contre cet homme, et qui ensuite cherchait à bien jouer son rôle, car elle ne raccompagnait pas le mage pour rien, s'adressa au vampire lorsqu'il osa faire un pas vers eux.

-Quoi, qu'est-ce que tu regardes? T'as pas mieux à faire? Fiches le camp!

Le son de sa voix agressive avait raisonné brusquement dans cette ambiance tranquille de fin de nuit. Elle avait déchiré le calme plat qui régnait durant quelques secondes, et cela n'avait fait que créer un relief qui la rendait d'autant plus menaçante. D'autant plus qu'elle avait les canines sortit et les yeux rouges. Son langage corporel était clair: s'il voulait se battre, ça allait être sa fête! Elle mettait une agressivité inutile dans sa posture et dans les traits de son visage, mais ne blaguait pas: au moindre mouvement d'attaque, elle se jetterait sur lui. Or le vampire, qui manifestement ressentait toujours sa blessure au bras, et voyait devant lui une vampire qui n'était ni blessé, ni fatigué et agressive en plus, revint au point où il se tenait au départ, mais ne ''ficha pas le camp''. Il se contenta de suivre des yeux les deux personnes qui s'éloignaient dans la nuit, son regard toujours mauvais. Passé un certain point, Eleonor soupira. Elle se serait battu sans hésiter, mais préférait toujours éviter l'affrontement. Voilà pourquoi elle s'était emporté si vite, elle n'avait cherché qu'à l'intimider au maximum. Elle tourna son regard vers Nathaniel. Au fond, elle avait bien fait de le raccompagner. Il avait terrassé son adversaire, mais maintenant tous deux étaient affaiblit, et le combat aurait pu être rude, surtout que le vampire semblait avoir gardé rancune de ce qui s'était passé. Ils arrivèrent finalement devant une maison délabrée qui semblait mal entretenue, voir abandonnée. Lorsque son collègue lui dit que c'était sa maison, elle eut un air étonné un instant, et se questionna même à savoir pourquoi, s'il recevait un salaire de médecin, il vivait dans un tel endroit.

-C'était la moindre des choses…Alors, je dirais que vous ne rentrez pas travailler aujourd'hui?

La vampire sur le coup n'avait pas pensé qu'il puisse avoir un téléphone. Une telle demeure n'avait pas l'air d'en contenir. Elle constata alors que leurs au revoir ne pourraient pas s'éterniser longtemps, car elle disposait de peu de temps pour retourner à l'hôpital, et ne voulait prendre aucune chance. En regardant le ciel, elle dit:

-Désolé de couper court à la conversation, mais je dois vraiment y aller, le soleil ne me sied pas bien. Et puis, mes recherches ne se feront pas toutes seules. Alors…au plaisir de vous recroiser à l'hôpital.

Elle avait esquissé un bref sourire, puis serra la main de Nathaniel, certaine qu'un jour où l'autre elle aurait la chance de lui rembourser ses frais en alcool et en sang.