Le premier mot qui franchit les lèvres de l’accusé lui fit rater plusieurs battements de cœur. Si le visage du roux avait pu perdre des couleurs depuis le début de l’interrogatoire, ce fut le cas instantanément pour Natsume lorsque cette information parvint jusqu’à ses oreilles.
Ridell…. Il avait dû mal entendre. Ce n’était pas possible autrement ! Lily et ce type ne pouvaient pas avoir le même nom de famille ! Et même si c’était effectivement le cas… Non… Ils seraient frère et sœur ?! Comment… ? Ils étaient radicalement opposés ! Et surtout, l’albinos voulait la peau de cet homme. Il ne pouvait pas imaginer l’expression de la petite tête blonde quand il lui annoncerait la nouvelle.
« Hey ! J’ai buté ton frère ce matin. C’était un putain d’enfoiré. Comment va sinon ? »
Jamais il ne pourrait faire une chose pareille ! Alors laisser un autre lui annoncer lui-même la nouvelle à sa place ? En bon lâche ? Le darkness eut un haut-le-cœur. Bientôt ravalé par la rage et la frustration. Allait-il encore devoir choisir entre sa vengeance et les personnes auxquelles il tenait ? Ce n’était pas juste… Il perdait pied. Pour si peu…
« La vie est une chienne Natsume. Tu le sais mieux que quiconque alors serre les dents et avance. »
La voix de la démone résonna dans son esprit, claire et limpide, apaisant aussitôt son esprit tourmenté à la manière d’une douche froide. Elisabeth avait raison, il devait se reprendre et faire ce pour quoi il s’était battu cette nuit-là à la Grotte. Sinon jamais il ne pourrait regarder qui que ce soit en face. Lily encore moins. Avec un peu de chance, peut-être qu’il ignorait dans quoi son frère était impliqué et l’arrestation de ce dernier serait mieux acceptée par sa cadette. Non, ça ne pouvait pas être aussi simple. Natsume eut un faible sourire avant que celui-ci ne disparaisse. Se concentrer sur le moment présent et sur rien d’autre. L’albinos ne réalisa même pas à quel point l’information en question l’avait paralysé, gelant son esprit, alors que des centaines d’autres interlocuteurs auraient davantage frissonné en apprenant la date de naissance du jeune professeur. Etrangement, celle-ci ne retint pas tellement l’attention du garçon même si ce dernier nota dans un recoin de son esprit que leur homme était plus âgé qu’il ne voulait bien le montrer.
Plus âgé… La suite des aveux de l’accusé lui passa royalement au-dessus de la tête. Il faisait confiance au géant pour prendre note de tout ce qui serait susceptible de les aider par la suite. Natsume réfléchit calmement, essayant de rassembler les informations qu’il possédait sur le principal intéressé. D’après les explications de Maria, il lui avait paru faible cette nuit-là en compagnie de cette chienne. Simple coïncidence ou faiblesse due à autre chose ? Et maintenant, son immortalité… Un vampire ? Après tout, toutes les fois où il l’avait croisé, le soleil n’était pas au rendez-vous… Mais alors, pourquoi n’était-il pas aussi rapide et fort que l’était son amie ? Une telle théorie ne tenait pas la route, un enfant de 5 ans s’en serait aperçu ! Le darkness sut qu’il n’y avait qu’un moyen de vérifier la seconde hypothèse qui venait de germer dans son esprit. Et ce fut également le jeune professeur qui lui fournir l’occasion. Ses nerfs étaient mis à rude épreuve depuis son face-à-face avec le roux. Son ennemi personnel après cette chienne. Aussi, lorsque ce dernier démentit toute implication directe au moment de l’enlèvement, pire encore, qu’il n’avait été qu’un pion pour l’organisation criminelle, l’albinos ne put se contenir. Il avait remarqué le coup d’œil jeté en biais de la part de son collègue improvisé, l’enjoignant certainement à prendre la parole à son tour, mais quand le jeune professeur entreprit de répondre de nouveau aux questions du balafré, Natsume sortit littéralement de ses gonds.
« Ne te fous pas de nous ! » rugit-il.
L’instant suivant, l’unique table de la pièce volait dans les airs, sous la force de ses ombres, matérialisées. Seul obstacle entre lui et le roux, le garçon avait choisi de libérer le passage, ayant une vague pensée pour son collègue et notamment le bloc-notes de ce dernier. Il ne lui restait plus qu’à espérer que le directeur de la prison aurait eu le réflexe de rattraper son bien avant qu’il ne suive également le mouvement de la table. Le darkness franchit en quelques pas la distance qui le séparait de l’accusé, lequel se relevait déjà, probablement surpris par la tournure des événements. Sa patience était d’ores et déjà dans le rouge cramoisi. Plus question de faire marche arrière. Natsume attrapa son soi-disant professeur par le col de sa chemise et le plaqua brutalement contre le mur de la cellule derrière lui. A ce moment, ses doigts n’étaient pas encore en contact direct avec la peau du roux et le garçon saisit cette occasion de déverser toute sa bile contenue depuis de longues minutes dans cette petite pièce, pour ne pas dire, depuis des mois.
« Je sais pertinemment que tu es derrière tout ça. Tout comme tu étais présent cette nuit-là aux côtés de cette chienne. Où est-elle ? Elle a quitté la ville nan ? J’imagine que tu as repris les rênes par la suite. J’ai bon ? » Du coin de l’œil, il vit que son interlocuteur ouvrait la bouche pour protester et l’albinos le plaqua un peu plus fort contre le mur.
« Je n’ai pas besoin de preuves pour t’arrêter. Il me suffit de te tuer ici même et les activités rebelles cesseront. Malheureusement la loi ne me l’autorise pas encore. »Se disant, le garçon eut un sourire qui ne trompait personne. Ici, le « malheureusement » n’était pas du tout pensé par le principal intéressé. Bien au contraire, il était davantage vécu comme une contrainte… Profitant de leur soudaine proximité, Natsume effleura la peau du cou de son interlocuteur du bout de son pouce gauche. Geste qui aurait pu se révéler sensuel en d’autres circonstances. Comme il s’y attendait un peu, la même sensation désagréable qu’il avait éprouvé au contact de cette infirmière aguicheuse l’envahit. Un sourire satisfait prit forme sur les lèvres du darkness devant ce constat. Plus aucun doute n’était permis sur la véritable nature de l’accusé. Toutes les pièces du puzzle concordaient à présent.
« Tu prétends n’être qu’un pion ? Très bien, trèèès bien. Si tu es aussi pourvu de bonnes intentions, jouons tu veux ? Tu es un lightness je me trompe ? Tu dois donc avoir des pouvoirs de parfait petit samaritain ? Si je te demande de ramener à la vie la personne de mon choix, tu le pourrais ? Cela vaut mieux pour toi en effet. » ne put-il se retenir d’ajouter.
Enfin, il daigna le lâcher pour se reculer sans le quitter du regard. Dans son dos, le garçon entendait déjà les reproches de son collègue. Et il y avait de quoi. L’inquiétude de son vampire vampirique était justifiée : il avait perdu patience MAIS au moins, il n’avait pas encore tué l’homme qu’il accusait d’être à l’origine de son propre meurtre. Acculé comme il était, le jeune professeur n’aurait pas trop le choix. Natsume attendit néanmoins d’avoir sa réponse avant de se tourner vers le directeur.
« Plus tard les explications. Je sais ce que je fais. Gardez le sous la main, je reviens. S’il-vous-plaît ? »Bien que l’on percevait nettement le ton sarcastique glissé dans cette politesse de dernière minute, on ne pourrait pas lui reprocher d’être impoli ! Impulsif et indiscipliné sans aucun doute mais certainement pas grossier ! Le darkness quitta la pièce sitôt qu’il eut l’accord de son collègue. A vrai dire, ce dernier ne lui laissait pas tellement le choix. L’albinos ne remarqua même pas l’absence de garde derrière la massive porte en bois. C’était le cadet de ses soucis. D’un pas déterminé, il se dirigea vers une cellule en particulier. Il avait eu des échos de l’interpellation de la sorcière puis de son arrestation. Il savait donc où la trouver… Du moins jusqu’à ce qu’il soit face à une cellule vide ! Jurant, Natsume fit volteface pour prendre la direction de la salle de garde où les geôliers avaient l’habitude de se retrouver ou pour effectuer leur roulement. La porte s’ouvrit d’un coup sous son arrivée, suivi d’une plainte à peine étouffée.
« Oh pardon Lionel, je ne t’avais pas vu. »« Connard ! Attends un peu que je- » s’exclama aussitôt l’intéressé, le nez en sang.
Mais déjà, l’attention du darkness se tournait vers la seconde personne qui se tenait dans la pièce. Un visage familier, lequel lui arracha un sourire. Rapidement remplacé par une question très sérieuse :
« Où est la darkness Josh ? Elle n’est pas dans sa cellule. »« C’est-à-dire que… »« De quoi tu te mêles toi ? Ce ne sont pas tes- »Même en s’étant rapproché du garçon, l’air menaçant, Lionel n’eut pas l’occasion de refermer sa main sur l’épaule de sa cible. Il venait tout simplement de traverser la pièce en sens inverse pour s’écraser contre le mur, face contre celui-ci. Une force noire et mouvante l’empêchait de bouger.
« Et donc ? » reprit l’albinos, sans cesser d’interroger son interlocuteur du regard.
Impressionné par le pouvoir de Natsume, le policier n’eut d’autres choix que d’abdiquer en soupirant. Une vraie maison de fous ici… Il lui expliqua rapidement la situation, ne s’éternisant pas trop sur le coup de sang de son collègue et préféra conduire le darkness jusque dans l’infirmerie pour qu’il se rende compte par lui-même de l’état de sa congénère. En réalisé, on pouvait y accéder rapidement puisque les deux pièces étaient reliées par une porte coulissante. En voyant la sorcière allongée sur le lit, inconsciente en apparence et surveillée par un second homme en uniforme – lequel fut vaguement salué – l’albinos soupira de nouveau. Ce n’était pas pour arranger ses affaires tout ça.
« L’infirmière est passée mais elle a simplement dit qu’elle avait besoin de se reposer. » ajouta Josh, soudain nerveux.
« C’est ce qu’on va voir. »Sans un avertissement, le garçon s’assit sur le bord du lit, ignorant le bond du second homme ainsi que l’exclamation de Josh. Toisant la petite silhouette assoupie quelques instants, Natsume approcha ses mains et pelota l’intéressée sans la moindre vergogne à la tâche. Le coup parti aussitôt et il tomba en arrière, hilare une fois la surprise passée, tout en se massant le menton.
« Tu vois bien qu’elle ne dormait pas ! Et ravi de te revoir aussi Nahelle. » lâcha l’albinos en soutenant le regard de la jeune femme.