Une nuit de plus.
Encore une nuit sans le moindre cauchemar. Sans retrouver son lit lacéré de coups de griffes au matin, sans se réveiller en nage, tremblant de peur et de rage. Pourquoi? Qu'avait-il fait qui tienne ses fantômes à distance?
La réponse était évidente. Il avait de nouveau une cause pour laquelle combattre. Drôle de thérapie que de traiter un stress post-traumatique en retrouvant un "champ de bataille".
Perdu dans ses pensées Alexandre Varko observait sans le voir son reflet dans une fenêtre. Inconsciemment il s'était placé au repos réglementaire, jambes légèrement écartées et les mains dans le dos.
Derrière lui la foule des employés du Cercle vaquait à ses occupations, sans se préoccuper de lui. Pourquoi en aurait-il été autrement d'ailleurs? Ici ni les militaires ni les Lycans n'étaient rares.
Une sonnerie désagréable tira l'ex-officier de ses réflexions, et lui attira quelques regards. Avec agacement il fouilla les poches de sa veste pour localiser la source du bruit. Il n'était pas parvenu à régler le téléphone portable "de service" fourni par le Cercle pour l'empêcher de sonner.
-Capitaine Varko à l'appareil, lança-t-il à l'appareil avec plus de hargne qu'il ne l'aurait voulu.
Son ton peu amène ne sembla pas le moins du monde surprendre ou impressionner sa correspondante qui lança aussitôt:
-Bonjour Capitaine. Vous êtes convoqué au bureau de la représentante Vangelis. Immédiatement, précisa-t-elle d'une voix qui laissait entendre qu'elle trouvait la précision superflue.
Son correspondant fronça légèrement les sourcils et regarda sa montre. Une représentante qui voulait le voir de bon matin?
Il haussa mentalement les épaules. De toute façon on lui expliquerait sûrement de quoi il retournait sur place.
-J'arrive, lâcha-t-il avec un laconisme exemplaire avant de raccrocher.
Il regarda autour de lui avec un œil neuf, cherchant une proie parmi les employés qui défilaient autour de lui au pas de charge. Il jeta son dévolu sur un type en costume cravate, essentiellement parce qu'il portait un gros dossier marqué du logo du cercle sous le bras et semblait pressé.
Sans hésiter il s'avança pour l'intercepter, mais l'autre ne sembla rien remarquer et fit mine de le contourner. Plutôt amusé qu'agacé, l'ex officier posa fermement une main sur son épaule en souriant.
-Bonjour! Je cherche le bureau de la représentante Vangelis. Auriez-vous l'ama...-Vous prenez le couloir par là, puis à droite, puis les escaliers et vous suivez le marquage brun, ce sera indiqué le coupa l'autre sans même respirer.
Je suis pressé.Comme si sa vie en dépendait, l'homme au costume se dégagea et repartit au pas de charge. Un peu plus et il aurait laissé un morceau de sa manche dans la main du Lycan...
Ce dernier le suivit une seconde du regard avant de hausser les épaules. Lui aussi était attendu.
Aussi pressé qu'il soit, le "guide" d'Alex avait fournit le bon itinéraire et ce dernier fut à destination en une dizaine de minutes.
La secrétaire de la représentante -Astrid d'après la plaque sur son bureau- lui indiqua de frapper directement, interrompant à peine sa conversation téléphonique.
Plus par habitude que véritablement par stress, le Lycan rajusta sa tenue avant de s'exécuter.
-Entrez, invita une voix à l'intérieur.
Alex ouvrit la porte avec une sorte de curiosité. Les lieux étaient plus simples que ne l'aurait cru. C'était une belle pièce, mais qui servait manifestement avant tout de lieu de travail.
L'odeur de la louve lui indiqua tout de suite à quelle race il avait affaire, s'il avait encore eu un doute. Il avait étudié l'organisation du Cercle, et savait qu'eux aussi considéraient que la force et la résistance des Lycans en faisait des soldats naturels. Rien d'étonnant à ce que la représentante qui le convoque soit celle là. En revanche une subtile fragrance semblait indiquer que sa supérieure était à cran. A cause de lui?
L'ex-officier referma la porte derrière lui et avança devant le bureau, claquant rapidement des talons.
Elle l'observa quelques secondes, et il fit de même. C'était une jolie brune, plus frêle et plus jeune qu'il l'aurait cru. Deux critères qui n'avaient toutefois pas le même sens chez un Lycan... A sa tenue il n'aurait jamais soupçonné son rang. Des vêtements simples, pratiques même pour se battre, ni totalement négligés ni élégants.
Il s'aperçut que, malgré lui, il analysait sa supérieure pour évaluer le type d'armes qu'elle portait, et ce qu'il faudrait faire pour la tuer. Un réflexe... Il avait chassé trop longtemps les paranormaux pour réagir autrement en leur présence.
C'était la première fois qu'il travaillait sous les ordres d'un non-humain, et même s'il s'y était préparé mentalement, la rencontre concrète était autre chose. Les vieilles habitudes avaient la vie dure...
-Alexandre Varko je présume ? finit-elle par lâcher en se levant pour lui tendre la main par dessus le bureau.
Calypso Vangelis, je suis l’actuelle représentante de notre race. Nous allons faire équipe pour une simple patrouille de routine.Après une seconde il serra sa main.
-Je compte sur vous, ajouta-t-elle.
"Notre race". Il détestait la façon dont elle avait lâché cette formule de politesse, avec une certaine chaleur. "Vous et moi sommes pareil" semblait elle vouloir dire. Une partie de son cerveau se révolta automatiquement à cette idée.
Pourtant il sourit poliment. L'idée de voir un officier supérieur partir sur une simple patrouille lui semblait très suspecte, mais il n'avait pas envie de poser frontalement la question. Il n'en savait pas encore assez sur elle et les pratiques du Cercle pour ça.
-Je vous suis madame, répondit-il sans connaitre l'appellation qu'il était censé utiliser pour s'adresser à la louve.
Tandis qu'elle prenait un vêtement elle lui fit signe de sortir.
Quelques minutes plus tard ils s'éloignaient du bâtiment du Cercle en silence. La journée était belle, et le Lycan se demanda si cette patrouille n'était pas qu'un prétexte pour sortir prendre l'air. Faisait-il office de "garde du corps"? Quoi qu'il doutait qu'on choisisse un nouveau venu pour ça...
Comme si elle captait une partie de ses pensées, la louve se tourna vers lui.
-Les propriétaires de l’auberge reçoivent des menaces depuis plusieurs semaines. Nous allons enquêter sur place et éventuellement décourager les auteurs de ces actes. Des questions ?Le Lycan lui jeta un rapide regard, et croisa ses yeux qui semblaient chercher à l'évaluer. Un boulot de flic? Pourquoi pas. Après tout il avait signé pour ça aussi.
Malgré lui il faillit sourire. Deux Lycans était en effet un argument de poids pour "décourager" les menaces de se reproduire.
-Je suppose qu'on commence par interroger les patrons, le voisinage? On a une idée de qui est derrière ça? Doit-on se faire discret? demanda-t-il.
Il ignorait où se trouvait l'auberge exactement, mais vu la position du bâtiment du Cercle et le fait qu'ils étaient partis à pieds ce ne devait pas être loin...
D'ailleurs au détour d'une rue il aperçut devant eux l'enseigne de l'établissement, point de départ naturel de leurs investigations.
- Spoiler:
Désolé pour le temps de réponse x-x