| par Invité Sam 15 Mar - 21:54
| Assise sous le rayon artificiel du soleil du labyrinthe, je discutais d'un truc complètement dingue avec mon ex. Comme quoi, les situations que pouvait créer le destin avaient leur pesant d'ironie ! Nous étions coincés dans un endroit déverrouillé par quatre clefs, dont seulement deux étaient entrées en notre possession, alors qu'il nous semblait y être entrés depuis des heures, à discuter d'un rêve sortant de nulle part dans lequel un jeune psychopathe menaçait le vieux vampire de lui faire payer un obscure méfait.... Mais si l'homme en noir était vraiment tombé sur un exceptionnel télépathe qu'il avait accidentellement mis en colère, il avait du soucis à se faire ! J'osais espérer que le vampire se souvenait bien des cours de défense de l'esprit qu'on avait faits tous les deux. Je lui avais apprit comment protéger ses pensées d'un télépathe trop curieux, qui aurait eu envie de découvrir ce qui pouvait bien trotter dans la tête d'un immortel vieux de cinq siècles. Seulement, le pouvoir de ce jeune homme semblait bien différent du mien : je ne pouvais en rien altérer les pensées inconscientes des gens, surtout pas chez un être aussi puissant que Néro... Alors de là à contrôler ses rêves, les détourner pour y faire passer un message ? C'était totalement dingue ! Je n'avais d'ailleurs jamais pu rencontrer un être avec de tels dons. Qui sait ? Peut-être que cet obscur inconnu était en mesure de briser les protections mentales les plus élaborées, même les miennes... Ce qui voulait dire qu'on était tous en danger, puisque si quelqu'un mourrait dans ses rêves, il mourrait aussi dans la vraie vie... Encore que, pour les vampires, c'était peut-être différent ? Aucun pouvoir n'avait les mêmes règles qu'un autre, et aucune race ne subissait les mêmes effets... Alors quand à savoir ce que mon compagnon d'infortune ou moi pouvions risquer... C'était une autre paire de manches !
Compte tenu du passé houleux, sombre et opaque de mon ami, j'ignorais tout de l'origine de notre adversaire. Mais en tout cas, je fus touchée qu'il s'ouvre à moi comme il le faisait avant, sans avoir peur et sans chercher à se cacher :
-Ca a l'air tout à fait passionnant ça... Sérieusement, comment on peut espérer ne pas rendre les gens fous en les enfermant avec de vieux livres, dans une cellule miteuse et terne ? Pas étonnant que ça se soit retourné contre eux... En tout cas, si tu n'étais jamais sorti de cet endroit sordide, on ne se serait jamais rencontrés, et tu n'aurais jamais fini dans ce labyrinthe. Mais franchement, d'après ce que tu m'en dis, c'est toujours plus fun d'être coincés ici que là-bas... Je pense que tu as eu bien fait de ne pas massacrer les autres détenus. Après tout, vous étiez tous dans le même bateau...
Mes pouvoirs de télépathie étaient peut-être bloqués par la magie du labyrinthe, mais mon lien avec Néro était toujours effectif, et je vis aussi distinctement que si ces souvenirs étaient les miens, les murs gris, nus et froids de sa prison. Le frisson qui gagna l'échine du vampire sembla se propager jusqu'à moi, pour me parcourir à mon tour. On disait toujours que les vampires n'étaient pas sensibles au froid, ni à tout changement climatique, mais ce n'était pas vraiment exact. Sans compter que Néro était humain à cette époque, il était donc plus vulnérable, surtout aux intempéries. En tout cas, ça expliquait beaucoup de choses, notamment son caractère de tueur longuement refoulé. Je l'avais certes aidé à exprimer cette sauvagerie contenue, mais vu le résultat, j'aurais eu mieux fait de m'abstenir. Il était tellement violent, tellement incontrôlable... La seule personne qui avait réussi à le contenir, c'était moi et... Miku. Miku étant morte, si le vieux vampire venait à péter à nouveau les plombs, je serais la seule glissière de sécurité pour le retenir. Mais voilà : nous n'étions plus amants, il ne vivait plus chez moi, j'ignorais où il résidait, et s'il venait à être de nouveau pris de folie meurtrière, je serais sûrement trop loin pour pouvoir l'aider... Je frémis à cette idée, quand je revis ces longs épisodes de tueries, auxquels j'avais également participé. J'avais tué beaucoup d'innocents dans ma vie, que ce soit avant de le rencontrer, ou pendant que je sortais avec lui... Aujourd'hui, j'avais décidé de me racheter une conduite, seulement... Il m'arrivait encore de tuer mes cibles par accident, alors que je me laissais emporter par mes pulsions. Comme quoi, tout le monde pouvait être soudainement impossible à arrêter.
Mais pour l'instant, ce qui était impossible à toucher, c'étaient ces maudites clefs qui ouvraient le portail ! J'avais envie de m'éclipser, pour retrouver ma compagne qui m'attendait à la maison, sûrement inquiète par mon retard alors qu'elle avait dû venir chez moi après son service, mais j'avais aussi envie de rester ici pour continuer à discuter avec Néro. Après tout, les longues semaines que nous avions passées ensemble nous avaient permis d'apprendre à nous connaître, mais il y avait encore tant de choses que nous ne savions pas sur l'autre.... Sans compter que ce labyrinthe semblait toujours nous réserver de nouvelles surprises, toutes plus dingues les unes que les autres, ce qui donnait un côté très attractif à cet endroit angélique. Pendant ce temps, mon compagnon à plumes couleur saphir continuait à jouer avec agitation, mordillant la ficelle d'or qui composait mon nouveau « collier ». Il remuait ses petits ailes, chatouillant mon cou en émettant de petits piaillements joyeux. Mécaniquement, comme par instinct, je lui grattouillais le dos, alors qu'il claquais doucement qui bec dans un son mélodieux.
-Oui, effectivement, tu l'aurais vite su. Mais le fait est que chez les vampires, concevoir un enfant est très improbable, même en mettant tant d'ardeur à la tâche que nous le faisions ! N'est-ce pas mon cher ? Seulement, je n'arrive pas à m'expliquer cette ressemblance insensée. C'est vraiment étrange. Mais si ce gosse est vraiment le tien, il saura où te trouver. Tu en auras le cœur net, au moins. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il a l'air d'en avoir après toi... Et en effet, si ce type a des pouvoirs aussi formidables que je le pense, tu as effectivement intérêt à te méfier. Il risquerait de te mettre dans une situation impossible, surtout s'il agit dans l'inconscient. Parce que repousser un télépathe qui agit pendant le sommeil, c'est dur.
Je lui rendis son sourire cynique, puisqu'on avait le même humour noir. Après tout, si on ne pouvait pas plaisanter de notre histoire, de notre passé commun, on en pleurerait. Et franchement, après les moments qu'on avait passés, je n'avais pas envie d'avoir de regret. Et puis, c'était un homme sympa quand on savait le connaître, je n'avais pas envie de m'éloigner de lui. Si la complicité amoureuse avait disparue, elle ne s'était pas totalement effacée, pour nous offrir une nouvelle option : une amitié sincère et ouverte, sans jugements.
-Et puis s'il est si jeune, il risque tout de même d'avoir du fil à retordre. Sans compter que les pouvoirs psychiques sont très difficiles à utiliser, très éprouvants. Un télépathe, même très puissant, fatigue vite. Et s'il n'agit que lorsque ses victimes sont endormies, ça réduit les risques. Parce que, même si les vampires dorment, ce n'est en général pas leur activité favorite, et tu étais souvent réveillé avant moi, alors il y a peu de chance qu'il arrive à vraiment te faire du mal. Mais si tu te souviens bien de ce que je t'ai enseigné sur les défenses mentales, ça devrait aller. Au pire, si tu as besoin d'aide pour foutre une branlée à ce petit merdeux, appelle-moi.
Je lui fis un clin d'œil complice. Il était vrai que ce ne serait pas la dernière personne à en vouloir à la vie du vampire. Si on y repensait bien, j'avais moi-même voulu me débarrasser de lui avant de le séduire, la première fois que je l'avais rencontré. Nous avions été opposés dans un combat à mort, alors qu'il voulait défendre Eleonor, la vampire végétarienne, alors que j'avais moi-même pété les plombs il y avait de ça un bon moment. En attendant, la morosité ne faisait pas partie du caractère de nos petits compagnons, et le poussin rouge du vampire vint de nouveau se percher sur le chapeau de sa mère adoptive en piaillant avec énergie. Je suivis le vampire, qui s'était jeté à la poursuite de son ami emplumé, une fois arrivés à une intersection. Nous tombâmes sur un œuf absolument magnifique, à la couleur de l'émeraude, et ressemblant à un bijou à la valeur indéfinissable. Les pensées pleines d'humour de mon compagnon à deux jambes me tira un sourire. Le lien indéfectible que nous avions tissé en échangeant nos sangs me permettait de lire dans sa tête alors que ma capacité était bloquée, même si c'était moi précis, comme si une fréquence de radio était brouillée. Alors que le vampire prenait l'oeuf, il n'eut pas le réflexe immédiat de le jeter au loin comme je l'avais fait tout à l'heure, et l'objet lui sauta à la figure, lui laissant des traces de suie noire sur le visage. Je fus prise d'une fou-rire tordant, une larme de sang coulant même de mes yeux :
-Ce labyrinthe ne doit pas t'aimer, mon vieux ! Tu as l'air d'un indien comme ça, il ne manque plus que les doubles traits sur les joues et une couronne de plumes sur les cheveux ! Remarque, si tu veux avoir l'air plus ressemblant, tu peux toujours en emprunter une ou deux à ton camarade à deux pattes ! |
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