Avventura
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Message par Invité Dim 8 Sep - 17:23

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[A ceux et celles qui suivent les avventures de Natsume: d'abord, merci ! *sort* Ce rp est la suite de celui que nous avons écrit, Vegeo et moi ici, suite qui arrive très tardivement je sais. Je mettrai correctement à jour ma fiche parcours une fois le changement de race de Natsume effectué, que vous puissiez vous y retrouver. Sur ce, bonne lecture.]


La tête emplie des battements saccadés de son cœur, Natsume n'eut pas le courage, contrairement à son ami, de jeter un regard en arrière, en direction de la forêt corrompue et de ses profondeurs. Si les prédateurs naturels existaient pour les humains, la menace qu'ils avaient réussi à semer là-bas, était bien réelle, quant à elle. Dire qu'ils n'avaient pas spécialement couru pour s'échapper des bois -et des griffes du lycan- et pourtant, l'étudiant eut du mal à retrouver son souffle. Parce que la perspective de mourir sous les coups du lieutenant, après que celui-ci eut obtenu les informations qu'il désirait, lui avait étreint la poitrine plus que prévu ? Du moins, l'adrénaline du moment l'avait préservé de sa peur et de la tension omniprésente dans les bois dévastés. Qu'à présent que le danger était derrière eux, au sens propre comme au sens figuré, le trop plein d'émotions venait de lâcher ? Étrangement, l'élémentaire ne reprit pas immédiatement la parole. Était-il lui aussi au prise avec ses pensées, concernant l'individu qu'il venait d'assommer ? Basculant en avant, Natsume vint poser ses mains sur ses genoux, respirant par à coups. Dans cette position, quelques mèches blanches lui retombant devant les yeux, il ne pouvait pas voir les faits et gestes de Vegeo, si ce dernier lorgnait dans sa direction ou non, peut-être pour s'assurer de son état, tout en attendant un signe de sa part ? Mais avait-il seulement envie de croiser le regard émeraude ? Les paroles de son ami repassaient en boucle dans son esprit alors que les battements de son cœur revenaient doucement à la normale. Le massacre de Saphira... Si le garçon ne s'était tenu qu'aux propos de leur agresseur, les doutes sur la culpabilité de la darkness trouvaient encore une raison d'exister. La folie meurtrière de cet homme permettait de remettre en question ce qu'il lui avait craché à la figure. Mais... Que devait-il penser si Vegeo lui-même confirmer les accusations du lieutenant ? Est-ce que la jeune serveuse avait réellement tué ? Non, l'élémentaire était-il capable de mentir sur ce point ? A cette question, Natsume trouva immédiatement la réponse. Donc si ce que rapportait son ami était vrai alors... Sa gorge se serra et il eut soudain envie de ne plus sentir la présence de Vegeo à ses côtés. Il se sentait mal. Mal de s'être mêlé au différend de son ami et du lycan, alors qu'il était le dernier informé des actions de celle qu'il considérait comme sa petite amie. D'autant plus que le lieutenant semblait décidé à les laisser partir, du moins, jusqu'à ce que l'étudiant laissa échapper le nom de la darkness. Par sa faute, il les avait mis en danger, l'élémentaire et lui. Il avait beau essayer de faire des efforts, au final, cela revenait toujours au même : il créait des ennuis à autrui, y compris à son entourage proche. Son entourage... Quand il constatait la confiance que Saphira plaçait en lui en disparaissant de sa vie au premier dérapage de l'entité qui l'habitait elle aussi, Natsume en venait à se poser des questions. Il ne pouvait pas lui reprocher quoique ce soit, d'une parce qu'il l'aimait et aussi parce qu'il comprenait ce que devait probablement ressentir la jeune femme. Mais pensait-elle qu'il ne soit pas capable de l'accepter telle qu'elle ? Avec ses qualités tout comme ses défauts et faiblesses ? Alors qu'il s'était montré sous un bien mauvais jour lors de leur rencontre ? Dépressif et suicidaire... Est-ce que la darkness pensait être pire que cela ?

« Selon moi, nous pouvons envisager l'idée d'être en sécurité.. On devrait se diriger vers les urgences maintenant, tu n'es pas dans un bel état. »

 « Hein ? »

Les propos de l'élémentaire ne lui étaient pas immédiatement parvenus. Disons qu'il l'avait vaguement entendu parler mais que le son de la voix de son ami avait lentement augmenté au fur et à mesure que ce dernier s'adressait à lui. Comme pour ramener, en douceur, Natsume au moment présent. L'étudiant jeta un regard en direction de son interlocuteur avant de reprendre, mal à l'aise, une position adéquate pour converser avec lui. Car oui, il ne pouvait pas envisager l'optique de partir en courant sans un mot d'explication pour Vegeo, encore moins espérer que le sol s'ouvrit sous ses pieds pour qu'il puisse disparaître sous terre, tellement il ne savait pas comment se comporter envers l'élémentaire. Devait-il se sentir coupable pour avoir agi comme un imbécile ? Le plaindre pour les tragiques événements dont il semblait être le malheureux témoin ? Le remercier pour lui avoir sauvé la vie, une seconde fois, voir peut-être, pour la troisième fois depuis qu'ils se connaissaient ? Le garçon trouva sa réponse dans les iris émeraude de son ami. Ce dernier semblait sincèrement inquiet pour son état, déjà qu'avant leur rencontre brutale avec le lycan, les bandages présents à différents endroits sur le corps de Natsume, laissaient entendre qu'il avait récemment eu une douloureuse aventure. N'était-ce peut-être pas Vegeo qui culpabilisait plus que lui au final ? Cette idée lui arracha un faible sourire. Même en faisant des efforts de son côté, l'élémentaire redoutait toujours le pire pour lui ?

 « Non, ça va aller je crois. Par chance, je n'ai rien de cassé, simplement quelques bleus pour les jours à venir... Aïe ! »

Tout en parlant, l'étudiant avait porté une main à son visage où la sensation du sang était toujours désagréablement perceptible. Il ne mentait pas. Sa mâchoire, bien que douloureuse à cause du coup porté par le lieutenant, n'était pas cassé, heureusement. Quant à ses côtes... Une plainte lui échappa quand il passa ensuite sa main dessus. La force d'un lycan faisait des ravages. Il s'attendait à quoi ? Il ferait mieux de remercier qui voulait l'entendre pour s'en être tiré presque indemne. Plus de peur que de mal finalement. Natsume se demanda s'il avait convaincu son interlocuteur à travers ces mots et sa petite démonstration. Après tout, il ne s'imaginait pas remettre les pieds à l'hôpital, pour y avoir passé plusieurs jours il y a peu. Cela ne servirait qu'à inquiéter le personnel soignant qui allait se poser de sérieuses questions sur l'instinct de survie de leur patient récidiviste. Pire encore, attirer des ennuis à Vegeo qui serait certainement questionner pour comprendre l'origine de l'état du garçon. Et cela, ni l'un ni l'autre n'en avait probablement envie. Cependant, le garçon se demanda rapidement si son ami avait raison d'affirmer qu'ils étaient à présent en sécurité ? Il n'avait pas l'intention de l'interroger pour savoir ce qu'il pensait du sort du lycan mais ces créatures n'étaient pas plus fortes et résistances que les humains ? Ne pourrait-il pas retrouver leur trace rapidement grâce à son odorat ? Surtout qu'ils étaient encore proches des bois. L'idée de voir surgir d'entre les arbres calcinés, la silhouette inquiétante de l'homme, poussa Natsume à agir. Qu'importe les dires de son ami, ils n'était pas encore en sécurité ici. Mais où pouvaient-ils aller ? L'hôpital ? Hors de question pour les raisons mentionnées plus haut et puis, peut-être que le prétendu policier penserait à jeter un coup d’œil du côté de l'imposant bâtiment blanc pour s'assurer que ses deux proies ne s'y trouvaient pas. Se séparer pour rentrer chacun chez soi, afin de brouiller les pistes ? Même si cette optique là tenait la route, l'étudiant ne se voyait pas laisser l'élémentaire seul. Il ne voulait pas imaginer ce que le lieutenant lui ferait subit s'il remettait la main dessus. Et puis... Natsume avait besoin de savoir quelque chose, même si amener le sujet semblait délicat pour eux deux. Et si Vegeo se doutait que les interrogations devaient se bousculer dans la tête de son interlocuteur ? Éviterait-il le face à face ? Le garçon réfléchit un moment. Lui proposer de venir à l'appartement ? Ni Leann, ni Mikû, à supposer qu'elles soient présentes, ne s'en offusquerait.

 « Vegeo, on ne peut pas rester ici et prendre le risque qu'il nous retrouve. Est-ce que... Tu veux venir chez moi ? Je suis en colocation mais ça ne posera pas de problème je pense. »

Puis après un bref instant de silence, il préféra ajouter rapidement :

 « Tu peux refuser si tu veux mais... Je ne me le pardonnerai pas si jamais il te retrouvait... »

En avait-il trop dit ? L'étudiant n'osa pas regarder son interlocuteur droit dans les yeux pendant un long moment mais quand leurs regards se croisèrent de nouveau, il put y lire l'amusement et la gratitude. Ou alors était-ce une illusion ? Quoiqu'il en soit, sa poitrine se gonfla de soulagement lorsque son ami accepta sa proposition. Mais bien vite, un léger sentiment de honte s'empara de lui. Dire qu'il faisait tout ceci pour le bien de l'élémentaire était en partie vrai sauf qu'il désirait également en apprendre davantage sur ce qui s'était passé entre lui et Saphira. Le garçon avait la désagréable impression de tromper Vegeo mais il s'efforça de faire taire sa conscience. Ils prirent donc -plus vite qu'ils ne l'auraient cru- la direction du quartier HLM. De là où ils se trouvaient, à la lisière des bois, ils pouvaient apercevoir les immeubles donnait l'illusion qu'ils touchaient le ciel du haut de leur ensemble fait de béton et de fer. A vue d’œil, les deux amis n'étaient qu'à quelques minutes du quartier vers lequel ils se dirigeaient, ce qui rassura amplement Natsume. Bientôt, ils seraient temporairement en sécurité. Temporairement... Arrivés devant le building où logeait l'étudiant, ce dernier mena l'élémentaire jusqu'à l'appartement qu'il partageait avec les deux jeunes femmes. Par chance, aucune d'entre elles ne fit son apparition alors que le garçon annonçait oralement leur venue. Il haussa les épaules après que Vegeo lui eut lancé un regard amusé concernant le silence radio qui suivit la prise de parole de son ami. L'appartement n'avait en rien changé depuis son court séjour à l'hôpital. Et si jamais ses deux colocataires revenaient plus tôt que prévu ? Natsume y réfléchit rapidement et proposa plutôt à son interlocuteur de poursuivre leur conversation dans sa chambre, première porte sur la gauche en pénétrant dans le salon. Au moins, il pourrait cacher un peu plus longtemps la venue de son ami dans l'appartement. Il n'en avait pas honte, seulement, il voulait éviter les questions de ses colocataires, en particulier Mikû qui allait certainement se montrer curieuse.

 « Tu veux boire quelque chose ? » demanda t-il soudain en lui désignant la porte de sa chambre.

Le temps que l'élémentaire lui réponde en prenant la direction de la pièce indiquée, le garçon pensait avoir le temps de remplir deux verres d'eau, à défaut d'avoir autre chose à disposition dans la cuisine, puis de leur apporter directement dans la chambre. Le liquide transparent aurait au moins le mérite d'effacer le goût métallique du sang, encore présent dans sa bouche suite au coup de poing du lycan.

Message par Invité Mer 18 Sep - 20:07

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Pendant que Natsume était à la recherche du souffle de ses poumons, l'élémentaire dardait son regard vers la ville et ses nombreux bâtiments. C'était comme le jour de sa naissance, le même sentiment contournait son cœur pour l'enfermer dans une cage. À la vue de la grisaille des demeures de la cité, le cerveau du jeune homme s'embrouilla discrètement et son muscle cardiaque sembla se dissimuler sans un bruit. Si une forme de chagrin était toujours présente quand il faisait la comparaison entre la ville et la forêt, le fond de son émotion n'était plus aussi dramatique. Après tout maintenant, et depuis bientôt deux mois, une jeune femme partageait sa vie et transformait son quotidien en un moment plus que beau. Oui, Eleonor Doherty était une lumière qui rendait l'obscurité moins dense, elle était le sucre qui rendait la saveur de la vie plus douce, elle était un phare qui dans la nuit était son guide à lui, navire perdu dans l'immensité du monde. L'ancienne doctoresse était toutes ces choses à la fois, et l'élémentaire avait au fond de lui l'espoir qu'il en était de même pour elle. Il avait la profonde et impalpable envie d'être une force pour la jeune vampire, quand sa forme était absente ; il voulait être un souffle quand l'air lui manquait ; un ami quand elle avait besoin de se confier ; un coussin quand elle voulait se reposer ; un amour quand la vie était trop compliquée. Alors qu'il clignait des yeux pour dissimuler ses iris à un dernier rayon de soleil, il plongea ses mains dans ses poches tout en soupirant. Une nouvelle bouffée d'air et les choses allaient encore évoluer.

« Hein ? »

Il se retourna pour observer Natsume, qui semblait ne pas avoir entendu avec précision sa remarque. Sans le quitter des yeux il songeait à la vie du jeune homme, à l'apparence de son quotidien. Quelle vie pouvait-il bien avoir, avec au fond de son âme la sombre présence d'Elisabeth ? Quelle joie pouvait-il éprouver, quand dans les recoins de sa conscience, les hurlements de souffrance de la Darkness se faisaient entendre ? Les journées de son ami n'étaient probablement pas constituées d'un paquet d'optimisme et de détente. Mais au fond, qui pouvait bien se vanter de vivre une vie éloignée de tout traumatisme ? Après tout chaque personne dans cette ville semblait cacher un passé de chagrin et d'épreuves. Réalisant dans son regard que l'humain venait de comprendre le sens de sa question, il n'ajouta rien et attendit sa réponse en respirant délicatement, nullement inquiet de Rod Hartmann et de son improbable retour : c'est que le bois est une chose qui cogne fort. Non, son appréhension n'était pas celle d'un danger qui pouvait revenir, mais celle d'un pouvoir qui encore n'était pas assez maîtrisé. Bien entendu il était relativement fier de sa prestation auprès du lieutenant, là n'était pas le soucis ; mais il s'en voulait de ne pas avoir réagi assez vite. *Quelle sombre idée..* pensait-il *de s'être lancé vers son bras en lui demandant d'agir en homme de bien..*, alors qu'il savait déjà de quoi il était capable. C'était comme tenter de raisonner un taureau qui venait de subir les avances de son torero, on ne pouvait raisonner une bête qui voulait tuer.

« Non, ça va aller je crois. Par chance, je n'ai rien de cassé, simplement quelques bleus pour les jours à venir... Aïe ! »

Au petit Aïe de son ami, l'élémentaire grimaça en silence. Il avait bien du mal à envisager que les dégâts de Natsume soient aussi légers, mais d'un autre côté il ne pouvait certainement pas savoir comment il encaissait réellement la douleur. Il l'observa toujours en silence quand il passa la main sur ses côtes, lâchant une seconde plainte dans le vent. Tout en détaillant l'hôte de la sombre Elisabeth il songea à Leann, jeune femme rencontrée au détour d'une ruelle. À nouveau donc, une personne dans un état peu enviable ne voulait pas se diriger vers l'hôpital. À contrecœur il se demandait s'il devait décider d'approuver sans piper mot.

« Vegeo, on ne peut pas rester ici et prendre le risque qu'il nous retrouve. Est-ce que... Tu veux venir chez moi ? Je suis en colocation mais ça ne posera pas de problème je pense. »

La structure médicale de l'Avventura devait avoir une bien mauvaise réputation, pour qu'autant de personnes s'évertuent à l'éviter. Toujours silencieux, il observa Natsume pendant deux brèves secondes, jaugeant son état de santé et se souvenant des coups offerts gracieusement par le lieutenant Hartmann. C'était un lycan, il ne s'était pas spécialement retenu lors de cette confrontation. Même si sa forme était humaine, sa force était probablement bien plus importante que celle d'un simple bipède sans pouvoirs défensifs. Que devait-il penser ? Il songea une nouvelle fois à Leann et à son refus catégorique de se rendre vers l'établissement hospitalier ; Natsume aussi avait-il une bonne raison ? Probablement. Bien que contraire au geste, il accepta tout de même d'un discret mouvement de tête. Toujours en soutenant le regard de son ami, curieux, il décida de lui faire confiance. Si concrètement il n'était pas convaincu le moins du monde, il envisageait tout de même le fait que le jeune humain savait ce qu'il faisait. Puis de toute façon il devait mener son combat contre Elisabeth, à sa façon, il n'allait sûrement pas s'autoriser à mourir suite aux blessures de cette rencontré infortunée. À sa précédente proposition il ajouta une phrase qui ne manqua pas de proposer à l'élémentaire tout un panel d'émotions soudaines, qui se mélangèrent dans une peinture bien originale. Optant d'abord pour un air dérangé - parce que c'était généralement son habitude de s'inquiéter du sort des autres ; il glissa ensuite vers un visage bien plus serein. Son interlocuteur se souciait moins de son état de santé et plus de celui de Vegeo, ce qui était paradoxale quand on faisait une rapide comparaison de leurs corps en ce moment ; d'autre part il était heureux de constater son importance aux yeux de l'humain. Pourquoi ce sentiment positif ? La réponse était bien simple : pouvait-on réagir autrement quand on était seul depuis sa naissance ? Pouvait-on vraiment ne pas être touché par le fait qu'en fin de compte, on était pas qu'une ombre de passage dans le quotidien de nos rencontres ? Question rhétorique que celle-ci. Il détourna la tête d'un air faussement touché et balaya l'air de sa main, comme pour chasser la remarque de son camarade.

"C'est bon, c'est bon.." répondit-il de manière évasive, en réprimant sans trop de succès un sourire naissant "Allons-y plutôt, avant que le soir ne tombe.."

Emboîtant le pas à Natsume, Vegeo s'enferma dans un silence profond pendant le trajet. Les rues n'étaient pas vides, mais pourtant il avait la sensation d'entendre l'écho de leurs pas se répercuter sur la paroi des immeubles alentours ; une zone de silence s'était enroulée autour d'eux et même si les rumeurs de la ville étaient nombreuses, il avait au fond de l'âme la presque-certitude de marcher dans une église. Tâchant de ne pas trop se perdre dans ses pensées, il baladait son regard du sol à la nuque de son ami, tout en songeant..songeant..songeant. Observant les cheveux blancs qui se balançaient devant lui, au rythme d'une démarche un peu irrégulière, il se posait de nombreuses questions. Pourquoi ces actions malfaisantes de la part de la Darkness, sur le corps de son hôte ? Pourquoi s'être isolé seul dans la forêt ? Pourquoi ce manque de réactivité face au danger représenté par le lieutenant ? Pourquoi ce combat inévitable contre Elisabeth ? Mais surtout, et plus que tout, la question était "Comment ?" Oui, comment. Comment Natsume pouvait savoir des choses sur Saphira ? Comment était son lien avec cette personne ? Ce duo de questions occupa l'élémentaire pendant un bout de chemin, jusqu'au moment où la porte de la demeure de l'humain coulissa sur ses gonds. Trop plongé dans ses pensées, il sursauta doucement quand son ami s'annonça. Il cligna des yeux et entra dans l'appartement, amusé par sa propre réaction et par cette étrange habitude de son camarade. Il fallait avouer qu'Eleonor et lui-même ne suivaient pas vraiment les mêmes rythmes journaliers : préciser qu'il venait de rentrer n'était donc pas chose courante. Posant son attention dans les moindres coins et recoins de la pièce dans laquelle il se trouvait, il se souvint de quelque chose. Une étrange sensation s'installa dans sa conscience. Il regarda vers la porte d'entrée, puis vers Natsume qui pointait du doigt un encadrement non loin de là.

« Tu veux boire quelque chose ? »

Le regard perdu dans le néant, le cerveau en recherche d'un souvenir bien précis, il balbutia sa réponse au lieu de la rendre bien audible.

"Je..oui je.." commença-t-il "..pourquoi pas.." toussa-t-il ensuite, tout en se dirigeant vers l'endroit indiqué.

Il chercha une image particulière, en se remémorant le trajet qu'il venait de faire. Il se souvint donc des routes, des immeubles, des bruits..puis se retourna vers la porte d'entrée, le visage pâle. Cet appartement, ce n'était pas justement...?

*Mais..ici c'est..c'est l'endroit où je suis venu avec Leann, cette nuit-là ?!* songea-t-il.

Sans trop se laisser le temps de penser, il se dirigea vers ce qui était en fait une chambre..avec dans la tête une nuée de questions. Le destin était-il vraiment farceur à ce point ? Le hasard était-il donc si joueur ? L'élémentaire se gratta la tête en entrant dans la pièce de l'humain. Entre Elisabeth et Vegeo un lien invisible existait pour sûr ; maintenant un autre fil se tissait entre lui et l'hôte de la Darkness. Bien entendu c'était une coïncidence mais..c'était déroutant. Il rangea ses pensées dans un coin de son cerveau et regarda autour de lui, observant l'endroit où se déroulaient les nuits de Natsume et de sa compagne non-désirée. Avant de s'asseoir sur le lit et sans trop se poser la question de la courtoisie - il fallait avouer qu'il était perturbé par la situation - il nota une radio qu'il alluma par instinct. Pendant que le matelas accueillait les formes de l'élémentaire, quelques notes vibraient déjà dans la pièce. Ses iris vagabondaient dans un endroit de lui seul connu, ses pensées étaient ailleurs ; Vegeo frissonna doucement. Il songeait à ses rêves, à Elisabeth, à Natsume ; il songeait à ses cauchemars, à Saphira, à son présent et son avenir ; il était inquiet de trouver une réponse aux questions de son camarade ; il était chagriné par son propre manque de puissance et de sagesse dans cette situation. Soupirant un bon coup, il recula sa tête et regarda le plafond en détaillant les mystères qui encore se bousculaient. Le lien avec Saphira, le lien avec Leann ; l'avenir d'un humain, l'avenir d'une Darkness ; devait-il questionner son ami pour trouver les réponses ou rester muet ? Le son d'une personne arrivant dans la chambre se présenta et alors que Natsume entrait, Vegeo se levait. Dans le vert de ses iris se dénotait un besoin intense : celui de savoir.

"Elle voulait me tuer..Saphira..." avoua-t-il dans un murmure "..c'était en Octobre..." ajouta-il alors que ses yeux s'embuaient sans pour autant laisser place aux larmes, qui depuis la rencontre avec la Darkness n'étaient plus les filles d'un simple chagrin.

Il s'abandonna et confia son passé pour la première fois. Sans laisser à son hôte le temps de rétorquer il détailla son histoire. Il raconta son départ de la ville après le passage à l'hôpital, le jour de sa naissance ; il raconta son isolement dans la forêt pour maîtriser ses pouvoirs et sa découverte d'un fait important : il était un élémentaire ; il raconta son retour en ville et sa rencontre avec une jeune femme qui s'était proposée de l'aider. Cette jeune habitante de l'Avventura, c'était Saphira. Dans une ruelle elle s'était montrée sous sa véritable apparence, jouant avec sa vie et son avenir. Puis un homme était arrivé pour le sauver, un policier, le frère de Rod Hartmann ; il était mort. Vegeo qui ne pouvait pas utiliser ses pouvoirs - on ne trouvait pas beaucoup de plantes en ville - s'était retrouvé impuissant. Chargeant le corps de son sauveur sur son dos, en proie à la folie, il s'était éloigné doucement de la Darkness, qui s'était amusée à le taillader de sa lame, pour ensuite lui imposer des visions d'horreur en boucle : la mort de l'agent principalement. Il parla du moment où la faucheuse, porteuse du point final de nombreuses vies, s'était dirigée vers lui, posant ses lèvres sur les siennes pour un dernier baiser ; il parla de son envie profonde d'en finir et de sa seule certitude sur l'instant, celle qu'il ne méritait que de mourir de la main de la Darkness, parce que tout était de sa faute. Il lui expliqua l'aide d'un simple rayon de soleil, sa fuite avec le corps inerte du policier, le retour de Saphira quelques instants plus tard. Il termina en lui racontant en détail l'intervention des forces de l'ordre, puis leur anéantissement par la meurtrière : les corps démembrés, la mare de sang dans laquelle il s'était retrouvé paralysé, traumatisé, hurlant sa détresse et sa folie. Finalement il confia le début d'une séance de torture dans les locaux de la police, par le lieutenant Rod Hartmann qui était le premier arrivé sur les lieux et qui voulait savoir qui était responsable de la mort de son frère.

Ses pupilles étaient maintenant minuscules, son corps tremblait doucement : une crise d'angoisse venait frapper à la porte ; son âme perdue dans le vague se déchirait à cause du retour de ces souvenirs douloureux. Il regarda Natsume pendant quelques secondes, avec sur le visage l'ombre de la folie de cette sombre journée, puis cligna des yeux et se posa sur le lit, sans un mot, tournant la tête et toussant pour reprendre contenance. Alors que ses frissons s’amenuisaient lentement et qu'il calmait son angoisse profonde, il attendait la réaction de son camarade. Le silence était à présent maître de la pièce oui, mais pour combien de secondes encore ?

Message par Invité Dim 22 Sep - 19:10

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Fait étrange, la réponse de son ami ne lui parvint pas immédiatement. Qu'est-ce qui pouvait le rendre si inattentif  tout d'un coup ? Alors même qu'à peine quelques minutes plus tôt, il s'était sérieusement soucié de l'état du jeune albinos ? Fronçant les sourcils, Natsume reporta son attention sur l'élémentaire qui progressait doucement dans le salon. Il ne pouvait pas croire que son interlocuteur réfléchissait sérieusement à la réponse qu'il pouvait lui donner. Un simple « non » n'aurait pas posé problème, de plus, il doutait que Vegeo ait des préférences en matière de boissons. Si ce dernier souhaitait réellement boire quelque chose en sa compagnie, alors simplement de l'eau suffirait pour eux deux. A vrai dire, le garçon ne voyait pas trop quoi lui proposer d'autre... Ses colocataires et lui avaient de quoi se permettre quelques dépenses en plus mais aucun des trois amis n'était friand d'alcool à moins qu'il ou elle le cachait bien aux yeux des autres. En réalité, c'était par politesse que l'étudiant avait proposé à son interlocuteur de prendre quelque chose mais également parce qu'il avait besoin de réfléchir un peu seul à ce qui venait de se passer. Et s'isoler dans la cuisine, en prétextant préparer les verres tandis que Vegeo serait en train de l'attendre dans la chambre, était tout ce que le garçon désirait pour le moment. Il ne bénéficierait pas d'une masse de minutes pour se reprendre, sinon l'élémentaire allait se poser des questions voir pire, le rejoindre et le découvrir un brin déstabilisé par son retour. Devait-il demander à son ami ce qu'il savait à propos de Saphira ? L'entreprise semblait délicate, notamment en raison de ce que le jeune barman avait récemment appris sur elle. Il ne se voilait pas la face, la darkness elle-même l'avait prévenu qu'elle avait une longue liste de meurtres sur les deux bras et tant de sang sur les mains. Mais si elle lui avait promis de changer et de lutter contre cette autre partie d'elle, le silence de la jeune femme commençait à l'inquiéter. Et si elle avait commis à nouveau des atrocités ? Vegeo en avait-il fait les frais ? L'étudiant ne s'imaginait tout simplement pas prendre la défense de son amante devant son ami, sans mieux connaître la situation. Mais qui était-il pour demander des explications ? Et si l'élémentaire, aussi gentil était-il, se refusait à tout commentaire ? Natsume n'était pas en position d'exiger quoique ce soit de lui, étant suffisamment reconnaissant comme cela envers son interlocuteur. Pire encore, et si son ami s'offusquait de son insistance et décider de ne plus lui adresser la parole ? Tout en remplissant deux verres, le garçon secoua doucement la tête pour chasser ce genre de pensées négatives. Vegeo ne pouvait pas être ce genre de personne. Alors pourquoi craignait-il à ce point sa réaction ? Parce que... Il ne savait rien de lui au final ?... Oui, cela sonnait comme une raison valable...

Étouffant un ultime soupir, Natsume finit par se retourner pour prendre la direction de sa chambre, un verre rempli à moitié dans chaque main. En approchant de la porte laissée ouverte, il discerna de la musique et ne put réprimer un sourire en constatant que son ami prenait déjà ses aises. Dans un sens, cela le rassurait plus que ne l'irritait vraiment comme cela pourrait être le cas avec certaines personnes qui détestaient que l'on toucha à leurs affaires. Le garçon avait encore du mal à se dire qu'il possédait une partie des biens présents dans l'appartement, en raison du fait qu'il avait longtemps vécu seul, préférant subvenir seul à ses besoins pour éviter de causer des problèmes à son entourage. A cette idée, de nouvelles idées noires l'assaillirent et il se mordit violemment les lèvres pour les oublier. Le regard rubis se posa rapidement sur la silhouette de l'élémentaire mais avant que l'étudiant n'ait le temps de s'approcher de lui pour lui tendre l'un des verres, ou même d'ouvrir la bouche pour lui poser la moindre question, Vegeo s'était soudain levé. Pris de court, le jeune barman ne sut plus quoi faire, s'il devait reculer ou au contraire, continuer d'avancer en direction de son ami. Dans le doute, il s'arrêta net, le dévisageant prudemment. Mais ce qu'il lut dans les iris émeraude lui donna un avant goût de ce que son interlocuteur s'apprêtait à lui dévoiler. La première phrase de ce dernier, bien que prononcée doucement, entre-coupée d'hésitations, fit blêmir Natsume. Il manqua de peu de lâcher les verres et resserra sa prise autour de chacun des récipients transparents, jusqu'à s'en faire blanchir les jointures. Il doutait d'avoir la force nécessaire pour briser les verres mais ne trouvant rien de mieux à faire, l'étudiant demeura dans cette position, écoutant la suite des propos de son ami. Il apprit ainsi ce qu'avait été l'existence du pauvre homme, à partir du moment où il avait rencontré brièvement Elisabeth la nuit de sa naissance, la découverte de cette ville étrange et violente ainsi que de ses véritables pouvoirs pour enfin croiser la route d'une autre darkness, tout aussi amicale que celle à l'origine de sa naissance. Le garçon fut horrifié en entendant les détails sordides de cette rencontre, se reconnaissant sans peine dans le comportement de Vegeo. Finalement, il était tout aussi perdu que lui quand il errait dans les rues, songeant à en finir. L'élémentaire n'avait jamais eu ce genre de pensée, du moins, l'espérait-il pour lui mais il ne trouvait pas plus sa place dans ce monde que Natsume. Et surtout, la jeune femme, à l'origine du calvaire de son ami avait agi de la même manière avec eux. D'abord en les approchant amicalement, dans le but de les aider pour enfin se servir d'eux dans son propre et sinistre intérêt.

Sentant sa gorge se nouer, incapable de dire quoique ce soit, même si son interlocuteur ne lui en donna pas tellement l'occasion, le garçon finit par poser machinalement les verres sur la petite commode derrière lui, là où se trouvait le poste de radio. Il ne préférait pas savoir ce qu'il serait advenu des récipients transparents s'il les avait seulement gardés en main quelques minutes supplémentaires. L'étudiant ne tourna pas le dos à Vegeo pour autant. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait mais il savait au fond de lui que son ami ne lui racontait pas tout cela pour se heurter à un mur de résignation. Ce serait cracher sur la confiance que lui accordait l'élémentaire en osant ainsi se confier à lui, alors même que Natsume prévoyait justement de lui demander des explications. Comment reprocher à son interlocuteur son choix ? Ou comment défendre la jeune femme en sachant ce qu'elle lui avait fait subir ? Est-ce que Vegeo pourrait comprendre sa situation ? Il acceptait bien Elisabeth après tout... A présent, le garçon n'osait même plus interrompre son ami, sentant que ce dernier avait besoin de parler. Personne ne pouvait garder pareil traumatisme en lui, indéfiniment sans jamais l'évacuer, même en face d'un psychologue. Bien que l'étudiant abordait ce genre de cas dans ces cours théoriques, il n'eut pas l'idée de l'appliquer sur l'élémentaire. Ce n'était pas en tant que futur psychologue qu'il se tenait en face de Vegeo mais comme un ami. Finalement, le silence revint dans la chambre, chacun se perdant dans ses propos pensées. Natsume observait, presque timidement, les tremblements qui agitaient le corps de son interlocuteur, diminuer progressivement pour ne plus ressembler qu'à de brefs frissons. Que pouvait-il bien dire ? Essayer d'apporter un soutien moral à l'élémentaire ? Comme un moyen de lui rendre la pareille pour l'avoir sauvé des griffes du lycan? Mais s'en sentait-il au moins capable ? Il ne savait pas trouver les mots...  Et si... La solution la plus simple consistait à lui raconter son propre vécu également ? Son expérience avec Saphira, qu'il comprenne qu'ils avaient traversé les mêmes choses ou presque mais que la darkness n'était pas qu'un monstre comme son ami pouvait le penser suite à sa mésaventure. Le regard rubis se fit vague, tandis que le garçon se perdait dans ses souvenirs. Il ne pouvait pas oublier sa rencontre avec la jeune femme, pas plus qu'il ne pouvait oublier ce qu'elle était au fond : une victime, comme eux tous. Mais par où commencer ? Devait-il évoquer sa tentative de suicide, ainsi que les raisons qui l'y avait poussé ? Ce n'était pas un épisode glorieux de sa vie. L'idée d'en parler ne lui plaisait pas mais avait-il seulement le choix ? La sincérité de Vegeo ne pouvait pas être ignorée... Rassemblant tout son courage, l'étudiant se lança enfin :

 « Il y a quelques mois déjà... J'ai... tenté de mettre fin à mes jours... C'était probablement injustifié et irréfléchi comme geste mais... Celle qui m'a sauvé, n'était qu'autre que Saphira... »

Sentant le regard émeraude se reporter sur lui, Natsume s'interrompit pour prendre une profonde inspiration et reprit ensuite la parole. Il décrivit les circonstances de leur rencontre, l'attitude de la jeune femme ainsi que les soupçons qu'il avait éprouvé à son contact, certainement dû à la présence d'une darkness dans sa propre conscience. Il évoqua son comportement grossier, l'étrange réaction de la serveuse qui tentait de se tuer soudainement. Le fait qu'il avait décidé de l'accompagner à l'hôpital pour prendre de ses nouvelles malgré tout. Et peut-être aussi pour comprendre ce qui s'était passé dans cette ruelle. Les horribles révélations de Saphira, quant au fait qu'elle l'avait probablement sauvé dans le seul but de se nourrir ensuite des tourments qu'elle lui infligerait. Mais il insista également sur le fait que la darkness n'était pas libre de ses actions, qu'une partie d'elle-même s'opposait aux crimes qu'elle commettait. Sauf que toute résistance était presque vaine face à l'influence néfaste de son propre démon. Que pour une étrange raison, elle n'avait pas réussi à porter la main sur lui, qu'il était peut-être capable de lui offrir un meilleur avenir, vide de tout meurtre. Natsume marqua alors une pause, se rappelant ce qui avait suivi ensuite. Presque à contre cœur, il enchaîna sur ce qui avait suivi cette conversation, leur rapprochement mutuel et maladroit. Leurs envies d'en finir avec leurs démons intérieurs pour espérer vivre enfin heureux. Chacun donnant à l'autre la force d'avancer. Non, elle ne pouvait pas totalement être un monstre. L'étudiant se tut soudain. Pourquoi pensait-il à Elisabeth ? Non, comment pouvait-il oser comparer les deux darkness ? La jeune serveuse était possédée comme lui dans un sens mais Elisabeth... C'était autre chose. Elle n'affichait aucun remord à tuer ou à faire souffrir. Pas comme son amante... Se rendant compte un peu tard qu'il s'était perdu dans ses pensées, silencieusement, l'étudiant reprit contenance en lâchant un petit rire dénué de joie.

 « J'ai bien fais de proposer à boire je crois... Si on commence à parler pendant des heures, on finira avec la gorge en feu... »

Message par Invité Jeu 26 Sep - 0:45

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"Ne prenez pas peur..."

De manière délicate, une parole revint à la conscience de l'élémentaire. "Ne prenez pas peur" : c'étaient les paroles de la jeune femme, quelques minutes avant le début de la fin, avant le début d'une longue histoire qui ne trouverait son épilogue que de nombreux mois plus tard. On ne saurait dire quel était l'élément sauveur, quelle était cette chose qui s'était introduite dans sa vie par la suite, pour le soigner d'un état dans lequel il ne faisait que végéter comme un fantôme, dans les ruelles les plus sombres de l'Avventura ; on ne saurait dire comment il n'avait croisé que des ivrognes et des brigands, pour ensuite rencontrer de braves personnes, éloignées de tout sentiment négatif et heureuses du quotidien qui était le leur ; on ne saurait dire pourquoi c'était si long de guérir, mais au moins c'était possible et ça, ce n'était pas rien. Le silence continuait de peser dans la pièce, de la radio on entendait qu'un grésillement, faible indice sonore qui indiquait qu'une personne parlait - pour introduire une autre musique ? pour discuter des actualités ? C'était impossible à savoir. Maintenant posé sur le lit, l'élémentaire ne faisait que songer à son passé, à son présent et à son avenir. Il se demandait quelle était sa place dans ce monde ; quelle était la place d'Elisabeth dans sa vie, et celle de Natsume ; quelle était la place d'Eleonor et surtout..surtout..s'il était assez puissant pour protéger toutes ces personnes. Complexe du sauveur ? En aucun cas. Mais il ne souhaitait à personne son quotidien de cette période-ci de sa vie et il...

*Mais..et lui ?* songea-t-il sur l'instant, tout en posant son regard émeraude sur ses chaussures, encore couvertes des cendres de la forêt.

Que pouvait-on penser de Natsume, de ses journées et de ses nuits, de ses émotions et de ses envies ? Lui non plus ne devait souhaiter son quotidien à personne sur cette planète. Cependant cette entité qui habitait son corps c'était Elisabeth et...non...on ne pouvait pas réellement lui pardonner entièrement ses actes. On pouvait comprendre - et c'était déjà preuve d'une grande ouverture d'esprit - mais on ne pouvait pas pardonner aussi aisément. Mais lui, Vegeo Natus, subjectivement parlant, se souvenait encore de cette sensation éprouvée le jour de leur rencontre ; il se souvenait encore de ses pensées le jour de sa naissance : la Darkness avait souffert...que faisaient les humains pour soigner les souffrances de leurs semblables ? Ils se consolaient par des phrases et des comportements. Une question s'imposa donc dans la tête de l'élémentaire, suite à ces deux constats : que penser ? Il ne sentait pas au fond de lui l'envie de condamner le Mal gratuitement, sans tenter de le comprendre ; mais il savait parfaitement que de temps en temps, dans la vie, il fallait trouver la force de jouer la carte du bourreau. Natsume souffrait de la présence de l'entité, il ne souhaitait son quotidien à personne, il ne voulait qu'une existence normale ; Elisabeth était probablement le produit d'un passé lourd et déplaisant, qui était la cause de sa transformation en monstre. Aucune de ces deux personnes n'était mauvaise depuis le début, il en était certain, les preuves à sa disposition le prouvaient. Une seconde hypothèse s'imposait donc, qui titillait la subjectivité de l'élémentaire : le Mal incarné était-il une réalité ou tout le monde avait des circonstances atténuantes ?

*Saphira..ce n'est pas une victime..ce n'est pas possible..* pensait-il déjà, mal à l'aise.

Mensonge de supposer que l'élémentaire était aveugle : on ne pouvait qu'affirmer, sans trop se tromper, qu'il était hypothétiquement ignorant de toutes les données. En de nombreuses occasions il s'était demandé si Saphira était entièrement mauvaise, si en elle ne pouvait pas subsister une once de bonté. Mais il n'était tombé sur aucun point positif. Chaque seconde passée en sa compagnie, ce jour-là, se résumait à un éternel moment de souffrance. Maîtresse des illusions, elle s'était amusée de sa douleur et de sa mort à venir, c'était tout. Il s'était alors penché sur un autre questionnement, celui simpliste qui posait la demande de la profondeur de l'obscurité : pouvait-on trouver un lieu, ici sur Terre, où même le plus intense rayon de soleil ne pouvait pourfendre les ténèbres ? Grande question que celle-ci, à laquelle il ne trouvait pas de réponse. Le Mal pouvait-il s'ancrer si profondément dans un être ? Alors qu'il vagabondait dans ses idées, quelques secondes seulement s'écoulèrent. Moins de dix secondes s'étaient probablement additionnées depuis la fin de son récit ; pourtant plusieurs mois de vie venaient de surgir à la surface, une nouvelle fois.

« Il y a quelques mois déjà... J'ai... tenté de mettre fin à mes jours... C'était probablement injustifié et irréfléchi comme geste mais... Celle qui m'a sauvé, n'était qu'autre que Saphira... »

Son cœur manqua un battement, son souffle se coupa subitement. À cette phrase, les iris de l'élémentaire se soulevèrent doucement, pour venir se poser sur Natsume. Jamais - et le mot était faible - on avait découvert autant d'intensité dans ces derniers. Scrutant le comportement de son camarade, il était prêt à dévorer chacune des informations qui allaient suivre. En effet, son cerveau était déjà centré sur une seule chose : Saphira avait...sauvé quelqu'un. Si ce n'était pas la seule sensation qui parcourait son corps - l'aveu d'une tentative de suicide n'était pas une chose qu'on pouvait prendre avec humour - il fallait tout de même avouer que de tout son être, il voulait savoir ce qui allait suivre. *Saphira..une sauveuse...* songea-t-il avec un nœud à la gorge. Puis il écouta, comme jamais auparavant. Silencieusement, sans même laisser un souffle sortir de sa bouche, il ne s'autorisa pas même une pensée. Et pourtant ses émotions, elles, ne pouvaient s'empêcher de venir bousculer son corps. Tantôt une main se crispait sur sa jambe, tantôt son visage demeurait de marbre ; d'un côté ses pensées sur le statut de victime des hôtes des Darkness revenaient, de l'autre les souvenirs des dépouilles des agents hantaient à nouveau sa vision ; d'une part il était déchiré de savoir que la souffrance pouvait atteindre des niveaux de ce genre, d'autre part il voulait cesser de serrer les dents pour dire, sans se soucier de l'objectivité et de ses règles, que Saphira n'était qu'un monstre et que rien ne pouvait changer dans sa vie. Il s'était particulièrement retenu lors de l'annonce du..lien..entre Natsume et la jeune femme. Un conflit était aux portes de son âme et son envergure était celle des trois jours sombres. Un silence dérangeant s'installa, alors que les deux camarades étaient aux prises avec leurs élucubrations. De son côté, l'élémentaire songeait à Saphira et Elisabeth. Pouvait-il comprendre la première, comme il comprenait la seconde ? Peut-être. Pouvait-il pardonner une meurtrière, pour en condamner une autre ? Ce n'était pas logique. Avec le temps Vegeo était devenu une personne avec un sens d'analyse aiguisé. Il ne pouvait tout simplement pas s'autoriser à passer à la trappe tellement d'informations sur l'hôte de Natsume, pour ensuite écraser la situation de Saphira sous les talons du mépris et de l'indifférence. Pour autant..il ne parvenait pas à voir la tueuse sous un angle plus louable. Paradoxe immortel entre l'émotionnel et le rationnel.

« J'ai bien fais de proposer à boire je crois... Si on commence à parler pendant des heures, on finira avec la gorge en feu... »

"Hum...?" répondit l'élémentaire, sortant de ses pensées avec torpeur. "Oui..probablement..."

Il regarda son interlocuteur, pour ensuite se lever doucement. Il se dirigea vers lui sans un mot, pour ensuite le dépasser. S'approchant de la commode, il ne s'autorisa qu'un soupir fatigué, avant de saisir un verre d'eau pour boire. Les pupilles rivées sur le mur, il écoutait les nouvelles notes qui ricochaient faiblement dans la pièce. Ses pensées étaient tourmentées par l'histoire de Natsume, ne savaient plus quel chemin emprunter. Pouvait-on ici envisager le pardon ? Pouvait-il vraiment pardonner Saphira pour son acte ? Il ravala sa salive en songeant à toutes ces choses vues et vécues le jour du massacre, à ces vies ravagées. La souffrance était omniprésente et ironique. Elle était celle des victimes se voyant privées d'un avenir quelconque ; elle était celle des familles détruites ; elle était celle des tueuses qui hurlaient à la Nature un appel au secours incompréhensible pour le commun des mortels. Pouvait-on pardonner celui qui ôtait la vie ? Tout en plongeant son attention dans son verre, son regard s'embruma à nouveau. Il retint avec peine une larme. Mais ce n'était pas un simple chagrin qui habitait son âme, l'élémentaire luttait pour trouver un peu de courage. Il ne trouva qu'un seul constat en songeant à la jeune femme : il n'avait pas besoin d'une force pour protéger, il avait besoin d'une force pour changer le monde et ses habitants. Pardonner était chose complexe, mais si seulement..si seulement il était possible d'offrir la rédemption à tous..si seulement il était envisageable de transformer le Mal en Bien. Fort de cette nouvelle sensation dans son cœur, il enroula sa main autour du verre de Natsume, qu'il lui proposa sans parler avant de retourner se poser sur le lit.

"...Aucune personne disposant qu'un minimum de bon sens..ne saurait trouver la force de pardonner Saphira..ou même Elisabeth..mais..je peux comprendre.." prononça-t-il en ravalant sa fierté, ses larmes, son chagrin, sa détresse. "D'un autre côté..la haine engendre la haine Natsume, la souffrance engendre la souffrance ; tout est lié. Je suis intimement convaincu que les Darkness sont le produit du Mal qui habite le cœur des Hommes, ils ne font que répondre aux souffrances de leurs précédentes vies. Mais on ne combat pas le Mal par le Mal : quand on opte pour cette option...c'est un cycle sans fin qui débute."

Il avala quelques gorgées d'eau et continua.

"Vous les hôtes, vous êtes aussi responsables de ces entités. Si Elisabeth aussi avait souffert ? si elle avait vécu des choses encore plus ignobles que ses propres meurtres ? Est-ce que..tu t'es déjà demandé si elle aussi, n'était pas une victime avant d'être une Darkness ? Ton quotidien serait-il le même, si tu avais trouvé la force de vraiment lui parler ?"

Vegeo venait-il de trouver l'origine de la race des Darkness ? Il n'en savait rien mais il vouait à son hypothèse un certain crédit. C'était logique, c'était la causalité. Le monde fonctionnait sur un rapport de cause à effet, on ne pouvait qu'envisager un même mode de fonctionnement pour les individus.

Message par Invité Ven 4 Oct - 18:07

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A quoi s'attendait-il ? Que sa petite tentative pour détendre l'atmosphère fonctionnerait et que son interlocuteur éclaterait soudain de rire ? Non, bien sûr que non. Pas en ayant avoué pareilles choses. Même sans parler de ce qui s'était passé ce jour là et l'incident qui avait précipité sa rencontre avec Saphira, le garçon savait que les souvenirs de son ami concernant cette dernière étaient loin d'être agréables. La discussion prenait un tournant vraiment très sérieux et n'aurait certainement rien d'agréable pour l'un, comme pour l'autre. De plus en plus mal à l'aise par le nouveau silence qui suivit sa prise de parole, Natsume n'osait même plus dévisager l'élémentaire. Sur quoi porter son regard dans ce cas ? Et bien... Les iris rubis détaillèrent avec un intérêt feint, ce qui composait le mobilier de la pièce, alors même qu'il avait largement eu le temps de la découvrir depuis que l'étudiant avait emménagé en compagnie de ses deux colocataires. En se remémorant les souvenirs de cette rencontre qui était tout sauf prévue, un timide sourire s'installa sur les lèvres du jeune barman. Si on lui avait dit qu'il finirait par partager un appartement avec deux charmantes créatures, lui qui était réservé, pour ne pas dire distant envers ses semblables. Avec un peu de recul, il réalisa soudain qu'il s'était toujours efforcé de rester en retrait, par crainte d'attirer des ennuis à son entourage mais qu'il n'avait jamais blessé Leann ou Mikû. S'y prenait-il mal en fin de compte ? S'isoler de tout n'était pas la bonne solution ? Devait-il aller de l'avant et combattre la darkness autrement ? Sortant de ses pensées, Natsume réalisa que son ami l'avait rejoint. Il ne put réprimer un sursaut en voyant Vegeo aussi près de lui, ne l'ayant pas ni entendu, ni vu se rapprocher de lui. Lui avait-il répondu quelque chose entre temps ? Si c'était le cas, le garçon ne l'avait pas entendu et commença alors à se le reprocher. Pourquoi diable inviter des gens chez soi et entamer une conversation importante si l'on écoutait même pas ses interlocuteurs ? Pestant contre lui-même, le jeune barman se consola un peu en se disant que l'élémentaire n'avait peut-être tout simplement pas parlé très fort, parce qu'il ne voulait pas être réellement entendu. Ce qui l'excuserait pour son manque d'attention momentanée. Mais il fut déçu de voir que Vegeo ne reprenait pas la parole pour autant. S'était-il rendu compte que son interlocuteur ne l'écoutait plus et s'en était offusqué ? Sur le coup, le jeune barman hésitait entre le fait de s'excuser ou d'essayer, au contraire, de relancer la discussion. Sauf qu'il ne voyait pas quoi ajouter de plus, hormis peut-être, des arguments pour convaincre son ami que Saphira n'était pas totalement mauvaise au fond d'elle. Mais en s'aventurant sur cette voie, n'inciterait-il pas l'élémentaire à le convaincre en retour de la souffrance de l'entité ? Natsume pouvait admettre que certaines choses vous poussaient à commettre des atrocités. Du moment que l'on ressentait du remord à les accomplir. Ce n'était pas le cas d'Elisabeth. Voilà la seule conclusion qu'il pouvait tirer pour le moment. Au contraire de la jeune serveuse qui avait cédé aux pulsions sanglantes d'un démon, contrainte à tuer pour ne pas souffrir encore plus, la darkness qui partageait un coin de sa conscience ne remettait pas ses actions en question et ce, à un seul instant. Faire souffrir était son passe-temps, une sorte de loisir, au même titre que le monstre qui dormait dans la conscience de Saphira au final. Natsume se secoua pour arrêter de penser à des choses pareilles. Les divers expressions qui se succédaient sur le visage de son ami l'inquiétait davantage que la tournure de la conversation à venir. Vegeo n'avait pas l'air dans son assiette. Était-ce du fait des révélations du garçon ? Ou bien à cause d'autre chose ? Acceptant le verre qu'on lui tendait, le jeune barman se mordit les lèvres par réflexe quand son interlocuteur retourna s'asseoir. Ce qu'il pouvait se maudire lui-même en demeurant ainsi silencieux alors que des paroles se devaient d'être échangées entre lui et l'élémentaire...

Finalement, ce dernier fut le premier à s'exprimer concernant leurs révélations respectives et comme il s'y attendait plus ou moins, le sujet du jour était les darkness. Gardant volontairement le silence cette fois, le garçon l'écouta donc, ayant reporté son entière attention sur son ami, faute de trouver un réel intérêt à contempler le mobilier de la pièce. Les deux premières phrases résonnèrent comme un début de victoire pour Natsume. Au moins, il avait en parti réussi à convaincre l'élémentaire. Et même ce dernier s'accordait à dire qu'il n'était pas évident de pardonner à Elisabeth. Un bon point en perspective. Sauf que la suite le fit rapidement déchanté. Qu'est-ce qu'il croyait lui apprendre en parlant de la sorte ? Bien sûr que la haine n'attirait que la haine ! Nul n'avait besoin de sortir des Grandes Ecoles pour savoir une chose pareille. Pour le coup, le jeune barman était partagé entre un début de colère, un sentiment qu'il n'avait pas l'habitude de ressentir et une sensation de vide sans précédent. Beaucoup trop de choses se bousculaient dans sa tête et il dut se faire violence pour ne pas interrompre son ami. Il se sentait tour à tour mal à l'aise, comme s'il subissait les reproches justifiés de la part de Vegeo, et agacé par sa manière qu'il avait de présenter les choses. Pensait-il tout savoir ? Mais que connaissait-il exactement de l'entité ? Ce n'était pas lui qui vivait continuellement avec une conscience prête à tout pour vous détruire ou vous pousser -littéralement parlant- au suicide ! Faute de pouvoir s'exprimer sans agressivité, le garçon mit plusieurs longues minutes à se calmer, silencieusement. Est-ce que les sentiments diverses qui l'habitaient à cet instant, se virent dans ses yeux ou même dans les traits de son visage ? Il espérait que non. Natsume se savait incapable de dissimuler ses propres émotions aux regards de ses interlocuteurs, passagers comme plus intimes, les moments qu'il avait passé en compagnie de Maria le lui prouvaient volontiers. Par chance, il s'aperçut rapidement que l'élémentaire ne le dévisageait même pas ! Sans doute était-il absorbé par ce qu'il disait ou bien ses pensées ? Parlait-il sans réfléchir, simplement pour évacuer le flot de questions qui devait -tout comme pour son hôte provisoire- tourbillonner dans son esprit ? Le garçon était presque tenté de le remercier pour cette attention, certainement involontaire de sa part. Il ne savait pas trop comment ce serait passé les choses si Vegeo avait pu lire toute la colère contenue dans les iris couleur rubis.

 « Je comprends bien Vegeo mais comment ne pas haïr une personne qui répand le mal sans l'ombre d'un remord ? J'ai enduré la présence d'Elisabeth, sans jamais sentir qu'elle souffrait de sa condition, sauf peut-être le fait de n'être qu'une prisonnière dans ce corps. Comme si j'avais demandé à ce qu'on le partage... ! »

Sur la fin, il sentit la colère transperçait à travers ses propos qu'il voulait neutres et le garçon dut marquer une pause pour reprendre contenance. Non, il ne devait pas s'emporter envers son ami, seulement lui expliquer sa vision des choses, tenter de lui faire comprendre ce qu'était son quotidien depuis de longs mois, mettre des mots sur la souffrance quotidienne qu'il devait endurer. Cela ne se résumait pas uniquement aux assauts de l'entité pour le détruire mentalement, il y avait aussi la crainte, la terreur de reprendre conscience, avec le sang de ses proches sur les mains. Peut-être que si mourir lui épargnerait de nouvelles souffrances tout en protégeant les autres par la même occasion, cela aurait probablement été l'ultime geste du jeune barman. Mais ce n'était pas le cas, loin de là. Alors que faire ? Il avait tout essayé. Il avait cherché, en vain, des solutions pour se libérer de l'emprise de la démone. Devait-il suivre l'avis de son interlocuteur et inviter la darkness autour d'une tasse du thé pour lui demander aimablement de quitter son esprit pour le laisser en paix ? Enfin ! On parlait d'Elisabeth là ! De celle à l'origine des Trois Jours Sombres d'après les archives de la libraire du Chat Noir. Si la darkness était suffisamment tenace pour survivre en tant que simple conscience, parasitant volontiers celle d'un innocent, Vegeo pensait-il sincèrement qu'il exista un moyen pacifique de lui faire entendre raison ?

 « Tu sembles avoir la même vision de Saphira que celle que j'ai d'Elisabeth. Essaye d'imaginer ce que deviendrait ton quotidien si tu devais le partager, jour après jour, avec la Saphira que tu as rencontrée. Pourrais-tu lui pardonner ? Ou seulement admettre qu'elle n'est pas aussi mauvaise qu'on le dit ? J'ai... Parfois eu accès à certains souvenirs d'Elisabeth. J'ignore comment et pourquoi. Peut-être que c'était une autre de ses méthodes pour me faire craquer plus vite. Quoiqu'il en soit, je sais qu'elle a souffert dans sa vie passée. Est-ce une raison pour répandre le mal ? Cela la justifie t-elle selon toi ? Saphira souffre de ce qu'elle est devenue et elle lutte pour ne plus tuer. Pourrais-tu en dire autant d'Elisabeth ? »

Voilà qui était dit. Natsume avait longtemps hésité avant de comparer les deux darkness, pire encore, utiliser cet exemple pour s'expliquer auprès de l'élémentaire. Il savait que ce dernier avait été marqué par sa rencontre avec la jeune serveuse et certainement à vie, ce n'était pas exagérer que de l'affirmer ainsi. Le garçon se doutait que ses propos ne seraient pas forcément appréciés de la part de son ami. Ce dernier allait-il lui aussi s'emportait ? Ce serait presque drôle à voir, lui qui était toujours aussi calme et confiant dans les individus qu'il rencontrait. Ne pouvait-il pas voir que certains prenaient un malin plaisir à faire souffrir, sans jamais se remettre en question ? Espérait-il encore changer ce genre de personnes ? Devant ce comportement qui rassemblait naïveté et idées suicidaires, la colère du jeune barman reprit le dessus. Il fallait vraiment qu'il se calme ou alors... Avec le jour déclinant, il risquait de laisser sortir la raison de cette conversation. D'un autre côté, cela permettrait à Vegeo de s'assurer de l'efficacité de ses théories en les mettant directement en pratique sur la démone. Le garçon était presque tenté de la laisser faire sauf qu'il savait qu'il ne se le pardonnerait jamais s'il arrivait quelque chose à son ami. Impression qui lui fit lâcher une dernière réflexion, qu'il regretta aussitôt que le son de sa propre voix résonna à ses oreilles.

 « Responsables ? Parce que tu crois que j'ai demandé à subir tout ceci ? Tu ne peux pas comprendre ce que l'on ressent quand on risque de commettre l'irréparable au moindre instant, dès lors qu'on baisse les armes un peu trop longtemps. T'es-tu déjà réveillé avec du sang sur les mains et le visage Vegeo ? Tu veux que je te décrive ce que ça fait ? Cette odeur qui emplit tes narines, cette sensation désagréable qui te démange sur la peau ? Le rire de la concernée qui s'engouffre dans ta tête sans te laisser une seconde de répit ? Tu ne crois pas que je connais le sens du mot responsabilité ?!»

A bout de nerfs, le garçon se laissa glisser sur le sol, le dos à peine appuyé contre le meuble derrière lui. En réfléchissant bien, il n'avait jamais parlé de ce qu'il ressentait à personne. Comment il se sentait à cet instant précis ? Bien et mal à la fois. Soulagé d'avoir pu évacuer ce qu'il avait gardé pendant si longtemps pour lui seul, sans possibilité de se confier à qui que ce soit, sous peine d'être perçu comme un monstre. Et mal... Parce qu'il n'avait pas eu l'intention de vider son sac sur Vegeo. Il savait que l'élémentaire avait également vécu des jours bien sombres, à commencer par celui de sa naissance dans une partie reculée de la forêt. Ou encore celui qui l'avait confronté à ce prétendu inquisiteur. Sans compter celui qu'il venait de dévoiler à son interlocuteur.

Message par Invité Dim 13 Oct - 23:29

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*Pauses..des pauses..ce sont ces longs moments pollués par tout ce qui n'est pas dit. On veut parler, dire des choses, faire comprendre un point de vue, une émotion, une pensée ancrée dans les profondeurs de notre conscience. Pourtant on ne parvient pas à tout avouer, à tout expliquer. Hors, dans ces situations, la seule chose qui te tient vraiment à cœur, tu n'arrives pas à la dire, et alors...*

Et alors l'élémentaire songeait, en réponse à la longue pause, au long silence qui venait de s'intercaler entre Natsume et lui. Bien entendu il ne s'en inquiétait nullement : lui-même avait pour habitude de mesurer chaque parole, avant de la livrer à un interlocuteur. Mais chez l'humain c'était presque pathologique, et chaque pause de son ami se comptait non pas en secondes, mais en minutes. À chaque instant de ce genre, Vegeo avait pour habitude de se poser des questions sur ce qu'il venait de dire. Était-ce se montrer trop imprudent, que d'affirmer une sensibilité à fleur de peau chez le jeune homme ? Probablement pas. Étrangement ces moments provoquaient chez l'élémentaire des flashbacks, qui bousculaient vers sa mémoire consciente le jour de sa naissance et sa propre émotivité, poussée à cette époque à son paroxysme. Il était presque amusant de songer à sa première rencontre avec Elisabeth, là dans l'obscurité de la forêt corrompue, alors que le corps de son hôte était recouvert des petites blessures provoquées par les branches de cette zone, où la cendre et le bois mort étaient le couple propriétaire des lieux. Sur l'instant il s'était inquiété de l'état de santé de la darkness et en avait oublié le danger de mort, c'était ironique. S'il conservait un souvenir peu traumatisant de la situation, le maître des plantes se doutait bien que c'était à cause de son immaturité fonctionnelle et mentale du moment. D'ailleurs existait-il vraiment le jour de sa rencontre avec Natsume, Danaliel et Eleonor ? Grande question quand on envisageait le superbe clivage présent au niveau de son âme en cette nuit.

« Je comprends bien Vegeo mais comment ne pas haïr une personne qui répand le mal sans l'ombre d'un remord ? J'ai enduré la présence d'Elisabeth, sans jamais sentir qu'elle souffrait de sa condition, sauf peut-être le fait de n'être qu'une prisonnière dans ce corps. Comme si j'avais demandé à ce qu'on le partage... ! »

Le visage de l'élémentaire adopta un nouveau masque, un peu plus vivant que celui précédent (se perdre dans les souvenirs est une chose qui éloigne souvent du monde réel). "Comment ne pas haïr une personne qui répand le mal sans l'ombre d'un remord ?" demandait-il. La réponse était simple et pourtant complexe à la fois. Si lui-même parvenait à pardonner (même si de manière modérée) Saphira pour ses atrocités, Natsume ne pouvait certainement pas se montrer incapable de le faire. Par ailleurs un argument de son ami tombait à l'eau. Il diabolisait (à juste titre, on ne pouvait l'en blâmer) Elisabeth, en l'accusant d'une absence visible de culpabilité. Mais la jeune femme qui s'était montrée ce jour-là dans les ruelles marchandes était à loger à la même enseigne, pour Vegeo. Pas un seul moment elle ne s'était montrée sous un jour humain, pas un seul moment il n'avait discerné une quelconque tentative de lutte contre son côté maléfique. Pourtant Natsume, de son côté, se montrait souvent pour empêcher la darkness d'agir. Bien sûr l'élémentaire n'était pas un idiot de première catégorie, il envisageait parfaitement l'hypothèse que souvent, voir systématiquement, un hôte se retrouvait poupée dans les mains de son entité. Mais il y avait quand même une donnée à prendre en compte : Elisabeth savait se maîtriser un minimum. En sa présence, elle n'était pas la même, son comportement changeait. N'était-ce pas une preuve que le Mal n'était pas si ancré que ça en elle ? N'était-ce pas là l'espoir qu'elle pouvait changer, elle aussi ? S'il voulait partager son idée avec son ami, il se retint cependant en attendant la suite (d'autant plus que les propos qu'il venait d'entendre semblaient sous l'emprise d'un sentiment bien singulier).

Aux paroles suivantes il répondit encore une fois par le silence, il avait l'intuition que le sac de son ami n'était pas totalement vide. Malgré tout, il pensait tout de même à ses propos. On risquait un long et éreintant débat, à tenter de comprendre si oui ou non une expérience néfaste justifiait certains comportements. "Tout le monde n'est pas fort comme Saphira" voulait dire l'élémentaire. "Tout le monde ne dispose pas de la même volonté. Peut-être que l'Elisabeth actuelle est éloignée de ce qu'elle était au début" voulait-il ajouter. Peut-être que, voyant qu'elle était trop faible pour faire quoi que ce soit contre les maux qui étaient les siens, elle s'était abandonnée au Mal en voyant uniquement cette sortie de secours. La faiblesse et la crainte pouvaient pousser un être à prendre des décisions hâtives et inconsidérées non ? Il se garda tout de même de manifester une quelconque objection et continua son écoute. *Non*, pensa-t-il lors d'une remarque de son ami, il ne pouvait même pas concevoir une vie avec Saphira dans sa tête, mais au tout début de sa vie il se voyait mal vivre une seule expérience négative (de grande ampleur) et pourtant. Pourtant le temps enseignait "à vivre avec". Il parvenait à nous faire évoluer vers un avenir qui semblait pourtant impossible à envisager auparavant.

Détournant le regard l'élémentaire resta silencieux, pendant que Natsume débutait une autre phrase. À la fin de celle-ci, Vegeo s'autorisa quelques secondes pour rassembler ses idées et répondre. Pendant cette courte opération (alors que son interlocuteur tombait presque littéralement dans le silence), il observa un peu autour de lui, en vitesse. Il détaillait l'environnement de l'hôte de la darkness, en pensant qu'il songeait à bien plus sombre, à bien plus lugubre. Et puis... *Et puis c'est l'appartement de Leann* pensa-t-il. Il en était certain. C'était l'endroit où il s'était rendu avec la jeune femme. Ça aussi c'était un sujet délicat à soulever. Mais leur conversation sur la race des Darkness (et ses représentants) était déjà bien entamée et il semblait impossible de basculer maintenant vers un autre débat. Puis il devrait aussi raconter sa grande phase de solitude et ses sorties nocturnes, pour faire comprendre à Natsume les circonstances de sa rencontre avec sa colocataire (ou peut-être n'habitait-elle plus ici ?). Les pensées de l'élémentaire s'éloignèrent sur cette piste pendant un instant. Leann pouvait parfaitement avoir opté pour un autre domicile non ?

*Depuis combien de temps Natsume vit-il ici ?* se demanda Vegeo.

Il décida d'aborder le sujet plus tard, voir même une autre fois. Finalement il répondit calmement, en avouant ses précédentes pensées, tenues sous silence pendant le monologue de son ami.

"Je me suis bien autorisé à envisager le pardon, pour la personne qui voulait ma mort et qui ne se montrait pas réellement dérangée par le massacre de ces agents de police, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas tenter la même chose pour Elisabeth. Tu as discuté avec Saphira non ? Tu sais quelle est son histoire, tu sais ses souffrances et ses rêves, est-ce que ton hôte aussi s'est retrouvée avec une chance de pouvoir s'exprimer ?"

Il s'autorisa deux secondes de pause et continua en répondant à sa propre question.

"J'en doute fortement. Tu déshumanises l'une et tu idéalises le côté humain de l'autre, ce n'est pas équitable. Bien entendu je n'affirme pas qu'il faut les pardonner, mais c'est injuste de tenter de comprendre Saphira pour ensuite te fermer à Elisabeth. Et puis tu ne peux pas oublier que lorsque je suis en contact avec elle, son comportement n'est plus le même. C'est un fait, tu as remarqué tout de même non ? Ce n'est pas une preuve qu'elle n'est peut-être pas aussi malsaine que tu le crois ?

Après une seconde pause, pendant laquelle une teinte de chagrin s'invita sur son visage, il posa ses coudes sur ses genoux et croisa ses mains, tout en regardant vers le sol.

"Nous jouons tous les deux le rôle d'avocat du diable..."

Il continua ensuite sur une autre remarque de son ami.

"Nous n'avons pas la même histoire, je suis incapable de savoir comment est ta douleur, d'imaginer l'intensité de ces moments qui hantent ta mémoire. Cependant, je me suis déjà retrouvé en contact avec deux darkness et je ne peux m'empêcher de penser que ce qui est vrai pour l'une, peut aussi l'être pour l'autre. Moi je ne sais rien de Saphira pour pouvoir la juger objectivement, toi oui. Mais est-ce que tu connais aussi bien Elisabeth que ça ? Je ne veux pas la défendre naïvement, mais je suis certain qu'elle n'est pas aussi monstrueuse qu'on pourrait le penser."

Il soupira et recula un peu, pour mieux incruster son corps dans le lit.

Message par Invité Jeu 17 Oct - 20:57

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Envisager le pardon ? Le regard rubis devint fuyant sous les iris émeraude de son interlocuteur. Natsume ne pouvait pas nier que son ami faisait preuve de courage en acceptant la possibilité de pardonner Saphira pour les atrocités qu'elle avait commises en sa présence. Même si l'opinion du garçon la concernant était bien différent à celui de Vegeo, l'étudiant ne pouvait pas nier que la jeune femme conservait une partie bien noire d'elle-même, partie qu'il avait failli subir lui aussi dans cette ruelle, le jour où elle avait décidé de le sauver in-extremis. S'il enviait l'attitude de l'élémentaire ? Natsume était incapable de trancher sur la question. Les paroles de son ami affluèrent soudain de manière abondante, envahissant sa tête trop rapidement pour lui, au point qu'il eut envie de porter ses mains à ses oreilles pour ne plus entendre la voix de son interlocuteur lui parvenir. Tantôt une voix lui recommandait de suivre l'avis de Vegeo, tantôt une autre lui hurlait de ne pas l'écouter. Silencieux, le garçon ne put que se résoudre à écouter l'homme lui recommandait de tenter la solution du dialogue avec la darkness malveillante, plutôt que la condamner sans même essayer de l'écouter. Dire que ces créatures naissaient par la souffrance des hommes n'était pas totalement faux. Même si l'on savait encore peu de choses sur elles, il était fort probable que l'entité ne soit que le résultat de sa propre haine envers l'humanité. Ce qui faisait d'elle une victime ? Pourtant, Natsume n'eut pas le temps d'approfondir plus longuement ce détail que l'élémentaire poursuivit déjà. Lorsque ce dernier qualifia d' « injuste » le refus d'essayer de comprendre Elisabeth alors que son interlocuteur s'était rapproché de la jeune serveuse, le garçon ne put retenir un petit rire sans joie. Pensait-il que la vie était juste ? Qui pouvait croire une chose pareille de nos jours... Notre existence et celles de nos voisins étaient remplies d'injustices, à différents degrés certes mais qui se rejoignaient toutes sur un même point : celui de nous dégoûter de nos quotidiens respectifs. Pourquoi est-ce sa colère revenait-elle à la charge ? Alors même que Vegeo exposait calmement son point de vue, amenant un à un ses arguments sans hausser le ton, voilà qu'il insufflait de nouveau ce sentiment néfaste dans le cœur et l'âme de son hôte improvisé. Parce qu'il défendait presque sauvagement la démone ? Même après tout ce qu'elle avait pu commettre ? Oubliait-il ce qui était arrivé à sa demeure, toutes les forêts alentours ? Pouvait-il ne pas avoir appris l'existence des Trois Jours Sombres, pendant lesquelle la darkness avait pris la tête des rebelles pour anéantir la ville, échouant de peu ? Que se serait-il passé si elle y était parvenue ? L'Avventura aurait sombré dans le chaos, bon nombre d'innocents auraient perdu la vie, en essayant de la défendre ou de protéger celles des personnes auxquelles ils tenaient. Peut-être même que les élémentaires, ces êtres proches de la Nature comme l'était son ami, n'auraient jamais vu le jour... Est-ce que Vegeo était-il toujours capable d'envisager l'optique de pardonner Elisabeth en prenant conscience de cela ? Le jeune barman eut soudain l'envie de lui en faire part. Non sereinement mais de manière brutale quand il lui vint à l'esprit que son ami parlait peut-être en connaissance de cause. Après tout, il n'était plus entièrement le même individu que l'étudiant avait été le premier à rencontrer au fond des bois noircis. Son ami avait gagné en maturité, -en sagesse même ?- c'était indéniable. Il ne serait pas étonnant qu'il se soit renseigné sur le passé de la ville pour comprendre l'origine du terrible incendie, à moins que d'autres connaissances s'en soient chargées de le lui apprendre. La voix de Vegeo se tut enfin alors qu'un discret soupir s'échappait des lèvres de Natsume. Il ne pouvait pas... Cette chose avait fait trop de mal...

 « Je regrette Vegeo... C'est certainement injuste mais je ne peux pas pardonner tout le mal qu'a commis Elisabeth. Admettre qu'elle et Saphira soient pareilles pour tenter de comprendre la première au même titre que la seconde, ce serait comme affirmer que tous les lycans sont violents parce que quelques uns sont du côté des rebelles... Ce n'est pas notre race qui détermine qui nous sommes mais bien notre personnalité. Et en ce qui concerne Elisabeth... Je ne peux pas... »

Se disant, le garçon replia machinalement ses jambes contre lui, pour passer ses bras autour de celles-ci, avant d'appuyer sa tête sur ses avant-bras. Dans cette position, il n'avait plus à s'efforcer d'éviter de croiser le regard émeraude, tout en signifiant à Vegeo que la conversation approchait doucement de sa fin. Non pas qu'il ressentit l'envie ou le besoin de le chasser de cette pièce pour se perdre dans ses pensées. Mais il ne voyait pas où la discussion les mènerait s'ils continuaient sur cette voie. D'un autre côté, Natsume n'imaginait pas non plus relancer la conversation sur un autre sujet, du moins, immédiatement. Les paroles de son ami avaient réveillé des blessures et des doutes que l'étudiant avait tenté d'enfouir dans sa mémoire. C'était peut-être également le cas pour son interlocuteur, lequel garda étrangement le silence pendant les minutes qui suivirent la prise de parole du jeune barman. Était-ce de la déception qui émanait sans un bruit de l'élémentaire ? Ou de la tristesse mêlée à une certaine compréhension pour le rejet de  la part du garçon ? Le regard rubis se porta en direction du sol, sans même le voir tandis que son propriétaire se perdait dans ses pensées. Les paroles de Vegeo repassaient toujours en boucle dans sa tête mais de manière plus diffuse qu'auparavant, si bien qu'il pouvait désormais réfléchir plus sereinement à ce qui venait d'être dit entre eux. Vraiment, il ne pouvait pas comprendre pourquoi l'élémentaire tenait tant à lui faire regrouper les deux darkness dans une même catégorie. Du point de vue de l'étudiant, les deux ne se ressemblaient pas du tout ! Même si elles étaient parfaitement capables du pire, seule Saphira avait témoigné de l'envie de changer, de réparer ses erreurs pour pouvoir rester à ses côtés. Et l'entité ? Le changement d'attitude en présence de l'élémentaire, soulevé par ce dernier au cours de la conversation, perturbait plus Natsume qu'il ne l'aidait à y voir plus clair. Que ressentait-elle réellement la démone ? Il ne pouvait pas nier qu'elle n'agissait pas étrangement en compagnie de son ami mais dans quels buts ? Y avait-il un lien quant au fait qu'elle l'ait délibérément conduit dans la forêt dévastée, pile le soir de la naissance de l'homme ? Est-ce qu'une sorte de lien invisible les reliait ? Ce genre de lien qu'il  ne pouvait pas comprendre... ? Se mordant la lèvre inférieure, le jeune barman consentit enfin à réagir. Il ne pouvait pas laisser le silence s'installer trop longtemps entre eux, au risque de faire que Vegeo se sentit mal à l'aise dans cette pièce qui ne lui était pas familière. Le garçon ferma les yeux un instant, prenant une profonde inspiration au passage, afin de rassembler tout son courage pour affronter le regard de son ami.

 « Tu te résignes enfin ? »

Sa tentative pour remplir d'air ses poumons en oxygénant son cerveau, fut interrompue net. L'air se bloqua immédiatement en plein milieu de son inspiration, alors que son cœur manquait plusieurs battements, déréglant subitement son rythme cardiaque. Ce n'était pas possible... Pas ici... Et Vegeo ?... L'étudiant n'osa pas relever la tête, paralysé par cette simple voix qui venait de se faire entendre une fois de trop. Après plusieurs secondes, qui semblèrent durer une éternité à ses yeux, il déglutit difficilement avant de lever les yeux en direction du lit. A ce stade, Natsume espérait encore y découvrir la silhouette de son ami, presque écrasée par le poids de la conscience. Au lieu de cela, ce fut les yeux sans expression et totalement dénués de vie qui captèrent son regard rubis. Passé le moment d'incompréhension, le jeune barman tenta aussitôt de se mettre debout mais l'entité fut plus rapide et lui plaqua les poignets contre le meuble derrière lui, l'obligeant ainsi à demeurer assis à même le sol. Diverses émotions traversèrent le garçon de part en part. Le doute, l'interrogation, la surprise, la crainte, le dégoût, le ressentiment... Si ces récents états d'âme au cours de la soirée avaient été à l'origine de l'apparition de la démone, l'un de ces sentiments dut se lire dans ses yeux car Elisabeth reprit la parole.

 « … C'est quoi ce regard ? »

Devant le silence de l'étudiant, son interlocutrice esquissa un sourire cruel. Comme c'était amusant, voilà que ce gamin avait de nouveau l'envie de se battre contre elle ? Devait-elle le briser lentement en lui rappelant cette fois où il avait tenté de mettre fin à ses jours de la manière la plus lâche qui soit ? Tentative qui avait failli coûter la vie à des innocents ? Ou bien la fois où il avait été trop faible pour la repousser, conduisant ainsi sa grande amie la vampire à le mordre alors même qu'elle s'était faite la promesse de le protéger ? A tous les coups, lire le désespoir remplacer cette petite lueur de défi au fond des iris rubis de l'humain serait délicieux. Surtout s'il ne voulait pas parler, elle pourrait toujours le faire pour lui, pour son plus grand malheur. La darkness avait déjà réussi à faire perdre son sang-froid à l'une des représentantes des créatures de la nuit, un simple môme comme lui serait une cible facile. Il l'avait prouvé de part le passé. Cependant... Il existait un autre jeu, bien plus amusant que le premier décrit plus haut... Sans se défaire de son sourire, elle invoqua silencieusement des liens d'ombre, ceux-ci jaillissant du meuble dans le dos du garçon pour lui attraper les poignets, permettant à la démone de le lâcher sans risquer de le voir se lever brutalement. Un affrontement physique contre un individu aussi faible n'avait aucun sens pour Elisabeth. Elle excellait plus dans les tourments relevant du domaine psychologique. En particulier envers son hôte malchanceux. Tandis qu'elle se relevait lentement, le gamin sembla comprendre ce qu'elle projetait de faire et pour la première fois depuis qu'elle avait surgi, le son de sa voix se fit entendre.

 « Ne le touche pas. »lâcha t-il sur un ton qu'il voulait froid, à défaut d'être parfaitement neutre.

 « Sinon quoi ? Tu penses être capable de négocier dans ta situation ? »répliqua t-elle du tac au tac.

Comparée à celle du garçon, sa voix semblait presque joyeuse si l'on faisait abstraction de la sournoiserie qui s'y glissait volontiers. La démone se savait être en position de force vis-à-vis de l'humain et elle ne s'en privait pas pour le lui rappeler. Elle eut envie d'ajouter que si l'homme se montrait divertissant sous tous points de vue, peut-être aurait-il une chance d'en sortir indemne. Mais même si l'appel du jeu restait fort, il y avait autre chose qu'Elisabeth attendait de ce face-à-face. Si elle désirait comprendre ? Jamais elle ne voudrait l'admettre ! A présent maîtresse du corps de l'étudiant, elle se leva lentement, les cheveux de ce dernier retombant suffisamment devant ses yeux pour que l'élémentaire ne soit pas capable d'y lire l'absence totale d'émotions et peut-être déterminer le possesseur du corps à cet instant précis. Sans même prononcer une parole, la darkness se dirigea droit en direction de l'homme, le poussant sur le lit alors qu'il s'y trouvait toujours assis. Rapidement, elle posa un genou entre les cuisses de son interlocuteur, nullement embarrassée pour lui en lui imposant pareille position, étalé de tout son long en travers d'un lit, avant de venir lui saisir les poignets, comme elle l'avait fait précédemment pour Natsume. C'est à ce moment qu'elle choisit de redresser légèrement la tête pour capter le regard émeraude de son interlocuteur et savoura pendant quelques secondes, ce qu'elle put y lire. De la surprise évidemment mais également... Un certain calme ? Cet homme ne la redoutait donc pas ? Ignorait-il ce dont elle était capable ?

 « Pauvre fou... Tu n'as donc pas peur ? »

Lâchant alors le poignet droit de l'élémentaire, Elisabeth vint doucement pour caresser la joue du même côté du visage du revers de la main, ses doigts glissant trop gentiment à son goût sur la peau de l'homme. Toujours sans mouvements brusques, elle descendit progressivement sa main jusqu'à atteindre le cou de son interlocuteur. Sa main gauche libéra également le dernier poignet prisonnier de Vegeo pour rejoindre sa camarade au niveau de la gorge de ce dernier puis, sans un avertissement, la démone les referma autour du membre du malheureux, ne serrant pas immédiatement mais exerçant une pression suffisamment forte pour qu'elle en devienne désagréable pour sa victime.

 « Pourquoi n'es-tu pas comme les autres ? Serait-ce l'ignorance qui te pousse au pardon ? A moins que cela ne soit la folie ? »

Message par Invité Sam 26 Oct - 17:55

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La seule intonation de son ami, quand il parla, répondit aux remarques de l'élémentaire. Finalement Natsume n'était pas capable d'absoudre la darkness. On ne pouvait pas lui en vouloir : combien de sombres souvenirs devaient habiter sa mémoire, combien de sang devait couler devant ses yeux, quand il pensait aux moments où il perdait le contrôle de son propre corps. Ce n'était pas la première fois, mais Vegeo tenta quand même de se représenter la chose, de se voir reprendre conscience - sans pour autant savoir qu'il l'avait perdue - avec des corps devant lui et de cette hémoglobine si aimée des vampires sur les mains. Ce devait-être horrible. Il songea une nouvelle fois à Saphira, cette fameuse darkness qui, avec Elisabeth, pouvait bien se vanter d'être la maîtresse qui le poussa vers un obscur chemin. C'était tout de même ironique de voir que les membres de cette race avaient une telle puissance, un tel effet sur son propre destin. Mais son attention ne vagabonda pas longuement sur elles, elle revint rapidement vers Natsume, son ami humain dont la vie n'était pas enviable, et ce à plus d'un titre. Son raisonnement n'était pas idiot, c'était une erreur de chercher à généraliser un cas à toute une race. Lui de son côté ne pouvait - malgré les paroles entendues plus tôt - s'empêcher de penser que l'hôte de son interlocuteur n'était pas irrécupérable. On pouvait penser à de l'aveuglement mais c'était une mauvaise façon de voir les choses : l'élémentaire voulait simplement s'autoriser à penser que l'espoir n'était plus un simple mot, sans aucun sens ni force, sans autre chose qu'un corps fantasmé. Il voulait que l'espérance possède un consistance sans n'être qu'une idée abstraite, un concept douteux, une théorie fumeuse. Non, ce n'étaient pas vraiment des œillères que Vegeo avait devant ses yeux, il était simplement - et le plus naturellement du monde - têtu. C'était pour ainsi dire "de naissance".

Quand Natsume changea de position, il comprit que leur conversation sur ce sujet touchait à sa fin. Il s'agissait maintenant, probablement, de changer de débat - peut-être pouvait-il lui parler de Leann ? - et d'oublier l'histoire des darkness. Si l'élémentaire était prêt à changer de discours, il ne pouvait tout de même pas s'empêcher de penser qu'encore une fois, à son grand chagrin, son ami fuyait la seule solution viable : celle d'un échange avec la darkness. Ce n'était pas vraiment la seule solution, mais en tout cas elle avait pour mérite d'éviter la mort de qui que ce soit. Même si quand on y songeait bien, quand on parlait de Darkness, on devait se rendre compte que la fin heureuse n'était qu'une extraordinaire rareté sur le marché. Oui, il ne connaissait que deux membres de cette race, mais il avait la sensation que c'était déjà bien assez. Bien entendu, dire que c'était de nature, et que finalement tous étaient identiques relevait de l'ignorance mais bon... dans le doute. Vegeo aussi, donc, changea de position dans le lit, pour être mieux installé qu'il ne l'était déjà. À la radio - et ce depuis quelques instants déjà - un animateur parlait de choses sans aucun intérêt. L'ambiance dans la chambre, elle, n'était maintenant plus loin du morose ; Natsume évitait son regard et semblait se lancer dans une introspection - lui-même ressemblait-il à ça quand il se perdait très loin dans ses pensées ? - ; quant au cerveau de l'élémentaire... il était bien loin d'être en suractivité. Il avait la tête vide, le regard ailleurs, ne trouvait plus rien à dire (peu importait de toute façon, car pour l'instant aborder un autre sujet semblait impossible). Sous ses doigts, qui couraient sur le lit pour revenir en vitesse vers lui, la douceur des draps était agréable. Il en avait presque envie de s'allonger, d'autant plus qu'en fin de compte, sa journée s'était montrée bien plus remplie qu'il ne le pensait. Pour autant il ne devait pas, non plus, trop tarder : le soir tombait et il voulait voir comment se portait Eleonor. Cependant il était prêt à rester un peu plus, pour ne pas laisser Natsume seul avec des pensées qui - évidemment - ne s'habillaient pas des vêtements de la joie et de la bonne humeur. Il songeait donc, avec un peu d'angoisse, à une chose à faire pour remonter le moral de son ami. Que choisir ? Quelle était la solution à son problème du moment ?

Il ouvrit la bouche pour reprendre la parole - peut-être que l'humain pouvait lui faire visiter son appartement ? - mais aucun son ne s'échappa de cette dernière. C'était bête de virer aussi brutalement vers un autre débat. Natsume semblait mal-en-point. Peut-être devait-il s'approcher de lui et tenter de le réconforter ? Il devait bien y penser. Cependant, son introspection ne dura pas longtemps : son interlocuteur décida de se relever et s'approcha de lui. Penchant la tête sur le côté, l'élémentaire imagina que l'ennui guettait son camarade et qu'il allait amicalement lui proposer de changer de pièce (car ici, dans la chambre, la luminosité déclinait peu à peu). Bien sûr on pouvait aussi décider d'allumer tout simplement la lumière, pour pallier à ce soucis technique, mais l'endroit semblait naturellement lugubre et une simple ampoule n'était probablement pas suffisante pour tout éclairer. Vivre dans une chambre sombre avec une darkness pour colocataire, c'était tout de même le comble. Vegeo tenta de discerner le regard de son ami, cherchant à comprendre comment les choses allaient se dérouler maintenant. Un regard pouvait livrer de nombreuses émotions : il pouvait apaiser par sa profondeur, clouer par sa noirceur, adoucir par sa tendresse ; en somme, un simple contact visuel pouvait prendre la place de toute une conversation. Cependant, derrière les cheveux de son ami, qui était maintenant à son niveau et...

"Heu..." souffla doucement l'élémentaire, alors que subitement Natsume le poussait sur le lit.

*Qu'est-ce que... ?*

Sans un mot, Vegeo observa le visage de son interlocuteur se diriger vers le sien, pendant qu'il usait de ses mains pour bloquer ses bras. Impossible d'avouer le contraire : pendant un bref instant l'image d'Elisabeth traversa sa conscience de part en part. Il inspira un grand coup alors que soudain, son regard croisait celui de celle qui était la cause de sa venue au monde. Non la présence de la darkness en face de lui n'était pas qu'une simple intuition et, pendant que la surprise s'invitait sur son masque de quiétude, il tentait de cacher sa... sa quoi au juste ? Étrangement il n'était pas inquiet, pas comme la dernière fois, pas comme la première fois non plus. Soudain il réalisa que la peur n'était pas un sentiment au rendez-vous, quand il était en présence de la darkness. Il ne s'était jamais retrouvé paralysé par la jeune femme, par son aura malfaisante et ses pulsions de mort. En fait il... rien... il n'éprouvait rien de bien singulier en ce moment même. Tout ce qui circulait dans sa tête, c'était l'idée que si Natsume n'avait pas le pouvoir de pardonner Elisabeth alors... peut-être que lui avait le pouvoir de la changer ? C'était un espoir faible, un murmure presque inaudible, perdu dans la tempête des possibilités, mais c'était là tout de même. Calmement, il détailla sa nouvelle geôlière sans montrer une quelconque tension. Il bougea de quelques centimètres son bassin et remonta le menton, plongeant ses yeux verts dans ceux de l'hôte.


« Pauvre fou... Tu n'as donc pas peur ? »

Il livra sa réponse sous la forme du silence. Il ne bougeait pas d'un pouce, se contentait de sentir sur lui le corps de Natsume, tentait d'en comprendre les mouvements pour en prévoir les intentions. Si la darkness n'était pas assez malsaine pour l'apeurer, elle n'en restait pas moins imprévisible et ses massacres passés prouvaient avec forte certitude qu'elle était capable de tout. Il ne restait à l'élémentaire qu'à miser sur la chance et à prier pour qu'encore une fois, le comportement de la jeune femme qui possédait son ami serait plus ou moins pacifique. Finalement son poignet droit gagna étrangement sa liberté. Vegeo observa les gestes d'Elisabeth pour constater qu'une main venait doucement caresser sa joue. À ce contact, il détourna subitement le regard en pensant (étrangement, car le contexte ne prêtait pas spécialement au romantisme) à Eleonor, qui était probablement en train de l'attendre chez eux. Ce "chez-eux", il avait envie d'y retourner en ce moment-même, mais pour l'instant la situation l'empêchait de faire quoi que ce soit. C'était le jour rêvé, c'était l'occasion parfaite, pour enfin tenter de raisonner les deux âmes qui partageaient ce même corps. Il ne savait pas trop pourquoi, il n'en savait rien depuis toujours en fait, mais il était certain que la darkness n'était pas un cas perdu. Si le malin était son géniteur et la violence sa mère adoptive, ce n'était pas grave ; elle n'était pas née directement des Enfers, on pouvait encore imaginer un changement. La seconde main de la démone vint rejoindre la première, qui s'était stoppée sur son cou. L'élémentaire envisagea alors, avec appréhension, l'action qui allait suivre.

"...Humpf..."


« Pourquoi n'es-tu pas comme les autres ? Serait-ce l'ignorance qui te pousse au pardon ? A moins que cela ne soit la folie ? »

Il roula des yeux pendant une brève seconde pour ensuite regarder autour de lui. Penser vite, c'était ce qu'il devait faire. Par chance (était-ce un signe que la darkness ne voulait pas sa mort ou qu'elle voulait s'amuser avec lui ?) la prise autour de son cou n'était pas aussi forte qu'elle devait l'être. La sensation de manquer d'air était désagréable, pesante ; les doigts qui s'enroulaient autour de son cou semblaient se jouer de lui, tout comme le regard d'Elisabeth. C'était étrange de la voir à travers les yeux de son ami. Il se souvint que ses deux bras étaient libres. Que devait-il faire alors ? Cogner sur elle pour l'éloigner de lui ? Non ce n'était pas la bonne solution. S'il voulait arranger les choses entre elle et Natsume, la violence n'était pas l'outil idéal. De plus, la violence engendrait la violence et si c'était pour créer un nouveau cycle, autant se laisser tuer sur le champ. Il plongea donc - toujours sans un mot - son regard dans celui de la darkness et inspira un peu d'air par le nez. Ses mains, elles, se soulevèrent pour venir rejoindre celles de sa nouvelle interlocutrice. Mais au lieu de tenter de le dégager de la prise gênante à souhait de la darkness, les doigts de l'élémentaire glissèrent doucement le long des bras de cette dernière, pour remonter eux aussi vers son cou. Il ne tenta pas de l'étrangler à son tour, non. Il positionna simplement ses deux mains sous le menton de cette dernière, pendant quelques secondes, en tentant de maintenir une respiration plus ou moins potable. Il inspira et les paumes de ses mains continuèrent leur route, passant par les joues de son assaillante pour ensuite se cacher derrière sa nuque.

"Je... je... ne suis pas effrayé par toi..." articula-t-il non sans peine. "C'est plutôt toi... Elisabeth... qui est apeurée... seule... mais... je suis là maintenant..."

La force physique de Vegeo n'était pas son plus grand atout. Il le savait et la darkness le savait aussi, c'était la raison pour laquelle ses deux bras étaient encore capables de bouger. Concrètement parlant, dans cette situation singulière, dans cette chambre et avec le soleil qui déclinait, elle était en net avantage et pouvait disposer de sa vie comme elle l'entendait. Malgré tout, il tenta la chance et joua sur l'effet de surprise : ses mains poussèrent avec vigueur la nuque d'Elisabeth vers lui de sorte que, moins de deux secondes plus tard, les fronts des deux comédiens de cette étrange pièce se touchaient l'un l'autre. Jamais le regard de l'élémentaire ne s'était perdu aussi profondément dans celui de quelqu'un ; jamais il n'aurait pensé chercher à ce point une émotion dans deux pupilles.

"... là... maintenant..." ajouta-t-il une nouvelle fois, avant de prendre la darkness dans ses bras.

Toujours sur le lit donc, Elisabeth se retrouvait dans une nouvelle position. Si l'élémentaire ne sentait avant que la prise autour de son cou, il avait maintenant un autre stimulus à prendre en compte. Dans le torse de son ami, qui était maintenant presque couché sur lui, il percevait le battement de cet unique cœur que deux âmes partageaient, tout en se disant que l'autre aussi devait avoir une bonne idée de son propre rythme cardiaque. Le cœur de l'élémentaire battait lourdement, avec entêtement, comme pour entrer en résonance avec celui de la darkness. Ses mains, qui quelques secondes auparavant étaient ensemble sur la nuque de cette dernière, s'étaient séparées : l'une était dans son dos et l'autre toujours derrière sa tête. Ils étaient, pour ainsi dire, joue contre joue.

"Je ne vais plus te laisser... tu n'es plus seule... Elisabeth..."


Message par Invité Dim 10 Nov - 0:26

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Tout comme pour son hôte malchanceux, un nombre étonnant d'émotions traversa le regard de son présent interlocuteur. Avait-elle pris de court l'élémentaire en agissant de la sorte ? Certainement. Le pauvre ne devait pas s'attendre à ce changement d'attitude chez son ami, encore moins que ce dernier ne laissa la place à la démone. C'était ce qui rendait la situation tellement délicieuse. Silencieuse, Elisabeth détailla avec intérêt, ce qu'elle pouvait lire sur le visage de l'homme. Mais rapidement, la joie malsaine qu'elle éprouvait à se sentir maîtresse de la situation céda la place à une pointe de déception. Elle s'était attendu à découvrir de la panique, du désarroi et même de la peur dans les iris de Vegeo. Il n'en fut rien. A la place, ce fut un autre sentiment, bien moins apprécié de la démone, qui apparut. Comment pouvait-il se comporter d'une manière aussi calme que celle-ci ? Ne se rendait-il pas compte de sa situation ? C'était impossible de rester impassible devant la mort en personne ! L'agacement commença doucement à envahir la darkness, au fur et à mesure que les secondes défilaient. Elle qui désirait comprendre, à présent, elle ne souhaitait plus que tuer cet homme pour faire taire ces interrogations inutiles. Elle pourrait toujours se consoler avec le désespoir du garçon, pendant et après son méfait commis. Et qui sait ? Peut-être que la perspective d'une mort éminente ferait davantage réagir l'élémentaire comme elle le voulait ? Cependant, ses funestes desseins furent interrompus net, de même que sa colère montante, quand les mains de Vegeo finirent par se mouvoir enfin. La démone le regarda faire, n'éprouvant qu'une surprise habilement dissimulée quand il les posa sur les siennes. Il pensait pouvoir se dégager de la sorte ? Alors même que la nuit tombait et qu'elle récupérait chacune de ses forces à chaque minute qui passait ? Décidément... Il était aussi stupide que l'humain. C'est du moins ce qu'elle pensa jusqu'à ce que les mains de l'homme continuèrent leur course, pour remonter le long de ses bras à elle. Que cherchait-il à faire ? Cela n'avait aucun sens ! S'il essayait de gagner du temps en agissant ainsi, il perdait littéralement celui qui lui restait à vivre. D'abord légèrement intriguée, Elisabeth finit par se lasser bien vite de ce petit jeu. Qu'importe ce qu'il tentait de faire, son interlocuteur la décevait. Elle qui pensait sincèrement pouvoir s'amuser avec lui... Néanmoins, un drôle de frisson la parcourut quand les mains de Vegeo frôlèrent sa nuque. Oh bien sûr, si elle avait voulu orienter la conversation dans ce sens , personne n'aurait pu l'en empêcher ou la faire changer d'avis. Après tout, ils se trouvaient bien dans une chambre non ? Plus encore, sur le lit de l'humain. Cela risquait d'être drôle de voir le visage de l'élémentaire se décomposer en voyant jusqu'où la darkness était capable d'aller avec ce corps qui n'était pas le sien. Mais tandis qu'elle s'abîmait dans l'ébauche d'un plan à ce niveau là, voilà que les paroles de l'homme lui parvinrent faiblement. Tellement qu'elle faillit ne pas l'écouter du tout ! Tentée de le couper pour lui rétorquer qu'il devrait parler plus fort s'il désirait attirer son attention, la démone manqua d'éclater de rire aux premiers mots de ce dernier. Il n'était pas effrayé ? Bien... Après tout, elle pouvait bien lui consacrer un peu plus de temps pour le faire changer d'avis non ? Cependant, la fin de la réplique de son interlocuteur la gela sur place. Pour un peu, elle l'aurait subitement lâché, de peur qu'il ne ressente le froid qui s'était emparé de son esprit, se répandre jusqu'au bout de ses doigts, déjà pâles.

« … Qu'est-ce que tu racontes ? »

Les mots formés un peu plus tôt par son cerveau, avaient franchi les lèvres de la démone plus vite que convenu. Pestant mentalement, Elisabeth regretta d'avoir parlé de la sorte. Elle ne pouvait laisser croire à l'autre qu'elle accordait un quelconque intérêt à ses propos. D'une, parce que c'était vrai. Ensuite, même si elle pouvait toujours jouer là-dessus pour mieux tourmenter son interlocuteur par la suite, étrangement, la darkness n'en ressentait pas l'envie. Cet homme n'était pas comme la vampire. L'unique chose dont elle avait besoin en ce moment, c'était de le faire taire. Par n'importe quel moyen. Elle... Sans même lui laisser le temps de mettre ses plans à exécution, l'élémentaire profita du fait qu'elle avait baissé sa garde quelques secondes de trop pour soudain l'obliger à se pencher vers lui. Cela n'avait rien de brutal comme action, ce qui déstabilisa encore un peu plus la démone. Le front de Vegeo était chaud, trop pour elle. Et pourquoi ne semblait-il nullement embarrassé par cette situation, de plus en plus ambiguë entre eux ? Le regard aux reflets sanglants se perdit dans celui, émeraude, de l'individu allongé en dessous. Si une partie d'elle trouvait ce tableau ridicule et comptait bien y mettre un terme rapidement, quelque chose de différent s'agita loin, dans le cœur ainsi que la conscience d'Elisabeth. Jamais cette dernière n'aurait cru qu'elle puisse ressentir cela, plus depuis la mort de celle qu'elle aimait. Elle s'était trouvé un but dans cette ville : répandre le chaos et la mort. Comme la mission que l'on avait attribué de force, à ceux de sa race. Alors pourquoi diable cet homme parvenait à lui faire remonter le temps ? A retrouver un peu de la personne qu'elle était avant de devenir celle à l'origine des Trois Jours Sombres et que l'on redoutait ? Mais les mains de Vegeo changèrent ensuite de position, de telle sorte que leurs fronts ne se touchèrent plus comme avant, leurs joues faisant désormais office de contact charnel. Même avec cela, la darkness était complètement allongée sur le corps de l'homme, jusqu'à entendre les battements du cœur de ce dernier, résonner de concert avec les siens. Et comme elle aurait dû s'y attendre, l'organe vital de l'élémentaire ne battait pas la chamade, prouvant par là que son propriétaire n'était ni effrayé, ni emballé par cette situation. Cela voulait dire... Qu'il pensait vraiment ce qu'il disait ? Qu'il avait pesé chacun de ses mots avant de les prononcer ? Interdite, la démone ne put qu'écouter les dernières paroles que son interlocuteur souffla tout contre son oreille, à son intention. Ne plus être seule ? Avait-elle seulement conscience de ce qu'était la solitude ? N'avait-elle pas appris à oublier avec le temps ? Lui qui était à la fois son plus fidèle allié mais également son pire ennemi ? Pouvait-elle imaginer, ne serait-ce qu'un court instant, une existence dépourvue de solitude ? Alors même qu'elle se savait condamnée à voir mourir les gens autour d'elle ? Que cela soit par sa main ou non ? Quel était donc l'enjeu de tout ceci ? S'affubler d'illusions pour mieux souffrir le désespoir par la suite ?

 « Non... »

Seul ce mot franchit ses lèvres. Sa voix quant à elle, demeurait étonnamment basse compte tenu de l'assurance dont elle avait fait preuve plus tôt. Elisabeth se repassait les paroles de son interlocuteur en boucle. En dépit de ce qu'il avait réussi à atteindre, son être tout entier le rejetait. S'il espérait lui offrir le Salut en agissant ainsi... Il devait s'attendre à ce que le Salut la rejette elle. Elle ne pouvait pas accepter cette vision des choses. C'était contre nature. Contre la sienne, ce qu'elle était devenue. A moins que ce ne soit la peur qui la fasse réagir de la sorte ? Une sorte de sourde terreur, autant celle de perdre un autre être cher, que celle de se perdre elle-même ? La peur se mua en terreur, la terreur en rage. La darkness reprit soudain le contrôle d'elle-même -elle ne se rappelait même pas comment elle en était arrivée à se laisser enlacer par un simple sot- et se dégagea avec violence des bras de l'élémentaire. Si son regard avait pu laisser voir l'étonnement ou bien l'hésitation, il n'était plus question de cela. Seule la haine brûlait dans les iris aux reflets sanglants de la démone. Mais cette fois, il n'était plus question de se rire de Vegeo ou de s'autoriser un sourire cruel en guise de réponse à sa requête. Non, à peine se fut-elle libérée que les mains de la darkness revinrent à la charge, serrant plus encore le cou de sa malheureuse victime. Elle ne jouait plus avec lui. Elle allait le tuer ici même, de ses propres mains, histoire de lui rappeler, ainsi qu'à Natsume, qui elle était. Et ce pourquoi elle existait. Elisabeth vit bien les mains de l'élémentaire s'activer en vain pour essayer de l'arrêter. Les siennes tentaient de se rejoindre de chaque côté du cou du pauvre homme, étouffant lentement mais sûrement ce dernier. Elle ne voulait plus l'entendre ! Elle ne voulait pas de cette gentillesse ! Mais même en essayant de se montrer déterminée, l'esprit de la démone demeurait perdu. Tout s'affrontait en elle, le soupçon de bon comme le mal. Et quand bien même celui-ci semblait remporter la partie... De là où il se trouvait, enfermé dans sa propre conscience, le garçon vit, horrifié, l'entité passer à l'action. Il n'avait eu de cesse d'essayer de reprendre le contrôle de son propre corps en voyant la darkness se rapprocher dangereusement de son ami, plus encore quand les mains de cette dernière s'étaient refermées sur le cou de Vegeo. S'il ne faisait rien, il allait mourir ! Bataillant, luttant, hurlant, l'étudiant eut la sensation que les liens d'ombre sur ses poignets se faisaient de moins en moins oppressants... Lorsqu'il reprit connaissance, Natsume se retrouva au-dessus de son ami, serrant de plus en plus le cou de ce dernier. La couleur du visage de l'élémentaire commençait déjà à changer, signe évident que l'air lui manquait cruellement. Abasourdi de se voir à la place de la darkness, plus encore de constater que celle-ci avait déjà abandonné la bataille, il mit plusieurs longues secondes avant de réaliser ce qu'il faisait. Sans doute son ami eut-il le temps de voir les iris couleur rubis changer. Avait-il compris que le propriétaire du corps était finalement revenu ? L'étudiant n'en sut rien et ne perdit pas de temps à le deviner. Lâchant soudain prise, il se recula vivement, oubliant simplement un détail : ils se trouvaient toujours sur le lit. Le résultat ne se fit pas attendre. Natsume perdit l'équilibre et tomba en arrière, se retrouvant au pied du meuble. Sa chute ne fut pas trop douloureuse mais elle réveilla sa douleur dans les côtes, suite au coup du lycan rencontré malencontreusement dans les bois. Serrant les dents, il ne voulut pas se plaindre. Pas après ce qui venait de se passer. Il avait réussi à éviter le pire mais...

 « Je...t'avais prévenu... » souffla t-il doucement, presque comme un murmure.

S'il s'attendait à une réaction semblable de la part de l'entité avec laquelle il partageait ce corps, le garçon ne comprenait pas comment il avait réussi à repousser Elisabeth aussi facilement. Il avait nettement senti le doute dans l'esprit de celle-ci. Quelque chose s'était produit alors qu'elle et l'élémentaire échangeaient quelques mots. Que s'était-il passé pour la perturber à ce point ? Sans cela, il aurait bien été incapable de sauver son ami à temps. Sa respiration reprenant doucement un rythme normal, Natsume osa enfin se remettre debout, non sans devoir prendre appui sur le meuble derrière lui. Les jambes tremblantes, il ne parvenait pas à croiser le regard de Vegeo. Par honte ? Non, l'autre savait ce qui l'habitait et ce dont il était capable. Ce qui le terrorisait davantage, c'était que la démone ait pu tuer son ami. Alors que ce dernier semblait avoir confiance en lui et en elle... Lorsqu'il reprit la parole, sa voix s'était faite froide et brutale.

 « Tu es satisfait à présent ? »

Ce que le garçon ignorait, c'est qu'il n'était pas le seul, à cet instant précis, à attendre la réponse de l'élémentaire. Depuis la conscience de Natsume, la darkness reléguée au second plan, une fois de plus, guettait le moindre mouvement sur les lèvres de l'homme qu'elle avait failli étrangler. Elle... regrettait son geste. Mais n'aurait certainement jamais l'occasion de le lui dire. Lui qui avait réussi à l'effrayer... Silencieuse, Elisabeth fixa l'individu qui se relevait lentement, son attention se portant quelques secondes sur les marques qu'il avait au niveau du cou. Les iris aux reflets sanglants remontèrent ensuite jusqu'à leurs confrères émeraude, se perdant pendant de longues minutes dans ces derniers. Elle pouvait bien laisser entrevoir ce qu'elle voulait dans ses yeux non ? Après tout, ce n'était pas comme si l'homme pouvait la voir...

Message par Invité Mer 28 Mai - 13:21

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"Zzzzz...Zzzzz...Zzzz...Zzz..."

En réponse à ce message si singulier, un pendule répondit d'un ton monotone.

..Toc..Tic..Toc..Tic..Toc..

Enfin de retour dans cette maison si apaisante. Vegeo Natus soupira dans son sommeil. En pleine plongée dans un divan abyssal il immergea dans un coussin son visage, pour le dissimuler à la lueur du jour. Contre son front une mèche de sa chevelure blonde, porteuse du parfum de son après-shampooing saveur pêche ; galopant sur sa peau un rayon de soleil filtrant à travers le volet. Le minuscule traversin, propre et sans une seule tâche, portait l'odeur du thym suite à une lessive récente ; le cuir du sofa de son côté était aussi chaud que le sol extérieur, qui invitait probablement chaque promeneur de la forêt vierge à s'allonger dans l'herbe pour profiter du beau temps. Par l'encadrement de la fenêtre, même l'odeur de son propre jardin - qui s'incarnait sous la forme d'un poétique parterre portant pratiquement chaque couleur de ce monde - s'invitait dans la petite demeure, au nom de la jeune, frivole et envoûtante Eleonor Doherty, compagne et muse de l'élémentaire. Contre le mur le plus proche de lui, un ancien pendule jouait de sa plus belle mélodie, allant de gauche à droite et de Tic en Toc, comme pour accompagner chaque inspiration et expiration du jeune homme plongé dans le sommeil ; sur une branche d'un arbre assez peu lointain un oiseau sifflait pour porter un songe. Dans la cuisine qui était une pièce presque adjacente on entendait une eau vigoureuse et impatiente de gagner son thé quotidien.

« Vegeo ? » murmura une jeune femme proche de lui.

Refusant de répondre il décida de ne pas ouvrir un œil et de se concentrer sur son état actuel : à savoir celui d'un homme en équilibre entre le monde réel et le royaume de Morphée. Pour autant il se questionna sur la source de cette brève interpellation. Qui était la jeune femme qui venait de s'exprimer ? Ça n'était probablement pas Eleonor car la jeune femme était en plein assoupissement, éloignée de toute rumeur et de toute lueur ; mais alors qui donc ? une invité ? Peu envisageable car le couple ne recevait que rarement du monde à la maison, surtout en plein après-midi. Une autre question de posait qui était donc celle de la personne s'occupant de l'eau dans la cuisine. Après une brève introspection Vegeo envisagea que toute cette ambiance sonore était le fruit de son imagination et passa donc à autre chose.

« Vegeo ? » s'exclama la jeune femme « Debout ! Nous sommes en compagnie ! »

"Mmm ?" répondit l'élémentaire sur le ton de la plainte.

Autour de lui tout sembla s'agiter brièvement, puis une seconde femme s'exprima en riant, pour qu'ensuite une intonation masculine s'invite dans la pièce.

« Ma foi ! Il ne changera vraiment jamais ! » s'exprima la première sur un air amusé.

« Tu vois ? J'avais raison » ajouta l'homme. « Vegeo est un grand enfant et il a besoin de son quota de sieste. Je me demande comment Eleonor et toi vous pouvez le supporter... » clama-t-il ensuite d'un air presque enchanté - sans doute la justesse de son jugement était-elle la cause de cet émoi positif.

Contraint par la force sonore de s'ouvrir au fantasque monde de l'Homme, l'élémentaire s'extirpa malgré lui de son sommeil pour découvrir - toujours dans sa position allongée - une scène qui ne manqua pas de l'interloquer : posée sur le même divan et penchée sur son visage se trouvait une Elisabeth bien vivante, avec sa propre enveloppe corporelle, amusée de le voir se réveiller avec cet air stupéfait. Tournant la tête vers la droite il constata encore une chose hors du commun : Saphira et Natsume étaient sur le second divan du salon, le jaugeant d'un air faussement accablé. Le bruit d'un plateau qu'on soulève s'envola alors depuis la cuisine et, alors que Vegeo adoptait une position assise - tout en se questionnant sur l'origine d'une telle situation -, une Eleonor toute pimpante arriva dans la pièce, traversant au passage un rayon de soleil assez conséquent pour l'atteindre, sans mot dire pour autant.

"Ah !" s'exclama-t-il par surprise, dans un souffle qui s'égara assez vite.

Pendant que sa compagne posait le service à thé sur la table basse, l'élémentaire observait chaque personnage de cette étrange scène, remarquant qu'aucun ne semblait maintenant le voir. Tous agissaient comme s'il n'était qu'un... meuble. Il resta ainsi, à écouter la femme de sa vie converser avec celle dont il voulait la survie ; à observer un couple officiel, avec une Saphira Kageya libre de toute emprise démoniaque et un Natsume rayonnant de bonheur et d'amour pour la vie. Était-ce un songe ou alors autre chose ? Ce qui est était certain, songea Vegeo avec mélancolie, en notant un papillon entrer par la fenêtre, c'était que ce scénario ne pouvait trouver son origine que dans l'âme d'un écrivain en mal de créativité. Car après tout le bonheur absolu (celui de l'espoir de ce monde pacifique et serein) n'était-il pas le rêve le plus simple qu'un pauvre fou puisse faire ? Dans ce monde en proie à la violence quotidienne et à la trahison ? Reportant son attention sur le plafond, en quête d'une réponse divine et d'un remède à son malaise - cette illusion de paix était si factice qu'elle en était désagréable à vivre - il remarqua comme un son dans le lointain, comme la rumeur d'une chose tombant au sol. Puis un faible message sembla venir de nulle part, comme pour l'entraîner ailleurs.

« Je...t'avais prévenu... »

Et tout changea.

...

Le pouvoir du temps est aussi immense que l'Univers en pleine expansion, et sa maîtrise relève du fantasme de chaque membre de chaque race. Pourtant au grand chagrin de l'habitant commun de la planète Terre, le seul quidam en mesure de contrôler cette capacité aussi bien que Père-Temps est le songe. Créature étrange et mystérieuse, le songe possède le pouvoir de rendre l'impossible possible, de transformer le Bien en Mal et vice-versa, de donner l'amour ou de le retirer ; il est capable de revenir dans le passé, de voyager dans l'avenir, de distordre le présent. Ainsi alors qu'une heure s'écoula dans le monde onirique de Vegeo Natus, on se doute que beaucoup moins de temps venait de passer dans le monde réel. Chaque œil révulsé revint à sa place injecté de sang, à cause du manque d'oxygène causé par l'étranglement de la Darkness. Avec ce nouvel arrivage sanguin, une entrée d'air maladroite et faiblarde : peut-être le corps de Natsume Kageya, son ami, n'était pas le plus fort en ce monde ; mais la lune pointant sa lumière blafarde par la fenêtre, sa précédente assaillante était plus forte que jamais. Retrouvant ainsi le souffle, la vue et le souvenir le plus récent - à savoir le visage d'une Elisabeth en rage tentant de mettre fin à sa si brève existence en ce monde - le jeune homme ne bougea pas immédiatement. La raison principale était que grâce à l'action du stress, son corps précédemment en proie à une délicate mais toutefois présente convulsion était maintenant comme vide de toute énergie ; le second motif était tout simplement le fait que passer d'un monde paisible (même si factice et hallucinatoire - le manque d'oxygène est capable d'accomplir cette chose merveilleuse sur le corps humain) à un monde où la vie ne tient qu'à un souffle de vie, était chose rare et déroutante. Il remarqua donc en premier lieu que la seule source de lueur de la chambre provenait du dehors ; l'ampoule qui ornait le plafond était encore vierge de toute luminosité. La seconde chose qu'il nota s'incarna sous la forme d'un bruit rauque : le souffle de Natsume. En ajout à ce stimulus sonore la sensation d'un tremblement provoqué par la température ambiante : en effet l'encadrement de la porte et l'ouverture de la vitre se combinaient pour laisser la voie libre à un courant d'air glacial venant de la ville, ce qui n'arrangea pas l'état de Vegeo qui, couvert de sueur, tentait encore de remplir complètement son arbre pulmonaire.

Le hurlement d'un pneu sur l’asphalte vint depuis l'immeuble d'en face pour troubler la quiétude ambiante et malsaine qui était celle de la chambre. Sans doute un conducteur avec un ego singulier tentait-il de trouver un frisson pour rendre sa vie plus intense : il était si commun de rechercher la limite entre la tension et le calme, entre la vie et la mort, mais l'individu ne pouvait imaginer comment on pouvait se sentir, quand on ne se trouvait qu'à une inspiration de la fin ; l'élémentaire en revanche en était conscient en ce moment-même, et envisager la fin de son existence était conceptuellement horrible.


« Tu es satisfait à présent ? »

Il ne répondit pas tout de suite. Était-il satisfait de sa tentative ? Non pas du tout. Loin de là. Il était tout simplement... triste. Loin d'en vouloir à Elisabeth il venait de se rendre compte de quelque chose : sa force n'était pas encore suffisante. Vegeo Natus était encore trop faible. Cet élémentaire capable de manier la plante et de lui redonner la vie, était encore trop fragile comme individu. Non donc, aucune satisfaction ne trouvait place en son âme, seule la certitude de devoir évoluer, encore, était présente. En effet peut-être qu'en devenant plus puissant, peut-être qu'en développant encore plus sa robustesse et sa manière de voir le monde, peut-être qu'en faisant ceci, il pouvait gagner le pouvoir de changer le monde, de changer le Mal en Bien. Mais bien entendu cette tâche ardue avait besoin d'un soutien. Que faire pour devenir plus fort ? Où se trouvait l'endroit qui pouvait l'aider à découvrir le potentiel lui permettant de changer le cœur d'une personne ? Qui pouvait devenir son maître ? Un instant il pensa à son employeur. Partisan discret de l'organisation du Cercle - discret car il n'aimait qu'une partie de sa philosophie - il ne cessait de la présenter comme un endroit où chaque race pouvait grandir dans son intelligence, sa spiritualité et son pouvoir. Le Cercle... était-ce le lieu où il pouvait transformer son rêve précédent en une réalité bien palpable ? Était-ce le groupe qui pouvait lui offrir ce qu'il voulait ? Sans aucun doute...

Il se redressa et, pendant qu'une mèche vint cacher son visage à celui de son interlocuteur, son cœur retrouva la manière de battre la mesure et de coordonner le reste du corps, comme un maître d'orchestre distribuant l'impulsion par la passion de son geste. Il resta dans cette position pendant bien une demi-minute, observant le sol pour reprendre contenance et pour trouver quoi dire.

"Non..." répondit-il à son ami. "Non je ne suis pas satisfait..." ajouta-t-il en se levant, titubant vers lui.

Il s'approcha de Natsume sans dire un mot, maladroitement, encore faible de sa confrontation avec sa propre inutilité. Autour du duo pas une rumeur, pas un son ; pas une lueur de lumière ni d'espoir, sauf peut-être celui d'un avenir incertain mais potentiellement bon. En tentant de rejoindre le Cercle, il pouvait sans doute obtenir le pouvoir de sauver son ami et son hôte. À présent proche de lui, il posa sa main droite sur la chevelure cendrée, elle aussi empreinte de sueur, pour ensuite rapprocher son front - encore une fois - et son regard de celui de son interlocuteur. Centrant sa vision sur chaque œil du jeune homme - et Dieu seul savait que la distance était si faible que rien d'autre ne pouvait être perçu - il prononça cette phrase, avec au fond de l'âme une flamme nouvelle. Ce n'était pas un faible rêve, une petite idée ; il voulait que son compagnon de mésaventure soit au courant de l'envie qui sinueusement semblait vouloir occuper chaque parcelle de son être. Il était sérieux.

"Ne... t'approche plus de moi. Ne tente pas de me retrouver. Quand je sortirai de cette pièce, je ne veux pas être accompagné. Je sais maintenant ce que je dois faire pour te venir en aide, je sais comment résoudre ton problème et comment vous sauver." prononça-t-il avant de s'éloigner de lui et de se diriger vers la porte de la chambre.

"Si tu as réellement besoin de mon aide, tu peux venir me trouver aux sources chaudes ou à la librairie du Chat Noir... mais je veux avoir le temps de trouver ce dont j'ai besoin... alors c'est une solution de dernier recours... je reviendrai... pour vous... quand je serai prêt." ajouta-t-il.

Laissant son ami seul - non sans une pointe de regret car sa sortie était dérisoire et ridicule - il passa par l'encadrement de la porte, pour ensuite se diriger vers l'entrée puis quitter l'appartement. Dans le couloir il garda une allure de marche normale, mais entama bien assez vite une course. Il devait s'éloigner de cet endroit, pour ne revenir qu'avec l'assurance de pouvoir plier Elisabeth au bon sens, et pour rendre chaque âme de cette enveloppe à sa liberté.

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