Avventura
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Message par Invité Lun 10 Juin - 23:57

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Les humeurs incertaines du temps prenaient fin. Un soleil timide réchauffait la ville, annonçant le retour des beaux jours, malgré quelques averses tenaces de temps en temps. L'Avventura allait enfin pouvoir profiter du retour en force de l'astre solaire et de sa chaleur bienfaisante. Il n'y avait plus qu'à espérer que la hausse des températures et l'absence de mauvais temps allait perdurer pendant encore quelques semaines, voir plusieurs mois. Car nul n'avait envie de retrouver la grisaille du mois de septembre, accompagnant chacune des rentrées scolaires de la même période. En cette belle journée ensoleillée, tandis que certains en profitaient pour reprendre en main leur petit bout de terre au fond du jardin ou encore, se rendre dans le centre ville pour y faire quelques emplettes, un jeune homme prenait la direction des alentours boisés de l'Avventura. Ayant pris son courage à deux mains, Natsume avait décidé de se rendre au cœur de la forêt corrompue. Non pas pour s'y faire un pique-nique, vous vous en douterez bien mais il avait besoin de réfléchir à ce qu'il était en train de devenir et songer à son avenir compromis par l'existence de l'entité enfouie en lui. S'il voulait comprendre ce qu'était Elisabeth et comment la vaincre, il devait plonger au fond de son être. Quoi de mieux que le lieu de sa mort ? Celui-là même où elle avait répandu la mort et la désolation une fois de trop dans les flammes de l'Enfer tout entier. L'attention de l'étudiant fut un instant captivée par un groupe de forrains de passage en ville. Plusieurs hommes et femmes, vêtus de manière voyante et colorée, attiraient la curiosité des passants pour distribuer des tracs, annonçant leur prochain spectacle. Faisant une halte, il les observa faire pendant quelques minutes, en prenant soin de rester à l'écart pour ne pas avoir à recevoir l'un de ses bouts de papiers bon pour croupir au fond d'une de ses poches. Il se demanda s'il n'agissait pas ainsi pour éviter d'avoir à penser à ce qui l'attendait ? Qu'un rien occupait son esprit et que cela était préférable au fait de se remémorer les événements de cette nuit ? Natsume avait plus que jamais conscience que le temps lui était compté. Pas au même titre que les humains ordinaires, avec leur durée de vie bien trop faible comparée à celles des vampires, darkness ou même lycans ! Etouffant un soupir, il reprit son chemin, silencieux. C'était une décision qui n'avait pas été prise de gaieté de cœur. L'idée même se retourner dans ces bois, après ce qui s'y était passé, il y a de ça, plusieurs mois déjà, le mettait mal à l'aise. Avait-il peur que la présence de ces vestiges du passé, restes carbonisés et maudits à jamais par la Darkness, fasse resurgir leur sinistre créatrice ? Peut-être. Il préférait ne pas voir la vérité en face pour le moment. Il avait suffisamment à faire avec les doigts de sa main droite et les bandages qui les recouvraient. Suite à l'apparition de l'entité ce soir là, Maria n'avait pas eu d'autres choix que de les lui casser. Si le garçon n'avait rien senti sur le coup, faute de n'être pas totalement maître de son corps au moment des faits, il en avait bavé par la suite en revanche. Heureusement qu'un petit séjour à l'hôpital -et un coup de main de la part de Maria- l'avait aidé à guérir en grande partie. Pour l'instant, il devait simplement faire attention à ses os, encore fragiles depuis l'incident. Rien que de repenser qu'il avait laissé Elisabeth prendre possession de lui pour blesser la vampire le révoltait. La jeune femme avait beau se dire confiante concernant ses projets, que sa détermination triompherait de l'entité, l'étudiant se trouvait misérablement faible. Ne l'avait-il pas toujours été en fin de compte ? Probablement.

Inconsciemment, il porta une main à son cou, tandis que ses pas le menaient en dehors de la ville. Un autre bandage y était également placé, de même qu'un  semblant de pansement pour lui rappeler l'état de son nez. Décidément, il faisait peine à voir. Une chance qu'il soit tombé sur ce groupe de forrains, au moins l'attention des passants s'était concentrée sur eux, non sur les blessures en cours de guérison de l'étudiant. Mais le pire à passer, restait probablement l'inquiétude de ses deux colocataires quand il les avait appelé de l'hôpital. Il ne pouvait pas leur dire la vérité, encore moins à propos de la Darkness mais il se devait de leur trouver un mensonge correct. Un client un peu trop ivre ? C'était certainement moins héroïque que de prétendre qu'il s'était interposé lors d'une bagarre entre deux hommes sur qui l'alcool avait fait des ravages, mais probablement plus crédible aux yeux et aux oreilles de tout le monde. Ce n'était pas avec une carrure comme la sienne qu'il aurait pu faire grand chose pour les séparer. Même si cela aurait justifier la plupart de ses blessures. Une chance pour lui, les deux jeunes femmes ne lui posèrent pas énormément de questions, sans doute pour ne pas se montrer trop intrusives et le laisser se reposer. Au point que Natsume s'en voulait de leur mentir. Elles étaient tellement adorables toutes les deux qu'il se faisait parfois la réflexion qu'elles pourraient le comprendre. Sauf que ça ne serait pas le cas, il le savait. Le garçon sentit un frisson le parcourir quand il pénétra dans le domaine ravagé de la forêt. Plus aucune trace de vie ne subsistait ici. Tout avait brûlé et les animaux avaient migré vers d'autres recoins préservés du bois. L'air était étrangement lourd, comme empreint d'une menace silencieuse et l'absence de bruits, typiques de l'endroit, mettait mal à l'aise le visiteur indésirable. Si bien qu'il sursauta malgré lui quand une branche morte se rompit sous son pied. Natsume pesta et s'arrêta un instant avant d'inspirer profondément. Il faisait jour, il était seul -jusqu'à preuve du contraire- donc il n'avait rien à craindre. Il devait se détendre, quitte à mettre le temps qu'il fallait pour se calmer. Avait-il bien fait de venir ici tout compte fait ? Il commençait à en douter et il dut se faire violence pour poursuivre son chemin, non le rebrousser au galop. Etant donné son malaise, il refusa de se rendre au cœurs même de la forêt corrompue mais ne se contenta pas non plus de se tenir en lisière de la forêt. De peur qu'on le remarque et qu'il s'attire, une fois encore, une mauvaise rencontre. A croire qu'il avait un don pour ça ! Il choisit, ce qui avait certainement dû être une petite vallée, compte tenu de la disposition des restes calcinés des arbres alentours, pour s'asseoir en son milieu. Il s'exécuta avec précautions toujours, repliant ses jambes sous lui pour se mettre en tailleur. Le regard rubis en profita pour observer son environnement. Et bien vite, le constat tomba. Qu'avait-il espéré trouver en venant ici ? Que les restes noircis allaient lui susurrer la réponse à ses maux ? Qu'il entendrait les fantômes des victimes d'Elisabeth ? Ou que cette dernière, en personne, viendrait lui rendre une petite visite ? Non, bien sûr que non ! Il n'était pas stupide à ce point mais...

Mais tu aurais mieux fais de consulter les archives de la ville plutôt que d'entreprendre ce voyage inutile...


Agacé de s'auto-critiquer alors que dans le fond, il pensait bien faire, Natsume bascula e arrière et s'étala de tout son long sur le dos, dans la poussière, mêlée de cendres. Tant pis pour ses vêtements, ce n'était pas les résidus grisâtres qui seraient difficiles à enlever. Quelques coups de main bien sentis là-dessus et ses habits retrouveraient leur couleur habituelle. Quant à ses cheveux, un sourire amusé étira les lèvres du garçon lorsqu'il songea que ces derniers n'avaient pas à s'en faire à ce sujet, étant donné qu'ils étaient presque de la même teinte que la poussière dans laquelle il venait de s'allonger en toute connaissance de cause. Un shampoing ne serait tout de même pas de trop à son retour à l'appartement. Sinon ses colocataires allaient penser qu'elles vivaient avec un type louche. Ce qui était vrai dans un sens. Croisant ses bras derrière sa tête pour rendre sa position plus confortable, l'étudiant observa le ciel en silence. Certains branches noircies, de par leur inclinaison, lui donnait la désagréable impression de vouloir se replier sur lui, comme pour l'enfermer au creux de leurs bras griffus. Heureusement que la chaleur du soleil le réconfortait un peu. C'était déjà ça de pris. Sauf qu'il l'éblouissait. Les arbres avaient perdu leurs feuillages, rien ne pouvait donc stopper la course des rayons solaires, si bien que Natsume dut fermer les yeux pour éviter de finir aveugle. Et il devait reconnaître qu'il en oubliait presque l'endroit où il se trouvait en restant ainsi, à paresser sous le soleil. Il se souvint de la fois où il s'était rendu au lac, comment il avait profité du spectacle de toute cette eau miroitant sous l'astre solaire. Mais bien vite, il dut chasser ces souvenirs, car ces derniers lui rappelèrent les événements qui avaient suivi sa longue sieste improvisée sur les berges. Il laissa plutôt dériver ses pensées sur le problème dont il était venu quérir la réponse, à savoir, comment venir à bout de la Darkness. Il s'était montré confiant auprès de la vampire, affirmant qu'il suffirait simplement d'affronter l'entité au moment de sa mort pour ensuite renaître. Il s'agissait seulement de la théorie, dans la pratique, les coefficients « doute » et « échec » devaient être pris en compte. Pouvait-il réellement faire face à la démone et en sortit vainqueur ? Si oui, comment allait-il revenir ? Est-ce que son corps supporterait la transformation en créature maléfique ? Changerait-il au point de ne plus se reconnaître dans un miroir ? Ou bien, sa conscience se perdrait dans les ténèbres qu'elle aura elle-même conçus, faute de pouvoir prendre appui quelque part ? Peut-être qu'il aurait dû accepter la proposition de Maria et la laisser le changer en vampire... Mais il ne se serait jamais pardonné de ne pas revenir et de lui laisser sa mort sur la conscience. En parlant de mort, il fallait qu'il trouve comme s'y prendre, si c'était là, l'unique moyen de revoir Elisabeth sans impliquer d'autres personnes. Se jeter sous les roues d'un camion était vivement déconseillé, il en avait fais l'expérience. Retrouver l'un ou les deux complices qui l'avaient agressé dans la ruelle ? C'était envisageable mais il doutait d'avoir l'aplomb -et le courage- nécessaire pour aller à leur rencontre. Autant d'interrogations sans réponses. Et il était venu ici pour quoi au départ... ? C'est alors qu'il sentit qu'on lui faisait de l'ombre. Lentement, il ouvrit les yeux pour voir ce qui se tramait quand il découvrit un visage penché au-dessus du sien. Passé l'instant de surprise, Natsume se redressa d'un coup, heurtant violemment le menton de son mystérieux interlocuteur dans le même temps. Lâchant un grognement de douleur, il porta une main à sa tête, prenant appui sur l'autre pour se remettre debout. Mal lui en pris car il réveilla ses blessures et une nouvelle plainte lui échappa. Il parvint, tant bien que de mal, à se relever pour faire face au nouveau venu. Devait-il s'excuser pour l'avoir bousculé sans ménagement ? Ou devait-il attendre que l'autre s'explique pour l'avoir espionné d'une manière aussi indiscrète ? Peut-être s'agissait-il d'un autre fou ou psychopathe qui l'aurait débusqué ? Le garçon déglutit avec difficultés en imaginant le pire scénario possible. Mais plus il dévisageait l'inconnu, plus son visage lui rappelait quelqu'un. Des cheveux couleur blé pour deux iris émeraudes.

 « Vegeo ? Bon sang mais... Qu'est-ce que tu fais ici ? » s'exclama t-il, stupéfait.

Cela avait été plus fort que lui. Plutôt que d'engager une banale conversation pour célébrer leurs retrouvailles, voilà qu'il jouait les impolis en lui demandant la raison de sa venue dans ses lieux. Depuis quand on avait besoin de se justifier pour une promenade champêtre ? Peut-être lorsque votre destination n'était qu'autre que la forêt corrompue... L'étudiant sentit sa respiration revenir à la normale -oui il avait vraiment eu peur de tomber sur un autre nouveau tordu tueur en série- et essaya de reprendre une attitude normale envers son interlocuteur-presque-ami. L'élémentaire était tout sauf un psychopathe vicelard, il pouvait donc être rassuré. A moins que ce dernier n'ait radicalement changé entre temps ? Natsume en doutait. Et il espérait secrètement ne pas se tromper à son sujet. Ce n'est qu'au moment où le regard du jeune homme se porta sur lui, que le garçon prit conscience du spectacle qu'il affichait. Il se sentit soudain mal à l'aise, très mal à l'aise, sachant que les questions ne tarderaient pas à tomber. Surtout que Vegeo était du genre à s'inquiéter plus pour les autres que lui-même. L'étudiant soupira mentalement, priant presque pour que l'autre ne fasse pas attention à ses bandages. Un espoir vain certainement...

Message par Invité Ven 14 Juin - 1:37

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Aujourd'hui, le ciel était dominé par le soleil. Dardant ses rayons sur toute la région, il se voulait imposant et tout puissant. D'humeur généreuse, il ne se contentait pas uniquement d'illuminer les alentours : il rendait l'atmosphère lourde grâce à une chaleur étouffante. Il était compliqué de se contenter de quoi que ce soit au niveau des températures depuis quelques temps. Le matin il faisait parfois trop froid, alors que l'après-midi l'air devenait irrespirable. Tout du moins c'était la sensation de l'élémentaire, qui s'était découvert comme étant l'amant d'une seule saison : le Printemps. Mais cette année ce dernier ne semblait pas s'être réellement manifesté, il avait plutôt joué la carte de la discrétion ;  ce qui était triste quand on savait qu'il était l'unique saison favorable pour des personnes comme Vegeo. Prenant son mal en patience, il avait attendu, longtemps, très longtemps, que le climat soit médian. Ce qu'il fallait avouer, c'est que la chance n'avait pas été de son côté. En cette journée beaucoup trop chaude pour être vécue agréablement donc, il avait décidé de profiter. Pour une fois il pouvait le faire, il fallait donc s'aérer un peu les idées. Depuis quelques temps et c'était le cas de le dire, il en avait bien besoin. De nouveaux problèmes ne s'étaient pas immiscés dans sa vie ; un nouveau drame n'était pas à compter dans son histoire ; il n'était ni inquiet ni triste - bien au contraire, tout allait bien dans sa vie - mais il avait au ventre une étrange sensation. Cette chose qui travaillait dans sa tête, qui faisait qu'il se sentait par moments sans énergie, c'était l'état de manque. Non, l'élémentaire n'était pas devenu accro à une quelconque drogue. Il faisait attention à sa santé, tentait de s'entretenir un minimum. Le soucis principal était celui-ci : il n'utilisait plus ses pouvoirs depuis plusieurs mois. Il pouvait parfaitement vivre sans - à bien y penser il vivait d'ailleurs plus comme un humain commun que comme un élémentaire - mais cette sensation, ce flux de vie qui parcourait avant ses veines n'existait plus que dans ses souvenirs.

Aussi, comme l'idée d'utiliser ses capacités à nouveau s'était imposée comme une évidence depuis un certain temps déjà, il avait décidé de retourner - pour la première fois depuis plusieurs mois - dans la forêt de l'Avventura. La dernière fois qu'il avait visité l'endroit, c'était en vitesse. Sans prendre le temps de s'imprégner du lieu, il s'était dirigé vers la cabane découverte lors de son isolement, l'été précédent, pour récupérer ce qu'il y avait oublié : une somme d'argent relativement conséquente. C'était la seule fois, depuis l'incident, où ses pas s'étaient dirigés vers les bois verdoyants qui entouraient la ville. Pour ce qui était de la forêt corrompue, c'était une autre affaire. Le lieu de sa naissance - situé au cœur de la forêt sombre - était resté secret, inhabité, sans visiteurs quels qu'ils soient. L'élémentaire lui-même n'était pas revenu, depuis qu'il avait découvert que sa raison d'être n'était plus. C'était encore un autre de ses grands soucis : il ne pouvait remplir son rôle. Sauver la forêt ravagée par les pouvoirs d'Elisabeth n'était pas sans ses cordes. Il ne voyait que quelques solutions pour pouvoir retrouver l'espoir de résoudre son problème. Il devait soit devenir plus fort ; soit trouver d'autres élémentaires avec ses capacités ; soit demander l'aide de personnes ayant des pouvoirs semblables aux Darkness, mais aux effets inverses. Mais Dieu seul savait si pour parvenir à ses fins il ne devait pas réunir toutes les solutions en une seule. Une coalition d'élémentaires et de Lightness aux pouvoirs immenses semblait le seul remède aux maux des bois.

Au matin levant, Vegeo s'était donc dirigé vers la forêt vierge. Le pas rapide et léger, il s'était mis en chemin avec hâte. Il s'était levé tôt, parcourant le sol de la demeure d'Eleonor sans faire le moindre bruit. Le jour était pour elle ce que la nuit était pour lui : le moment du repos. Il avait fermé la porte avec douceur en laissant un petit mot précisant qu'il serait dehors pour la journée. Il aurait besoin de temps pour reprendre pied et une journée complète était ce qu'il fallait pour ça. Pendant toute la matinée donc, alors que le soleil continuait sa course pour atteindre le zénith, l'élémentaire avait recherché ses vieux repères. Posant ses mains sur les troncs des arbres et communiant avec ces derniers, il avait dressé une nouvelle fois la carte des lieux et remarqué chaque changement depuis son départ. Sur quelques sentiers à l'abri des épées lumineuses de l'astre solaire, il s'était arrêté pour alimenter les plantes qui semblaient en avoir besoin. Le gardien des bois était de retour et ses pouvoirs n'étaient pas amoindris par le manque d'utilisation. Satisfait, Vegeo continua de marcher sur les chemins les plus ombrageux, profitant de la fraîcheur de l'air et de la terre.

À un moment incertain de la journée, il arriva à la lisière de la forêt vivante..et se retrouva devant une frontière qui, lentement, sur quelques mètres, marquait littéralement le passage de la vie à la mort. Étonné par le contraste saisissant de l'endroit dans lequel il se trouvait, il s'était arrêté pour tout observer en détail. À sa gauche, une végétation luxuriante et baignée dans la lumière et les couleurs de la vie ; à sa droite, un sentier qui par dégradés passait du vert au moins vert, puis au gris, puis au noir et finalement, à quelques centaines de mètres, aux cendres. Il déglutit. Devait-il retourner aussi dans la forêt sombre ? Après tout, là, quelque part dans ces bois maudits et stériles, existait un lieu qui avait été épargné.

*L'endroit où je suis né...*

Il regarda à sa droite, puis à sa gauche. Ironie du sort : l'endroit le plus vivant n'était pas celui dans lequel il était apparu. Vegeo Natus était né des cendres de la forêt sombre, il était une chose sans nom propre, sans race bien précise, sans destin bien tracé. Lâché comme un animal dans la Nature, il avait dû subir les tourments de la vie quotidienne, sans soutien aucun au tout début. Dieu merci, l'inquisiteur l'avait aidé et surtout, elle était là. Son existence n'aurait pas eu la même saveur sans Eleonor Doherty. Mais la jeune vampire n'était pas la seule à avoir son importance.

*Elisabeth...*

Même si ses sentiments à son égard semblaient parfois incertains, il savait qu'il ne lui en voulait pas. Au contraire, il ne lui voulait que du bien. L'existence de la démone n'était pas dirigée par la haine du meurtrier mais par celle de la victime. Il y avait bien pensé au cours de ses moments les plus sombres et c'était la seule conclusion à laquelle il était parvenu. Comment allait-elle? Et Natsume? Même s'il avait l'impression d'avoir beaucoup plus communiqué avec la Darkness, il s'inquiétait aussi pour le jeune humain. La souffrance était mutuelle chez ces deux être, orphelins tous les deux d'un être pour les aimer. Il repensa avec un soupçon de nostalgie à leur dernière rencontre, et se dirigea d'un pas résolu vers les zones cendrées des bois corrompus. Ici rien n'était identique. Les arbres ne communiaient plus : ceux avec encore un soupçon de vie se lamentaient ; les autres, coquilles vides jonchant ce qui semblait un champ de bataille abandonné, restaient silencieux, affreusement, horriblement silencieux. Chaque pas sonnait faux alors que les brindilles durcies par le temps craquaient ; chaque prise d'air était un poison pour les poumons de l'élémentaire, qui inspirait parfois les cendres soulevées par ses propres pas. Il toussa un bon coup et continua son chemin. Impossible ici de donner la vie, il était le seul à avoir bénéficié de la clémence du destin. Un véritable miracle que celui de sa propre existence.

*Naître au sein de la demeure de la mort...quelle ironie du sort..* songea Vegeo sur l'instant.

Il avait la nette impression de tourner en rond. Sans aucune possibilité d'utiliser ses pouvoirs pour se repérer, il était aussi fragile et perdu qu'un humain. Mais ce n'était pas la sensation la plus désagréable - après tout il vivait comme un humain depuis bien longtemps. Non, le plus désagréable c'était de continuer son chemin sans rien pouvoir faire pour ce qui l'entourait. L'image était celle d'un soldat trainant le pied au milieu d'un champ de cadavres, où les blessés requérant son aide étaient des centaines. Mal à l'aise, il continua cependant d'avancer : l'envie de retrouver l'endroit dans lequel il était venu au monde ne quittait pas son esprit. Après plusieurs minutes enfin il déboucha sur une ancienne vallée mais, encore une fois la chance n'était pas de son côté : rien de vert dans les environs. Pourtant, au sein de celle-ci quelque chose détonnait. L'élémentaire releva une mèche rebelle puis pencha la tête en avant, pour écarquiller les yeux. Instinctivement, il se cacha ensuite discrètement derrière l'arbre le plus proche, la tête penchée, regardant tout autour de lui. Le comportement inhabituel était dû au fait qu'il savait que l'agitation n'était pas la bonne solution. Au fond de lui pourtant, tout était sans dessus-dessous.

*Un corps..il y a un corps là...*

Là, étendue à même le sol, une personne. Aucun bruit dans les environs. La chaleur étouffante rendait l'ambiance encore plus lourde. Le cœur battant la chamade, il pensa qu'au moins tout risque semblait écarté. Il s'approcha, lentement, de l'inconnu qui était allongé. Ça ne pouvait être qu'un corps. Qui viendrait dans une forêt de ce genre, en plein après-midi, pour profiter du soleil ? C'était la seule explication possible aux yeux de l'élémentaire. Étrangement il n'était pas paniqué - la raison demeurait peut-être dans le fait qu'un corps étendu au sol n'avait rien à voir avec plusieurs corps démembrés reposant dans une marre de sang. Une fois arrivé à proximité de la personne qui se trouvait par terre, il pencha la tête.

*Cette chevelure..on dirait..*

Mais il n'eut pas le temps de faire appel à ses souvenirs récents. D'un coup, l'inconnu ouvrit les yeux et se releva d'un bond, heurtant le menton de Vegeo. Surpris par l'événement - il était sur le point d'ouvrir la bouche, pour pousser un cri d'exclamation - il se mordit la langue. Tout en titubant, il tomba à la renverse et s'étala de tout son plein.

"Nwan de !!!" lâcha-t-il.

Des larmes montèrent subitement, exprimant la douleur du malchanceux. Il se tenait le menton en gigotant - mais était au moins "réconforté" par le fait qu'aucune goutte de sang ne semblait sortir de sa bouche. Au moins sa langue était encore entière. Il se releva à son tour d'un bond, lançant au personnage un regard douloureux.

 « Vegeo ? Bon sang mais... Qu'est-ce que tu fais ici ? »

"Na vait mal !!" lança-t-il. "Gnnnnn..."

Des perles d'eau coulant encore le long de ses joues, il regarda Natsume avec l'air d'un enfant qui venait de tomber par terre. Les yeux grands ouverts, remplis de larmes, la mine offusquée. Tout en se rendant compte de l'aspect étrange du jeune homme - étrangement c'était la première fois qu'il le croisait sans qu'Elisabeth ne lui passe par la tête - il se concentrait tout de même plus sur la mobilité réduite de sa langue que sur les bandages. Il secoua avec vigueur sa main droite en levant les yeux au ciel.

*Quelle douleur ! Mais quelle douleur !!*

Après quelques secondes, sentant qu'il pourrait parler à peu près normalement, il s'adressa à Natsume.

"Tu vas bien ? Quelle idée de s'allonger comme ça dans cette partie de la forêt ! Je croyais que tu étais mort !"

Encore un peu sonné, il regardait Natsume d'un œil torve. Le son de sa voix, loin d'être moralisateur, était sincèrement inquiet. Malgré tout, les circonstances faisaient que pour une fois dans sa vie, l'élémentaire mettait une énergie peu habituelle dans ses propos. Après tout, Dieu que ça faisait mal de se mordre la langue, d'autant plus que c'était sa première fois.

Message par Invité Sam 15 Juin - 18:04

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Une sorte d'incantation mystique franchit les lèvres de son interlocuteur en guise de seule réponse. Plutôt qu'une réponse à la question de l'étudiant, c'était plus du charabia qu'autre chose, seul le dernier mot résonnait de manière intelligible comparé aux deux précédents. D'abord perplexe devant la façon qu'avait l'élémentaire de parler, Natsume prit davantage en considération, le comportement de ce dernier. Tandis qu'il se tenait toujours debout, face à l'individu qui l'avait surpris, il avait eu le temps de voir l'autre tomber à la renverse -il fallait croire qu'il avait mis davantage de force dans son mouvement pour se redresser qu'il n'aurait cru au premier abord- avant que celui-ci ne se relève aussi rapidement que le garçon, non sans cesser de se tenir le menton. Lui avait-il fait mal en le bousculant ? C'était possible, lui-même avait ressenti une courte douleur sur le haut de sa tête quand il avait heurté le menton de Vegeo. Il voulut s'excuser d'avoir réagi trop brusquement visiblement quand il découvrit l'expression de son interlocuteur. Immédiatement, le garçon oublia le malaise qu'il avait ressenti en affichant ses bandages aux yeux du promeneur imprévu au programme ou même la gêne de lui avoir fait mal. Non, c'était trop hilarant comme attitude, surtout venant d'un adulte comme l'élémentaire était sensé se comporter comme tel. Natsume avait l'impression d'avoir face à lui, un enfant de 5 ans, à qui on aurait refuser d'acheter un bonbon. C'était exactement cette expression qui apparaissait sur le visage de son interlocuteur, à la fois offusquée et boudeuse. L'étudiant dut prendre sur lui pour ne pas éclater de rire, au risque de vexer encore plus le jeune homme, si toutefois, c'était possible. Inconsciemment, il leva sa main gauche -non bandée- au niveau de son propre visage et plus particulièrement, au niveau de sa bouche, pour être certain que Vegeo ne puisse pas voir l'ombre d'un sourire se dessinant sur les lèvres du garçon. Devait-il toujours s'excuser ? Il comprenait que le choc eut été douloureux pour son interlocuteur mais cela semblait pire qu'il ne l'avait supposé. Il ne lui avait quand même pas cassé une dent, si ? A cette idée, Natsume redevint sérieux et consentit à baisser son bras pour s'adresser à l'élémentaire, sans que sa main étouffa ses propos :

« Je suis vraiment désolé Vegeo, sur le moment, je ne t'avais pas reconnu et puis... On ne surprend pas les gens comme ça... » finit-il par ajouter comme pour lui-même.

Cela ne sembla pas plus que ça calmer l'énergie que déployait son interlocuteur pour manifester sa douleur. Peut-être même qu'il ferait un bon acteur si jamais il était un tantinet moins démonstratif pour la peine... Tout en observant le jeune homme agiter en vain la main pour faire passer sa souffrance, Natsume se fit soudain la réflexion qu'il ne savait pas comment agir vis-à-vis de lui. Pourquoi ? Parce qu'Elisabeth avait marqué chacune de leur rencontre par sa présence malsaine, ne leur attirant que des ennuis à tous les deux par la même occasion. Par conséquent, il n'avait eu que très peu d'opportunités pour parler en tant qu'humain avec le jeune homme. Surtout qu'il s'était préoccupé de l'avenir de Vegeo en le voyant partir en compagnie de cet homme louche. Il faisait étrangement confiance à l'élémentaire pour ne pas éprouver de rancoeur envers lui pour les actes qu'il avait commis en étant sous l'influence de la démone. L'étudiant ne savait pas pourquoi, ni comment cela était possible mais Vegeo était le seul qui semblait encore croire en l'entité. Sa main gauche se porta nonchalamment à son cou blessé. Non, c'était impossible qu'il subsista, ne serait-ce, qu'une infime part de bonté chez la Darkness. Ces actions parlaient d'elles-mêmes. Dire que si elle avait réussi son coup, il... Natsume déglutit avec difficultés. Il n'aurait jamais pu rencontrer Vegeo aujourd'hui, dans cette partie de la forêt, ou même ailleurs. Et pourtant... Lorsqu'il était tombé sur l'élémentaire accompagné de l'inquisiteur, le premier avait réussi à le sauver du second, en apaisant l'entité. Le garçon avait encore du mal à comprendre ce qui s'était passé cette nuit là. Ce qui avait poussé le jeune homme à secourir la démone, il pouvait, disons, plus ou moins le comprendre car Vegeo était quelqu'un de bien, toujours prêt à rendre service ou à aider une personne en difficulté. Peut-être que cela lui coûtera la vie un de ces jours. L'image de l'élémentaire tué par ses propres mains, sous le contrôle de la Darkness, fit frémir l'étudiant. Ces deux êtres étaient parfaitement à l'opposé cependant le jeune homme avait réussi à arrêter la démone ce soir là. Comment ? Natsume l'ignorait et doutait de pouvoir en parler librement avec l'intéressé. Encore moins avec Elisabeth en personne. Le regard rubis quitta un instant la personne en face de lui pour se diriger vers le ciel. Le soleil était toujours présent au-dessus de leur tête, comme inébranlable. Même dans cette partie de la forêt, il faisait bon. Si l'on fermait les yeux sur le décors grisâtre et calciné autour d'eux, la poussière qui se soulevait à chacun de leurs pas, oui, on pouvait presque apprécier la chaleur de cette journée.

«  Tu vas bien ? Quelle idée de s'allonger comme ça dans cette partie de la forêt ! Je croyais que tu étais mort ! »

Sentant ses yeux s'écarquiller de stupeur lorsque la fin de la phrase lancée par l'élémentaire atteignit ses oreilles, le garçon mit un certain temps avant de reporter son attention sur l'individu en face de lui. Il pouvait vraiment sortir ce genre de réplique ? Sans réfléchir un seul instant à la porté qu'auraient ses mots une fois qu'ils auraient franchi ses lèvres ? Tout en fixant Vegeo en silence, l'étudiant se dit que cela lui ressemblait bien tout compte fait. Il ne savait pas ce qu'il était devenu pendant tout ce temps où ils ne s'étaient pas revus mais il semblait que le jeune homme n'avait pas changé dans sa façon d'agir ou de s'exprimer. Il était toujours aussi sincère et... maladroit dirons-nous. Sauf qu'à ce moment, il n'était plus seulement maladroit avec ses mots, en dépit de l'inquiétude présente dans le timbre de sa voix, ses propos blessèrent le garçon. Natsume ne comprenait pas pourquoi il se sentait irrité. Parce que son interlocuteur se faisait réellement du soucis pour lui ? Parce qu'il osait lui faire une remarque concernant sa présence ici, alors qu'il n'était pas mieux placé à ce sujet pour l'avoir Dieu seul sait espionner depuis combien de temps, avant de lui faire peur par mégarde ? Ou encore parce qu'il ne voyait – ou ne voulait pas voir- pas les bandages présents sur son cou et sa main droite ? Que cela aurait dû l'alerter sur l'état physique -et psychologique- du garçon et lui faire mesurer ses propos, à défaut de tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler comme disait le dicton ? Peut-être un mélange de tout ça. Pendant les longues minutes qui suivirent la remarque de l'élémentaire, pas un mot ne fut prononcé. L'expression de l'étudiant était devenue bien sombre, contrastant avec la lumière qui régnait dans l'ancienne clairière. Il avait beau se dire que Vegeo n'avait pas voulu mal faire, il n'y parvenait pas. Pas après ce qu'il avait traversé et l'incident récent avec Maria. Ne pouvant plus soutenir le regard de son interlocuteur, Natsume baissa les yeux en direction des pieds de ce dernier. A la réflexion, ses chaussures étaient presque aussi blanches que les siennes, en raison du mélange grisâtre entre poussière et cendres, qui recouvraient toute la surface de la partie dévastée par les flammes de la Darkness. Un soupir s'échappa des lèvres du garçon, alors qu'il s'apprêtait à répondre au jeune homme.

« J'étais venu ici pour réfléchir, tu m'en vois navré si je t'ai inquiété pour rien. Comme tu peux le voir, je suis toujours en vie, sans savoir pour combien de temps encore. Si Elisabeth avait réussi son coup, je serai mort à l'heure où nous parlons. »

Sa voix était terriblement froide, autant que ses deux iris couleur rubis, si toutefois, ces derniers avaient rencontré le regard émeraude de l'élémentaire. L'étudiant marqua une pause. En avait-il trop dit ? Non, devait-il simplement en parler avec Vegeo ? Un drôle de sourire étira les lèvres de Natsume. Lui qui tentait par tous les moyens de sauver et de raisonner la démone, n'allait-il pas devoir faire un choix à un moment ou à un autre ? Pensait-il vraiment pouvoir les délivrer tous les deux ? C'était naïf de sa part. On ne pouvait pas changer un être comme Elisabeth, on pouvait tout juste espérer s'en débarrasser, à tout jamais. Mais à quel prix ? Le garçon l'ignorait encore mais il ne doutait pas de le découvrir un jour ou l'autre. Dans le cas échéant, il ne serait plus là pour voir ce qui arriverait à son corps. Du moins, il l'espérait peut-être en secret. Décidant que le moment des explications avait sonné, il porta la main gauche à son cou.

« Elle a commencé par tenter de me tuer en me tranchant la gorge, lentement... » commença t-il sur un ton plus neutre qu'auparavant mais toujours aussi dérangeant.

Se disant, il déplaça sa main à l'opposé, toujours sur son cou avant de poursuivre avec une voix qui, au fur et à mesure qu'il parlait, lui rappelait désagréablement celle de son professeur de biologie au lycée lorsque ce dernier commentait une dissection de grenouille.

« ...avant de tout mettre en œuvre pour que je me fasse tuer. J'espère que ça répond à tes interrogations ? » conclut-il en relevant la tête pour dévisager le jeune homme droit dans les yeux.

Pour une fois, Natsume se détesta mais pas à cause de l'influence de la démone sur lui et ses actes. Non, ce qu'il était en train de raconter, avec cette voix froide puis neutre, n'était pas l'oeuvre d'Elisabeth mais bien la sienne. Il savait au fond de lui, que Vegeo n'avait pas mérité un tel discours, qu'il avait simplement voulu lui faire comprendre que s'allonger au milieu de cette ancienne forêt, n'avait rien de prudent. L'étudiant était tout à fait d'accord avec lui ! Cependant, il en avait trop dit. Trop pour que son interlocuteur encaisse le coup, impassible. Ce qui ne lui ressemblait pas. Il avait conscience de donner une image de lui, plus que misérable et odieuse à quelqu'un qui ne le connaissait que sous les actes de l'entité enfouie en lui. Comment l'élémentaire pourrait-il le voir comme une victime après qu'il lui ai parlé de la sorte ? Il allait simplement s'offusquer qu'on s'adresse à lui de cette manière, certainement parce qu'il ne comprenait pas la raison de l'agacement de Natsume. Ce dernier n'était déjà pas sûr de savoir pourquoi il réagissait de cette façon... Sans même attendre que sa colère retomba, le garçon marcha dans la direction du jeune homme puis le dépassa. Il ne lui jeta aucun regard, n'ayant qu'une envie, celle de quitter les lieux pour s'enfermer dans sa chambre. Puérile comme réaction ? Tout à fait mais il n'était plus d'humeur à tenir une conversation avec qui que ce soit. L'idée qu'il puisse tomber sur l'un des deux complices sur le chemin du retour l'effleura. Il avait la certitude que son état d'esprit actuel lui permettrait de leur faire face et attendre sagement la mort. N'était-ce pas l'impression qu'il donnait... ?

« Sinon, oui je vais bien, merci de t'en soucier. Quant à Elisabeth, elle est en pleine forme. » lâcha t-il au moment de le dépasser.

Si quelqu'un avait pu lui lancer un sort pour le rendre muet et l'empêcher de sortir d'autres atrocités de ce genre là, Natsume l'aurait supplié de le faire. Dire que leurs retrouvailles auraient dû se passer différemment. Qu'il aurait demandé des nouvelles de l'élémentaire, savoir si sa colocation avec l'inquisiteur se passait bien ? S'il avait réussi à prendre ses marques au sein de la ville ? Ce genre de choses... Le genre de conversation que l'on pouvait avoir entre amis... Sauf qu'il n'en était même plus capable semblait-il...

Message par Invité Lun 1 Juil - 23:17

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Quelle douleur intense que celle de se mordre la langue. Si intense que sur l'instant, il ne remarqua pas l'air amusé de celui qui était beaucoup trop souvent son compagnon d'infortune. En effet, il entretenait avec Natsume une relation qu'il n'avait avec aucun autre être vivant : un lien de souffrance les unissait l'un à l'autre. Chaque rencontre, chaque entrevue était menée par celle qui habitait la conscience du jeune humain. C'était pour eux une sorte de rituel funeste, auquel il semblait impossible d'échapper. La violence encordait les deux malheureux, qui ne pouvaient que tenter de suivre le rythme imposé par la darkness. L'élémentaire y avait songé de nombreuses fois, constatant avec dépit qu'il ne savait pas grand chose de celui qui devait sans doute souffrir le plus. Il faisait l'hypothèse que le poids de la possession pesait aux deux : d'un côté Elisabeth devait avoir la frustration de ne plus avoir son propre corps, vivant au crochet d'une enveloppe qui n'était pas la sienne ; d'un autre côté Natsume devait avoir du mal à supporter que quelque chose d'autre soit en lui. Après tout il devait-être bien compliqué de vivre à deux de cette façon. Ce n'était pas naturel comme mode de vie, que de passer son quotidien avec au fond de soi une entité de ce genre. Et donc se faire un avis tranché sur la question "Qui souffre le plus ?" semblait impossible. Cependant, l'élémentaire avait souvent envisagé l'idée que la situation était plus invivable pour l'humain : la haine qu'avait la darkness l'aidait probablement à tenir le coup.

Entre deux tentatives de s'exprimer, il avait entendu les excuses de son improbable "assaillant". La douleur s'estompait lentement, laissant toutefois derrière elle le goût rance d'un sang qui pourtant n'avait pas quitté l'organisme de l'élémentaire. Il bougea sa langue, la faisant courir sur ses dents et ses gencives - ce qui l'apaisa plus que ses brefs mouvements de la main, quelques secondes auparavant.

*Mmmh..ça va mieux..* songea-t-il tout en levant très brièvement ses yeux vers le ciel.

Un oiseau passa au-dessus d'eux, s'éloignant rapidement de la ville. Ses ailes bougèrent un peu, pour le porter plus en hauteur et il se laissa ensuite planer. Il quitta le champ visuel de l'élémentaire pour continuer sa route vers les zones plus vivantes de la forêt vierge. Son regard quitta les cieux pour redescendre sur terre - tout comme ses pensées - et il soupira avant de poser sa question au jeune humain, qui lui avait offert la frayeur de sa vie. Pourquoi se trouvait-il dans cette forêt morte ? Pourquoi s'était-il allongé dans les cendres de son ancienne demeure ? Pourquoi encore une fois leurs chemins se croisaient dans une situation plus qu'étrange. D'abord sa naissance, ensuite cette expérience déplaisante dans les rues de l'Avventura, en présence de son ancien hôte. Pour quelle obscure raison ne pouvaient-ils pas se rencontrer de façon normale de temps en temps ? En quelques secondes seulement, les questions s'ajoutèrent les unes aux autres dans l'esprit de l'élémentaire ; une surpassa néanmoins rapidement ses consœurs : qu'était-il arrivé à Natsume ?

Une fois la douleur passée il avait détaillé le jeune homme, remarquant très rapidement que quelque chose n'allait pas : les bandages. Impossible d'être aussi près de lui et de ne pas voir qu'ils recouvraient les zones visibles de son corps, le cou d'abord, et puis le reste. L'inquiétude passa dans son regard mais il réprima ses questions pour reprendre contenance. Il n'était plus sensible à l'extrême, comme lors de leur première rencontre. Puis il avait un peu plus l'habitude des êtres humains : assaillir de question une personne n'était généralement pas la meilleure solution, si on voulait obtenir des réponses. Il cligna des yeux et se redressa un peu, observant la réaction de son interlocuteur. Il était..déjà bien différent de quelques secondes auparavant. S'était-il montré trop direct ? trop indiscret ? Peut-être. Il fallait dire qu'il n'avait pas réellement adopté son calme habituel pour poser la question. Trop centré sur sa douleur, il avait négligé de faire preuve d'un minimum de tact. Natsume en était-il étonné ?

C'était une hypothèse vraisemblable car, pendant les minutes qui suivirent, le jeune humain ne prononça pas un seul mot - ce qui ne manqua pas de raidir Vegeo, qui se retrouvait pour la première fois devant un mur de pierre. Il s'étonna d'ailleurs de constater qu'il était possible pour une personne de rester silencieuse aussi longtemps, alors qu'une question venait de lui être posée. Le silence était lourd et pesant, à un point tel qu'au bout d'un moment, l'élémentaire prit la liberté de toussoter un peu, tout en détournant son regard. Penser un certain temps à une réponse était une chose, offrir une ambiance de ce genre en était une autre. Mal à l'aise, il se demanda ce qui était en train de se passer. Finalement Natsume prit la parole, usant d'un ton qui prédisait des paroles à la gravité particulière. Vegeo chercha le regard de l'humain sans le trouver, tentant en vain de comprendre la situation présente. Il n'avait jamais disposé de la chance de discuter calmement avec lui et, par conséquent, n'avait pas vraiment idée de sa façon d'être et de se comporter. Le vrai Natsume était-il ainsi ? Était-il distant et fuyant dans ses actes comme dans ses discours ? Les phrases qui suivirent lui prouvèrent que non. Il avoua les tentatives de meurtre de la darkness.

Mince détail que celui-ci, car il était prévisible : l'élémentaire ne savait pas comment réagir. Il baissa les yeux, cherchant une réponse dans ses lacets recouverts par les cendres. Que pouvait-il répondre ? À vrai dire, rien. La violence de l'entité qui habitait le corps de l'humain n'était plus à prouver et aucune explication ne semblait pouvoir convenir. Impossible de dire quoi que ce soit pour prendre la défense de la darkness ou, tout du moins, impossible de fournir à Natsume une réponse convenable. Qu'ajouter de plus à ce silence ?

*Au fond je ne sais rien d'elle..*

Au fond, il fallait bien avouer qu'en effet, il ne savait rien d'Elisabeth. Tout ce qu'il déduisait à son sujet découlait des émotions vécues lors de cette fameuse première rencontre, ici-même dans les bois d'une forêt morte à plus d'un titre. Pourtant, il ne pouvait s'enlever de la tête sa première sensation quand il l'avait vue si haineuse, si violente, si meurtrière. C'était un cycle sans fin : la haine naissait toujours de la haine il en était certain, il l'avait constaté lui-même en observant le monde des vivants et en s'informant à son sujet. Chaque résultat provenait d'une opération et chaque émotion provenait à l'identique d'un acte. Si Elisabeth agissait de cette manière, il devait y avoir une raison. Il en était sûr. Après tout cette nuit-là dans la rue, une autre lueur s'était invitée dans son regard, une teinte colorée d'autre chose que d'obscurité. Il tourna la tête sur sa droite, ayant l'impression qu'un regard de braise était sur le point de le consumer. Ce n'était pas qu'il était mal à l'aise, il ne savait tout simplement pas quoi répondre pour alléger la souffrance de Natsume. C'était une sensation qui le chagrinait. Que faisaient les humains déjà quand ils voulaient aider quelqu'un ? Sans attendre une quelconque réaction son interlocuteur se dirigea vers lui, pour ensuite le dépasser en lui offrant une dernière phrase. L'élémentaire se retourna en le regardant, là, qui s'éloignait lentement.

*Que font les humains déjà quand ils veulent aider quelqu'un ?* pensa-t-il en voyant dans son esprit l'image d'Eleonor.

*Ils tendent la main..*

"Attends."

Vegeo fit quelques pas vers Natsume, qui semblait vouloir mettre un terme à toute tentative de dialogue. Le son de ses pas craqua sur quelques feuilles mortes. Il se pencha un peu, alors qu'il était derrière lui, puis lança son bras droit en avant pour saisir la main de l'humain qui n'était pas bandée, l'obligeant par là-même à se retourner vers lui. La peau de l'élémentaire, encore aussi douce que celle d'un nouveau-né, effleura le poignet gauche du fuyard pour l'empoigner en un mélange original de douceur et force. Il plongea son regard verdoyant dans celui écarlate de sa toute première rencontre dans ce monde.

"Attends.."  fit-il calmement "Ne pars pas..je voudrais que nous parlions tous les deux.."

Message par Invité Lun 8 Juil - 16:30

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 « Attends. »

La voix posée de l'élémentaire lui parvint, sans réussir à faire se retourner Natsume. Sa réplique seule lui arracha un rictus déplaisant en guise de sourire amusé. L'attendre ? Pour quoi faire ? Entendre des explications ou des excuses de sa part ? Dans le fond, l'étudiant savait bien que son interlocuteur avait manqué de tact à son égard mais son comportement suite aux interrogations de Vegeo n'était pas correct. L'élémentaire s'inquiétait sincèrement pour lui -et à juste titre-, d'autant qu'il avait déjà eu affaire à l'entité dans le passé, sachant par la même, de quoi cette dernière était capable. Natsume regrettait la manière qu'il avait eu de répondre au jeune homme embarrassé mais il ne savait s'il devait -et comment- s'excuser pour avoir réagi de la sorte. Du peu qu'il connaissait de lui, Vegeo ne semblait pas être quelqu'un de rancunier ou du genre à exiger de longues excuses pour le moindre détail qui froisserait sa dignité. Un bon point pour l'étudiant. Et ensuite ? Se retourner et lui se contenter de lui dire avec un début de sourire gêné « Désolé de t'avoir parlé de la sorte, j'ai frôlé la mort il y a quelques jours, ne m'en veux pas d'être à cran.» ? Du point de vue de l'élémentaire, il était plus ou moins probable que cette phrase pour simple excuse suffirait à clore l'incident entre les deux hommes. Sauf que le garçon ne se voyait simplement lui sortir ça ainsi. Il aurait peut-être eu le courage de s'excuser pour son attitude, s'il avait toujours eu son interlocuteur en face de lui, le regard émeraude perdu dans la poussière à ses pieds, plutôt que de prendre littéralement la fuite comme il le faisait. Il se dit qu'en ignorant l'élémentaire, ce dernier laisserait tomber et leurs retrouvailles s'achèveraient de la sorte. C'était triste et lamentable aux yeux de l'étudiant mais d'un autre côté, s'il devait mourir prochainement, ce n'était pas plus mal de couper les ponts avec les rares personnes qu'il pouvait considérer comme des amis. Cependant, alors que Natsume se faisait à cette idée, il sentit du mouvement derrière lui -Vegeo pensait-il vraiment lui emboîter le pas et le suivre jusqu'à renouer le dialogue entre eux?- et il ouvrit la bouche, limite ennuyé de l'initiative du jeune homme, pour lui faire savoir qu'il perdait son temps avec lui. Mais l'élémentaire ne lui donna pas l'occasion et le garçon sentit alors qu'on lui saisissait le poignet gauche pour le forcer à s'arrêter puis à se retourner pour faire face à son poursuivant. L'agacement céda la place à la surprise en une fraction de secondes et celle-ci se vit sur le visage de Natsume. Il essaya de cacher son étonnement quant à l'action de son interlocuteur mais c'était trop tard. Trop pris au dépourvu pour réagir immédiatement, l'étudiant l'écouta donc s'expliquer et ne lui répondit rien sur le moment. Parler ? Oui mais de quoi ? Le garçon ne voyait pas où l'autre voulait en venir. S'il avait envie de s'excuser pour son manque de tact ou simplement lui demander des éclaircissements concernant ses blessures, ce n'était même pas la peine d'essayer. Natsume n'avait pas envie d'évoquer l'incident avec Maria. Inutile de répandre l'information pour que la concernée s'en veuille encore plus. A moins que Vegeo voulait uniquement parler de la démone ? Après tout, il semblait vouloir la comprendre lors de chacune de leurs rencontres. Parce qu'il était masochiste ? Peut-être...

Etouffant un soupir, le garçon tenta de se dégager mais son interlocuteur refusa de le laisser partir de nouveau. Cela fit froncer les sourcils à Natsume. Il ignorait toujours ce que lui voulait l'élémentaire mais il se montrait bien tenace, lui qui semblait avoir perdu sa langue quelques minutes plus tôt tandis que les réponses acides de l'étudiant tombaient les unes après les autres. Forcé d'admettre que le jeune homme ne le laisserait pas tourner les talons une fois de plus pour mettre un terme à la conversation, le garçon dut se résoudre à faire face à Vegeo, du moins pour quelques minutes supplémentaires. Plus le temps passait et moins il avait envie de discuter avec son interlocuteur, plus embarrassé pour sa conduite passée -et présente- qu'en colère envers l'intéressé. S'il y avait bien une personne contre qui il pouvait l'être à cet instant même, c'était bien lui. Toutefois, loin de le reconnaître et d'entamer des excuses pour son comportement jusqu'à présent, ce fut une nouvelle réplique cynique qui s'échappa des lèvres de Natsume.

 « Tous les deux ? As-tu vraiment envie de parler avec moi ou bien avec Elisabeth ?  Si c'est le cas, il te faudra patienter encore un peu, histoire que la nuit tombe... Après elle sera à toi, en espérant que tu y survives. »

Tais-toi bon sang...

S'il l'avait pu, il se serait mordu les lèvres jusqu'au sang pour arrêter de s'adresser à l'élémentaire de la sorte. Sauf qu'en dépit des sentiments contradictoires qui s'agitaient en lui, le peu de fierté dont il pouvait faire preuve, l'incitait à poursuivre sur cette voie, sans émettre aucun signe de culpabilité devant son interlocuteur. Pourtant, Vegeo n'avait jamais mérité qu'il le rejeta ainsi ou même qu'il le blessa dans ses bonnes intentions. Au contraire, il l'avait indirectement sauvé à deux reprises de la démone alors que cette dernière s'amusait à mettre la vie de son hôte en danger. Le jeune homme était de son côté, Natsume n'en doutait pas et même s'il cherchait à sauver les deux âmes, non une seule, il n'en restait pas moins un ami sur qui il pouvait compter. Pris de remords, le garçon tenta une nouvelle fois de se dégager de la prise de l'élémentaire, tirant violemment son membre en arrière. Peut-être que ses paroles avaient davantage perturbé son interlocuteur car ce dernier ne fit rien pour le retenir cette fois-ci. Au point que l'élan que mit l'étudiant dans son mouvement le fit, non seulement perdre l'équilibre mais entraîna le pauvre Vegeo avec lui dans sa chute, ce dernier n'étant résolument pas décidé à le lâcher. Ils s'étalèrent tous les deux dans la poussière, salissant leurs vêtements respectifs au passage. Tombant sur le dos, Natsume en eut le souffle coupé d'autant qu'il sentit quelque chose lui écraser le bas ventre tandis qu'il gisait toujours sur le sol. Il releva péniblement la tête pour jeter un coup d'oeil en direction de son interlocuteur, priant pour qu'il ne se soit pas fait mal dans sa chute -pour la peine, il était déterminé à lui présenter des excuses...- et ce qu'il vit lui ôta tout mot pendant de longues minutes. Au cours de la chute, l'élémentaire s'était retrouvé à moitié sur lui, entre ses jambes écartées, la tête au niveau de son bas ventre -lequel avait du amortir sa chute au passage- et reprenait doucement ses esprits sans se douter un seul instant de l'ambiguïté de la situation. Laquelle dut se refléter dans l'expression du garçon pendant tout le temps où il se contenta d'observer Vegeo. Natsume comprenait que le jeune homme pouvait ne pas être gêné de la tournure de la situation mais il ne pouvait pas le laisser se tenir ainsi, sans au moins lui faire comprendre que sa position pourrait être mal interprétée... Quand ce dernier lui jeta enfin un regard, probablement intrigué par ce qu'il pouvait lire sur le visage de son interlocuteur, Natsume se décida à l'éclaircir sur ce qu'il trouvait déplacé dans la position de l'élémentaire.

 « Vegeo si tu pouvais... Juste te reculer ou te relever pour ne plus rester dans cette position, ça m'aiderait... Non pas que tu sois lourd mais comment dire... » lança t-il à voix basse, laissant volontairement sa phrase en suspens, non sans s'être raclé la gorge avant et après avoir pris la parole.

Heureusement pour lui, son compagnon ne se fit pas prier et s'exécuta dans la seconde pour se remettre debout. Contrairement à ce qu'aurait pensé l'étudiant, Vegeo lui tendit une fois encore la main pour l'aider à se redresser lui aussi. Passées la surprise et la gêne, le garçon voulut la saisir sauf que son interlocuteur lui tendait machinalement sa main droite... Ne se voyant pas prendre cette main tendue avec son membre blessé, Natsume dut se résoudre à se servir de sa main gauche, mal appropriée pour ce genre de contact. Résultat, il eut la désagréable sensation d'être une demoiselle à qui l'on prêtait main forte. Ou alors s'agissait-il d'une pensée errante et détournée suite à la situation qu'ils venaient de vivre ? Peut-être... Quand enfin, ils furent de nouveau debout tous les deux, un silence s'installa entre les deux amis. Embarrassés ? Découragés ? Ni l'un, ni l'autre ne savait par où commencer, ni même comment renouer avec la dialogue. Pour Natsume, il n'y avait qu'une façon possible de s'y prendre : s'excuser. D'une part pour l'avoir fait tomber en raison de son entêtement à vouloir fuir toute tentative de conversation avec l'intéressé, de l'autre pour s'être montré aussi désagréable envers l'élémentaire. Il profita que l'attention de Vegeo soit momentanément absorbée par le chant d'un oiseau passant au-dessus de leurs têtes, pour prendre une profonde inspiration et se lancer, maladroitement.

 « Je... Excuse moi de m'être montré si froid et désagréable... Tu as manqué de tact dans tes propos, c'est indéniable mais tu ne méritais pas que je te réponde de la sorte, encore moins que je te fasse tomber... Je n'ai pas d'excuses si ce n'est... Que frôler la mort n'aide pas à encaisser de manière impassible... »

Voilà, il l'avait dit. Si son interlocuteur voulait lui faire la morale ou lui reprocher son comportement à son égard, Natsume n'aurait pas son mot à dire. Il regrettait sincèrement d'avoir agi de la sorte mais il espérait encore que l'élémentaire n'allait pas tourner les talons, vexé ou qu'il lui en veuille à son tour. A cet instant, il n'y avait plus de place pour la curiosité  dans l'esprit et le cœur du garçon concernant ce que Vegeo avait dit plus tôt, à savoir qu'il désirait s'entretenir avec l'étudiant. Simplement les regrets sur la manière dont avait viré la conversation entre eux.

Message par Invité Dim 14 Juil - 2:19

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L'ambiance changea, l'élémentaire venait de faire quelque chose qui n'était pas dans ses habitudes : s'imposer auprès d'une personne. Mais il était inconvenant de parler d'habitudes connues ou pas : à vrai dire Natsume n'avait probablement pas la moindre idée de celui qu'était réellement Vegeo Natus. Pouvait-on vraiment parler de changement sans se fourvoyer ? Non. Il était en effet plus adéquat de parler de retour aux sources. Presque une année entière d'existence venait de s'écouler depuis sa venue au monde. Il avait exploré de nombreuses émotions dont les humains étaient détenteurs : l'amour, le désir, la joie mais aussi la peur, le chagrin, la colère et même la haine. À bien y penser, parler de retour aux sources aussi n'était pas adéquat. L'élémentaire ne changeait pas, il ne revenait pas à ce qu'il était : il évoluait tout simplement, s'orientant lentement mais sûrement vers de nouvelles aventures et de nouvelles facettes de son être. Le monde était plein de surprises mais il n'était pas le seul car dans les profondeurs de l'âme de Vegeo, il y avait encore bien des domaines à conquérir, de contrées à parcourir, de mystères à découvrir. Pour l'instant cependant, son évolution n'était visible qu'à travers sa décision : celle de ne pas lâcher le bras de son interlocuteur.

Il avait envie de parler à Natsume, c'était tout ce dont il était conscient. Il ne savait pas quoi dire, quel point aborder. Il n'avait aucune idée de ce qui allait suivre : devait-il lui parler d'Elisabeth ? Ou peut-être se concentrer sur ses blessures et tenter de faire office de soutien moral ? Rien, il n'avait pas le moindre soupçon, n'envisageait aucune conversation bien précise. Pourtant il regardait calmement l'humain, tentant de lui dire par le regard ce qu'il ne parvenait pas à dire avec ses mots : il était présent s'il avait besoin de lui. Il voulait les aider tous les deux, leur faire comprendre que rien n'était immuable, que même le mal ancré dans l'âme de la darkness était voué à une fin. Tout ce qu'il fallait faire, c'était rompre un cycle pour en entamer un nouveau. Mais était-il possible d'avouer et d'expliquer tout ça en un seul regard ? Probablement pas, car son compagnon d'infortune s'exprima tout aussi froidement qu'avant.

"Tous les deux ? As-tu vraiment envie de parler avec moi ou bien avec Elisabeth ? Si c'est le cas, il te faudra patienter encore un peu, histoire que la nuit tombe... Après elle sera à toi, en espérant que tu y survives."

Il pencha la tête et fixa son interlocuteur avec encore plus d'intensité, tentant en vain d'explorer son âme. Il faisait deux hypothèses : soit lui-même ne savait rien de rien sur les humains ; soit celui qui se tenait en face de lui était aussi aveugle que lui le jour de sa naissance. Pourquoi avait-il la sensation de voir les choses si clairement ? Pourquoi avait-il la nette impression de voir comment étaient vraiment ces deux personnages ? Pourquoi ce qu'il voyait n'était pas ce que voyait Natsume ? Il se demandait depuis combien de temps les deux âmes étaient liées, si la violence avait toujours été leur principal outil de communication. C'était plausible étant donné que la situation était ce qu'elle était. Il se redressa pour répondre d'un ton tout aussi serein que celui adopté quelques instants auparavant.

"Je pensais que tu avais compris Natsume.." fit-il doucement "Je ne cr.."

Mais la réponse de l'élémentaire ne semblait pas une priorité pour son interlocuteur, qui tira avec véhémence son bras en arrière. Un hoquet de surprise remplaça la phrase de Vegeo, qui ne disposa même pas d'une seconde pour comprendre ce qu'il venait de se passer. Les images défilèrent rapidement, la gravité réclama ses droits. La chute fut donc rapide, le choc étrangement moins rude que ce à quoi il s'attendait. Après quelques instants il ouvrit les yeux à nouveau pour voir où il était exactement - car ce n'était définitivement pas un tapis de feuilles mortes qui s'était occupé de lui rendre cette soudaine dégringolade moins désagréable. À moitié dans les vapes, il se rendit compte qu'il était en face de cette..zone sensible dont il avait discuté avec Eleonor lors de sa leçon. Il releva la tête pour voir comment se portait l'autre victime.

"Hmmm.." soupira-t-il pour se secouer un peu.

Rougissant un peu à cause de la position adoptée, il se releva sur ses deux bras et décida d'en profiter. D'une démarche étrangement féline - le pauvre homme ne se rendait pas compte que marcher à quatre pattes pouvait avoir plusieurs sens - il s'avança grâce à ses jambes et approcha son visage de celui de son interlocuteur. Il était presque à califourchon sur le jeune homme. Il le regarda sans ciller, le regard neutre, et s'adressa à lui.

"Comme je le disais..je croyais que tu avais remarqué" fit-il alors que ses cheveux tombaient sur son front. "Je ne crains pas Elisabeth..et je suis certain de pouvoir converser avec elle sans aucun risque."

Vraisemblablement, il était assez dérangé - c'était désormais compréhensible pour l'élémentaire qui savait maintenant plusieurs choses sur les relations hommes/femmes et sur les différentes proximités à adopter. Lui de son côté ne trouvait toutefois pas la situation outrageuse : en effet il n'en savait toujours pas assez pour saisir la nuance de la position dans laquelle il était en ce moment même.

"Vegeo si tu pouvais... Juste te reculer ou te relever pour ne plus rester dans cette position, ça m'aiderait... Non pas que tu sois lourd mais comment dire..."

"Pardon ? Oh oui bien sûr ! Désolé !" fit-il en se levant d'un bond, comprenant que la position avait en fin de compte, sans aucun doute possible, quelque chose de dérangeant.

Il se releva et aida l'humain à se remettre sur pied. Étrangement la gêne - grande retardataire chez l'élémentaire - ne faisait que commencer à s'installer dans son esprit. Elle ne dura cependant pas longtemps : la naïveté avait ses avantages et ses pensées se dirigeaient vers Eleonor. Elle lui manquait déjà et il avait au fond du cœur le regret de son absence, car sa compagnie - outre le fait d'être agréable - l'aidait à comprendre les choses beaucoup plus vite. L'esprit est vagabond et celui de l'élémentaire était rapide à fuir la réalité. Un oiseau passa au dessus d'eux en chantant et Vegeo se perdit un instant à concevoir une vie sans problèmes. Natsume s'adressa à lui en s'excusant. Finalement il avait bel et bien manqué de tact en lui parlant aussi directement. Il replaça une mèche de cheveux en soufflant dessus et tapota son jean pour en enlever les cendres.

"Ça ne fait rien." répondit-il sans animosité aucune.

Il regarda vivement autour de lui. Une part de sa conscience lui disait de se mettre en quête de son lieu de naissance ; l'autre lui disait de s'en garder. Après tout c'était son secret, la clé de sa vie et de sa mort, l'endroit auquel il était lié à chaque seconde. À ce titre il était préférable que son mystérieux berceau reste égaré dans cet étrange temple, qui avait abrité ses premiers instants d'existence, ses premières émotions, ses premières douleurs et ses premiers espoirs. Il reporta son attention sur Natsume et soupira doucement. Il ne savait comment parler sans risquer encore une fois la rupture d'une conversation déjà bien instable. Il décida donc de laisser son interlocuteur décider.

"Tu veux.." demanda-t-il avant de toussoter "Tu veux parler de quelque chose ? Peut-être ?"

Message par Invité Ven 19 Juil - 16:13

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Le silence revenait peu à peu dans cette partie désolée de ce qui fut auparavant une belle forêt verdoyante. Après le brutal et rapide échange entre les deux interlocuteurs, le calme revenant fut accueilli avec plaisir par les oreilles de Natsume. Il s'étonna d'apprécier l'absence de paroles entre eux, alors que la logique aurait voulu qu'une nouvelle conversation naisse entre Vegeo et lui, soit meublée par des excuses mutuelles, soit abordant des sujets plus sérieux comme par exemple, les bandages de l'étudiant. Au lieu de ça, l'élémentaire balaya les excuses du garçon, ce qui, dans le fond, n'étonnait pas ce dernier. Le jeune barman en profita d'ailleurs pour observer son interlocuteur du coin de l'oeil. Epier aurait été plus adéquat pour décrire l'attitude de Natsume mais passons. Il se surprit à constater que même s'il ne connaissait rien de l'homme en face de lui en ce moment même, il se dégageait de Vegeo, une aura, quelque chose, qui vous mettait en confiance. Vraiment, l'élémentaire incarnait la tranquillité de Dame Nature. C'était d'ailleurs étrange de ressentir pareille impression quand on ne savait rien de l'individu présent à vos côtés non ? Surtout que leurs brèves rencontres avaient été marquées par les apparitions répétées de l'entité, lesquelles transformaient rapidement des retrouvailles en cauchemars. Un nouveau problème naissait dans l'esprit de l'étudiant. Malgré la confiance qui lui inspirait l'élémentaire, il n'en demeurait pas moins un inconnu, à qui il avait sauvé la vie certes mais un inconnu nudiste rencontré par hasard dans la forêt maudite. La découverte de la race de Vegeo avait éclairci certaines zones d'ombres concernant l'identité de l'homme mais cela s'arrêtait là. Natsume ignorait ses pensées, ses ambitions, ses rêves... Ou même ce qu'il détestait, condamnait... Comment lancer une discussion à ce stade ? On pouvait d'ores et déjà oublier les banalités telles que « Qu'est-ce que tu deviens depuis tout ce temps ? ». Le jeune barman ne s'imaginait lui demander cela, d'autant qu'il se sentait en partie responsable de la tournure qu'avait prit la situation de l'élémentaire lors de leur dernière rencontre. Si seulement Elisabeth ne s'était pas manifestée, peut-être que le garçon aurait été en mesure d'apporter son aide à Vegeo et lui éviter d'avoir à suivre cet inquisiteur plus que louche. Devait-il questionner son interlocuteur à ce sujet ? Histoire de lui faire comprendre qu'il s'était réellement inquiété pour lui en le voyant s'enfoncer dans les ténèbres à la suite du dénommé Jarquan ? Ou alors ce serait agir de manière trop intrusive et curieuse ? Le jeune barman regretta soudain de n'être pas parvenu à quitter ces bois avant que Vegeo ne le rattrape. Il ne voyait pas quoi dire ou raconter. Et il doutait que l'élémentaire soit plus à l'aise que lui dans cette situation. Le silence en témoignait par lui-même. Plusieurs fois de suite, Natsume ouvrit la bouche pour la refermer aussitôt sans qu'un mot n'en sorte. Que dire ? Il voulait relancer la conversation, autant parce qu'il culpabilisait toujours un peu de s'être comporté de la sorte envers son interlocuteur, en dépit des paroles de ce dernier quant à ce qui s'était passé entre eux, autant parce qu'il ne voulait pas laisser ce silence s'installer pour de bon. C'était...dérangeant, tout comme l'atmosphère pesante des lieux.

 « Tu veux.. Tu veux parler de quelque chose ? Peut-être ? » demanda soudain l'homme, non sans réprimer un toussotement significatif.

En l'entendant reprendre la parole, l'étudiant sursauta, pris au dépourvu. Il ne serait pas attendu à ce que Vegeo fasse le premier pas, la surprise était totale. Il détourna vivement les yeux pour ne pas rencontre les iris verts de son interlocuteur. Le garçon ne voulait pas que ce dernier vit le mélange d'émotions contradictoires dans ses propres yeux couleur rubis. A la manière qu'il eut de tousser légèrement, l'élémentaire confirmait les soupçons du jeune barman : il n'était pas très à l'aise en sa présence. Parce qu'il avait peur de le froisser une fois encore ? Vu la réaction de Natsume pour un simple mot déplacé, cela ne surprenait personne. En premier lieu, l'intéressé lui-même. Néanmoins, l'étudiant s'efforça de réfléchir sérieusement à ce qu'il pourrait lui répondre. La vision de Vegeo presque à califourchon sur lui, tandis qu'ils se trouvaient tous les deux par terre lui revint en mémoire, plus que les mots que ce dernier avait prononcé alors qu'il était toujours dans cette position disons, discutable. Natsume se fit violence pour se retenir de rougir en se rappelant cette proximité entre eux, plus par embarras qu'autre chose, et tenta de se concentrer sur les propos de l'élémentaire. Il disait ne pas craindre Elisabeth ? Etait-il fou ? Le garçon ne pouvait pas admettre que son interlocuteur ne se méfiait pas de la démone, pas après ce qu'elle lui avait fait lors de leurs différentes rencontres. Etait-ce parce qu'elle était vraisemblablement la première personne que l'homme avait vu lors de sa naissance ? Non, cela ne pouvait pas coller. Il devait simplement être un brin dérangé pour apprécier la compagnie de l'entité. Natsume ne voyait pas d'autres explications possibles. Cela aurait pu faire un bon sujet de conversation entre eux, du moment qu'aucun des deux interlocuteurs ne remettait l'histoire de la chute sur le tapis.

 « Je... » commença t-il avant de s'interrompre.

Il quoi d'abord ? Sur quoi lancer la discussion quand on n'avait aucune idée ? Sentant le regard émeraude se porter lui et las de fixer sans le voir, un point dans les restes calcinés, l'étudiant finit par reporter son attention sur ses baskets pleines de poussières. Non pas que cela soit plus divertissant que les reflets verts dans les iris de son interlocuteur mais il avait encore du mal à regarder Vegeo dans les yeux. Et encore plus de mal à trouver un fichu sujet de conversation ! Le jeune barman détailla avec attention la fine pellicule blanche qui recouvrait ses baskets, s'amusant à remuer ses pieds à l'intérieur de celles-ci pour la faire s'envoler. Les particules rendirent l'air trouble autour des pieds du garçon avant de retomber lentement en direction du sol. Dire que dans ces mêmes grains de poussière, se trouvaient les arbres qui ornaient auparavant fièrement les alentours de l'Avventura. Et que la démone prisonnière dans un recoin de sa conscience était la responsable de ce désastre. Natsume se demanda soudain ce que Vegeo, en tant qu'élémentaire, pouvait ressentir à ce sujet ? Ne détestait-il pas l'entité pour ce qu'elle avait commis ? Ou alors il ignorait qu'elle était l'auteur du terrible incendie ? Les mots se bousculaient dans sa tête sans qu'il parvienne à y mettre un peu d'ordre. Son interlocuteur attendait une réponse de sa part et lui ? Il s'embrouillait tout seul en essayant de trouver un sujet de conversation. Mais il cherchait davantage à ne plus se montrer désagréable envers l'élémentaire, aussi ses recherches se trouvaient-elles affublées d'un sérieux handicap. Si l'on devait éviter tous les sujets fâcheux qu'il pouvait exister entre eux...

 « Je ne comprends pas comment... Comment peux-tu ne pas craindre cette chose ? Tu espères peut-être nous sauver tous les deux ? » déclara t-il enfin en relevant la tête vers son interlocuteur.

Sa voix n'avait pas retrouvé sa froideur d'avant, heureusement. Mais un triste sourire étirait faiblement les lèvres de Natsume. Oui, il s'était résigné à un affrontement entre lui et l'entité au moment de sa mort physique. S'il le remportait, alors il y avait une chance, infime mais possible pour que la démone disparaisse pour de bon. Dans le cas contraire et bien... Sa gorge se noua mais il s'efforça de soutenir le regard émeraude cette fois-ci. Que Vegeo comprenne bien ce qu'il ressentait, aussi bien pour qu'il évite de lui faire la morale, qu'il ne tente de lui redonner un peu d'espoir quant à son avenir incertain. Au bout de quelques longues minutes, les yeux couleur rubis se détournèrent de l'homme pour se perdre à nouveau dans la contemplation du paysage grisâtre. Comme s'il y avait encore quelque chose à admirer dans ce tas de cendres... Le jeune barman en avait bien conscience, qu'il aurait beau porter son regard sur autre chose que l'élémentaire, ce dernier se douterait bien qu'il s'agirait davantage d'une envie de fuir, que d'un réel intérêt pour la nature -ou ce qu'il en restait- alentour. Lorsqu'il reprit la parole, son ton était devenu plus résigné et triste, renvoyant sans peine ce que son sourire et ses yeux contenaient plus tôt.

 « Je ne pourrais pas la fuir éternellement, il faudra qu'on s'affronte un jour ou l'autre pour la propriété de ce corps... Et ce jour là, j'espère être suffisamment fort pour la repousser, c'est tout ce que je souhaite. »

Voilà qui était dit. A présent, il était presque curieux de connaître l'opinion de son interlocuteur à ce sujet. Peut-être qu'il tenterait de l'en dissuader ? Mais pouvait-il seulement comprendre quel fardeau représentait Elisabeth ? Que tout le monde n'était pas capable d'oublier le monstre qu'elle était pour ne voir que la victime des hommes comme l'élémentaire savait si bien le comprendre ? Qu'aurait-il pensé si jamais ils s'étaient retrouvés seuls dans ces bois cette nuit là ? Si ni Danaliel, ni Eleonor ne les avait rejoint ? L'étudiant savait que la démone aurait cruellement joué avec le pauvre homme avant de le tuer. Vegeo n'en avait-il pas conscience lui aussi ? Est-ce que son... affection pour la darkness l'empêchait de voir la réalité ? Aux prises avec ses pensées, le garçon eut bien du mal à se focaliser sur les paroles de l'élémentaire. Par dessus celles-ci, il crut entendre un craquement, probablement causé par une branche morte. Pourtant, ils étaient bien seuls dans ces bois dévastés, non ?

Message par Invité Mer 24 Juil - 0:40

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Une fois encore le regard de Natsume s'éloignait du sien, poussant l'élémentaire à se demander s'il avait mal choisi ses mots. Sa crainte se dissipa cependant bien vite car, dans le regard fuyant de son interlocuteur, aucune amertume ne semblait présente. Malgré tout si le risque d'une nouvelle confrontation était écarté, la question donnait tout de même la sensation de poser problème. On ne pouvait néanmoins pas en vouloir à l'humain, songeait Vegeo : après tout sa demande était mal posée, ses mots approximatifs ; le degré de précision demandé dans la réponse était encore vague. Vouloir parler de quelque chose ? Oui mais de quoi ? Il y avait tellement de choses à dire et pourtant si peu à la fois. Ils pouvaient discuter de la darkness, de ses actes, de ses attaques ; mais ils pouvaient aussi discuter de Natsume, de ses rêves, de ses regrets. Le maître des plantes n'avait pas une envie bien précise, un sujet particulier en tête. Tout ce qu'il voulait, c'était pouvoir être présent pour les deux âmes en face de lui. S'il avait décidé d'accorder son amour - et il avait encore parfois des doutes sur la validité du mot - à une jeune vampire, il n'avait pas pour autant décidé de renier ce qu'il ressentait pour Elisabeth et son hôte. Il fallait bien avouer qu'un brouillard épais entourait ce sentiment bien complexe qu'il éprouvait : la seule chose dont il était certain à cent pour cent, c'était qu'il ne voyait pas le Mal profondément ancré dans la personne qui se trouvait en face de lui.

« Je... »

Vegeo chercha son regard sans le trouver, avec une impatience largement teintée d'inquiétude. Les bandages qui couraient sur plusieurs zones du corps de Natsume ne voulaient pas sortir de la cervelle de l'élémentaire, qui en boucle se représentait la darkness faisant de tout pour mettre un terme à l'existence du jeune homme. Tout naïf qu'il était, il devait bien s'avouer que la situation en était à un point critique : le combat pour l'enveloppe corporelle était sur le point d'atteindre l'apothéose. Comment faire donc pour l'aider ? Il n'en avait pas la moindre idée et se sentait en faute d'être impuissant. Le domaine de l'âme était une chose sur laquelle il pouvait converser, mais pas une chose sur laquelle il pouvait agir directement.

Pendant que Natsume regardait ses chaussures, Vegeo observait discrètement autour de lui. Il n'avait pas le moindre souvenir de la forêt avant l'incident et se posait de nombreuses questions. Il se demandait si l'atmosphère était avant la même que dans la forêt vierge, si les senteurs qui habitaient les bois étaient identiques. Il se demandait aussi si ses confrères et consœurs étaient encore en bon état. Lui ne pouvait plus sentir quoi que ce soit, il n'avait pas la moindre idée du statut des autres âmes de la Nature. À ce titre, il se sentait en ce moment même comme un enfant revenant dans une maison de famille, vide et recouverte uniquement de moutons de poussière. Pourtant au milieu de cette grande demeure inhabitée, il avait l'impression qu'une chambre était encore éclairée, qu'une fenêtre inondait encore de sa lumière une pièce isolée de tout. Son lieu de naissance, où se trouvait une majeure partie de son essence, criait qu'il était là quelque part. Mais l'écho de son appel était perdu, ricochant contre les arbustes et les nœuds des troncs d'arbres en ruine. Alors que ses iris se perdaient dans les profondeurs de la forêt sombre, à la recherche d'un rayon de vie, Natsume s'exprima. Le regard de l'élémentaire se reporta doucement sur son interlocuteur, pour le détailler. Ce qu'il croisa au fond des yeux de Natsume emprisonna son souffle pendant un court instant : il avait devant lui un jeune homme dont le sourire délivrait la résignation la plus complète. Comment pouvait-il lui prouver que la darkness n'était pas que mauvaise, quand elle s'était acharnée à ce point sur lui ? La seule solution semblait celle de pouvoir converser avec l'entité et l'humain en même temps. Pourrait-il convaincre Elisabeth de cesser toute offensive et de jouer la carte de la paix ? Il n'en savait rien mais pensait avoir une chance, même si celle-ci restait infime.

"Bien sûr que j'espère" fit-il tout naturellement "C'est ce que je veux faire depuis le début."

Il resta silencieux quelques secondes puis ajouta.

"Et..si je ne crains pas Elisabeth, c'est parce que j'éprouve autre chose que de la peur pour elle.."

Sans cesser de regarder Natsume il continua.

"Je ne connais pas son histoire. Ce que je sais c'est qu'à un moment, quelque chose s'est produit et elle devenue ce qu'elle est aujourd'hui. C'est pour cette raison que je ne parviens pas à lui en vouloir : elle est née de la haine, et ce n'est pas la haine qui changera quoi que ce soit en elle."

Pour terminer il donna son avis définitif sur la darkness, en disant à Natsume que le jugement était une chose qui devait être livrée avec précaution. Si les actes étaient certainement à condamner - il fallait être aveugle ou ignorant pour affirmer le contraire - ils devaient cependant être envisagés sous plusieurs angles. Ainsi, sans pour autant pardonner, on pouvait au moins se forcer à comprendre. C'était la sensation de Vegeo concernant ce problème, c'est de cette façon qu'il voyait les choses. On ne pouvait juger sans se donner la peine de comprendre : c'était injuste et simpliste. Quand son interlocuteur reprit la parole à nouveau, le chagrin ne tarda pas à envahir une seconde fois - en plus du ton de Natsume - le cœur de l'élémentaire. C'était donc la seule solution qu'il envisageait ? Celle de la bataille ? Il plaça ses mains au fond de ses poches.

"Je ne sais pas quoi te dire" avoua-t-il "Sinon que ce jour là je souhaite être avec vous, pour vous éviter le pire" ajouta-t-il tout en regardant brièvement derrière Natsume, car un craquement venait de se faire entendre.

La source du bruit semblait provenir d'un coin un peu plus éloigné. Un sentier s'enfonçant dans les profondeurs de la forêt morte jouait sur la curiosité de l'élémentaire, l'invitant à l'emprunter pour voir ce qui se trouvait à sa fin. D'un regard relativement neutre il observait en attendant que quelque chose se produise. Mais de brèves secondes s'écoulèrent sans que rien ne se fasse entendre. Il soupira discrètement, déçu, puis regarda Natsume pour ensuite repasser sur le sentier. Il était fatigué de rester sur place et curieux de voir d'où provenait le bruit.

"Pourquoi ne pas marcher un peu ?" proposa-t-il à Natsume en désignant le petit chemin de terre "Ce serait dommage de prendre racine ici." ajouta-t-il en souriant d'un air espiègle.

Message par Invité Mer 24 Juil - 23:19

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Conscient du triste spectacle qu'il devait présenter devant l'élémentaire, qu'il considérait comme un ami à part entière, faute de pouvoir prétendre le connaître assez, et donc, l'accepter entièrement comme tel, Natsume rebaissa les yeux en direction de ses chaussures. Oui, il ne savait pas grand chose -pour ne pas dire rien- au sujet de la personne qui se trouvait en face de lui. Qu'attendait-il de la part de Vegeo ? De la compassion ? Du courage ? De l'aide ? Et puis quoi encore ? N'avait-il déjà pas assez fait pour lui ? Il lui avait évité par deux fois, un sort plus que funeste. Aujourd'hui encore, même s'il l'avait blessé par le biais d'Elisabeth, l'homme se trouvait encore en face de lui, prêt à lui tendre la main. Que demander de plus... ? Surtout que le garçon ignorait la manière dont l'élémentaire allait prendre ses propos. Il connaissant le semblant d'attachement que Vegeo lui portait. Pourtant, ces mots étaient plus rudes que ceux qu'il avait l'habitude de dire aux personnes qu'il rencontrait. Mais il ne pouvait pas fermer les yeux sur ce qui allait, de toutes façons, finir par lui arriver : la mort. Autant que les personnes qui comptaient, un peu, beaucoup, ou passionnément pour lui, soient au courant non ? Les paroles de la vampire lui restaient en tête. Elle lui avait bien fait comprendre que souhaiter affronter la mort était une chose, mais partir seul en était une autre. Par respect pour ceux qui l'avaient soutenu jusqu'à présent, il devait au moins leur faire savoir. Pour qu'ils ne demeurent pas sans nouvelles de lui dans le meilleur des cas. Oui mais accepteraient-ils seulement de le laisser mourir ? La réaction de Maria prouvait que non, pas tous pourraient le lui permettre. Un triste sourire se dessina sur les lèvres de l'étudiant. S'il n'avait pas rencontré toutes ces personnes, il n'en serait pas là, à hésiter sur la marche à suivre pour blesser le moins de monde possible. C'était une sorte d'entrave mais c'était également ce qui l'avait maintenu en vie pendant tout ce temps. L'espoir de se voir un jour, libéré de l'entité. Libre de vivre sa vie comme il l'entendait. Mais aussi les espoirs de ceux qui tenaient à lui. Aussi peu nombreux étaient-ils réellement. Quand Vegeo finit par prendre la parole, le garçon ne put s'empêcher d'être surpris. L'homme en face de lui avait plus de courage que lui pour oser croire qu'il serait capable de sauver leurs deux âmes entre-mêlées. Ou alors de la simple naïveté ? Peut-être bien un mélange des deux, le second sentiment prenant le pas sur le premier. Natsume lui était reconnaissant d'avoir toujours songé à la possibilité de les sauver. Tout comme lui essayait de trouver un moyen pour se libérer de la démone, l'élémentaire en cherchait un pour la sauver, elle et son hôte malchanceux. Dans un sens, cela les rendait plus proches qu'il ne l'aurait pensé au premier abord. C'est ce qui poussa l'étudiant à relever la tête pour tenter de croiser le regard émeraude. Même s'ils ne savaient de quoi parler pour passer cette après-midi ensembles, peut-être que ce début de proximité que ressentait le garçon à l'encontre de son interlocuteur, finirait par les débloquer tous les deux. Il l'espérait vraiment en tout cas. Cependant, quand Vegeo en vint à aborder plus en détails, son ressenti envers l'entité, Natsume ne put s'empêcher de froncer les sourcils, intrigué. Que pouvait-il ressentir pour la première personne qu'il avait rencontré en venant au monde ? Probablement le même sentiment que devaient éprouver les nouveaux-nés en découvrant le visage maternel mais son interlocuteur était un fils de la Nature, non d'Elisabeth. Et puis, cette dernière avait menacé sa vie à plusieurs reprises, l'étudiant ne serait pas étonné si son interlocuteur ressentait autre chose que de l'affection pour elle. A supposer que c'était bien de l'affection... Pourtant, au fur et à mesure des paroles de l'homme, la lumière se fit dans l'esprit de Natsume. Ce que décrivait Vegeo à cet instant, c'était ce que le garçon éprouvait quand il songeait à l'envie destructrice de la vampire concernant la ville et ses habitants. Pouvait-on comparer Maria et la darkness ? Probablement pas mais les deux femmes se ressemblaient sur certains points. Bien que partageant son corps avec l'entité, l'étudiant ignorait lui aussi quelle avait été son histoire et ce qui l'avait poussé à agir de la sorte. Il ne pouvait pas croire qu'Elisabeth avait toujours été cette créature cruelle, personne ne naissait en étant le mal incarné si ? Il y avait forcément une explication quelque part, tout comme Maria avait utilisé le départ de son frère pour alimenter sa vengeance à l'encontre de l'Avventura. A l'idée qu'il ait pu se montrer à ce point aveugle, dérangea le garçon.

Reportant -une fois encore- son attention sur ses baskets, il se repassait les paroles de Vegeo en boucle dans sa tête. Même s'il avait encore du mal à imaginer l'entité agissant autrement qu'en faisant le mal autour d'elle, il ne pouvait pas nier que l'élémentaire disait vrai. Natsume n'avait jamais cherché à comprendre celle qui partageait son corps et son esprit. Peut-être que cela lui aurait évité bien des ennuis par la suite ? Ou du moins, elle aurait instauré un semblant de trêve entre les deux âmes ? Le fil de ses pensées fut interrompu par une nouvelle prise de parole de la part de l'élémentaire. L'étudiant ne put s'empêcher de relever la tête pour le dévisager, d'abord incrédule d'entendre qu'une seconde personne se proposait pour être à ses côtés lors du moment fatidique, pour reconnaissant, encore une fois à l'égard de son interlocuteur. Il ne s'attendait pas à ce que Vegeo trouva les bons mots et pourtant... Ce dernier s'exprimait comme il le fallait. Il faisait l'économie de promesses et d'espoirs qui ne pourraient peut-être jamais se réaliser, tout en s'obstinant à ne pas rester muet devant la triste résignation du garçon. Et avec un peu de recul, c'était ce dont avait besoin ce dernier en fin de comptes. Il fut néanmoins étonné que son interlocuteur lui proposa de lui-même de marcher un peu. Dire qu'il réfléchissait déjà à ce qui venait d'être échangé entre eux, ou même à ce qu'il pourrait répondre à l'élémentaire... Son invitation déstabilisa un instant Natsume, qui le fixait, sans trop savoir comment prendre ses propos. Il avait bien senti la note d'humour sur la fin de la phrase de Vegeo mais sur le coup, son mental ne suivit pas l'humeur de son interlocuteur, à son grand regret. Tout ce dont il fut capable, c'était un pauvre sourire, acceptant malgré tout la proposition de l'homme après avoir prononcé un simple  « Pourquoi pas ? ». Cependant, quand l'élémentaire lui fit signe de se retourner pour voir de lui-même, le chemin qu'ils allaient emprunter pour découvrir l'origine de ce craquement retentissant, l'enthousiasme naissant de Natsume fondit à vue d'oeil. Etait-il sérieux ? Voulait-il réellement prendre la direction du cœur de la forêt maudite ? C'était du moins celle que semblait indiqué le sentier en question. Même pour une banale curiosité, c'était un peu... Risqué ? Intrépide ? Suicidaire ? Les mots se bousculaient dans la tête de l'étudiant pour décrire l'idée proposée par Vegeo. Il comprenait son envie de bouger un peu, rester debout à se fixer dans le blanc des yeux n'avait jamais intéressé personne mais de là à se rendre dans cette partie de la forêt... Le garçon n'était plus trop sûr d'accepter l'invitation de son interlocuteur. D'autant qu'ils ignoraient encore l'origine du bruit qu'ils avaient entendu plutôt. L'élémentaire était-il à ce point confiant en la vie pour ne pas comprendre, que même en plein jour, un tel endroit recelait bien des dangers ? Il avait beau être né dans ce lieu et le considérer comme sa maison, y perdre stupidement la vie n'était pas intelligent n'est-ce pas ? Lâche, Natsume ? Et pas qu'un peu... Prenant une profonde inspiration, il se tourna vers son interlocuteur.

 « Dis... Tu as vraiment envie de prendre cette direction là ? Je ne remet pas en doute ton sens de l'aventure mais on ne sait pas ce qui se trouve au bout... »

Sa remarque eut l'air de surprendre, autant qu'amuser l'élémentaire qui répondit par un légère haussement des épaules avant de le dépasser pour prendre la direction précédemment indiquée. Il ne daigna pas même jeter un bref coup d'oeil en arrière, pour s'assurer sur son ami lui emboîtait le pas, chose que finit par faire ce dernier, ne pouvant se résoudre à laisser son interlocuteur s'aventurer seul dans les bois. Rapidement, il le rattrapa et ils marchèrent ainsi pendant quelques minutes, lesquelles restaurèrent le silence entre les deux hommes. Mais contrairement à ces prédécesseurs, celui-ci n'était ni pesant, ni glacial, simplement reposant. Natsume se surprit même à tendre l'oreille pour guetter la moindre bruit de la forêt. Car même s'il était dévasté par les flammes de la darkness, l'endroit laissait quelques fois échapper des sons qui lui étaient propres. Ceux d'animaux ou même du vent. Au point que si l'on fermait les yeux pour se concentrer uniquement sur les bruits émanant autour d'eux, on aurait pu aisément confondre les deux parties de la forêt, celle détruite et l'autre verdoyante. Sauf que tout ceci n'était qu'une habile illusion. Les chants des oiseaux se faisaient bels et bien entendre mais jamais ces derniers ne se posaient sur les branches mortes des restes d'arbres calcinés. Ils se contentaient de survoler tristement la zone, souvenirs de ce qu'elle était auparavant. Sans même s'en rendre compte, l'étudiant se surprit à s'essayer à imaginer ce qu'était la forêt avant l'incendie, tout en fermant les yeux. Par chance, il ne se prit pas les pieds dans une racine traînant sur le sol mais le bras tendu de l'élémentaire contre son torse l'arrêta net. Décontenancé, l'étudiant ouvrit immédiatement les yeux pour chercher le regard émeraude et déterminer ainsi la raison du comportement soudain étrange de son interlocuteur. Ce dernier ne bougeait plus, toute son attention était dirigée vers un point précis, un peu plus loin sur le gauche. Natsume voulut ouvrir la bouche mais son ami l'encouragea au silence d'un rapide mouvement de sa main libre. Ne comprenant pas ce qui se passait, le garçon risqua un coup d'oeil dans la direction que fixait son guide improvisé. Et le spectacle qu'il découvrit, l'émerveilla. Une biche traversait prudemment les bois calcinés, à seulement une dizaine de mètres d'eux. Le sens du vent ne l'avait probablement pas averti de l'arrivée des deux visiteurs inopportuns  sur son territoire ou alors elle n'avait pas jugé utile de s'enfuir d'eux, puisqu'ils ne parlaient pas fort. A présent qu'il comprenait la raison du silence de Vegeo, le garçon osait à peine respirer, comme si le bruit de son cœur risquait de faire fuir le magnifique animal au doux pelage brun. C'était donc elle qui les avait sursauté plus tôt ? Se sentant soudain stupide d'avoir redouté le pire en la présence d'une simple biche, Natsume sourit presque sereinement. La situation l'empêchait de rire, de peur de faire fuir l'animal, réduisant ainsi à néant, la beauté du moment. Aucun des deux hommes ne vit arriver la seconde bête. Elle surgit du décors et se jeta sur la biche, sans même lui donner une chance de comprendre ce qui lui arrivait. Un éclair brun, suivit d'un craquement sonore d'un os se brisant puis ce fut terminé. En une fraction de secondes, on était passé de la vie, à la mort. C'était ainsi que la Nature dictait ses règles, impitoyables. L'étudiant ne pouvait que se résigner devant ce spectacle. S'émouvoir sur le sort de la biche n'aurait servi à rien... Cependant, lorsque le grondement sourd leur parvint et qu'une paire d'yeux, d'un noir d'ébène, se tourna vers eux avec avidité, le garçon revint brutalement dans la réalité. Ce n'était pas simplement une démonstration de force des lois qui régissaient ce monde à laquelle ils venaient d'assister mais bien à la traque d'un prédateur. Un prédateur dont il venait de troubler le repas. Et qui reportait son entière attention sur eux à présent. Alors que Natsume fit malgré lui un pas en arrière, l'animal se rapprocha d'eux, pour se dévoiler entièrement. Un loup. Mais pas de ceux dont parlent parfois les journaux quand ils s'en prennent aux troupeaux. Non, celui-ci était bien plus imposant que ses confrères, avec un pelage brun foncé, qu'on ne prêtait à aucun carnivore des environs. Le doute n'était plus permis, il s'agissait d'un lycan et à en juger par la lueur meurtrière qui brillait au fond de ses yeux, la bête n'avait pas de bonnes intentions à leur encontre. Que faire ? Fuir ? Il les rattraperait sans problème... Oui mais alors quoi ? L'affronter ? Il fallait être fou pour songer à tenir tête à un lycan sous sa forme lupine. C'était du suicide pur et simple...

 « Vegeo... » souffla doucement l'étudiant à son interlocuteur.  « Je ne veux pas te faire paniquer mais on est mal là... »

Message par Invité Dim 28 Juil - 0:03

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« Dis... Tu as vraiment envie de prendre cette direction là ? Je ne remet pas en doute ton sens de l'aventure mais on ne sait pas ce qui se trouve au bout... »

Il se retourna et regarda Natsume. Justement songeait l'élémentaire, c'était bien pour cette raison que ce chemin avait tant d'intérêt. Il pouvait comprendre que se diriger vers le cœur de la forêt semblait une mauvaise idée, mais pour autant il ne s'en inquiétait pas. Le danger était une chose commune à tous les endroits de ce monde, même la ville n'était pas une zone dans laquelle on pouvait se sentir en sécurité. Il haussa donc les épaules d'un air amusé et continua son chemin. Pendant le trajet il songea à plusieurs choses : tout d'abord aux inquiétudes de son partenaire, dont il entendait les pas discrets derrière lui. Après sa naissance la forêt était devenue une demeure pendant un temps, il avait donc une idée des dangers qu'on pouvait y trouver : ils étaient moins nombreux que dans les rues de l'Avventura. Ironiquement, c'était dans l'endroit le plus civilisé que les risques étaient les plus hauts. On trouvait tout, et surtout n'importe quoi sur les avenues, quand le soir tombait. Ses nombreuses sorties nocturnes pouvaient en témoigner : il était plus hasardeux de se risquer une heure dans la ville, qu'une nuit dans la forêt.

Oubliant presque la zone vers laquelle il orientait ses pas, il songea que le silence était apaisant. Enfin, tout du moins c'était une première sensation qu'on pouvait avoir, quand on était pas un élémentaire de la Nature. Si Natsume profitait du paysage, Vegeo lui observait les alentours avec chagrin : il n'était pas inquiet parce que les arbres criaient ; il n'était pas triste parce que rien ne poussait ; il n'était pas dérangé par le fait de marcher sur les cendres ; ce qu'il avait encore un peu de mal à encaisser, c'était l'idée qu'il ne pouvait rien y faire. Il était une époque où sauver les bois de l'Avventura était son unique souhait, ce n'était plus réellement le cas à présent. Mais rechercher encore et toujours un moyen était une habitude, donc il ne perdait pas espoir de changer un jour les choses. Si elle avait de mauvais côtés, la vie avait aussi quelques avantages. Ainsi le regard de l'élémentaire se brouilla et ses pensées trouvèrent une nouvelle image : celle d'Eleonor. Depuis qu'il s'était décidé à vivre avec elle, les choses allaient de mieux en mieux, et son quotidien avait adopté une saveur unique. Tout en se questionnant sur ce qu'elle était en train de faire, il regardait autour de lui, à la recherche de la source du craquement. Le cerveau de l'élémentaire était sans repos. Il songeait à la vampire, au bruit entendu quelques instants plus tôt, à Natsume, à Elisabeth, à la forêt et son mal, à son avenir. C'était aussi ça de vivre comme un humain. Il y avait beaucoup de questions, et très peu de réponses.

*Hmm..?*

Quelque chose venait de bouger. Il stoppa net et empêcha son compagnon de faire un pas de plus ou même de parler : un peu plus loin se trouvait la réponse à la plus récente des énigmes. C'était donc une biche. Vegeo pencha la tête et la regarda d'un air amusé et un peu nostalgique. Il se souvenait de ses journées dans la forêt vierge. On avait souvent le droit à des cadeaux de ce genre quand on prenait son temps. Il s'adossa à l'arbre, sans faire de bruit, pour ensuite se perdre dans ses pensées. Tout en observant l'animal il tentait de trouver un prochain sujet de conversation. L'ambiance était plus saine entre Natsume et lui, il ne voulait pas risquer de faire un nouveau faux départ. Un nouvel être arriva cependant pour gâcher l'atmosphère : un prédateur. Nul besoin de préciser la suite car il arriva ce qui devait arriver : le plus fort gagna. Si l'envie d'intervenir était présente, l'élémentaire s'empêcha de faire quoi que ce soit. Les lois de la Nature étaient ce qu'elles étaient, et elles aimaient jouer avec le destin des vivants : preuve en était que la bête venait de les remarquer.

« Vegeo... » entendit l'élémentaire, pris de court, pendant qu'il fixait le regard de l'animal « Je ne veux pas te faire paniquer mais on est mal là... »

...

Il était en train de ranger les dossiers sur son bureau, faisant le tri. Résolue, résolue, non résolue, résolue, non résolue, non résolue, résolue. Les mêmes mots, les mêmes constats, les mêmes affaires encore et encore. Meurtre, vol à main armée, détournement de mineur, suicide ; toute une famille de bêtises, tout un groupe d'idioties de ce genre. La quotidien était lourd et l'ennui toujours à l'affût. Un subalterne toqua à la porte, il ne répondit pas. Il insista, il ne répondit pas non plus. Il toqua encore une fois..

"Entrez" souffla-t-il d'un air fatigué.

Le jeune officier entra, tout en évitant soigneusement le regard du lieutenant. Depuis la mort de son frère, celui-ci était devenu encore plus..particulier. Sur son visage on pouvait remarquer les marques de l'insomnie et au ton de sa voix quand il lui avait demandé d'entrer, on comprenait que c'était un de ses nombreux mauvais jours. Mais le doute subsistait tout de même : on murmurait çà et là que les bons jours n'existaient pas chez cet homme. Il ferma la porte et resta silencieux pendant quelques secondes. Le lieutenant ne parlait pas. Pourquoi ne disait-il rien ?

"Vous..vous souhaitiez me voir ?"

"Qu'est-ce que tu ferais dans ce bureau, si ce n'était pas le cas ?" répondit-il du tac au tac.

"Je ne sais pas lieutenant.."

Il balança un dossier dans un coin du bureau, faisant au passage basculer la lampe, qui adopta à nouveau sa position après quelques oscillations. Dans la pièce le silence était roi, mais le lieutenant lui était plus que ça. L'atmosphère était lourde et désagréable pour le jeune homme qui venait d'être convoqué. Les iris noirs du gradé luisaient d'un air inquiétant et observaient, à présent, sans un bruit.

"Je pars en pause, tu vas devoir prendre des notes à ma place."

"Pour le brief.."

"Oui."

"Mais..lieutenant, vous avez déjà.."

"La mémoire me manque. Est-ce que j'ai demandé ton avis ?"

"Non lieutenant. Je suggérais simplement que.."

"Tu es payé pour suivre mes ordres ou pour me faire part de tes suggestions ?"

"Pour suivre vos ordres lieutenant..."

"Alors fais-le..oh..et tu devrais arrêter de penser. C'est un effort de trop pour toi."

"Oui lieutenant..."

"Maintenant sors."

"Merci lieutenant..."

Quand la porte se referma, il songea au lendemain : probablement qu'un nouveau rapport sur sa conduite se trouverait sur son bureau. Il se leva et quitta la pièce, traversant ensuite la zone suivante sans adresser un seul regard à ses coéquipiers et subordonnés. Une fois dehors il se dirigea vers les bois de l'Avventura, à moitié fatigué de suivre l'exemple de feu son frère. La chasse à l'animal avait au moins quelque chose de positif, qui ne se trouvait pas dans la chasse à l'homme : il y avait plus de viande à manger. Ça tombait bien, son estomac criait famine. Une fois dans une zone discrète, où peu de personnes passaient, il quitta ses vêtements et les dissimula dans un coin - après tout il devait retourner au poste de police un peu plus tard. Il se transforma et s'élança vers la forêt vierge. Manque de chance aujourd'hui les proies semblaient jouer au fantôme. Mais il y avait aussi autre chose, une odeur étrange, celle d'un être qui n'était pas une bête. Lassé par la verdoyante atmosphère de l'endroit, il se dirigea vers la forêt corrompue. Il y trouva encore une fois cette étrange odeur, mais une autre s'ajoutait. La curiosité n'emporta cependant pas le lieutenant, qui commença à courir dans une certaine direction : il avait trouvé sa proie, c'était l'heure de manger. Concentré sur une odeur, il oublia donc les deux autres. Lentement il s'approchait de sa cible. Son sombre pelage était chaud, ses pupilles élargies, c'était bon de savoir qu'on allait passer à table. Après un moment il la trouva, se lança sur elle et lui brisa les os. Le sang qui commençait à couler dans sa bouche le calma : c'était l'effet que le liquide avait parfois sur lui. Soudain, alors qu'il venait d'arracher une côte de la biche, quelque chose l'attira. Il y avait une odeur de sueur dans l'air, il y avait une odeur proche..non..deux en fait..et elles étaient fortes. Il se détourna de sa première proie et avança dans la lumière, dévoilant au passage toute la noirceur de sa fourrure et de son regard.

« Vegeo... » disait l'un « Je ne veux pas te faire paniquer mais on est mal là... »

Rod Hartmann plissa les yeux et grogna, ses crocs se dévoilèrent et ses pupilles, soumises à la joie des retrouvailles, brillèrent d'une lueur mauvaise. Il plongea ses yeux dans ceux du jeune homme dont il venait de se souvenir. On oubliait pas des iris aussi verts, on oubliait pas des cheveux aussi blonds, on oubliait pas quand un homme était aux côtés de son frère lors de sa mort, baignant dans son sang.

*Ve-ge-ooo..* pensa-t-il avec rage *Alors c'est ça le petit nom de ce gamin muet !*

...

Vegeo regarda Natsume, puis recula d'un pas. Ce n'était pas un loup normal, donc..c'était probablement un lycan. Quelque chose n'allait pas dans son corps, il était paralysé. Mais ce n'était pas la peur qui l'empêchait de bouger : ce regard, il l'avait déjà vu quelque part. Mais où ça ? Il recula d'un second pas. Les sombres iris de la bête continuaient de le fixer. Il se souvint. C'était les yeux du lieutenant, l'homme par lequel il avait été interrogé suite au massacre de Saphira Denver. Pendant un long moment, il avait été questionné - le terme exact n'était pas vraiment celui-ci - par ce personnage, qui était aussi mauvais que la darkness. Puis il avait été relâché grâce à certaines preuves, qui prouvaient qu'il n'était pas l'auteur de ces meurtres. Cependant, même si son innocence était prouvée, l'élémentaire pensait toujours avoir l'animosité de celui qui se trouvait en face de lui. Pour Vegeo donc, aucun doute possible : la bête en face de lui était Hartmann et le danger était présent. Il se retourna et poussa Natsume.

"Natsume cours..pars loin, tu ne peux rien faire contre lui. Moi j'ai une chance, je vais utiliser mes pouvoirs."

Il se souvint de Buck Hartmann, le policier qui avait sacrifié sa vie pour sauver la sienne. Beaucoup trop de gens souffraient pour lui garantir une belle existence. Il se retourna vers son opposant et la couleur de ses yeux devint plus prononcée. Il était sur le point d'adopter, pour la seconde fois, sa forme élémentaire. Le jour de sa naissance il avait maîtrisé les bois de la forêt morte avec cette forme, peut-être pouvait-il le faire à nouveau ? Il n'eut cependant pas le loisir de vérifier son hypothèse : l'animal venait de se jeter sur lui. Le choc avec le sol, violent, lui coupa le souffle. Mais c'était tout. Pas de griffes plongées dans sa chair, pas de morsures broyant son corps, pas de bruit. Il ouvrit les yeux et se retrouva nez à nez avec la bête, qui était dangereusement proche de lui. Elle le fixait, il le fixait. Il en était certain : c'était bien le lieutenant. Quelque chose changea soudain, le poids de l'animal diminua, de nombreux craquements se firent entendre, l'apparence de son opposant changeait. Il reprenait sa forme humaine ! Après quelques instants le corps de l'homme, ruisselant de sueur et..nu..se trouvait au dessus de lui. Un sourire bestial courait sur ses lèvres. Il empoigna l'élémentaire par le col et le souleva comme on soulevait une feuille, puis le plaqua avec violence contre un arbre - ce dernier démontrant la puissance du geste par une fissure sur son tronc.

"HA !" cria Rod, visiblement satisfait de sa prise "Vegeo hein ? Alors c'était ça ton petit sobriquet !?!"

Il le fixa, avec un rictus amusé.

"Et en plus..tu sais parler ? T'étais pas aussi bavard au poste de police, après le meurtre de mon frère, HEIN !?!" prononça-t-il plus fort en le cognant encore une fois contre le tronc, qui se fissura de nouveau.

Il regarda autour de lui, se doutant que l'autre n'était en fait pas bien loin.

"Ton petit copain ne vient pas ? C'est quoi son nom à lui déjà ? Ha oui.." soupira-t-il "Na-tsu-mee.." fit-il en toisant les arbres "Tu ne viens pas aider ton camarade ? Quel sens de l'honneur tu as !"

Ils se regardaient en chiens de faïence. Vegeo l'observait avec un mélange de méfiance et de peur ; Rod lui le dévisageait avec colère. Après quelques secondes il lâcha l'élémentaire, qui trembla un peu en reposant ses pieds au sol. Le lycan lui donna un léger coup de poing sur l'épaule, toujours avec son sourire mauvais. Le jeune homme recula sous l'impact et regarda ensuite autour de lui. Avec un peu de chance il avait gagné assez de temps pour que son compagnon s'éloigne.

"T'es quoi au juste ? Un de ces élémentaires dont les gens parlent ? J'ai regardé les vidéos, j'ai observé ce qu'il s'est passé pendant ton combat contre la darkness." fit-il sur un ton sérieux. "Sans doute que t'es un peu ravagé dans ta tête, pour trimballer le corps de mon frangin comme ça.."

Il ne quittait pas l'élémentaire des yeux.

"La clémence c'est pas mon truc..Buck et moi n'étions pas à la même école. Mais pour toi et ton..ami..je vais changer mes habitudes. Pour Buck."

"Pour..Buck.." répéta Vegeo.

Message par Invité Dim 28 Juil - 23:33

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A peine les mots eurent-ils franchi ses lèvres à l'intention de son guide improvisé dans ces bois, que la bête en face d'eux grogna de plus belle. Comme si elle comprenait ce qu'ils se disaient, presque à voix basse. Les quelques derniers doutes qui planaient quant à la nature réelle de l'animal qui s'approchait d'eux, lentement, s'évanouirent aussitôt. Comment ne pourrait-il pas les comprendre s'il était bel et bien un lycan ? Peu désireux de perdre son temps en pensées inutiles, le garçon chercha le regard émeraude, dans l'espoir que Vegeo accepterait son idée de retrait. Que pouvaient-ils faire d'autre ? Avec un peu de chance, la prédateur s'en retournerait vers la dépouille de la biche en voyant la fuite des deux intrus sur son territoire de chasse. Peut-être que le peu de conscience humaine qui subsistait au fond des iris noirs de jais du loup, les laisserait partir ? Natsume l'espérait, n'ayant que cet espoir auquel se raccrocher. Une partie de lui susurrait, qu'une fois lancée, une machine de mort ne s'arrêtait pas aussi facilement, que tourner le dos au lycan ne ferait qu'exacerber ses pulsions de tueur, que seule la mort les attendait, lui et l'élémentaire. Une fin brutale et atroce très certainement. Mais serait-elle pire que celle que lui promettait la darkness ? Probablement pas. Même longue et douloureuse, l'étudiant préférait cette fin là, plutôt que de savoir que l'entité allait se remettre à commettre les pires crimes existants avec son corps comme outil. Les chances qu'Elisabeth puisse récupérer son corps diminuaient avec l'optique de se faire dévorer par le lycan. Etrangement, le garçon lui faisait confiance pour le réduire en charpie, compromettant au passage, les plans de la démone. Mais alors qu'il allait insister auprès de Vegeo, constatant que ce dernier ne réagissait pas, bizarrement -était-il confiant à ce point?- devant la menace qu'incarnait la créature en face d'eux, l'élémentaire prit soudain la parole, le poussant légèrement dans la direction opposée, celle qui avaient pris ensemble auparavant. Natsume n'en crut pas ses oreilles. Il lui demandait de fuir ? De l'abandonner à une mort certaine ? Parce que oui, le garçon ne voyait pas d'autres alternatives pour son interlocuteur si celui-ci restait seul face au lycan. Pensait-il pouvoir le maîtriser ? Le fou... Personne ne pouvait contenir la rage d'un lycan transformé. Avait-il autant de conviction en ses pouvoirs, ceux-là même qui s'étaient manifesté la nuit de sa naissance dans les bois ? L'étudiant se retint de soupire à cette idée. Oui, il avait arrêté Danaliel mais ce dernier n'avait même pas encore entamé sa transformation animale à ce moment, ce n'est qu'après qu'il s'était laissé emporter par sa nature profonde, se libérant des liens végétaux de Vegeo dans le même temps. Ce n'était pas du tout ce qui était en train de se passer. Le temps que l'élémentaire réagisse, le lycan avait tout le loisir de lui bondir dessus pour lui dévorer les entrailles. Il devait arrêter d'essayer de se la jouer cool ! Pourtant, le regard émeraude était tout ce qu'il y avait de plus sérieux et déterminé au monde, ce qui... ne rassura pas du tout Natsume, bien au contraire ! Sauf qu'insister auprès de son ami dans cette situation, les gênerait tous les deux, aussi le garçon commença donc à faire marcher arrière, rapidement, non sans jeter un dernier regard en direction de la bête. Mais loin, de chercher à sortir de la forêt à tout prix, Natsume parcourut quelques mètres avant de s'accroupir derrière un tas de bois mort, suffisamment gros pour le dissimuler en grande partie. Il ne faisait aucun doute que le lycan le retrouverait facilement s'il s'en donnait la peine, grâce à son odorat mais de là où il se trouvait, l'étudiant pouvait apercevoir la scène dans son ensemble et...intervenir s'il le fallait. Non, il n'avait jamais renoncé à aider Vegeo, le laisser seul face à l'animal ne se trouvait pas dans ses options. La conscience que sa pauvre force d'humain, déjà considérablement réduite comparée à celle de ces pairs, ne ferait pas le poids contre celle du loup, lui était insupportable mais peut-être que... Encore une fois, ses liens faits d'ombre... Sans trop y croire, Natsume espérait qu'ils puissent s'en sortir tous les deux.

Qu'ils se séparent... Peut-être était-ce là, tout ce qu'attendait leur adversaire pour passer à l'action. Sous le regard horrifié du garçon, la bête se jeta sur l'élémentaire, le plaquant au sol avec force, de tout son poids. Inconsciemment, Natsume se redressa, à présent visible mais il s'en moquait. S'il ne faisait rien, Vegeo serait déchiqueté, sans possibilité de faire appel aux pouvoirs qu'il avait mentionné. Et il ne pouvait pas le laisser mourir devant ses yeux ! Car même le sacrifice de son ami n'empêcherait pas le loup de s'attaquer à sa seconde cible, une fois la première éliminée. Pourtant, il ne fut pas question de sang et de tripes à l'air. Incrédule, l'étudiant vit le corps de l'animal changer de nouveau pour redevenir progressivement un homme...nu. Hormis son aspect, enfin, pour ce qu'il était quoi, un début de soulagement naquit dans le cœur du garçon. Si leur adversaire était suffisamment maître de lui pour repasser à sa forme humaine, alors tout n'était pas perdu pour eux. Sauf s'il s'agissait là encore d'un sadique qui aimait jouer avec ses victimes en leur laissant de faux espoirs de survie. Un peu dans le même genre que cette femme qu'il avait rencontrée... Depuis sa cachette improvisée -et inutile en réalité-, Natsume observa la suite des événements. Comment l'inconnu se saisit de l'élémentaire avait une facilité toujours aussi déconcertante pour les yeux couleur rubis, bien que leur propriétaire se soit attendu à une situation de ce genre. De là où il se trouvait, il n'entendit pas ce que l'homme déclara à Vegeo. Etait-ce des menaces ? Ou alors il commençait réellement à jouer avec lui avant de s'en prendre à l'étudiant ? Ce dernier se maudit de s'être autant éloigné, il aurait donné cher pour entendre ce qui se disait entre les deux interlocuteurs. Le silence de l'élémentaire ne disait rien de bon, aurait-il eu seulement le courage de crier quelque chose à l'intention de son ami pour l'avertir des sinistres intentions de leur adversaire ? Pas si sûr... Alors que devait-il faire ? S'éclipser pour de bon et tenter de joindre du renfort ? Autant appeler directement la police avec son téléphone portable dans ce cas, à supposer qu'il y ait du réseau dans ce coin désolé. Pestant de nouveau, Natsume se raidit soudain lorsque le lycan s'adressa à lui. Ainsi donc, il n'aurait pas assez d'une victime -si l'on excluait la biche- et l'avertissait par ce moyen, qu'il serait le prochain sur sa liste ? Mais quand il lui reprocha plutôt son attitude digne de celle d'un lâche, le garçon se mit à trembler violemment. Un lâche ? C'était bien ce qu'il était non ? Par la faute d'Elisabeth... Non, parce qu'il rejetait la faute sur elle, il avait fui les autres, y compris les mains qu'on lui tendait. A plusieurs reprises, il s'était vu contraint de laisser les autres se battre à sa place, lui qui n'était qu'un faible humain sans réels pouvoirs... Là encore, il laissait Vegeo seul face au lycan, s'imaginant pouvoir intervenir de là où il se trouvait alors qu'en réalité, l'homme n'aurait besoin que d'une fraction de secondes pour arracher la trachée de l'élémentaire, condamnant ainsi le malheureux. Les propos de l'individu lui firent mal, non parce qu'ils étaient désagréables à entendre mais parce qu'il s'agissait là de la vérité mise à nue. Tout comme cette fois, dans la ruelle... Quand son impuissance avait coûté la vie à son collègue... Un rire nerveux monta lentement dans la gorge de Natsume, jusqu'à le secouer entièrement, de la tête aux pieds. Le son en lui-même, avait quelque chose de désagréable, comme si celui qui le laissait échapper venait tout simplement de basculer dans la folie la plus complète. En plus d'être faible, il était lâche. Pas besoin qu'on le lui répète sans cesse. Mais quitte à mourir sous les griffes et les crocs de la personne qui venait de l'interpeller, autant lui dire ses quatre vérités non ? Que l'autre connaisse son opinion sur la question, et tant pis si son action, aussi désespérée que nécessaire pour lui, devait lui coûter la vie par la suite. Ce n'était pas comme s'il ne se préparait pas à la mort non ? S'écartant du tas de bois mort, l'étudiant s'avança vers les deux interlocuteurs. Son regard ne laissait apparaître aucune peur à l'encontre du lycan, seul un étrange mélange d'incompréhension, de colère et de déception.

 « C'est vous qui me parlez de sens de l'honneur ? Alors que vous vous en prenez à des plus faibles que vous ?! Ne devriez-vous pas protéger ceux qui n'ont pas les moyens de le faire eux-mêmes plutôt que de les laisser crever comme des chiens ?! » s'exclama t-il à l'intention de l'homme.

Au fur et à mesure qu'il parlait, il se mit inconsciemment à serrer les poings, faisant blanchir ses jointures. La douleur à sa main droite se réveilla mais il n'y accorda aucune importance. Toute son attention étant rivée sur le lycan qui se retournait lentement vers lui, probablement surpris que sa seconde cible s'adressa à lui de la sorte. Peut-être qu'il ne lui collerait plus l'étiquette de lâche dans ce cas là ? Oh et puis aucune importance à présent ! Vu qu'il allait -très- certainement mourir de la main de cet individu. Les souvenirs de ce qui s'était passé dans la ruelle, l'agression de la lycanne, l'apparition inespérée de son collègue suivie de celle -moins appréciée- du complice de la femme, aboutissant à la mort de l'humain... Natsume se mit à serrer les dents également. Comment cet homme... Pouvait-il parler ainsi ? A supposer qu'il ne soit pas leur prédateur aujourd'hui mais simplement un lycan en manque de sensations fortes, comment pouvait-il l'insulter de la sorte alors qu'il tout comme les autres, n'étaient pas là pour sauver son collègue ? Quelqu'un d'aussi naïf et gentil que Vegeo en quelque sorte. C'était comme si l'étudiant revoyait la scène se dérouler sous les yeux mais cette fois, il était bien déterminé à agir. Quitte à prendre la place de l'élémentaire pour mourir à sa place, comme ce qu'il aurait dû faire pour son collègue. Mieux valait mourir en brave, que vivre en lâche. Son choix était fait. Ses pensées s'égarèrent un instant du côté de Maria. Il était heureux de l'avoir revue une dernière fois, moins de mourir sans pouvoir l'en avertir en revanche. Elle allait certainement avoir du chagrin, chose étrange quand il se rappelait quelle personne elle était lors de leur rencontre. Et Vegeo... Allait-il se reprocher sa mort ? Vivre avec ce genre de poids sur la conscience était quelque chose de lourd à porter, Natsume ne le savait que trop bien. L'espace d'une seconde ou deux, il regretta presque sa témérité, se disant qu'il ne pouvait pas laisser l'élémentaire vivre avec sa mort sur la conscience. Lui qui avait toujours cherché à les sauver, la démone ainsi que le garçon. L'étudiant jeta un très bref regard en direction de son ami pour montrer O combien il était désolé pour ce qui allait se passer. Inutile de former le mot silencieusement avec ses lèvres, au risque d'amuser leur interlocuteur commun. Non, tout s'échangea à l'aide d'un seul contact visuel. Les iris rubis revinrent alors sur le lycan, pour rencontre ceux, d'un noir de jais, de ce dernier. C'est alors que l'esprit de Natsume enregistra un détail qui lui avait échappé jusqu'alors. Tandis qu'il encaissait les paroles de leur adversaire, celui-ci et Vegeo avaient continué d'échanger de brèves paroles ou plutôt, l'inconnu avait de nouveau apostrophé son malheureux interlocuteur. Cependant, les propos de l'individu faisaient leur propre chemin dans l'esprit du garçon, faisant écarquiller les yeux à ce dernier. Un meurtre ? Vegeo avait été témoin d'un meurtre ? La déception quant au fait que l'intéressé ne lui en avait pas touché un mot, Natsume n'en ressenti rien. Il pouvait comprendre la discrétion de l'élémentaire à ce sujet, surtout quand on connaissait la situation de l'étudiant. Evoquer ce genre de choses sordides ne ferait que lui rappeler que lui aussi, en avait déjà commis auparavant. Mais un tremblement incontrôlé parcouru de nouveau le corps entier de l'étudiant quand il apprit que le meurtrier était une darkness. La première idée qui lui vint, fut celle d'Elisabeth mais il ne se rappelait pas d'un incident pareil. Auquel cas, puisque Vegeo y avait assisté, ils en auraient très probablement discuté entre eux non ? Mais... Il ne connaissait que deux darkness en ville... La démone et...

 « Saphira... »

Seul son prénom s'échappa de ses lèvres. La certitude s'insinuait lentement et sournoisement en lui, alors qu'une partie de lui hurlait l'innocence de la jeune serveuse. Elle ne pouvait pas avoir tué de nouveau... Alors qu'ils s'étaient promis de se défendre ensemble face aux maux qui les habitaient réciproquement... Mais... Etait-ce... La raison du silence et de l'absence de la concernée ? Tout dans son comportement récent à l'égard du garçon, pouvait conduire à une culpabilité non avouée. La conscience de l'étudiant ne voyait que cela pourtant, il se refusait de l'admettre. Il connaissait la vulnérabilité de la darkness mais également l'amour qu'elle lui portait. Si jamais elle avait baissé les bras une fois de plus, ne serait-elle pas revenue vers lui ? Ou alors elle craignait sa réaction à l'encontre de son comportement ? Pouvait-elle penser à ce point qu'il la rejetterait alors qu'il avait bien fini par devenir l'une de ses victimes ? Et si... Saphira n'était plus la propriétaire de son corps ? Si elle avait de nouveau été contrôlé par Jaramiah ? Non... Natsume n'y croyait pas, même si cela semblait être l'explication la plus plausible. Parce que l'entité, furieuse d'avoir été mise en échec, aurait certainement cherché à le retrouver entre temps, pour lui faire payer et faire regretter à sa propriétaire, d'avoir tenté de lui résister. L'étudiant déglutit difficilement. Pourquoi avait-elle... ? C'était à ne rien y comprendre. Aurait-il le courage de poser quelques questions concernant les événements tragiques qu'avait vécu Vegeo ? Obtiendrait-il cependant les réponses à celles-ci, vu l'attitude agressive de leur interlocuteur commun ? Aurait-il mieux fait de faire profil bas pendant la conversation entre l'élémentaire et l'homme, plutôt que d'intervenir brutalement pour rapidement perdre contenance en apprenant la nouvelle ?

 « Qu'est-il...arrivé à cette darkness ?... » murmura t-il encore trop fort au goût de ses oreilles.

Message par Invité Ven 2 Aoû - 2:22

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*Quelle plaie...* songea le lycan.

Pendant que l'élémentaire était contre le tronc, cherchant une issue de secours ou priant pour que la mort soit rapide et indolore, le lieutenant luttait contre ses propres démons. Presque impossible en effet pour lui, qui était d'un naturel violent et impitoyable, de se retenir. Il comprimait ses pulsions, tentait d'oublier sa nature. On pouvait à juste titre se demander pour quelle raison l'animal voulait devenir humain ; pourquoi la bête sauvage voulait en ce moment prendre le masque de l'être civilisé. La raison était bien simple : l'honneur. En effet, si la faiblesse de l'élémentaire avait poussé son propre frère à s'interposer ; si, en somme, Vegeo était une variable responsable de la mort de Buck Hartmann, il s'était tout de même exposé à la fureur de la meurtrière. Tout ceci dans le seul but de protéger sa dépouille. La folie était probablement celle qui avait imposé cet acte, mais le lycan se sentait tout de même redevable. Si dans sa famille le fait de mourir était chose naturelle, si rendre honneur aux morts n'était pas une tradition bien ancrée dans les mœurs de son clan, Rod tenait à offrir à son unique frère une fin digne. Bel acte donc que celui de ce fou d'élémentaire, qui avait tiré le corps de Buck Hartmann sur plusieurs mètres, tentant de le soustraire à la darkness. Sans quitter le regard de sa première proie, il tentait donc de lutter contre lui-même, il essayait de faire preuve de cette chose qui était si chère à son aîné : la bonté. Quelque chose arriva cependant qui perturba son attention.

« C'est vous qui me parlez de sens de l'honneur ? Alors que vous vous en prenez à des plus faibles que vous ?! Ne devriez-vous pas protéger ceux qui n'ont pas les moyens de le faire eux-mêmes plutôt que de les laisser crever comme des chiens ?! »

Le lieutenant regarda l'ancien témoin en souriant d'un air malsain, puis se retourna. Il ne chercha pas pendant longtemps la source d'une provocation aussi misérable : en effet à quelques mètres de là, totalement à découvert - chose surprenante quand on pensait que quelques minutes plus tôt, il avait détalé comme un lapin - se tenait le compagnon de balade. Ce Natsume se tenait droit, cherchant dans les dernières minutes de sa vie à faire preuve d'un minimum syndical de courage. Comme il bouillait de ne faire de lui qu'un bouchée ! Le personnage transpirait la faiblesse. Il était pitoyable, hésitant, seule une lueur de fausse volonté brillait au fond de son regard. Le lycan le détailla de haut en bas avec dédain et répondit.

"Tss..tu devrais cesser de rêver petit : le monde est une jungle depuis le tout début, ça ne changera pas avec le temps." clama-t-il froidement, avant d'ajouter "Si tu n'es pas capable de te défendre, alors la mort est ta seule option. Si tu veux protéger quelque chose, alors deviens assez fort pour. Et tu peux oublier l'idée de me faire la morale parce que j'ai décidé d'user de ma puissance de cette façon : chacun ses choix."

Vegeo en attendant regardait son compagnon humain. Cette chose dans son regard, il donnait la sensation de s'excuser, de livrer un dernier message. C'était probablement l'imprudence qui guidait ses pas en ce moment. Il fallait faire quelque chose, trouver une solution. Le cerveau du jeune homme s'activait cependant sans rien trouver. Il n'avait pas le temps de se transformer en élémentaire - il serait mort avant - ; il ne pouvait pas utiliser ses pouvoirs directement - sous sa forme humaine il n'était pas assez puissant pour ça - ; pour finir, rouer de coups le lieutenant ne semblait pas une idée qui allait donner des résultats. Pourtant, songea-t-il, il y avait une zone que n'importe quel homme ne pouvait pas protéger. Les iris de Vegeo se dirigèrent vers le bas-ventre de l'homme : était-ce une solution de secours envisageable ? Au moment où il se décidait à tenter sa chance, la surprise l'empêcha d'user de sa seule ressource de défense.

Rod lâcha l'élémentaire et s'adressa à lui, pendant que l'autre s'approchait d'eux. Grâce à sa tirade le lycan se rendait bien compte de la différence entre Buck et lui. L'un utilisait sa force pour protéger sa vision de la loi ; l'autre usait de la sienne pour imposer ses règles. D'un côté le sauveur et de l'autre le tyran songea-t-il. Pour autant il n'y avait pas que du mal dans l'âme de Rod Hartmann. On ne pouvait bien sûr pas affirmer que c'était un enfant de chœur, mais il faisait des efforts. C'était compliqué sans son frère, mais il tentait tout de même : parfois sa routine de grand méchant - dans son travail comme dans sa vie - lui pesait. Et il songeait avec nostalgie au temps où son aîné instaurait une ambiance qui le faisait presque passer pour fréquentable. C'était le temps des rires et des efforts ; le temps des chasses à deux et de la traque des criminels. Pendant une période il avait même songé que défendre la loi avait du bon. Mais son frère, trop peu habitué à la nature malfaisante des gens, n'était pas un prédateur ; c'était ce qui l'avait condamné. Alors à quoi bon défendre les faibles, si on perdait de sa force au passage. Vision cynique qui était pourtant celle d'un lieutenant de police de l'Avventura. Cependant pour la première fois depuis la mort de Buck, il avait décidé de faire un effort, pour rendre hommage à sa volonté.

"Pour lui alors..?"

"Ouais..pour lui. Mais ne va pas t'imaginer que les choses se dérouleront de la même façon, si on se croise à nouveau. Pour cette fois je veux bien sacrifier une partie de mon gibier, mais ce sera la seule et unique fois.."

L'élémentaire déglutit avec difficulté. Il songea à Buck Hartmann, qui avait défendu les habitants au péril de sa vie. Deviendrait-il lui aussi, un jour, un homme aussi courageux ? Il n'en savait rien. Certains disaient que le pardon était une force en soi, qu'accorder une seconde chance était un acte louable. Lui de son côté oubliait le concept de la seconde chance, et avait tendance à en accorder beaucoup plus - Elisabeth elle-même n'était-elle pas la preuve qu'il était incapable de condamner ? Quelque soit la gravité de l'acte ? Était-ce là sagesse ou inconscience ? Mais les pensées de Vegeo décidèrent de ne pas trop se perdre : si le lieutenant semblait d'humeur à garantir sa survie et celle de Natsume, la situation n'en perdait pas pour autant son caractère délicat. Après tout quand une seule once de violence élisait domicile dans le cœur d'une personne, il n'y avait pas besoin d'une grande flamme pour la raviver.

« Saphira... »

Une brindille pouvait être plus que suffisante pour allumer un feu. Deux regards se portèrent vers Natsume au moment où il ouvra la bouche pour lancer le nom qui ne devait pas être entendu. Tout d'abord celui du lycan, à l'oreille fine, qui regarda l'humain d'un air méfiant qui à lui seul faisait comprendre que dans sa tête, les choses s'agitaient déjà ; puis celui d'abord étonné de l'élémentaire - qui se demandait d'où son compagnon tenait ce nom - puis inquiet - car si Rod Hartmann avait l'esprit un peu trop vif, les choses allaient rapidement se compliquer. Vegeo regarda Natsume avec de grands yeux, pour lui signifier de stopper ici ses questions mais...

 « Qu'est-il...arrivé à cette darkness ?... »

Une lumière inquiétante passa dans le regard de Rod, alors que celui-ci poussait une nouvelle fois l'élémentaire contre le tronc. Alors cet être chétif aimait s'occuper de choses de ce genre ? Il aimait poser des questions sur le sort de personnes comme la darkness ? Et plus que tout..

*Saphira..nooon !* pensa-t-il avec une joie sauvage au fond du ventre *Nooon, ce gamin sait quelque chose sur cette..!?!*

Avant qu'une quelconque réaction soit autorisée à Vegeo, Rod faisait déjà quelques pas en avant, pour décocher un crochet du gauche au jeune humain. Une fois Natsume étalé dans la poussière, le lycan regarda autour de lui, avec au visage le masque de ceux qui décident de revenir sur une décision avec plaisir. Il ne lui donna pas l'occasion de se relever et frappa un coup de pied violent dans les côtes du pauvre garçon, qu'il releva ensuite par le col.

"Saphira hein ? C'est beau comme le destin arrange les choses gamin ! Maintenant tu.."

Un bras saisit celui du lycan.

"Pour Buck ! Pour Buck, vous venez de me le dire !" grogna l'élémentaire en tirant sur le bras du lieutenant. "Seulement pour cette fois ! La seule et unique fois !"

Le regard de Rod passa de Natsume à Vegeo. Un doute naissant, un chemin à prendre, un choix à faire. Devait-il sacrifier sa promesse et s'occuper d'eux ou tenir, au moins pour cette fois, sa parole. Il huma l'air environnant, il avait en tête les odeurs. La ville était petite, il croiserait très probablement le chemin de l'élémentaire ou de l'humain une seconde fois. Par ailleurs, il pouvait facilement trouver le plus lâche des deux : un jeune homme de cette tranche d'âge avec des cheveux blancs et des yeux rouges, on en trouvait pas beaucoup. Et puis-même si la coloration et les lentilles existaient, il y avait toujours les photos de classe, les curriculum vitæ. Pour un détective de qualité, retrouver la trace du jeune homme n'était pas si complexe. Mais d'un autre côté, pourquoi se fatiguer quand on avait tout à portée de main ?

Sans lâcher le col de Natsume, il se retourna brusquement en faisant lâcher prise à l'élémentaire. Une fois en face de lui, il lui donna un coup de pied dans le ventre qui l'envoya valdinguer quelques mètres plus loin. Il regarda ensuite l'humain d'un air mauvais et le plaqua brutalement sur le sol. Avec toujours au fond de la gorge l'odeur du sang de l'animal tué quelques instants plus tôt, il lui souffla au visage.

"Tu crains le grand méchant loup gamin ?"

Message par Invité Lun 5 Aoû - 17:19

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Un court silence tendu s'était installé entre les trois interlocuteurs, le temps que le vent porte les propos du garçon jusqu'aux oreilles de l'inconnu. La réplique de ce dernier ne se fit pas attendre et la réponse claqua froidement dans l'air. Elle eut le mérite de faire retomber immédiatement la colère de Natsume, pour la remplacer lentement par de la résignation. Lui qui n'avait jamais prétendu être courageux et déterminé, un exemple de plus venait de s'ajouter à la longue liste qui prouvait l'exact opposé. Alors comme ça, mourir était sa seule option ? Un triste sourire flotta sur les lèvres du jeune barman. Ce n'était pas comme s'il ne le savait pas déjà. Depuis qu'il vivait avec cet entité déchue enfouie dans un coin de sa conscience, il avait cherché un moyen de lutter, un autre pour s'en libérer définitivement. Mais force était de constater qu'au final, l'unique solution qui lui pouvait lui redonner un peu d'espoir, consistait à mourir. Cet homme ne lui apprenait rien, à commencer par le fait que la vie était une lutte de tous les instants. Parce qu'il était plus fort que lui physiquement -et mentalement ?- il se permettait de lui faire des réflexions de ce genre ? N'hésitant pas un instant à le prendre de haut, constatant bien que, non seulement sa parole seule était écrasante de vérité mais que son interlocuteur ne pourrait pas rivaliser avec lui, si jamais l'étudiant avait décidé d'en venir aux mains pour convaincre l'inconnu. Quant bien même, cette alternative n'avait aucun sens quand on connaissait un peu le caractère de l'intéressé. Rester à savoir la manière dont il pourrait réagir face aux propos qu'avait tenu le lycan. Répondre ou se contenter de demeurer silencieux pour ne pas exaspérer davantage l'homme ? Au risque qu'il décide finalement de s'en prendre à eux, alors qu'il semblait décidé à les laisser tranquilles, pour cette fois du moins. Natsume se perdit dans ses pensées, englobant à la fois celles évoquant son passé, comme celles qui annonçaient son avenir incertain, laissant le soin aux deux individus de clore cette rencontre délicate et imprévue. Cependant, quand il se décida enfin à reprendre la parole, un détail dans la conversation entre Vegeo et l'inconnu ayant attiré son attention, il regretta presque immédiatement d'avoir prononcé ses quelques mots. Tout d'abord, lorsqu'il croisa le regard de l'élémentaire, durant une brève fraction de secondes. Visiblement, il en avait trop dit sans pour autant avoir énormément parlé. Preuve étant qu'il n'avait pas besoin de longs discours pour s'attirer des ennuis mais cela, le garçon en avait déjà conscience. Puis, il rencontra les yeux de l'inconnu et ne put réprimer une frisson de peur en voyant la lueur qui illumina ces derniers. Qu'avait-il dit pour s'attirer les foudres du lycan ? Il ignorait ce qui s'était réellement passé entre Vegeo, Saphira et cet homme. Aurait-il mieux fait de se taire ? Pourquoi fallait-il toujours qu'il ouvre quand il ne le fallait pas ? A croire que c'était une sorte de seconde malédiction, en plus de devoir supporter les assauts de la darkness.

Ce qui suivit en suite se passa très vite. L'étudiant vit clairement l'inconnu se diriger droit sur lui mais son corps refusa de réagir. Ou plutôt, la vitesse d'action du lycan, combinée au manque de réflexes évident du garçon, ne lui permit pas d'éviter le coup de poing de son interlocuteur. Sans comprendre ce qui lui avait valu cette soudaine agressivité, Natsume se retrouva une fois de plus dans la poussière. Rapidement, il sentit quelque chose de chaud atteindre ses lèvres et il comprit qu'il saignait du nez. Celui-ci était douloureux à cause du coup mais il ne semblait pas cassé. Un coup de chance, si toutefois on pouvait utiliser ce terme compte tenu de la situation. Le jeune barman se redressa péniblement, d'abord en mettant un genou à terre pour espérer se remettre debout sauf qu'un violent coup dans les côtes l'en empêcha. La douleur lui vrilla tout le côté droit, le coupant un instant le souffle sous l'impact. S'il avait pu parlé, il aurait crié à l'inconnu de cesser ses attaques. Il ne comprenait pas un tel acharnement. Le recours à la violence était-il le seul moyen que connaissait l'homme ? Lamentable... Le jeune barman se vit relever sans ménagement par son adversaire qui avait daigné se pencher vers lui pour l'attraper par le col. Sans aucun effort apparent, il le souleva pour le mettre à sa hauteur... Ou presque car les pieds du garçon touchaient à peine le sol quand le lycan eut terminé son action. Le chaud liquide continuait toujours sa course, survolant ses lèvres. Natsume, quant à lui, se tenait les côtes, n'ayant pas réellement besoin d'un quelconque support, comme son adversaire le maintenait soulevé sans peine. Lorsque leurs regards se croisèrent de nouveau, l'étudiant put y lire toute la rancoeur de son agresseur. Il y avait tant de violence contenue dans ces iris, celle là même qui caractérisait ceux de sa race ? Non... Danaliel ne s'était jamais montré totalement violent en sa présence et Leann était douce comme un agneau... La suite lui confirma qu'il avait eu tord de prononcer le nom de la jeune serveuse. Pourquoi cet homme la recherchait-il ? Pensait-il pouvoir lui arracher des informations par la force ? Il en avait les capacités et il ne faisait aucun doute que le corps du garçon ne tiendrait pas longtemps à force d'encaisser les attaques du lycan. C'était déjà un petit miracle en soi qu'il n'ait rien de cassé, autant au niveau du visage que des côtes. Cependant, un prochain coup ne lui laisserait plus aucun doute sur l'état de ses os. Il s'attendait à ce que l'homme frappa une nouvelle fois mais ce dernier n'eut pas le loisir de terminer sa question -peut-être que cela leur aurait permis de mieux se comprendre concernant le sujet « Saphira »- car Vegeo venait de lui attraper le bras. L'étudiant lui lança un vague regard. N'avait-il pas compris le message que les deux iris couleur rubis avaient essayé de lui faire passer ? Pourquoi mettait-il sa vie en danger à présent que leur adversaire avait jeté son dévolu sur le second des deux promeneurs malchanceux ? Ce n'était pas comme si Natsume ne s'était pas résigné devant le sort funeste qui l'attendait. Et qui était ce Buck au juste ? Pourquoi personne ne lui expliquait ce qui se passait bon sang ?!

 « Vegeo... Barre toi vite de là abruti... Sauve ta peau... » marmonna t-il du bout des lèvres, comme si cela allait échapper aux oreilles de leur interlocuteur commun.

Que pouvait-il faire de plus ? Espérer se libérer de la prise du lycan était peine perdue. Et puis, si son action désespérée pouvait réellement sauver son ami alors l'étudiant comptait bien lui faire comprendre que son choix était fait. Si sa mort pouvait servir à quelque chose... Même amuser un fou furieux en manque de sang. L'inconnu sembla hésiter un moment mais cela ne suffit pas pour susciter quelques espoirs dans le cœur du garçon. On ne faisait pas aussi facilement changer d'avis un homme aussi déterminé que l'était le lycan. Lui qui ne semblait d'ailleurs pas se remettre en question le moins du monde, tant sur son caractère -de cochon- que sur ses méthodes. Impuissant, le jeune barman regarda Vegeo se faire propulser plus loin sous un nouveau coup de leur interlocuteur. Une lueur d'inquiétude passa brièvement dans le regard couleur rubis et l'envie de répliquer à l'homme que passer ses nerfs sur l'élémentaire ne lui apporterait rien, tenailla Natsume. Cependant, avant même qu'il ne put ouvrir la bouche pour répondre quoique ce soit, il se fit plaquer au sol par son adversaire. Le choc lui coupa la respiration et il se retrouva donc sur le dos, dans la poussière mêlée de cendres des bois environnants, avec un homme nu et en sueur sur lui. Sans la lueur meurtrière qui brillait au fond des yeux de ce dernier, la situation aurait pu prendre une autre allure. Ces retrouvailles brutales avec le sol réveillèrent sa douleur aux côtes mais il se garda bien de laisser échapper un gémissement. Serrer les dents en grimaçant était, de loin, plus efficace de son point de vue. L'haleine chargée du sang de la biche lui parvint soudain dans la figure. L'odeur lui arracha un haut le cœur et il se retint à grand peine de ne pas tourner la tête sur le côté pour s'éviter de respirer les effluves morbides qui émanait de la bouche de son interlocuteur. Il n'avait pas envie que ce geste, en apparence anodine, ne soit pris pour une tentative de fuite ou une marque de faiblesse vis-à-vis du lycan.

 « Tu crains le grand méchant loup gamin ? » souffla soudain ce dernier sur un ton mauvais.

Allons bon... Des menaces maintenant ? Alors qu'il pouvait lui arracher la trachée d'un seul coup ? N'avait-il pas suffisamment d'éléments à sa disposition pour se rendre compte, de lui-même, qu'il s'agissait là d'une question rhétorique ? Natsume lui rendit son regard, à travers lequel on pouvait voir toute la crainte qu'il ressentait à l'égard de l'inconnu. Comment aurait-il pu en être autrement après ce qui venait de se passer ? Seul un fou aurait pu nier ouvertement la menace que représentait le lycan, même sous sa forme humaine. Le jeune barman ne répondit pas immédiatement. Non pas que cette proximité dangereuse lui ôtait tous ces mots mais il essayait de se reprendre. D'accord, il avait parlé de choses qu'il ne connaissait pas. Mais si déjà, on essayait de lui expliquer ce qui se passait, ça l'aiderait un peu ! Quant à savoir ce qui allait lui arriver... Ses pensées s'égarèrent un court instant. Il repensa à son ami, lycan lui aussi puis à la femme qu'il avait affronté dans cette ruelle. Tous les deux représentants de cette race et pourtant si différents... Devait-il forcément craindre tous les lycans qu'il rencontrerait ? La réponse était non. Encore moins quand ces derniers avaient une telle lueur dans le regard. L'homme sur lui avait beau se montrer menaçant, prêt à lui arracher les tripes, il y avait quelque chose de brisé en lui... La haine qui le motivait parvenait à chatouiller la conscience de l'entité mais l'inconnu n'était pas seulement habité par ce sentiment. En cela, le garçon pouvait en être sûr. Passé l'instant de la peur, le corps de Natsume se détendit presque et il observait son interlocuteur calmement. Eprouvait-il de la pitié à son encontre ? Il était encore un peu tôt pour l'affirmer, l'étudiant préférait attendre de voir si l'autre allait le laisser en vie ou en bon état pour cela. Lorsqu'il prit la parole, il s'autorisa une petite pointe d'insolence, histoire de faire comprendre à l'inconnu, que même s'il lui faisait peur, le garçon ne lui ferait pas le plaisir de lui montrer.

 « Gamin par-ci, gamin par-là... J'ai un nom vous savez ? » commença t-il avant de marquer une courte pause.

S'il avait pu, le jeune barman aurait hausser les épaules mais sa position l'en empêchait. La force du lycan était telle qu'elle l'écrasait contre le sol, l'empêchant de faire quoique ce soit pour se libérer de sa prise. Cependant, il s'empressa de reprendre la parole, avant d'être certain d'avoir énervé pour de bon son interlocuteur. Ce qui ne manquerait pas de lui coûter la vie, il en était certain.

 « Pourquoi je devrais avoir peur de la fatalité ? Je suis incapable de me défendre, la mort est ma seule optique non ? Mais, si au moins, elle peut être utile à quelqu'un alors ça me va... »

Le ton de sa voix était redevenu aussi calme que l'éclat qui luisait au fond du regard rubis. Il n'avait plus l'intention de provoquer son adversaire, sauf si ce dernier lui en fournissait l'occasion. Après tout, il pouvait aussi bien préciser qu'il redoutait quelque chose de plus sombre que ce qui agitait le cœur du lycan en ce moment même. Une personne répondant au nom d'Elisabeth... Mais un doute se glissa bien vite dans son esprit : est-ce que l'homme allait percevoir la présence de l'entité ?  Danaliel y était bien parvenu lui... Au risque de faire un rapprochement mortel entre lui et la darkness qu'était Saphira ?...

Message par Invité Sam 10 Aoû - 3:08

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"Shhh..shh..sh.."

Son regard ne quittait pas le ciel. Il était..fatigué, à la seule idée d'envisager de porter ses iris ailleurs que sur le plafond de la forêt. Sa tête s'enfonça un peu plus dans le sol et il soupira avec résignation. Contre ses cheveux et ses oreilles, il pouvait sentir la sensation que provoquaient les feuilles mortes ; contre son visage il sentait les cendres des bois qui se soulevaient et passaient par tous les côtés ; contre sa tempe il pouvait entendre une veine pulser avec force. Il remua le bas de son corps et son souffle le lâcha encore une fois. Il avait..mal. Rien de cassé, aucune goutte de sang ne quittait son corps ; il avait simplement mal. La souffrance continuait son chemin et tournait en rond au niveau de l'estomac de l'élémentaire : d'abord le bas du ventre, puis le côté droit, puis la zone sous ses poumons, puis le côté gauche, pour enfin retourner au centre. La douleur s'amusait à tourner le long d'un chemin qui semblait ne pas avoir de fin. Elle ne voulait pas le quitter, ses soupirs n'aidaient en rien à évacuer la tension de ses muscles. Il était juste là, reposant dans les cendres de son ancienne demeure. À ses oreilles un son, celui de Natsume. Fuir était son conseil, fuir était sa solution, fuir était ce qui pouvait lui donner un avenir. Il remua une jambe, puis l'autre. Ensuite il remua son bassin et tortilla sa nuque pour regarder plus loin devant lui. Le lieutenant et l'humain venaient d'adopter une nouvelle position de cette danse mortelle. La proie était au sol, le prédateur vif et brutal dans chaque geste, était au dessus. Chaque mouvement était rapide, chaque inspiration soulevait ses épaules , chaque parole hurlait sa vengeance. En somme, tout dans le lycan criait violence, tout dans son aura hurlait pour quémander la présence de la mort. C'était dommage, mais il semblait maintenant bien impossible de pouvoir le raisonner d'une quelconque manière. Que faire donc ?

« Gamin par-ci, gamin par-là... J'ai un nom vous savez ? »

Rod haussa un sourcil, il hésitait. Était-ce un genre d'humour de secours ? Était-ce la dernière phrase insolente d'un homme qui était sur le point de mourir, et qui voulait partir dans peur ? Ou alors était-ce simplement une ironie désagréable qui voulait le pousser encore plus vers le chemin de la violence ? Son front se plissa d'un air méprisant. Sa proie ajouta une nouvelle phrase. Oui, la mort était sa seule optique. C'était donc ça sa manière à lui de quitter le monde. C'était de cette façon qu'il voulait s'incliner une dernière fois devant la vie, pour la saluer. Avec de l'humour. Son frère aussi s'était éclipsé de cette manière ? Avec une blague sans saveur qui ne servait que de point final ?

*Manque de goût pour certains ; illustre conclusion pour d'autres.* songea-t-il toujours en regardant sa victime.

Dans la conscience du lieutenant, une unique chose était présente : la haine. Son désir actuel n'était que celui de mettre fin à la vie du jeune homme. Son attention était uniquement pour cette chose, son envie était enroulée autour de ce singulier désir de réduire sa proie en morceaux. Mais il en avait besoin pour retrouver la darkness. Que faire alors sinon le torturer ? Malheureusement, il ne disposait pas réellement d'outils pour la chose. Utiliser ses poings ? Il risquerait de le tuer. Utiliser son habituel ton de bête sauvage ? Non, l'autre était déjà préparé à mourir, la peur n'était pas suffisante. Comment faire donc pour le faire souffrir sans le tuer, avec ce qu'il avait sous la main. Il pensa être sur le point de craquer. Craquer. Le mot résonna dans son âme. Ses os. Les lèvres de Rod s'élargirent en un rictus mauvais et il observa sa proie sans rien dire.

"Tu as un nom..je vois..alors je vais demander..toute ton attention..Natsume.." murmura-t-il en s'approchant de l'oreille du garçon. "Je vais arracher ta peau ; je vais déchirer tes muscles ; je vais briser tes os, un par un..sauf..sauf..si tu m'offre des informations sur la meurtrière de mon frère.."

L'élémentaire reposa sa tête au sol une nouvelle fois puis souffla, sans un bruit. Il plongea sa conscience et son âme dans l'obscurité, en privant sa vue de toute lumière. Il entendait autour de lui. Il entendait les arbres qui criaient, il entendait les pas de la faucheuse, qui ne pouvait réprimer ses pulsions, qui ne pouvait s'empêcher de consumer la vie sous tous ses aspects. Il entendait les rumeurs, dans les catacombes de son monde, au sein de sa planète. Il entendait sa mère. Silencieusement, son corps changea. Sans une once de bruit, sans un mouvement de sa part, sa peau devint bois ; ses cheveux devinrent feuillage ; son sang devint un liquide aussi épais que la sève ; ses iris, eux, devinrent d'un vert qui provenait des profondeurs de la forêt. Il ouvrit les yeux et souleva sa main droite. De la mousse couvrait les zones où se trouvaient ses veines quelques instants auparavant. Un nouvel air s’engouffrait dans sa gorge. Il voyait les choses d'une manière étrange et peu commune. Les arbres, les plantes, tout ce qui vivait encore un peu dégageait une lumière verdoyante, dont l'intensité était cependant faible. Comme des bougies soumises au vent, les vies de la forêt étaient soufflées sans délicatesse. La guerre des trois jours sombres était encore d'actualité dans les bois corrompus, la violence faisait encore des ravages. Il soupira doucement et porta son regard vers le lieutenant et Natsume. Le poing droit du prédateur pulsait, ses épaules se soulevaient d'une manière de plus en plus nerveuse. L'humain lui, ne bougeait pas, ne bougeait plus. Il était là, comme une feuille qui attendait d'être écrasée par le poids d'un homme, sans mot dire. La rage semblait consumer le premier à un point tel qu'il ne voyait que sa vengeance. Était-ce possible ? Probablement. Après tout, son bois était celui de la forêt ; ses feuilles étaient celles de ces arbres ; son odeur était celle que le vent portait depuis la forêt vierge jusqu'ici. Pouvait-on remarquer qu'une odeur était autre chose qu'une odeur ?

Son pouvoir, il était assez puissant maintenant. Pas pour sauver ses bois non, mais il était assez puissant pour demander de l'aide à son entourage. Oui, il allait demander de l'aide, il n'allait pas contrôler. Il ne voulait pas risquer de perdre le contrôle de son pouvoir une nouvelle fois, en se faisant maître des plantes. Il allait devenir camarade, compagnon de ces dernières. Il cligna des yeux et souleva sa main droite, qu'il ferma ensuite en un poing.

L'on pouvait sentir sa présence. Dans le corps de ce garçon, il y avait un Gardien de la Nature. Il demandait notre force. Nous étions mal en point, si mal en point ; le feu n'était plus mais ses flammes s'enroulaient encore autour de nos troncs, il déchirait encore chaque chose fragile de notre demeure. Comme un poison il évoluait, se répandait avec patience, attendant notre ultime souffle. Mais nous avions encore de la force, le Gardien ne devait pas mourir. Un jour peut-être, notre maison surgirait à nouveau. Les pouvoirs de la vandale étaient forts, la noirceur de l'âme de la destructrice n'allait pas s'éteindre rapidement. Cependant, rien en ce monde n'est immuable. Nous levâmes donc deux de nos bras, poussant la terre rude et froide comme la faucheuse. Surgissant du sol, à la manière des lances de l'ancien temps, nous décidâmes de nous faire les armes de notre Gardien. Les extrémités de nos racines s'enroulèrent sur elles-mêmes, devenant les poings qui allaient aider celui qui devait nous soutenir. Sinueusement, nous nous élevâmes vers la voûte dont l'Astre ne pouvait, autrefois, écarter nos feuillages. Notre bras droit s'élança sur la bête pour l'empêcher de répandre le Mal et la souffrance. Avec violence il écrasa les côtes du prédateur pour l'envoyer plus loin. La clémence n'était point de mise et, avant qu'il ne puisse se lever, notre bras gauche visa sa tête, avec moins de violence cependant. Nous éteignîmes sa conscience sur l'instant. Le Gardien ne voulait pas sa mort, le Gardien ne voulait que du temps. Il ne désirait que plusieurs minutes, il n'avait besoin que de partir, pour revenir plus tard et nous sauver. Nous le savions, il le savait : son existence était nôtre, notre existence était sienne.

Sous sa forme d'élémentaire il se releva et regarda les racines des arbres, qui plongeaient à nouveau dans le sol. Il passa sa main dans les feuilles qui étaient maintenant ses cheveux et souffla, la tête lui tournait un peu : depuis longtemps il n'avait pas tenté d'unir sa conscience à celle des plantes. Il se rua vers Natsume et l'aida à se relever, il était lourd.

"Nous devons nous éloigner le plus vite possible." dit-il en regardant l'humain, sans se soucier de son apparence, qui semblait provenir d'un vieux livre sur les créatures anciennes de ce monde.

Son corps, sa conscience, rien n'était plus pareil. Ses phrases semblaient venir d'un langage séculaire ; son odeur était celle de la forêt vierge lors du Printemps ; le vert de ses iris était plus intense que jamais. Chose ironique et qui donnait à la scène une allure d'un autre monde : il avait ses vêtements. Que pouvait-on penser d'une telle créature, qui dans la peau d'un monstre ressemblait tout de même à un homme ? Il tourna la tête vers le lieutenant avec un soupçon de regret au fond du cœur. Vivre ou mourir, il faut choisir songea-t-il en se disant que les lycans étaient forts. Il s'appuya contre un arbre proche, avec toujours Natsume penché sur son épaule, pour établir une carte des lieux. Son regard sembla se perdre dans le néant alors que sa main droite était posée sur le tronc et, après quelques instants, il revint à lui pour regarder dans une certaine direction.

"L'Ouest ! La ville se trouve vers l'Ouest. Si on arrive là-bas à temps, il ne pourra rien nous faire. Il est de la police : quand des habitants sont présents, ses actions sont restreintes !"

Message par Invité Sam 10 Aoû - 16:26

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L'hésitation vint se peindre sur le visage de son interlocuteur. Est-ce que par hasard, lui, le fort et grand loup, hésitait à tuer un pauvre humain sans défense ? Malgré la petite pique de ce dernier ? Natsume ne savait pas s'il devait se réjouir de ne pas sentir une nouvelle fois la douleur s'imprégner dans son corps meurtri ou s'il devait, au contraire, s'inquiéter du calme apparent naissant chez son adversaire. Avait-il enfin ouvert les yeux sur la stupidité de la situation ? Que l'homme reprenait le dessus sur la bête et qu'il acceptait de leur laisser la vie sauve, à tous les deux ? C'était trop beau pour être vrai, pourtant, ce doux espoir caressa l'esprit du garçon tandis que le silence revenait s'installer entre lui et le lycan. Peut-être était-il naïf de penser qu'une personne puisse changer radicalement d'avis en si peu de temps. N'était-ce pas ce qui s'était passé peu de temps auparavant ? Alors qu'il s'était engagé à les laisser partir, leur interlocuteur n'était-il pas revenu rapidement sur sa décision pour s'en prendre à lui ? Sans raison apparente qui plus est ? Pourquoi donc abandonnerait-il ses sombres projets alors qu'il avait oublier sa promesse envers Vegeo ? Cela n'avait aucun sens quand on y réfléchissait bien. Ou alors, malgré la résignation qui l'envahissait peu à peu, un espoir subsistait encore dans le cœur de l'étudiant ? Natsume se demanda s'il pouvait pousser sa chance plus loin et reprendre la parole. Expliquer qu'il s'agissait d'un malentendu, en clair, tenter de raisonner l'homme. Impossible dites-vous ? Etait-ce plus raisonnable d'attendre sagement que son interlocuteur revienne à son idée première, qui était celle de le malmener encore un peu avant d'en finir ? Certainement pas ! Mais avant que le garçon ne soit en mesure d'ouvrir la bouche une nouvelle fois, un rictus inquiétant vint étirer les lèvres de son adversaire. La crainte revint à la charge, balayant le début d'espoir insensé de l'étudiant. Non... Il n'y avait aucun moyen de s'en sortir, d'échapper à ce destin funeste qui se profilait pour lui. Quel que soit l'idée sadique qui venait de pénétrer l'esprit de son interlocuteur, son expression actuelle ne laissait rien présager de bon pour lui. Aurait-il mieux fait de ne rien dire qui pourrait sonner de manière provocatrice aux oreilles de l'homme ? Histoire qu'il se lasse de la soumission de sa proie pour passer à autre chose ? Ne venait-il pas de ranimer les pulsions violentes de son adversaire en essayant de masquer sa propre peur ? C'est soudain ce que commença à redouter le garçon. Il mit à trembler de manière incontrôlée quand il vit l'individu se pencher vers lui. Allait-il lui arracher la trachée d'un coup de dents ? Afin qu'il ne puisse plus parler par la même occasion ? Non, aucune attaque ne vint mais les lèvres du lycan se mirent à remuer tandis qu'il lui soufflait quelques mots à l'oreille. Le timbre de sa voix était grave mais plus calme qu'auparavant, ce qui ne rassurait pas le moins du monde Natsume. Lorsqu'il entendit son prénom prononcé par son adversaire, un frisson de terreur le parcourut. C'était déplaisant cette façon qu'il avait de parler mais c'était sans savoir ce qu'il allait ensuite ajouter. Au fur et à mesure qu'il s'exprimait, l'étudiant sentit son visage blêmir de plus en plus. Ainsi, c'était donc le sort qui l'attendait ? Mourir à petit feu en sentant son corps se briser sous les coups de son agresseur ? Cependant, il sentit comme un pieu s'enfoncer dans son cœur quand l'homme lui avoua une chose  que sa conscience continuait en vain, à ignorer. Sans même le savoir, le lycan l'avait fait davantage souffrir par dans ses derniers mots que s'il avait réellement mis ses menaces à exécution et entreprit de lui briser chacun de ses os.

 « Meurtrière...? » laissa échapper le garçon dans un souffle.

Quelle était cette pression qui lui étreignait le cœur ? Cette sensation d'étouffer ? Cela aurait pu être le poids du lycan si ce dernier s'appuyait sur lui, ce qui n'était pas le cas. Natsume sentit toute volonté le quitter à cette simple révélation. Saphira ne pouvait pas avoir tué le frère de cet individu... Elle lui avait promis de repousser les assauts de l'entité qui l'habitait, de se battre pour demeurer à ses côtés... Alors pourquoi ? Etait-ce... ? Etait-ce la raison de son absence et de son silence ? Trop honteuse pour se représenter devant lui, elle avait préféré disparaître en sortant définitivement de sa vie ? Ecartant tout risque de s'en prendre également à lui par la suite ? Sans même un mot d'adieu ou des explications ? Non, la jeune femme ne pouvait pas agir de la sorte, encore moins envers lui, pas après les confessions qu'ils s'étaient échangées. Cela ne pouvait pas se terminer ainsi entre eux... Un mouvement près de son oreille lui rappela l'existence du lycan et ce qui se passait autour de lui, le forçant, dans le même temps, à revenir au moment présent. Son interlocuteur le menaçait ? Mais que pouvait-il bien lui apprendre concernant Saphira ? A vrai dire, il ne connaissait pas grand chose d'elle, ils ne s'étaient pas rencontrés de manière banale comme bon nombre de couples. Elle l'avait sauvé pour ensuite tenté de l'assassiner avant d'être rattrapée par ses émotions d'humaine. Pour ce qui s'était ensuite passé entre eux, l'évolution de leur relation jusqu'à ce qu'ils décident, d'un accord commun, à se mettre ensemble... Personne n'aurait pu le prévoir, Natsume le premier. Ils s'étaient acceptés mutuellement dans leurs vies respectives mais apprendre à connaître l'autre demandait du temps. Et à ce stade, le garçon n'était pas en mesure de pouvoir affirmer grand chose au sujet de la darkness. Il doutait d'ailleurs que son interlocuteur apprécia cette réponse. Envers ce dernier, le jeune barman ressentait un début de compassion et de pitié. Si, effectivement, Saphira était celle qui avait pris la vie de son frère, ou même si ce n'était pas le cas, le fait de perdre un être cher... ne justifiait pas les actions du lycan mais permettaient de comprendre ce qu'il pouvait ressentir. La colère, la douleur, la tristesse et... la vengeance. Oui, c'était parfaitement compréhensible. Cependant, l'étudiant n'avait aucune intention de divulguer quoique ce soit. Jamais il ne pourrait supporter de livrer la darkness à cet individu. Cela reviendrait à condamner l'un ou l'autre à la mort. Et puis, son adversaire le prenait pour un débile ? Il pensait sincèrement que sa proie n'avait pas lu l'envie de chair et de sang qui brillait au fond des iris noirs de son agresseur ? Que même s'il lui donnait satisfaction, Natsume était presque certain de mourir sous les griffes de l'homme ? A quoi bon le menacer si la mort l'attendait au bout de toutes façons ? Son interlocuteur s'était redressé et le dévisageait de nouveau, droit dans les yeux. Il semblait attendre une réponse et connaissant le peu de patience dont faisait preuve l'individu, le garçon se décida à lui répondre.

 « Et si je parle, vous allez m'épargner c'est ça ? Parce que vous pensez que je vais vous croire en plus ? Je ne sais rien sur elle, vous perdez votre temps. » siffla t-il entre ses dents, l'air revêche.

Des propos plus que contradictoires, je vous l'accorde. Une lueur mauvaise éclaira le sombre regard de son interlocuteur quand il écouta la réflexion de sa proie. Il donnait l'impression à l'étudiant de n'avoir attendu que ce genre de réponse pour pouvoir s'en donner à cœur joie avec lui et ses os. L'expression de fausse désolation, mêlée à une satisfaction morbide, fit déglutir difficilement Natsume. L'homme n'était pas dupe. Et il lui tardait visiblement de jouer avec l'ossature de sa victime. Le jeune barman s'y était préparé et résigné de toutes manières. Sa seule crainte à cet instant précis, était de ne pas réussir à tenir suffisamment longtemps auprès du lycan pour permettre à Vegeo de quitter la forêt. La ville était encore loin d'eux, à présent qu'ils s'étaient enfoncés à l'intérieur des bois. De part ses capacités, leur adversaire n'aurait aucun mal à retrouver la trace de l'élémentaire et intercepter ce dernier avant qu'il n'atteigne les rues pour lui régler son compte, après avoir obtenu ce qu'il voulait de la part du garçon. Pas de témoins, pas de problèmes en perspective. Natsume sentit les battements de son cœur s'accélérer tandis que le lycan semblait s'interroger sur par où commencer avec lui. Malgré sa détermination à essayer de conserver la face devant lui, sans trop lui donner de satisfaction en criant de douleur ou en se débattant, il devait reconnaître que l'autre le terrorisait. Et cela, l'homme devait certainement le sentir. Quand enfin, l'individu parut avoir fait son choix, ce fut pour diriger lentement sa main libre en direction de celle, blessée, du garçon, gisant toujours contre le sol. Un sourire cruel se dessina sur ses lèvres quand il aperçut le coup d'oeil que lui lança sa proie quand cette dernière comprit où il voulait en venir. A cette idée, un éclair de colère apparut dans les iris couleur rubis. Non content d'avoir l'avantage écrasant sur lui, voilà qu'il allait d'abord s'attaquer à ses anciennes blessures ? Dans le but de lui délier la langue plus vite ? C'était possible...

 « Espèce de fumier... ! »

Le regard de Natsume allait de sa main blessée au rictus haineux de son adversaire. Pourvu qu'il tienne encore quelques minutes... Seulement quelques minutes... Mais la douleur ne vint jamais car un grondement déchira l'air environnant. Jaillissant de nulle part, des racines énormes ceinturèrent sans ménagement le lycan, l'arrachant au garçon pour le projeter un peu plus loin. Trop surpris pour s'inquiéter du sort de l'homme, les pensées de l'étudiant s'arrêtèrent sur ses fameuses racines. Il les avait déjà vues ailleurs mais où et comment ? Vegeo ? Le jeune barman se redressa sur les coudes pour chercher son ami du regard. Il ne découvrit d'un espèce d'arbre sur pattes, lequel se précipita dans sa direction pour l'aider à se relever. De cette apparence étrange, seuls les yeux verdoyants de la créature lui rappelaient vaguement l'élémentaire. Etait-ce bien lui ? Natsume ne voyait pas de qui d'autres il pouvait s'agir. Ils étaient seuls dans les bois mais il pensait également que son ami aurait suivi son conseil et serait parti sans demander son reste. Vegeo était resté ? Pourquoi ? Il n'eut pas le temps de lui poser la question car déjà son interlocuteur l'entraînait vers l'opposé d'où le lycan avait été projeté. Fuir ? Puisqu'ils ne pourraient pas raisonner leur adversaire, ni même le vaincre, c'était la seule option qui leur restait mais...

 « L'Ouest ! La ville se trouve vers l'Ouest. Si on arrive là-bas à temps, il ne pourra rien nous faire. Il est de la police : quand des habitants sont présents, ses actions sont restreintes ! »

Sur le moment, le garçon ne chercha pas à comprendre comment son ami avait pu déduire une chose pareille, simplement en touchant un arbre. Les pouvoirs des élémentaires étaient décidément surprenants, il faudrait qu'il lui pose davantage de questions sur eux et sur Vegeo. Il se laissa entraîner par son compagnon, qui ne désirait plus qu'une chose : quitter les lieux en vitesse. Natsume n'eut pas le cœur à lui faire la remarque comme quoi son apparence actuelle rendait rugueuse sa peau et désagréable le moindre contact avec celle-ci. Cependant, après qu'ils firent quelques pas, réduisant la distance entre la lisière de la forêt et eux, un détail attira l'attention du jeune barman. L'homme qui les avait agressé faisait parti des forces de l'ordre ? Sérieusement ? C'était à se demander de qui, le Cercle ou les rebelles, étaient les plus dangereux....

 « Ne crois pas tout ce qu'il a pu te raconter Vegeo! Si ce type fait parti de la police, alors je suis un membre des rebelles ! » répliqua l'étudiant.

L'agacement put se faire sentir dans sa voix car il était encore trop tôt pour penser être tirés d'affaires. Quant bien même ils auraient atteint les rues de l'Avventura à l'heure où nous parlons, Natsume doutait qu'un individu aux méthodes pareilles puisse réellement se soucier du regard des passants sur ses actions. Il n'était peut-être pas en uniforme, ce qui empêcherait quiconque de faire un rapprochement entre lui et la police. De plus, l'autorité de cette dernière demeurait impressionnante sur les citoyens, qui s'opposerait à ce qu'il malmène un ou deux civils, sous prétexte qu'ils se refusaient à se soumettre à sa propre autorité ? Les raisons étaient multiples malheureusement... Insultes, tentatives de fuite... Ou alors le lycan n'aurait même pas besoin d'avoir recours à son statut pour les rattraper et les traîner de force dans une ruelle un peu à l'écart des autres, histoire de régler cette affaire rapidement, sans témoins gênants. A force de s'imaginer pareils scénarios, le garçon n'eut qu'une envie : rejoindre la ville le plus rapidement possible, même si cela ne leur garantissait qu'une faible protection contre leur adversaire. Qu'en était-il de ce dernier au fait ? Est-ce que les racines avaient pu venir à bout de lui ? Est-ce que Vegeo l'avait... tué ? L'étudiant déglutit difficilement à cette idée. Non, l'élémentaire n'était pas comme ça, il ne pouvait pas s'être sali les mains pour lui tout de même ? Comment pourrait-il agir avec autant de détachement sinon ? Ses pensées revinrent vers la darkness, celle qu'il avait aimé et aimait toujours. Il n'osait plus croiser le regard émeraude de son compagnon. De peur de lire ce qui pourrait-y trouver ? Ou alors, parce qu'il ne savait pas comment se sentir vis-à-vis de lui dans cette situation ? Reconnaissant de l'avoir sauvé ou coupable d'avoir envenimé les choses, le contraignant par la même occasion, à utiliser ses pouvoirs pour neutraliser le lycan ? L'envie de lui poser des questions concernant cet incident avec Saphira, le tenaillait. Mais par où commencer ? Son ami avait-il seulement envie d'évoquer ce meurtre avec lui ? Natsume ignorait s'il aurait la force de lui expliquer O combien la darkness était aussi victime que lui ou l'élémentaire. Si Vegeo ne connaissait pas sa situation particulière, peut-être ne pourrait-il pas croire que toutes ces créatures de l'ombre souffraient de leur condition ? Que les actions de la jeune femme prouvaient tout le contraire ? Mais s'il pensait de la sorte, comment pouvait-il penser qu'Elisabeth n'était pas si mauvaise dans le fond ? A bien y réfléchir, ce n'était pas logique. Vegeo allait certainement le croire s'il le lui expliquait correctement. Lui plus que le lycan.

 « Pardon... » fut l'unique mot qui s'échappa d'entre ses lèvres à demi closes.

Message par Invité Mer 14 Aoû - 1:56

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Il avait la carte des lieux en tête, le trajet prendrait du temps mais avec un peu de chance..

*Avec un peu de chance, on pourra arriver là-bas assez rapidement..* songea l'élémentaire.

Il continua à marcher pendant quelques minutes, sans dire un mot, aidant Natsume. Il ne semblait pas en état de bouger. Avec un soupçon de nostalgie, il se souvint de sa première rencontre avec le jeune homme et la darkness : lors de sa naissance et de son premier voyage vers l'Avventura, le situation était sensiblement la même. À la différence que maintenant, c'était Vegeo qui portait l'humain et pas le contraire. L'ombre d'un sourire passa sur son visage, alors qu'il songeait que le monde pouvait offrir des histoires bien étranges. Au détour d'un arbre, il se retourna brièvement, lorgnant au loin pour voir. Le lieutenant n'était pas là. Malgré le danger que ce dernier incarnait, il souhaitait quand même ne pas avoir provoqué trop de douleur, en ayant offert cette..liberté à ses pouvoirs et aux racines de la forêt corrompue.

« Ne crois pas tout ce qu'il a pu te raconter Vegeo! Si ce type fait parti de la police, alors je suis un membre des rebelles ! »

Il se retourna et toisa Natsume avec amusement. À l'entendre, on pouvait penser qu'il était aussi naïf que le jour de sa naissance. Si ce n'était correct qu'en partie, c'était tout de même une réalité : preuve en était que tout être logique aurait achevé le lieutenant sans se poser de questions. Légitime défense. L'élémentaire le savait, il se doutait que le chemin vers l'âge de la raison était encore loin. Concernant le fait du mensonge probable de Rod Hartmann..sous ses feuilles et sous l'écorce qui lui faisait office de peau, il remarqua son cœur stopper sa course une seconde. Non ce n'était pas une sournoiserie du personnage - il avait de toute façon trop peu de tact pour ce genre de pratiques. Vegeo se souvint de cette journée, du massacre de Saphira ; il se souvint de son arrivée au commissariat et des manières du lieutenant, qui s'était occupé personnellement de tenter de lui soutirer des informations. "Il faut parler.." disait-il doucement, avant de se répéter en hurlant ; "Tu vas tout me dire !" hurlait-il en le cognant contre les murs, lui offrant presque le même traitement qu'à Natsume quelques instants plus tôt. Heureusement ses collègues étaient venus pour l'encadrer : impossible de le faire sortir de la salle, mais plus envisageable sur le moment de calmer ses ardeurs avec la présence d'autres personnes. Il se retourna vers les arbres, toujours en continuant son chemin et répondit.

"Ce n'est pas un mensonge..il s'est chargé de mon interrogatoire..après le massacre de Saphira.."

Saphira..il n'en connaissait que le prénom et le visage. Mais il n'était pas le seul à savoir des choses sur elle. Il s'empêcha de se retourner et de questionner Natsume : ce n'était ni l'endroit ni le moment pour une telle conversation. Mais il se posait tout de même de nombreuses questions. Comment pouvait-il savoir qui était la darkness ? Quel était son lien avec elle ? C'était une grande énigme mais le temps lui manquait, pour tenter de la résoudre. Il se fit donc la promesse de trouver un jour l'occasion de chercher la réponse. Pour l'instant le soucis était autre, pour l'instant le soucis était de rejoindre en vitesse la ville. Un bref son s'échappa de la bouche de l'humain - qui s'excusait doucement - auquel l'élémentaire répondit que ce n'était pas grave. On pouvait vivre bien plus troublant, bien plus horrifiant qu'une attaque de lycan. On pouvait trouver bien plus intense et traumatisant que le comportement d'Elisabeth - même si ce dernier était souvent particulièrement sombre. La sauvagerie de Saphira, c'était une chose qui ne pouvait trouver son égal que dans la période des trois jours sombres, rien de plus rien de moins. Silencieusement, Vegeo se remémorait les corps tranchés, découpés des forces de l'ordre ; il se souvenait de la pluie mêlée au sang ; il se souvenait des entrailles de ces hommes, répandues sur le sol ; il voyait les regards horrifiés des enveloppes sans vie. Rod Hartmann était dangereux, mais sa rage et sa brutalité n'étaient pas du niveau de la darkness. Le lieutenant avait un semblant d'âme mais elle..c'était encore autre chose. Il s'était sur l'instant lancé dans la recherche d'une once d'humanité chez elle, cependant sa quête s'était vite retrouvée sans résultats. Après une dizaine de minutes, le corps de l'élémentaire retrouva sa forme humaine. Le bois était devenu plus lisse, à tel point qu'on pouvait aisément avoir la sensation de se retrouver devant une statue parfaitement taillée dans un arbre..mais mouvante. La même opération s'était déroulée pour ses cheveux et ses yeux retrouvaient leur couleur verte normale, alors que le soleil changeait de position dans le ciel. Avant de perdre sa forme, il avait consulté une dernière fois les arbres de la forêt, cherchant à déterminer si des choses suspectes bougeaient dans leur direction. Mais aucun signe de danger : le corps du lieutenant, à présent plus éloigné, ne bougeait toujours pas. Après plusieurs instants - on ne savait dire si le silence venait de durer une trentaine de minutes ou toute une heure - ils parvinrent à la lisière de la forêt. La couleur du ciel n'était plus la même et ils n'étaient pas loin de trouver un refuge. Il soupira et regarda Natsume.

"Selon moi, nous pouvons envisager l'idée d'être en sécurité.." dit-il doucement, en balançant un bref coup d'œil vers les profondeurs de la forêt, où les ombres s'allongeaient "On devrait se diriger vers les urgences maintenant, tu n'es pas dans un bel état."

Il opta ensuite pour le silence, prêt à suivre le chemin de son ami s'il voulait de sa compagnie. S'il faisait le choix de soigner ses blessures seul, il improviserait ensuite. Après tout, il avait encore en tête le doute que quelque chose était sur le point de se produire dans le monde de Natsume et d'Elisabeth, leur conflit n'étant pas loin de son apothéose.

...

« Et si je parle, vous allez m'épargner c'est ça ? Parce que vous pensez que je vais vous croire en plus ? Je ne sais rien sur elle, vous perdez votre temps. »

Le corps du lieutenant remua ; il bougea ses bras, ses jambes, puis son dos craqua. Dans la brume de son inconscience, il entendait en boucle les phrases du jeune homme. Mais le son de ses remarques n'était pas le seul car dans les profondeurs de sa mémoire, de vieux souvenirs se creusaient un chemin, pour remonter à la surface. Il se souvenait de son frère, de ses habitudes si particulières, de son comportement envers les humains, de sa manie de chasser l'animal plutôt que l'homme. Ils n'étaient pas de la même souche, ils n'étaient pas du même monde. Sa famille était relativement normale ; son frère était plus que commun, il était bon dans tout ce qu'il faisait. Lui était la bête noire de la famille, causant toujours des soucis. Idioties..il en était encore à se repasser en boucle ces vieilles idées de cadet.

*Mon crâne..*

Lentement, il revenait à lui. Il songeait encore à son frère, il occupait toujours ses pensées. L'aîné était toujours au top, il était toujours performant, il était toujours paisible et rien ne semblait pouvoir l'atteindre. Rien sauf la mort. Les choses étaient si compliquées. Il voulait se relever, poursuivre ses deux proies, mais pas moyen de bouger. Surprise surprise : sous forme de loup prendre un coup sur la caboche n'était pas chose agréable ; sous forme humaine c'était encore plus déroutant. Il pensa à sa promesse de ne rien faire pour cette fois, et grogna brutalement pour chasser le concept de la trahison de sa tête. Après tout on ne pouvait pas se donner la peine d'éprouver une sorte de regret, quand on était quelqu'un comme lui ; on ne pouvait pas se donner la liberté d'envisager une vie sans conflits, quand on tuait des gens. Son frère lui semblait le penser pourtant. De son vivant, il parlait tous les jours de son évolution à lui, Rod Hartmann, en tant que lieutenant et membre de la société. "Tu vas voir, vivre sans se prendre la tête possède son charme !" disait-il toujours. Vivre sans se prendre la tête était surtout une source de danger. Ne pas manier une arme dans un monde en guerre, c'était dangereux. On vivait dans un monde en guerre, Buck ne savait pas manier correctement ses armes, il était donc mort. Que penser alors de ses bonnes idées, de ses bonnes intentions, de son envie de transformer son animal de frère en homme ? Pas grand chose de concluant. Sa tête bougea, bousculant les feuilles mortes qui se déchirèrent ; secouant la poussière qui provoqua un éternuement. Il ouvrit les yeux.

*Hmm...*

La lumière du ciel n'était plus la même. Combien de temps s'était écoulé depuis sa perte de conscience ? Il n'en savait rien. Ce qui était plus certain, à en juger par l'éclairage de la zone, c'est qu'il était en retard. Il écouta le vent qui faisait craquer les branches ; se concentra sur l'odeur du sang de la biche, dont la fraîcheur était un point sur lequel on pouvait maintenant douter. C'était beau l'été, la chaleur faisait toujours de belles choses au gibier quand on voulait prendre son temps. Il se concentra sur les odeurs du jeune homme et de l'élémentaire - confirmation de la chose en effet : se prendre des racines d'arbre en pleine poire était preuve suffisante pour cerner Vegeo - et remarqua que ces dernières étaient moins présentes. Ce n'était cependant pas un problème car il avait une bonne mémoire olfactive. Nul besoin de modestie, c'était un fait. Il ne bougea plus et décida d'attendre le moment propice, songeant aux différentes manières de s'occuper de Natsume et de son camarade. D'une certaine façon sa promesse était tenue : ils étaient encore en vie, la seconde rencontre n'allait donc pas supporter un quelconque élan de pitié temporaire.

"Non..la prochaine fois, ce sera une autre paire de manche.." cracha-t-il à l'encontre du ciel.

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