| par Invité Jeu 24 Fév - 12:42
| Alors qu’elle tendait l’appareil de nouveau vers l’arbre dans un geste rapide et précis, ne voulant pas perdre ce cliché unique, elle se rendit compte que son manteau la gênait, car il était près du corps et donc elle ne pouvait lever et bouger les bras avec la liberté qu’elle aurait eue si elle ne l’avait pas. Elle défit les boutons en un éclair, et leva de nouveau son appareil, prête à immortaliser cette éclaircie qui donnait vie à un arbre qui semblait mort. L’œil de la femme, qui essayait tant bien que mal à développer ses dons artistiques, fut attiré par un mouvement. Un regard en coin confirma qu’elle n’était plus seule.
Avec une aisance étonnante, elle leva son appareil et prit de nouveau un cliché. Elle n’avait pas pris le temps de viser, mais savait qu’elle aurait sa cible dans son objectif. Le seul hic serait sûrement le focus, qui ne serait pas le bon car elle n’avait pas réglé son zoom pour cette distance.
- Un homme peut prouver à sa femme qu'il l'aime en lui offrant une douzaine de roses. Son petit-fils peut faire la même chose, avec une poignée de pissenlits. Récita-t-elle, sans broncher, d’une voix assez forte pour que l’homme puisse l’entendre depuis l’endroit où elle était située.
Elle ne repoussait pas l’inconnu, mais elle ne l’invitait pas pour autant à être son meilleur ami. La vérité était que Rose n’était pas douée avec les autres, jumelle de son état elle s’était contentée petite de rester avec cette autre personne qui était son double, qui était son tout et qui la comprenait mieux que quiconque. Ce dont elle s’était rendue compte avec l’âge, c’était qu’elle avait exclu les autres de sa vie, et du coup elle ne les laissait rentrer qu’à petite dose et maintenait, une distance relative. Elle n’avait vraiment qu’une bonne amie, mais elle l’avait perdu de vue avec le déménagement. Elle n’était pas asociale pour autant, c’était juste une précaution qu’elle estimait nécessaire, les personnes se montrent plus souvent manipulatrices que sincères. D’ailleurs, ce cliché qu’elle avait pris lui en dirait sûrement plus sur cet homme que les mots qu’ils emploieraient pour se présenter. C’était d’ailleurs pour cela qu’elle avait usé d’une citation, rompant cette lassante habitude que les gens avaient de se présenter et après de se regarder sans savoir que dire.
Il devait bien se douter que c’était lui qu’elle avait pris en photo à la volée. Et c’était quelque chose qui était interdit, on devait toujours demander à une personne si elle acceptait d’être photographiée. Mais elle pourrait toujours supprimer cette photo sous ses yeux après. Pour l’instant… elle voulait le regarder, saisir ce regard qu’il avait quand il la voyait pour la première fois. On parle parfois de première impression, elle était intimement persuadée que cette première impression se reflétait dans les yeux et les expressions d’une personne. On l’avait déjà prise de haut la prenant pour une hybride du fait qu’elle n’arborait pas une chevelure châtain ou des yeux verts, mais cela, elle n’en avait que faire, elle voulait juste voir s’il était ou non de cette catégorie, elle ne voulait pas perdre de ce temps précieux qu’elle avait avec un homme qui ne chercherait qu’un moyen de draguer une femme ou de s’amuser avec une hybride un peu alors qu’elle pouvait continuer de prendre des photos de sa ville natale. Elle s’approcha du banc où cet inconnu était installé, elle avait bien entendu pris ses affaires avec elle, le vent hivernal était frais, mais elle gardait son manteau ouvert, car elle voulait rester libre dans ses mouvements.
- Cette phrase veut dire qu’on n’est pas obligé d’en faire des masses. Dans ce cas-ci je pense qu’on pourrait l’employer pour dire que des personnes n’ont pas nécessairement la même vision des choses. Pour moi le soleil embellit cet arbre plus que l’herbe verte et que les fleurs ne pourraient le faire.
Elle fit dos à l’homme et se tourna vers le chêne, puis hocha la tête, peu satisfaite. La vue n’était pas la même ici. Elle regarda son appareil, la dernière photo prise y apparaissait. Elle compara l’homme assit là et l’homme de la photo. Bizarrement, c’était le même. Pas de masque ? Pas de faux semblants ? Elle humecta ses lèvres desséchées par le froid en passant sa langue dessus vite fait, elle avait oublié son labello dans le sac-à-main qu’elle avait pris la veille. Elle se tourna de nouveau vers cet homme, sachant pertinemment qu’elle ne s’était toujours pas présentée. Elle s’assit afin d’être à sa hauteur, l’idée de surplomber quelqu’un ne lui plaisait pas. Elle lui montra son appareil.
- On pourrait voir un homme assis sur un banc dans cette photo. Mais un enfant vous dira peut-être que pour lui on voit une expression, le banc n’a pas d’importance. Une jeune ado vous dira que l’homme est agréable à regarder. Une personne âgée vous trouvera l’histoire qui pousse l’homme à être assis sur un banc dans un parc un jour d’hiver.
Elle appuya sur une des touches de l’appareil et la photo précédente fit son apparition. L’arbre était mis à nu par la lumière du soleil, les nuages derrières n’étaient que très peu visible. Elle n’avait pas encore parlé d’elle, mais c’était voulu, elle y venait à ce qu’elle pensait. Elle ne dit rien par rapport à la photo précédente, si on demandait à quelqu’un s’il acceptait qu’on garde une photo de lui, généralement il répondait par la négative. Par contre, si on ne disait rien, la personne ne relevait généralement rien. Elle aimait beaucoup les photos naturelles des gens, elle avait une passion pour ces première impressions, les gens étaient si vivants, même l’homme le plus menteur au monde ne pouvait toujours être sur ses gardes.
- En regardant cette photo on vous parlera d’hiver et d’arbre sans feuilles. Moi, j’y vois la vie et la lumière. Le mouvement, l’air.
D'ordinaire, elle ne se montrait pas aussi bavarde, mais que voulez-vous, elle n'était pas en plein boulot, et avait donc tout son temps, il s'agissait d'une passion qu'elle avait et en plus cet homme ne semblait l'ordinaire bonhomme qui se présentait et qui vous invitait soudainement à le suivre.
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