Un bon point pour la louve. Le fait qu’elle se montre plus « tempérée » parut améliorer la situation. Ou du moins, ne pas l’aggraver. Ce qui en soi, était une très bonne chose quand on savait qu’elle était meilleure pour foutre le bordel que pour l’endiguer. Elle se prouvait également à elle-même qu’elle pouvait se montrer plus raisonnable et mesurée lorsque la situation l’exigeait. Elle soupira intérieurement en se disant qu’elle allait surement devoir agir ainsi avec le reste des Rebelles si elle ne voulait pas finir avec une rébellion sur les bras. Mais elle savait pertinemment que ça n’allait pas lui plaire et qu’elle risquait d’être encore de plus mauvaise humeur et finir par faire exploser sa colère quand celle-ci attendra le seuil critique. Devait-elle réellement se montrer tempérée ? Que ce soit avec Jilan ou un autre membre ? La réponse la plus évidente était celle qui répondait par l’affirmative et pourtant la louve se posait encore la question. Elle ne voyait toujours pas que ça pouvait lui nuire d’agir avec autant d’impulsivité et de franc parler. Enfin, elle en avait conscience, sinon elle n’aurait pas prit la peine de s’excuser auprès du lightness pour calmer le jeu. Kyarra remarqua qu’il avait parfaitement vu le fond de ses pensées, -ou du moins ce qu’elles signifiaient- lorsque sa louve avait essayé de refaire surface. Elle ne vit pas de peur sur ses traits, mais ses muscles s’étaient contractés et elle était persuadée qu’il se mettait sur ses gardes, même sans s’en apercevoir. Un bon point pour lui ou son instinct : au choix. Dans tous les cas, il avait conscience de ce qui se tapissait à l’intérieur de la jeune femme et c’était aussi bien. Peut-être qu’il essaierait moins de la provoquer et ainsi de l’obliger à se contrôler ? Elle sourit faiblement en se disant qu’elle n’y croyait pas vraiment. Bien qu’ils soient différents sur bon nombre de point, ils avaient cependant un point commun : quand la coupe était pleine, elle débordait et tant pis pour les éclaboussures. L’épisode de la tasse de café en était un bon exemple. Un rien avait fait virer la conversation, qui aurait pu se terminer en bain de sang. Cela fit sourire faiblement la lycanne. Il se montrait posé et calme mais quelque chose lui disait qu’il pouvait se montrer tout aussi violent qu’elle l’était par moment. Elle se fit alors la réflexion qu’elle aimerait bien voir ça, si toutefois elle voyait juste. Ne quittant pas du regard les yeux de Jilan, elle pu aisément voir qu’il était en train de réfléchir. Doutait-il de la sincérité de ses paroles ? Pensait-il qu’elle agissait ainsi simplement par intérêt ? Bon d’accord, c’était le cas dans le fond. Mais pas totalement. Elle ne voulait réellement pas passer pour une emmerdeuse et grande gueule constante. Ca lui porterait préjudice et elle le savait. Elle se devait de lui montrer qu’elle pouvait également gérer des situations avec moins de caractère. Quoique difficilement. Mais si elle ne parvenait pas à montrer qu’elle pouvait rester calme dans une situation comme celle-ci, que penser des missions où sa vie serait en danger ? La sienne et probablement celle de ses partenaires. C’était fou comme elle pouvait détester devoir agir en fonction des autres, parce que ça commençait à ressembler à ça. Ne devait-elle pas tout simplement tous les envoyer chier s’ils ne faisaient pas avec son sale caractère ? Elle voulait opter pour cette vision des choses avant de se rendre compte qu’elle allait surement finir seule avec un tel comportement. C’était fou comme ça commençait réellement à la gaver tout ce flot de question et elle savait que ça ne faisait que commencer maintenant qu’elle allait reprendre les rênes de l’organisation. Elle se serait bien taper la tête contre le mur, si ça avait été son genre, mais ce n’était pas le cas et elle se contenta donc de soupirer faiblement, en pensant à ce qu’allait devenir sa vie. Kyarra sortie de ses pensées lorsque le lightness reprit la parole. A l’entendre, il n’avait attendu que ça... Ce qui était probablement le cas compte tenu du fait qu’elle l’avait quitté à leur dernière entrevue en lui affirmant qu’elle l’emmènerait au repaire de l’organisation. Alors pourquoi n’en avait-il pas parlé plutôt ? Il ne s’était pas gêner pour lui faire comprendre son envie de la voir arrêter de faire comme chez elle dans son appartement. Alors pourquoi n’avait-il tout simplement pas abordé ce sujet lui-même ? Voulait-il juste voir si la louve allait tenir parole et l’y emmener ? Si c’était le cas, ça ne lui plaisait pas du tout. Elle avait une sainte horreur qu’on doute de sa parole. Mais bon, pouvait-elle vraiment lui en vouloir ? Etant donné qu’ils ne se connaissaient pas assez ? Et qu’en y réfléchissant bien, elle tout ceux qu’elle avait connu et qui auraient pu attester de sa parole, n’étaient plus. Tant pis, il allait devoir apprendre à faire lui faire confiance ou au moins avoir confiance en sa parole. La louve haussa les épaules à sa réplique et ne prit pas la peine de lui répondre. Ce mouvement était en soi bien assez explicit : elle en avait strictement rien à foutre qu’il ait été impatient. Mais savoir qu’il pouvait avoir une patience limitée -même si l’épisode du café en était également un exemple- fit sourire la jeune femme et elle se força à mettre cette info de côté. Afin qu’elle garde -essaye de garder du moins- à l’esprit qu’il n’avait ce trait de caractère également. Elle le regarda ensuite s’éloigner et elle s’adossa de nouveau au meuble qui se trouvait derrière elle, attendant de voir ce que la suite des évènements lui réservait. Elle ne montra aucune émotion alors qu’il prenait la parole. Elle retient un grognement alors qu’il abordait de nouveau le sujet des subordonnés. Elle n’aimait décidément pas la manière dont il semblait l’avoir vu suite à son petit moment d’égarement. Pensait-il qu’elle allait essayer d’avoir la loyauté des membres du groupe grâce à son corps ? Cette pensée eu le don de la mettre en rogne et il avait bien fait de s’éloigner un peu d’elle, sinon elle lui aurait certainement mordu la gorge. Mais elle se calma relativement rapidement à la suite de ses paroles. Ces dernières la faisant réfléchir un peu. Comment allait-elle être avec les autres membres ? Elle soupira en se disant qu’elle n’allait surement pas changer son comportement avec qui que ce soit, quitte à passer pour une chef au sale caractère. Ce qui allait certainement être le cas. Elle le regarda prendre la direction de sa chambre -semble-t-il- et elle se demanda pourquoi donc. Il avait un pantalon, une chemise : il pouvait donc sortir de la sorte. Il devrait simplement fermer sa chemise et le tour était joué. Pensait-il qu’il devait mieux se fringuer ? Elle soupira en se disant que c’était surement le cas. Pendant le temps que le lightness était en train de se préparer, la louve avait quitté le meuble et s’était dirigée vers la porte d’entrée. S’adossant contre un mur en attendant qu’il revienne. Mais un bon point pour lui pour ne pas avoir trop trainé, sinon il en aurait prit pour son matricule. Elle ne prit pas la peine de cacher son attention alors qu’elle le détaillait des pieds à la tête. Il avait opté pour une chemise noir, ce qui -elle devait le reconnaitre- lui allait mieux. Elle se décolla du mur en se disant qu’elle devait arrêter avec ce genre de pensées. Elle le regarda passer devant elle en attrapant veste et clé au passage et elle lui emboita le pas et sorti de l’appartement. Elle nota qu’il avait dû abandonner l’idée de prendre l’ascenseur en sa compagnie, c’était aussi bien. Ils sortirent ensuite dans la rue et l’air frais eut le mérite de calmer la louve. Elle remarqua qu’il marchait à ses côtés mais qu’il faisait en sorte de la suivre. Après tout, elle était seule qui connaissait le chemin. Ils parcoururent une partie du trajet -celui dans la ville- en silence et ce n’était pas plus mal. Ils quittèrent ensuite l’Avventura et ses lumières pour s’enfoncer du côté de la forêt et alors qu’elle pensait passer tout le chemin dans un silence réconfortant, voila qu’il lui posait une question. Et quelle question ! Elle n’avait strictement aucun intérêt puisqu’il le serait bientôt, elle répondit sans prendre la peine de cacher sa lassitude quant à cette question :
« Vous le saurez dans une trentaine de minutes. Prenez votre mal en patience. »
Quelque chose lui disait qu’il n’allait pas apprécier ce commentaire, mais tant pis. Il verrait de lui même le repaire dans peu de temps. Et puis, à part lui répondre « Dans la forêt aux alentours des grottes. » Il n’y avait pas grand chose à dire. Si on ne connaissait pas l’endroit, il y avait peu de risque de découvrir l’entrée du repaire, alors essayer de le lui expliquer aurait été une perte de temps. Comment ça ils avaient plus de trente minutes devant eux qu’elle aurait pu combler en répondant à sa question ? Certes, mais elle en avait pas envie. Bref, ils continuèrent de marcher en silence et elle apprécia qu’il n’essaye pas de reprendre la parole pour échapper à ce mutisme.
Ils finirent -enfin- par arriver à destination. Une entrée seulement assez large pour laisser passer une personne. L’entrée qui était plus imposante était dans les galeries de la grotte. Un vrai labyrinthe si on commençait à s’y aventurer. Elle passa devant, non pas parce qu’elle pensait « les femmes d’abord » mais parce qu’elle connaissait le lieu et que lui non. Peut-être même qu’il aurait été suspicieux au point de ne pas vouloir entrer le premier dans un endroit inconnu. C’est comme ça qu’elle aurait agit pour sa part et comme il paraissait être quelqu’un qui fait gaffe à ses arrières en toutes circonstances. Ils arrivèrent dans le long couloir, où une multitude de portes s’étendaient de chaque côté d’eux. Commençant à s’enfoncer dans la grotte, elle lui expliqua rapidement comment était disposé le repaire. Les chambres : avec quatre lits dans chacune d’entre elle.
« Même si je doute que vous ayez besoin de venir crécher ici vu que vous avez déjà un appart. Mais en cas de besoin, une place vous ait naturellement réservée. »
Elle poursuivit avec la salle commune, notant qu’il y avait un tableau de mission dans cette pièce. Mais en précisant que pour le moment, il se trouvait bien vide. Elle en était déçue et ça pouvait se sentir dans sa voix. Mais elle avait reprit les rênes pour palier à cette inactivité de l’organisation. Elle décrit rapidement le réfectoire, encore une pièce où elle doutait voir souvent Jilan. Les douches, elles aussi quasiment communes. Elle l’informa qu’ils avaient également une infirmerie mais que pour le moment, aucun membre n’avait de formation de médecin. Et elle finit par la salle d’entrainement par laquelle était reliée la pièce pour les armes. Elle avait machinalement prit cette direction alors qu’elle parlait et ils arrivèrent devant la porte. Elle l’ouvrit et pu voir que la pièce était vide, elle y entra et laissa Jilan en faire de même. Elle referma ensuite la porte et s’y adossa.
« Si vous avez des questions ou remarques quelconques à formuler je vous écoute. »
Une trentaine de minutes donc ? Et à en juger par le ton qu'employa son guide de fortune, Jilan nota qu'elle n'avait pas l'intention de lui faire la conversation pendant tout le long du trajet, aussi ennuyeux était-il pour les deux partenaires. Si le Lightness n'apprécia pas tellement la manière qu'eut son interlocutrice de lui répondre ainsi, il se garda bien d'en faire la remarque. De crainte que les choses ne s'enveniment encore entre eux ? Vous n'y êtes pas du tout. Le jeune professeur avait simplement noté que se plaindre de la situation n'aurait strictement servi à rien pour deux raisons : la première étant que répliquer quelque chose à la louve n'aurait pas aidé à raccourcir la distance qui les séparait encore du repaire, c'était tout juste si un sarcasme de sa part aurait suffi à passer le temps pendant le trajet, à supposer que Kyarra ne change ses plans au dernier moment pour le faire taire. Cette dernière était du genre à prendre rapidement la mouche, ne l'oublions pas. La seconde raison du mutisme du Lightness était qu'il avait conscience d'avoir accepté l'invitation de la lycanne sans même poser de questions et qu'elle pourrait sèchement le lui rappeler. En cela, on ne pouvait pas lui reprocher de manquer de prudence car la jeune femme était venue à lui pour lui annoncer son intention de faire de hôte, son bras droit au sein de l'organisation dont elle souhaitait reprendre la direction. S'ils ne commençaient pas à se faire confiance un tant soi peu, surtout pour des choses aussi insignifiantes que l'offre de la louve, la suite du programme de reprise en main du groupe armé risquait de devenir très vite compliquée. Devant le silence qui s'installait entre deux, Jilan décida donc de prendre son mal en patience. Il tira profit du fait que son interlocutrice n'accapare pas son attention en prenant la parole pour accompagner le bruit de leurs pas, afin de mémoriser la route qu'ils prenaient jusqu'au repaire. Il ne doutait pas que Kyarra lui demanderait de se rappeler du chemin pour qu'il puisse se rendre seul à la base dans un avenir proche, notamment s'il devait l'aider à préparer d'éventuelles offensives ou missions à l'encontre du Cercle. Le jeune professeur nota dans un coin de sa tête qu'il devrait évoquer plus en détails son statut de second, récemment acquis. Hormis la loyauté et la discrétion, qu'attendait réellement la lycanne de lui et de ses aptitudes ? Il n'en avait aucune idée, à vrai dire, il ne s'était même pas posé la question auparavant. Parce qu'il n'avait jamais abandonné l'option de faire cavalier seul pour mener à bien ses sombres ambitions. D'autant qu'il était parfaitement établi en ville, ce qui le rendait indépendant et il était suffisamment intelligent pour éviter de se faire prendre la main dans le sac, pour devenir une personne recherchée. Ce qui n'était peut-être pas le cas de tout le monde... A cette pensée, le Lightness eut un sourire qui échappa à son guide. Il lui tardait de voir le visage des prétendus Rebelles. Cela promettait d'être intéressant, sauf si tous avaient plus ou moins le même caractère que la louve. Si cela devait arriver, il doutait de se retenir trop longtemps... Lorsqu'ils atteignirent ce qui ressemblait davantage à une tanière d'ours qu'à l'entrée d'un repaire de hors-la-loi, Jilan fut légèrement sceptique en voyant la jeune femme disparaître à l'intérieur. Si sortir la nuit lui déplaisait, il supportait encore moins les endroits comme celui dans lequel elle voulait l'entraîner. Une sorte de grotte souterraine dont l'absence de lumière et l'humidité alentour ne lui plairait pas le moins du monde. Tant pis. Que la lycanne ne s'avise pas de commenter sa mauvaise humeur si celle-ci surgissait au cours de la conversation qui s'annonçait.
Non sans faire la moue, il s'engagea à la suite de Kyarra, après un dernier regard autour d'eux, comme pour s'assurer malgré l'obscurité, que personne ne les avait suivis. A son grand soulagement, le couloir qu'ils empruntèrent finit par s'élargir au point qu'ils purent se tenir côte à côte sans être à l'étroit. Un bon mètre séparait le haut de leurs têtes du plafond à présent et malgré l'absence de plaisir que ressentait le Lightness à se trouver ici, il pouvait au moins être libre de ses mouvements. Si l'on en oubliait le fait qu'ils se trouvaient dans une grotte, le cadre était presque agréable. Presque hein. Car il était totalement dénué de vie ou de bruit quelconque. Le jeune professeur s'était attendu à ce que l'endroit soit pris d'assaut par différentes sections de Rebelles cherchant à récupérer le pouvoir en place à la suite de la disparition de leur prétendu leader. Comme le serait un entrepôt désinfecté, laissé à l'abandon, pour le plus grand plaisir des bandes des petites frappes du quartier. Au lieu de cela, l'absence de squatteurs, furent-ils emplis de bonnes ou mauvaises intentions, donnait au repaire, une apparence de traquenard suspicieux. En constatant cela, Jilan ne put que se renfrogner encore un peu plus. Au point où il en était, même s'il s'agissait d'un piège grossier dans lequel il serait tombé -mais grossier tout de même !-, il s'imaginait mal faire demi-tour. Mais loin de lui sauter à la gorge avec d'éventuels complices, son guide se mit à lui faire visiter le repaire. Ou du moins, les principales pièces qui le composaient. Ils commencèrent par voir les chambres, où, étrangement, quatre lits étaient disposés dans chacune d'entre elles. Cela ne posait-il pas problème ? Surtout au sein d'une organisation regroupant les pires criminelles de chaque race ? Les frictions devaient être fréquentes, pas étonnant que le nombre de membres aient diminué s'ils devaient s'entre-tuer par mégarde au cours de la nuit. Là encore, le Lightness garda ses remarques pour lui. Si le prédécesseur de Kyarra avait jugé cet aménagement utile ou pratique pour le bon fonctionnement du groupe, il n'allait pas tout changer juste parce qu'il avait eu l'intuition que la disposition des chambres risquait de créer des conflits permanents entre les différents membres de l'organisation. Pour le moment, cette dernière était loin de crouler sous les demandes d'adhésion, aussi la répartition des membres actuels ou à venir se ferait facilement. Le jeune professeur nota tout de même qu'il faudrait sérieusement remédier à ce problème si jamais leurs rangs prenaient rapidement de l'ampleur. Même s'il ne doutait pas que l'impulsivité naturelle de sa supérieure les débarrasserait efficacement des recrues trop hasardeuses... Lorsque la jeune femme s'autorisa un premier commentaire, la réflexion qui clôtura la visite des chambres illustra parfaitement ce qu'il pensait de cette partie. Jilan acquiesça d'un petit mouvement de la tête les dires de son interlocutrice mais la tentation était trop forte.
« C'est bien vu de votre part. Et puis, je ne pourrai pas me satisfaire d'une chambre partagée, je ne suis pas dans le genre à partager mes conquêtes si vous voyez ce dont je veux parler... » lâcha t-il sur un ton sournois.
Sans même lui prendre la peine de lui répondre, son guide poursuivit le reste de la visite alors qu'ils dépassèrent le tableau des missions. Même sans que la lycanne l'annonce de vive voix, le jeune professeur remarqua bien que celui-ci était vide. A tel point qu'on aurait pu croire qu'il venait à peine d'être installé et donc, que les membres n'avaient pas encore eu le temps d'y mettre -ou lire- des informations importantes. C'était sans compter sur le sens du détail du Lightness. Car en regardant de plus près, on voyait bien les traces du passage du temps sur le tableau en lui-même, telle quelle la fine couche de poussière qui s'était détaché des parois de la grotte pour se déposer sur les rebords du tableau ou encore les marques laissées par les précédentes annonces qui avaient dû se trouver là auparavant. Ainsi, à bien l'observer, le panneau était sur place depuis un bon moment, ce qui ne rendait que plus pathétique l'absence de missions et donc, d'activités au sein du groupe. Comme si ce dernier avait perdu de vue ces objectifs. Mais Jilan comme la lycanne, voulaient remédier à ce manque de raids sur la ville et ses idéaux. Ce vide sur le tableau des missions n'était que partie remise, le jeune professeur s'en faisait la promesse silencieuse. Suivant les pas de Kyarra, le Lightness apprit l'existence d'une infirmerie. Il n'avait pas la prétention -uniquement dans cette situation...- de se revendiquer médecin mais peut-être que son don se révélerait utile étant donné que le poste n'était pas -encore- occupé pour le moment. Devaient-ils s'en inquiéter ou bien se dire que leurs membres n'étaient pas tous des incapables qui se faisaient salement amochés à la moindre occasion ? D'autant que la dernière pièce de la visite fut la salle d'entraînement, une preuve supplémentaire que les Rebelles avaient de quoi se préparer mentalement et physiquement pour les affrontements à venir. Oubliant un instant la présence de la louve à ses côtés, le jeune professeur fit quelques pas dans la grande salle, plus histoire de laisser courir son regard sur les éléments qui composaient son intérieur, plutôt que pour se familiariser davantage avec les lieux. Dans l'ensemble, il était plutôt satisfait de ce qu'il avait sous les yeux, on était en droit d'attendre moins en terme d'équipements de la part d'une organisation criminelle pour laquelle les rentrées d'argent ne devaient pas être faciles à camoufler et Jilan songea à interroger son interlocutrice à ce sujet. Cependant, il oublia bien vite l'idée car cette conversation pouvait attendre encore un peu. Il s'étonna néanmoins que la lycanne l'incita à parler pour commenter leur fameux repaire. Le Lightness enregistra le fait qu'elle attende une réaction de sa part mais prit son temps avant de lui répondre, afin de bien réfléchir à ce qu'il pourrait dire. Il se remémora la visite dans sa totalité, le ou les points qui avaient attiré son attention, en bien ou en mal.
« Comptez-vous réellement loger tous les Rebelles ici ? J'espère que votre présence seule suffira à éviter un carnage, toutes les races ne sont pas faites pour cohabiter entre elles. Je n'ai pas la formation de médecin mais je pourrai m'occuper des blessés si le besoin se fait sentir, même si cela devait me forcer à passer plus de temps dans vos locaux... Qu'en dites-vous ? »
Tandis qu'il parlait, il n'avait pas cessé de détailler la salle d'entraînement dans son ensemble et ce n'est que lorsqu'il prononça ses derniers mots, qu'il consentit enfin à reporter son attention sur la jeune femme. Elle avait le regard rivé sur lui et il comprit qu'elle n'avait certainement pas dû le lâcher du regard dès lors qu'elle l'avait enjoint à prendre la parole, comme pour analyser le moindre de ses gestes ou réactions quant à la découverte des lieux. Il faut dire qu'ils terminaient par le meilleur morceau, à savoir, cette pièce qui formerait leur petite armée, si toutefois on pouvait employer ce terme pour qualifier le groupe armé. Car aux yeux de bon nombre des citoyens de l'Avventura et du Cercle lui-même, les Rebelles n'étaient qu'une bande de criminels désorganisée qui faisait parler d'elle à travers des crimes commis de manières indépendantes ou presque, tant l'activité de l'organisation s'était vue diminuée faute de la présence d'un véritable leader. Jilan laissa volontairement passer un silence, pour que la louve puisse lui donner son avis. N'étaient-ils pas associés à présent ? Quand ce fut fait, il se décida à aborder le véritable enjeu de cette rencontre selon lui, bien qu'une pointe d'humour acide se glissa vers la fin de ses propos.
« J'apprécie le fait que vous m'ayez conduit ici mais qu'attendez-vous de moi exactement ? Et je parle de votre choix de faire de moi votre bras droit car je me doute que vous puissiez avoir d'autres idées en tête à ce moment... A moins que le rôle du second ne consiste à entretenir la libido de sa supérieure directe ? »
Pendant toute la durée de la « visite » Jilan ne dit pas un mot. Mais étrangement, la louve savait qu’il ne devait pas perdre une miette de ce qu’elle lui disait ou lui montrait. Peut-être qu’il était en train de se faire une idée de l’endroit où il pourrait venir se planquer en cas de pépin. Ou alors, il était en train de ce dire que ce trou n’était pas pour lui ? Il était peut-être satisfait de voir -enfin- le repaire des Rebelles, tout en étant déçu par ce qu’il pouvait voir ? Kyarra se retient de grogner face à ces questions. Pour une fois, elle aurait bien aimé qu’il parle, qu’il lui dise ce qu’il était en train de penser. Elle détestait ne pas pouvoir savoir ce qui était en train de se passer dans sa tête. Cependant, elle n’en fit pas la remarque. Pourquoi cette soudaine retenue ? Parce qu’elle était -maintenant- avant tout la chef de l’organisation. Bon ok, elle l’était vingt-quatre heures sur vingt-quatre et elle devrait agir ainsi en permanence, mais les contraintes n’étaient pas son fort. Elle se privait donc rarement de dire ce qu’elle pensait. Hors, là, dans cette situation, elle se devait de se contrôler. Elle était impulsive et elle le savait mais elle savait également qu’elle ne devait pas se laisser aller à tout moment. Bref, tout ça pour dire qu’elle devait montrer à Jilan -mais également à elle-même- qu’elle n’était pas simplement une louve à grande gueule et qu’elle pouvait mettre en sourdine ses envies. Elle pourrait presque croire qu’elle commençait à devenir plus mature grâce à sa nouvelle position. Si seulement ça pouvait être le cas ! Mais elle savait pertinemment que ça ne pourrait certainement pas durer. Elle ne répondit donc rien à la remarque de Jilan concernant ses conquêtes. Qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre de savoir s’il aimait ou non partager les filles qu’il baisait ? Avait-il simplement fait cette remarque pour voir comment allait réagir la lycanne ? Si c’était le cas, il devait être déçu qu’elle ne dise pas un mot et qu’elle continue son chemin. Dans un sens, elle faisait aussi bien d’ignorer ces paroles. Sinon, elle était persuadée qu’elle lui aurait sortie une réplique acerbe et ça aurait fait empirer la situation. Hors, elle n’était pas là pour ça. Et lui non plus d’ailleurs, du moins elle l’espérait. Sinon, ils auraient aussi bien pu rester chez lui et s’envoyer des pics dans la tronche jusqu’à ce que ça se termine en bain de sang. A cette pensée, un léger sourire carnassier apparu sur les lèvres de la louve. Ca lui donnait envie de mordre dans la chair tout ça. Peut-être qu’elle irait trouver un mec après sa discussion avec Jilan et le tuerait ensuite. Du sexe et de la mort dans un laps de temps réduit, que demander de plus ?
Arrivés dans la salle d’entrainement, Kyarra laissa tout le temps qu’il fallait au lightness pour répondre. Elle ne le quittait pas des yeux, examinant ses faits et geste. Malheureusement pour elle, il était assez doué pour cacher ce qu’il pouvait penser. Ainsi donc, elle ne pouvait rien lire dans sa gestuelle, aucune trace d’appréhension ou d’excitation, ni même sur son visage. Ce dernier ne laissait rien paraitre, ni sur le coin de ses lèvres ni à travers ses yeux. Au bout d’un moment, la jeune femme faillit prendre la parole pour lui intimer l’ordre de dire quelque chose, n’importe quoi. Mais une fois de plus, elle ne fit rien. Hourra pour Kyarra ! Elle se surprenait elle-même de fermer sa gueule aussi longtemps. Dommage qu’il n’allait pas se rendre compte des efforts qu’elle pouvait fournir. Mais au moins, elle en avait conscience, c’était déjà ça. Et puis, elle se souvenait de sa première visite dans ce lieu. Elle s’était perdue assez longtemps dans ses pensées pour avoir oublié la présence de Fisher à ses côtés. C’était probablement ce qui était en train de se passer avec Jilan. Elle soupira faiblement et capitula. Elle n’ouvrirait pas le bec avant qu’il daigne le faire. Surprenant n’est-ce pas ? Et pourtant, c’est ce qu’elle fit. Cela lui permit également de réfléchir. A quoi ? A ce qui allait se passer par la suite. Maintenant que l’organisation avait à sa tête deux personnes compétentes. A cette pensée, elle se figea. Elle était en train de descendre Fisher alors qu’il avait disparu, ce n’était pas comme s’il avait abandonné son poste. Elle se mordit la lèvre inférieure pour ne pas avoir respecté cet homme en pensant ainsi. Mais dans le fond, elle avait raison : non pas qu’il n’était pas compétant, elle n’avait jamais douté de lui, seulement il fallait des dirigeants pour l’organisation et ils étaient maintenant là. Les choses allaient pouvoir bouger de nouveau dans la ville. Kyarra l’espérait réellement. Elle en avait plus qu’assez de voir les sourires de joie sur la plus part des visages des habitants A croire qu’ils avaient tous foi dans le Cercle pour les protéger et ainsi pouvoir finir leur petite vie misérable tranquillement. Ca lui donnait envie de gerber. Mais c’est à ce moment que Jilan choisit de reprendre la parole.
« Non pas tous. Ceux qui -comme vous- ont un logement, le garderont. C’est principalement en cas de nécessité. Mais comme dans mon cas, il se peut que certains y élisent domicile. Et s’ils ne sont pas assez matures pour s’entendre ou au moins se respecter, que voulez-vous que je vous dise ? Ce serait dommage de perdre des membres aussi inutilement, mais au moins, il restera les meilleurs. »
Elle marqua une courte pause. Elle avait conscience que cette vision des choses n’était surement pas la meilleure. Mais ils n’étaient pas non plus ici dans un camp de vacances et elle n’avait aucune envie de jouer les chaperons pour des merdeux qui ne verraient que leur intérêt et non pas le but de l’organisation. Elle se fit la réflexion que ça allait surement être un vrai bordel de devoir gérer un certain nombre de membres et elle espérait ne pas péter de câble trop souvent. La connaissant, il lui en faudrait surement peu pour se laisser aller. Elle reprit cependant, sortant de ses pensées.
« Quant à votre faculté pour guérir les blessures, je préférais la garder pour des moments réellement importants. Si certains membres ne sont pas capables de sortir indemne de chaque missions, je ne veux pas que vous les soigniez. Il me semble que votre pouvoir à un coût, si je me souviens de vos dires précédents. Alors inutile de vous fatiguez pour des faibles. »
Son ton était sans appel. S’il fallait affaiblir un membre pour un autre qui n’avait pas été capable de faire assez gaffe à son cul, c’était hors de question. La louve pouvait avoir l’esprit d’équipe -ça devait venir de sa louve- mais il y avait des limites. Elle acceptait les blessures faites en étant tombé sur plus for que soi, mais si c’était à cause d’orgueil mal placé, qu’ils aillent tous se faire foutre. Et elle la première. Elle se savait pertinemment assez hautaine pour ne pas reculer lors d’un combat. M’enfin bon, elle jouait tout le temps sur sa capacité de régénération. A cette pensée, elle se dit qu’elle allait peut-être devoir changer de comportement. Elle s’était déjà faite cette réflexion quand elle était devenue le bras droit de Fisher, mais là, c’était autre chose. Elle n’était plus simplement un bras droit que l’on aurait pu changer au besoin, elle était devenue -en s’auto-proclament- chef. Elle ne pouvait plus se permettre d’en faire qu’à sa tête. Elle soupira de nouveau faiblement. Ca lui faisait vraiment chier tout ça. N’aurait-elle pas dû tout simplement partir de son côté ? Parce qu’il fallait bien comprendre qu’être de nouveau sous les ordres de quelqu’un ne serait pas passer. Fisher avait été assez puissant pour qu’il la soumette et qu’elle le respecte ensuite, mais elle ne se laisserait plus cela se reproduire. Mais non, elle avait préféré reprendre les rênes laissées par l’oublié. Il fallait donc qu’elle assume désormais. Mais en serait-elle capable ? Seul le temps nous le dira. Jilan reprit la parole, encore une fois, il la faisait sortir de ses pensées. Ce qui n’était pas plus mal dans un sens. Cependant, autant la première partie de sa phrase était intéressante, autant la seconde fit monter la moutarde au nez de la louve. Elle ferma les yeux et serra les poings tout en comptant jusqu’à vingt mentalement. Ses paroles ne lui plaisaient guère ainsi que son ton. Il fallait absolument qu’elle se calme sinon elle allait lui sauter à la gorge. Elle n’appréciait pas du tout qu’il lui parle ainsi mais surtout, qu’il se permette ce genre de réflexion. Il ne l’a prenait donc pas au sérieux ? Pensait-il réellement ce qu’il disait ? Si c’était le cas, valait mieux pour lui qu’il n’en fasse pas part à la louve. Il pensait vraiment qu’elle se serait donné la peine de lui montrer la planque s’il ne devait lui servir que de plan cul ? Et qui lui disait qu’elle ne se contenterait que de lui ? Elle soupira, mais cette fois elle ne prit pas la peine de faire ça discrètement. Qu’il sache qu’il l’avait mise en rogne était très bien. Mais maintenant, il fallait qu’elle se calme. Pourquoi ? Parce que si elle ne le faisait pas, elle allait certainement le tuer sous la colère. Et elle n’avait pas envie de perdre une personne qui pourrait lui servir. Elle finit par ouvrir les yeux après plus d’une minute, oui, elle avait compté au delà de vingt et il valait mieux. La louve le foudroya du regard et finit par répliquer froidement :
« Ne soyez pas si imbu de vous-même, Jilan. Je ne vous ai pas choisi pour votre physique mais pour votre mental. J’en ai rien à foutre de votre queue, c’est votre loyauté et votre confiance qui m’intéressent. Quant à savoir ce que j’attends de vous, c’est simple : je connais mes limites et faiblesses et vous, vous pouvez en combler certaines. Je veux que vous soyez mon soutient pour mener à bien le but de l’organisation. Vous prenez ça comme une marque de faiblesse ? Peut-être que s’en est une. Mais sachez que je vous donne ma confiance totale en vous choisissant comme second. Et je n’ai pas besoin de baise pour cela. Suis-je claire ? »
Une fois de plus, elle se surprenait. Elle ne s’était pas énervée autant qu’elle ne l’aurait cru et en plus elle avait parlé aussi franchement qu’elle le pensait. Il ne restait plus qu’à attendre la réaction de Jilan quant à ses paroles. Mais une chose était sûre : si sa réponse ne convenait pas à la lycanne, elle ne se contrôlerait plus et le tuerait probablement.
L'attente ne fut pas longue aux oreilles du Lightness mais les réponses que lui apporta son interlocutrice le laissèrent perplexe. Il comprenait le point de vue de la louve, même en tant que leaders auto-proclamés du groupe, lui comme elle n'allaient certainement pas s'amuser à réprimander les membres ou à gérer les querelles intempestives entre deux représentants de race vouées à s'entre-tuer. Jilan savait que son propre mental serait mis à rude épreuve s'il devait passer plusieurs jours, reclu dans cette grotte, à la seule lueur de la lumière artificielle due aux ampoules disposées un peu partout dans le repaire, en plus de devoir probablement côtoyer la présence d'êtres similaires à Elisabeth ou des boules de poils pleines de nerfs. Puisqu'il imaginait très bien l'impact réel sur son humeur en incluant tous les éléments cités précédemment, il ne pouvait que reconnaître que la proximité qu'offraient les lieux, rendait la cohabitation délicate. Délicate oui mais pas impossible. Il avait tout de même réussi à supporter l'invasion de Kyarra dans son appartement ne l'oublions pas. Il serait inutile d'évoquer ce passage avec les futurs recrues que le jeune professeur serait amené à rencontrer, néanmoins, c'était la preuve nécessaire dont il avait besoin pour accepter la version des choses de la lycanne. D'autant que certains membres comme lui, auront probablement un pied à terre en dehors de la grotte, en dépit du fait que quelques uns seraient peut-être activement recherchés en raison des actes qu'ils avaient commis. En songeant à ce détail, le Lightness finit par se résoudre à penser que les tensions ne devraient pas être si nombreuses que cela puisque seuls les Rebelles sans logement viendront habiter dans le repaire, parfois à titre temporaire. Et quand bien même, les conflits devaient dégénérer, entraînant les décès, l'opinion de la louve à ce sujet, convenait parfaitement à son interlocuteur. Seuls les plus forts survivront, sans que cela n'entrave la progression du groupe entier. Jilan était effectivement de cet avis aussi concentra t-il son attention sur autre chose : la réaction à venir de la jeune femme suite à ses derniers propos par exemple. Il doutait qu'elle les apprécie mais était tout de même curieux de voir comment elle allait les encaisser. Allait-elle lui sauter à la gorge pour lui faire passer l'envie de lui parler sur ce ton à nouveau ? Y verrait-elle seulement la demie plaisanterie que le Lightness avait glissé dans ses dires ? Du peu qu'il connaissait d'elle, probablement pas. C'est donc sans surprise qu'il accueillit la réplique cinglante -quoique ferme et sans agressivité aucune- de Kyarra. Mais la façon qu'elle eut de lui répondre, toujours avec cette franchise et sa manière très crue d'exprimer le fond de ses pensées, arracha un rire au jeune professeur. Non pas l'un de ses fous rires qui coupaient le souffle en vous donnant de vilaines crampes à l'estomac mais plutôt un rire joyeux et sincère. Parce qu'il était rassuré qu'elle ne le prenne pas pour cible ? Jilan n'avait rien contre l'idée de coucher avec la personne qui lui faisait face à cet instant mais il n'était pas du genre à s'engager dans une relation à long terme. Il craignait que leur aventure d'un soir ou deux ne nuise plus à leur relation professionnelle qu'autre chose. Calculateur lui ? Pas le moins du monde... Bien qu'il ait ri de bon cœur en découvrant la réaction de la lycanne, le Lightness se reprit assez vite pour éviter d'en essuyer une nouvelle, bien moins amicale que la première. Après tout, la louve n'avait peut-être pas apprécié de le voir réagir de la sorte devant ses propos, personne n'aurait peut-être eu l'idée de le faire en connaissant de quoi était capable Kyarra. Personne sauf le jeune professeur.
« Ce n'était nullement de la prétention, à la limite du sarcasme. Si vous aviez voulu concrétiser, vous ne m'auriez pas fait venir ici. Cependant, vous ne répondez pas à ma question. Lorsque vous m'avez demandé d'être votre bras droit, c'était effectivement pour reprendre les rênes de l'organisation avec mon soutien, ce que je ne remettrai pas en cause. Mais d'un point de vue pratique, quel champs d'actions me laissez vous ? Je doute que l'existence d'un nouveau leader se répande naturellement auprès des potentiels recrues, de même que chez les membres actuels, si toutefois, ils sont encore en vie après tout ce temps restés inactifs. Je n'ai pas accepté votre proposition pour attendre sagement dans mon appartement que vous veniez solliciter mon aide dès lors que cela vous apparaîtra utile. »
S'excuser pour son soudain rire ? L'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit. Il aurait pu le faire, d'une pour éviter un malentendu avec son interlocutrice et ensuite enchaîner sur les raisons de cette réaction qui pouvait passer pour étrange. Toutefois, Jilan préférait se concentrer sur les sujets les plus importants avant de se justifier pour quoique ce soit. Ils allaient devoir faire équipe prochainement, l'un comme l'autre devrait apprendre à encaisser les réactions de son partenaire, qu'elles soient agréables ou non. Le Lightness n'ajouta rien pendant de longues minutes, laissant éventuellement le temps à la jeune femme de lui répondre. A moins qu'elle ne se soit perdue elle aussi dans ses pensées, comme c'était le cas pour son interlocuteur, et ne mette plus de temps que prévu avant de lui fournir une réponse ? Qu'elle ouvre la bouche sur le moment ou après plusieurs longues minutes ne gênait pas Jilan. Passé le fait qu'il lui avait renouvelé sa précédente question, en vue de préparer ses actions futures pour l'organisation, il réfléchissait sur un point qui le préoccupait plus qu'il ne l'aurait souhaité. Sans quitter des yeux la lycanne, il s'interrogeait sur les aptitudes de cette dernière. Il ne se faisait pas de soucis pour ce qui était la force physique et l'impulsivité, qui, quoiqu'on en dise ou en pense, avait parfois du bon. Non, ce qui l'inquiétait -bien que ce terme soit légèrementexagéré pour décrire ce que le jeune professeur ressentait-, c'était le manque de tact de la louve. Un leader pouvait être brutal et sanguinaire -ceux là prenaient généralement l'appellation de « dictateurs »- mais à trop vouloir diriger par la force, on perdait bien souvent la loyauté de ses subalternes. Sans vouloir jusqu'à prétendre que Kyarra était stupide de réagir aussi vivement, ou même que lui ferait un meilleur leader, le Lightness ne savait pas comment aborder ce qui semblait être un problème à ses yeux. Il nota tout de même dans un coin de sa tête, que jamais, pendant toute la visite, la jeune femme ne l'avait apostrophé pour son attitude. Que cela soit lors de sa prise de parole durant la visite des chambres ou bien son absence de réactions dans la salle d'entraînement, une fois la visite terminée. Même suite à sa pique concernant les rapports privilégiésentre le chef et son second, la louve s'était montrée extrêmement posée quand elle lui avait répondu, bien que son ton laissait aisément voir qu'elle n'avait pas apprécié la réflexion de son interlocuteur. Il y avait encore des progrès à faire question self-control et charisme dans les discours mais au moins, l'impulsivité de Kyarra semblait être -temporairement du moins- mise en sourdine. Et cela ne déplaisait pas au Lightness, loin de là ! Restait à savoir, comment le lui faire comprendre ? Ce n'était pas dans le genre de Jilan de faire dans la dentelle, même s'il lui arrivait d'employer la langue de bois dans bien des circonstances, quand il se trouvait face à la jeune femme, quelque chose lui disait qu'il pouvait bien abandonner ses manières, l'espace de quelques minutes. Ou alors, devait-il les conserver, simplement pour agacer son interlocutrice ? C'était une idée à méditer... Profitant finalement du fait que la lycanne n'avait pas repris la parole entre temps -elle était décidément perdue elle aussi dans ses pensées silencieuses, sans que cela paraisse long pour l'un ou l'autre des deux interlocuteurs-, le jeune professeur finit par reprendre la parole, venant ainsi interrompre la méditation de la louve.
« Si j'ai ris à votre réplique tout à l'heure, ce n'était pas pour vous rire au nez. Votre franc parlé m'amuse, c'est un fait et j'apprendrai à composer avec. Mais j'ignore s'il sera bien perçu par l'ensemble de nos membres. Si j'ai apprécié votre maîtrise de vous-mêmes devant mes piques, peut-être vaudrait-il mieux que j'aille personnellement à la rencontre des recrues potentielles. Tester leur fiabilité autant que leurs capacités et leur engouement à rejoindre l'organisation, avant de vous les laisser pour que vous puissiez les plier à votre autorité, sans trop les abîmer, cela va de soi. En tant que bras droit, je suis là pour vous soutenir en palliant à vos faiblesses, pas pour m'opposer à vos directives. »
Se disant, il plongea son regard dans celui de Kyarra, comme pour lui signifier sa sincérité juste au cas où elle aurait envie de l'étriper pour avoir -une fois de plus- mal pris ses propos ou simplement si elle doutait encore de sa parole. Maintenant qu'elle l'avait accepté comme bras droit, allant jusqu'à lui montrer l'emplacement du repaire, il aurait été mal avisé de la part de la louve d'avoir des doutes à l'encontre du Lightness. Ou alors, elle se savait certaine de l'emporter contre lui dans un endroit pareil -et à juste titre- au point que peu lui importait le comportement du jeune professeur ? Peut-être que son mental, comme elle se plaisait à le faire remarquer, lui manquerait un petit peu. Au pire des cas, elle retrouverait certainement un autre psychopathe manipulateur à employer sous ses ordres. Ce genre d'individus courraient les rues en ce moment... Jilan jugea préférable de ne rien ajouter de plus pour le moment. Il avait exprimé le fond de sa pensée, guettant désormais la réponse de son interlocutrice. Peut-être même qu'elle partagerait un peu de ses ambitions futures avec lui. Ce serait un bon début pour une collaboration qui promettait d'être explosive.
La réaction de Jilan eut le mérite de décontenancer la louve. Elle ne s’était pas vraiment attendue à ce genre de réplique, si ça peut être considéré comme une réplique. Elle ne su pas comment prendre ce rire soudain. Se moquait-il d’elle ? Ou est-ce que c’était nerveux ? Du Diable si elle le savait ! Et ça ne lui plaisait pas de ne pas savoir ! Qu’allait-elle faire ? Lui demander le pourquoi de cette réaction ? Ou laisser couler ? Puisqu’elle était sur la voie du « j’dois garder mon calme pour ne pas lui sauter dessus ». Mais pouvait-elle vraiment le laisser agir à sa guise ? A cette pensée, elle réprima un sourire. Elle était surement la bien moins placée pour penser ce genre de chose, elle qui n’avait que peu de manière et qui faisait -la plus part du temps- ce qu’elle voulait et ce même au détriment des autres. Son interruption chez le lightness en était un bon exemple. Ainsi, elle allait se taire la dessus ? Bon pas sûr, disons simplement qu’elle le notait dans un coin de sa tête pour le ressortir au moment opportun. Quoi qu’elle ne soit pas du genre à attendre très longtemps ou même chercher ce genre de moment. Elle laissa donc Jilan dans son délire en le fixant simplement et attendant qu’il daigne se calmer pour reprendre son sérieux et lui répondre. S’il avait l’intention de lui répondre. M’enfin, elle ne voyait pas pourquoi il ne le ferait pas alors qu’il avait lui même posé les questions. La moindre des choses étaient de continuer la conversation. Ca la faisait bien rire quand elle se permettait de se faire des réflexions pareilles alors qu’elle aurait été capable du contraire. Elle avait certaines règles qui ne s’appliquaient pas dans toutes les situations, tant pis. Il reprit -enfin- la parole après s’être arrêté de rire. La louve écouta ce qu’il avait à dire avec attention en espérant qu’il n’allait pas lui répondre avec une de ses répliques qui la ferait sortir de ses gonds. Parce qu’elle essayait de se contrôler mais il ne fallait pas non plus pousser trop loin la provocation. Elle ne prit pas en compte ses premières paroles, même si son raisonnement tenait la route. Ce qui lui faisait penser -et ce que maintenant- qu’il n’était peut-être pas totalement sérieux avec ses paroles précédentes. Il lui avait fait de l’humour ? Elle soupira, elle n’était pas du genre à chercher ce genre de subtilités, elle prenait plutôt les dires au pied de la lettre. Elle barbare même sans combat ? Probable. Devait-elle faire des efforts dans ce sens ? Certainement. En avait-elle envie ? Surement pas. Même si un petit quelque chose lui disait qu’elle allait peut-être y être contrainte. Voila qu’il abordait un sujet plus intéressant et les questions qui allait avec. Quels champs d’action lui laissait-elle ? Elle ne s’était pas vraiment posé ce genre d’interrogations mais maintenant qu’il en parlait... Elle dû réfléchir un petit moment. Elle était parfaitement d’accord avec sa vision des choses, qu’il n’allait pas apprécier qu’elle ne vienne à lui que lorsqu’elle aurait besoin de lui. Elle-même n’aurait pas accepté de telles conditions. Aussi n’y avait-elle pas pensé, du moins pas dans ce sens. Elle ne voulait pas d’une coopération simplement basée sur ses propres besoins et idées. Même si ça la faisait chier de le reconnaitre, elle savait pertinemment qu’elle n’avait aucun talent en tactique. Pour elle, tout pouvait se régler par la force brute. Ce qui n’était pas toujours la meilleure option. Voila en partie pourquoi elle voulait de Jilan à ses côtés. Il pourrait la conseiller sur certains plans d’action. Du moins, elle pensait qu’il en serait capable. S’il ne l’était pas ? Allait-elle simplement le tuer et le remplacer ? Ca pourrait être une idée mais ça la ferait certainement chier de perdre un élément comme lui. Et puis, maintenant qu’elle lui avait donné sa confiance -restait encore à la mettre en pratique, même si le fait qu’elle lui montre le repaire était un bon début- elle n’était pas du genre à trahir sa parole. Dur à croire avec un caractère aussi impulsif que le sien ? Et pourtant. Bref, revenons à ce qu’elle devait se demander -ouais elle s’était barrée assez loin dans ses pensées- qu’est-ce qu’elle lui laissait faire ? Cette fois, la réponse lui parvient assez rapidement : presque tout. Elle avait conscience -ou espérait du moins, des doutes encore ? Ouais- qu’il ne chercherait pas à la trahir, donc dans ce sens, elle pouvait lui donner carte blanche. Mais avec un point à respecter quand même : qu’il n’oublie pas qu’il n’était que le second et qu’elle était sa supérieure. M’enfin, elle allait peut-être arrêter de penser de la sorte avec lui. Après tout, si elle voulait qu’ils coopèrent totalement, ils allaient devoir -essayer- de s’entendre. Donc continuer de penser qu’elle lui était supérieure n’était peut-être pas la meilleure chose à faire. D’autant plus qu’ils allaient devoir apprendre à gérer les sautes d’humeurs de chacun. Bon ok, à son avis, Jilan aurait plus de boulot de ce côté là avec elle que l’inverse. Mais elle n’était peut-être pas à l’abri d’un pétage de plomb de la part du lightness. Elle aimerait bien voir ce que ça pouvait donner et ce même si elle en était à l’origine. Allait-elle essayer de jouer avec ses nerfs pour le faire craquer ? Tsss. Non. Elle ne pouvait pas se montrer si puérile, même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Jilan reprit alors la parole, elle ne l’avait pas quitté des yeux mais elle ne savait pas depuis combien de temps le silence était revenu entre eux. Elle s’était perdue à ce point dans ses pensées ? Ca ne lui plaisait guère. Oui d’accord, elle devait lui faire confiance mais ce n’était pas son style de baisser autant la garde. Stop ! Il ne fallait pas qu’elle recommence à partir sur ce genre de raisonnement, ça ne l’avait jamais mené nulle part. Parfois, elle se disait qu’elle pouvait arrêter de faire gaffe à ses arrières en sa présence. Mais quand elle s’en rendait compte, ça la perturbait. Elle, compliquée ? Probable. Mais ce n’était pas non plus très simple de lâcher prise. Bref, Kyarra écouta ce qu’il lui répondait et elle fut assez surprise qu’il aborde ce sujet. Elle ne l’aurait pas abordé sur le champ, préférant s’occuper d’autres sujets plus importants. Quoi que, à entendre la suite de ses paroles, ça pourrait s’annoncer intéressant. Bien sur, le fait qu’il lui annonce que sa façon de parler était une faiblesse en soi ne lui plut guère. Mais elle ne pouvait pas non plus le contre dire puisqu’elle savait qu’elle venait de son impulsivité. Elle apprécia tout de même qu’il ait remarqué ses efforts pour se contrôler et pour ça, elle attendit qu’il finisse de parler pour lui répondre. Le fait qu’il lui expose ses pensées de la sorte, convint à la louve. Il ne voulait pas -semble-t-il- lui imposer sa vision des choses mais il lui faisait tout de même part de sa façon de penser. Ca lui convenait parfaitement. Si elle n’avait pas voulu entendre ce qu’il avait à dire concernant la façon de gérer -en partie- certains aspects de l’organisation, elle aurait tout aussi bien pu ne pas prendre de bras droit. Non, même si ça l’étonnait elle-même, elle était prête à écouter tout ce qu’il pourrait avoir à lui dire. Que ça lui plaise ou non d’ailleurs. Rien ne garantissait qu’elle resterait de marbre en entendant ses réflexions, mais écouter, c’était déjà pas mal. Elle ne voulait pas vraiment se la jouer tortionnaire. Du moins, pas avec lui. Elle le respectait -même si elle ne lui dirait probablement pas maintenant- donc c’était presque inutile d’user de la force avec lui. Pour ce qui était des autres membres... La question se posait encore. S’ils ne respectaient pas son auto-proclamation en tant que chef, elle allait montrer les crocs. Quoi que, il n’était pas nécessaire qu’ils soient au courant de ce passage. Peu de membres de l’époque de Fisher étaient encore présent. Bref, autant ne rien leur dire là dessus. Le seul pourrait en apprendre plus serait Jilan, et encore, elle doutait qu’il s’en intéresse. C’était aussi bien. Restant contre la porte de la salle, elle se décida à répondre à son tour. Sa voix était presque normale, disons simplement neutre.
« Pour revenir à ce que vous disiez premièrement, en ce qui concerne vos champs d’action. Je pense ne pas avoir à vous restreindre. Si vous pensez que telle action doit être faite pour l’organisation, je n’ai pas à vous museler. Cependant, j’aimerais que vous me teniez au courant de ce que vous faites. Pas qui vous baisez ou votre vie privée, il va de soi, mais tout ce qui nous concerne. Je pense que vous comprenez cette demande. »
Durant toutes ses paroles, elle n’avait montré aucun signe d’énervement ou de mépris. Et ce même lorsqu’elle parla de sa vie en dehors de l’organisation. Elle ne faisait qu’exposer à son tour son point de vue, à sa manière. Ce qui ne faisait que confirmer ce qu’il venait de lui avancer. Sa façon de parler n’était certainement pas la meilleure qui soit. Mais qui s’en préoccupe ? Apparemment, plus de personne qu’elle ne l’aurait pensé. Un léger sourire s’afficha sur ses lèvres lorsqu’elle vit ses yeux, non pas qu’elle avait arrêté de le regarder, mais plutôt quand lu ce qui s’y trouvait. Il essayait de lui prouver, montrer qu’il ne lui mentait pas, ou du moins qu’il était sincère. Devait-elle lui dire qu’elle l’aurait su s’il lui avait menti ? Qu’elle aurait entendu son rythme cardiaque s’accélérer ? Ou alors, il pourrait être assez doué pour savoir mentir -ou cacher la vérité- sans se trahir de ce côté ? Elle lui poserait peut-être la question, plus tard.
« J’adhère à votre proposition. Je me connais assez pour savoir que ma façon d’être pourrait faire fuir certains. Donc si vous vous sentez plus à même de cette tâche, je vous la laisse. Je pense que vous ne vous montrerez pas trop indulgent, non plus. »
Elle marqua une pause, réfléchissant à ce qu’il lui avait dit par rapport au fait qu’il comble ses faiblesses, c’était ce qu’elle lui avait avancé également. Elle soupira en se disant qu’elle n’allait pas aimer ce qui allait suivre mais maintenant qu’ils parlaient de ça, autant continuer sur la lancée.
« Quant à mes faiblesses, effectivement, je pense que vous êtes le plus à même de les combler. Je mise sur votre sans froid et votre tempérance pour palier à mon impulsivité. Mais également sur votre sens pratique pour utiliser au mieux ma force brute. Quant à moi, je pallierais à votre temps de réaction et votre puissance physique. Cela vous convient-il ? Des choses à ajouter ? »
Elle s’étonnait de lui demander son avis, mais ça lui passa assez rapidement. Elle avait dépassé le stade où elle garderait ses secrets. S’il voulait faire étalage de leurs défauts propres pour les réduire au plus. C’était aussi bien. Elle nota également qu’elle ne lui avait rien répondu au sujet de son rire. Qu’aurait-elle pu dire de toute manière à part l’engueuler ? Ce qui n’était en rien constructif, il fallait le reconnaitre.
Une fois encore, les explications fournies par la louve résonnèrent de manière claire et convaincante aux oreilles de son interlocuteur, qui l'écouta sans l'interrompre, s'autorisant quelques fois un petit hochement de tête pour lui manifester son accord. Ce dernier était même plutôt satisfait par la réponse de Kyarra au sujet des attributions dont il allait hériter, puisqu'elle le laissait clairement libre de ses faits et gestes, y compris celui l'autorisant à prendre des décisions pour le bien de l'organisation si cela se faisait nécessaire en l'absence de sa supérieure. Au fond, il ne savait pas s'il devait se montrer plus qu'enthousiasme et satisfait de ces libertés. N'ayant jamais été habitué à travailler en équipe en dépit de son métier de professeur, ou tout simplement avoir quelqu'un au-dessus de lui, à qui rendre des comptes tout en attendant des instructions de sa part, le Lightness n'avait qu'une vague idée d'en quoi consistait la fonction de subordonné. Si vous lui aviez posé la question directement, il vous aurait certainement répondu que, quitte à choisir, il ferait tout pour obtenir la première place et donc, n'avoir pas à se trouver dans le rôle du bras droit pour vous fournir une réponse sur son ressenti personnel. Oui, cela lui ressemblait bien, sauf qu'à l'heure actuelle, il devenait officiellement le second du chef des Rebelles, en la personne de Kyarra et il devrait apprendre à s'en contenter, si ce n'est en tirer profit à sa manière. Si lui et la louve n'étaient pas toujours sur la même longueur d'ondes, le premier devait reconnaître qu'il lui laissait volontiers prendre la tête du groupe. Par manque d'ambition ? Certainement pas, vous vous en doutez. S'il ne doutait pas de son charisme et son assurance à diriger l'organisation à travers ses membres, Jilan connaissait cependant ses limites, autant naturelles que celles que lui imposait sa condition de Lightness. Le jeune professeur était bien loin de posséder la force d'un lycan ou même d'un vampire et il n'était que trop bien placé pour savoir que les mots, aussi intelligemment employés, ne résolvaient pas tout. En ce sens, la force brute de sa partenaire, comme elle aimait à le rappeler, était nécessaire pour s'imposer au sein des Rebelles, faisant partie intégrante du programme de sélection lorsque viendrait le moment de tester leurs membres potentiels avant de les inclure dans le groupe. Ensuite, même si leurs identités n'étaient pas encore connues des forces de l'ordre, du moins, il l'espérait pour une grande majorité des membres, Kyarra incluse, se retrouver à la tête de l'organisation, s'était s'afficher officiellement comme un ennemi du Cercle. Non pas que cela lui posa réellement de problème, Jilan demeurait catégoriquement opposé à leurs stupides idéaux de paix mais son principal atout résidait en sa discrétion pour tuer et agir contre ces représentants de la paix. Pourquoi prendre le risque de trahir sa couverture pour satisfaire ses propres envie de pouvoir ? Le Lightness était ambitieux et déterminé. Pas stupide. Aussi tordu soit cette idée venant de la part de quelqu'un qui se revendiquait voué à servir la cause de sa supérieure, dans ce genre de circonstances, le jeune professeur n'hésiterait pas à couvrir ses arrières, même si cela devait coûter la tête de la lycanne. Après tout, s'attacher à quelqu'un n'avait jamais sauvé la vie d'un autre, sinon cela se saurait. Et puis, la loyauté dans la mort, ce n'était pas trop son truc. Enfin, la dernière chose et peut-être la plus concrète à vos yeux chers lecteurs, était que Jilan s'estimait ne pas être en ville depuis suffisamment longtemps pour connaître son fonctionnement, les actions ou les raids du Cercle, ce genre de choses. Du peu qu'il avait pu voir, en se débrouillant bien, il était plutôt facile de tuer en toute impunité, du moment qu'on ne laissait pas de témoins gênants et qu'on attirerait pas l'intention sur soi. Deux approches que le Lightness maîtrisait presque à la perfection malgré son physique qui attirait parfois le regard. Autant dire qu'il commençait à croire que l'autorité en place au sein de l'Avventura n'avait de consistance réelle que dans ses paroles de paix mais ce n'était pas plus mal pour le groupe armé. Cela ne faisait que lui laisser plus de marge. C'était à se demander comment cette ville pouvait toujours tenir debout devant aussi peu d'activités de la part de ses défenseurs...
« Comparée à la marge de manœuvre que vous me laissez, votre demande de rapport, aussi légitime soit-elle, n'est pas grand chose. Il va de soi que je vous tiendrai informée de mes initiatives. En revanche, il nous faudrait un moyen plus simple et rapide pour nous contacter mutuellement, que de se rendre directement chez l'autre. Je ne vais pas m'amuser à venir vous rendre visite au repaire dès que j'aurai quelque chose d'important à vous transmettre. A moins que vous ne me demandiez de passer ? Je comprendrai que la mise en place de missions nécessite ma présence mais n'oubliez pas que j'ai des obligations à tenir à côté, en plus d'être votre bras droit. Mes allées venues dans la forêt ne feront qu'attirer les soupçons. Chose que ni vous, ni moi n'avez envie, je me trompe ? »
La suite des propos de la jeune femme n'arrachèrent aucune critique à Jilan et celui-ci commença à se dire qu'elle lui répondait de manière un peu trop favorable, de son point de vue en tout cas, pour que tout cela soit aussi simple à régler entre eux. Mais à trop vouloir voir le mal partout en réfléchissant trop, on perdait de vue le plus important, à savoir, la remise sur pied du groupe armé. Pour le moment, tout se passait bien entre les deux nouveaux leaders de l'organisation, ce n'était pas pour que les suspicions déplacées et sans fondement du Lightness viennent tout foutre en l'air. Il n'avait pas envie de s'attirer une nouvelle fois les foudres de sa partenaire -devenue supérieure- car il se doutait que la patience de cette dernière n'était pas aussi vaste que ne l'était celle du jeune professeur. Néanmoins, une légère interrogation vint naître dans l'esprit de Jilan. Certes, en plein jour, son pouvoir était plus qu'efficace et lui permettrait probablement de ne pas trop mal s'en sortir face à des futures recrues un poil trop agressives. Mais la nuit ? Là encore, sa faiblesse, en plus de celle de sa force physique inférieure à celles d'autres créatures, fit s'assombrir un peu son humeur sans que cela paraisse dans les traits de son visage. Il ne voyait pas l'intérêt de le montrer à la louve même si cette dernière sentirait peut-être quelque chose changer en lui, de manière très légère. Peut-être que la lycanne elle-même songerait à l'entraîner, au moins pour qu'il soit en mesure de parer de lui-même à ce défaut qui n'était pas celui de Kyarra. Encore fallait-il que le Lightness l'accepta en dépit du fait qu'il le reconnaissait déjà sans pour autant l'exprimer à voix haute sans raison, histoire de le rappeler. Jilan fut tenté de partager ce détail avec son interlocutrice mais cette dernière ne lui en laissa pas le temps, enchaînant avec la dernière partie du discours du jeune professeur. Se faisant, elle mettait d'elle-même le doigt sur le manque de puissance physique de son bras droit, chose qu'elle se proposait naturellement de parer avec la sienne. Dans un sens, c'était également ainsi que le Lightness voyait les choses, aussi reporta t-il son intention de prendre la parole. Il se mit à réfléchir plus posément encore avant de s'exprimer. Il sentait que ce petit entretien, venant clore la visite des lieux, touchait à sa fin. Jilan n'avait qu'une vague approximation de l'heure mais il doutait que jeter un coup d'oeil en direction de sa montre, aussi bref et justifié soit-il -rappelons que la louve était quand même venu le tirer de son lit, lui qui ne sortait que rarement une fois la nuit tombée-, soit très apprécié de son interlocutrice, aussi préféra t-il se contenter de son estimation temporelle, en prenant mentalement note qu'une fois tous les points importants de la conversation abordés, il signifierait simplement à Kyarra qu'il n'avait plus de raison de rester ici et que leur rencontre s'achevait. Peut-être même cela conviendrait parfaitement à la jeune femme que les piques de son interlocuteur n'avait probablement pas laissée indifférente, malgré son calme et la maîtrise de sa voix, totalement neutre. Peu lui importait ce qu'elle projetait de faire, si cela consistait à s'envoyer en l'air avec un inconnu comme elle avait avouer en ressentir le besoin ou alors massacrer quelques pauvres ivrognes dans une ruelle sombre. Du moment qu'elle ne passait pas ses nerfs sur lui d'une manière ou d'une autre, cela lui allait. Venait à présent, le moment de répondre. Si rentrer chez lui était une optique qui prenait de plus en plus d'intérêt aux yeux du Lightness, ce dernier ne devait cependant pas faire patienter trop longtemps la louve, histoire de se coucher le plus rapidement possible tout en évitant d'agacer Kyarra une fois encore. Qui sait ? Peut-être que sous ses airs -presque- tranquilles, elle bouillonnait encore suite à ce qu'il avait pu lui sortir plus tôt et Jilan savait qu'il ne devait pas abuser de la patience de la lycanne, suffisamment mise à l'épreuve. Pour ce soir tout du moins.
« Je suis satisfait d'entendre dire que vous ne remettez pas en cause mon indulgence limitée. Soyez certaine que je vous tiendrai informée si je rencontre des recrues potentielles et que vous serez en mesure de les tester à votre guise. Je doute cependant que je vous présente beaucoup de créatures nocturnes, ce pourquoi vous vous doutez déjà. Concernant les avantages que nous allons tirer de notre association, je ne trouve rien à redire. Il serait stupide de ma part de croire que je sois capable de me passer de votre force physique. »
Il accompagna sa dernière phrase avec un sourire entendu, sans réellement attendre une quelconque réflexion de la part de Kyarra. Cette dernière lui avait bien fait comprendre qu'elle n'était pas sensible aux cajoleries, qu'elles soient dissimulées ou franches, de même que les mots prononcés par le Lightness n'avaient pas ce but premier. Il dressait simplement le constat de la ou plutôt leur situation, qu'elle leur plaise ou non. Qu'ils reconnaissent chacun leurs limites et les avantages qu'ils pourraient tirer de leur entente mutuelle, était déjà un bon début. Jilan était ravi que sa partenaire ne soit plus disposée à foncer seule tête baissée. Elle prenait de plus en plus l'allure d'un véritable leader. Peut-être bien qu'elle arriverait à atteindre ses objectifs finalement... Après que son interlocutrice lui ait fait part des derniers détails à régler pour la suite des événements, le jeune professeur se décida de clore là leur entretien.
« Et bien puisque tout cela semble réglé, je vais rentrer chez moi. A moins que vous n'ayez d'autres sujets à aborder ? Dans le pire des cas, vous savez où me trouver si besoin. »
Puisque la louve n’était plus totalement énervée, elle ne fit aucune remarque sur la lenteur qu’avec son interlocuteur à répondre à ses paroles. Et puis, elle devait également reconnaitre qu’il devait avoir besoin de temps pour se poser des questions qui devaient lui venir à l’esprit avec le discours qu’elle lui avait tenu. Elle-même avait arrêté d’agir ainsi, mais elle savait que ça n’allait pas durer très longtemps et qu’elle reprendrait un flot incessant de question. Sur cette décision et tout ce qui pouvait en découler. Pour le coup, elle aurait aimé ne pas avoir reprit le flambeau de l’organisation. Ce n’était pas du tout son truc, se poser des questions, elle le savait et ne s’en cachait nullement. Hors, désormais, elle allait devoir jouer davantage sur ce tableau que sur celui de la force brute. Ca ne lui plaisait pas du tout, mais elle ne pouvait pas non plus agir ainsi. Jilan avait raison, il lui fallait apprendre à mieux se contrôler. Que ce soit au niveau de la parole que dans ses gestes brutaux. Cette pensée fit montée d’un cran l’agacement de la louve. Si elle avait su que prendre la tête de l’organisation serait aussi restrictif pour elle, elle y aurait réfléchit à deux fois. Mais évidemment, elle n’avait pas pensé réfléchir très loin dans les conséquences de son acte. Oui, encore une fois, elle n’avait pas fait marcher sa tête. Elle était le cliché même de la personne qui utilise ses muscles plutôt que sa tête. Mais bon, ça allait devoir changer, que ça lui plaise ou non. Et peut-être qu’elle n’en saura que plus performante ? Bien sur, on y croit tous. Bref, Jilan finit par lui répondre. Notant au passage qu’elle lui laissait pas mal de liberté comparer à ce qu’elle lui demandait. Elle en avait parfaitement conscience, mais même sans le connaitre davantage, elle ne le voyait pas comme quelqu’un qui apprécie d’être tout le temps sous tutelle. Elle soupira ensuite à sa remarque sur leur moyen de communiquer. Pensait-il vraiment qu’elle puisse être aussi stupide en omettant le fait que, contrairement à elle, il avait une identité à protéger, en le faisant venir sans cesse au repaire ? Elle désespérait de se voir coopérer pleinement avec lui s’il ne pensait pas qu’elle puisse avoir un peu plus de jugeote que ça. Ok, elle lui avait dit qu’elle compterait surement sur sa capacité d’analyse et tout le tralala, mais il y avait aussi des limites. Elle n’était pas non plus totalement abrutie. Il lui répondit alors, son ton traduisant nettement son agacement. Elle pouvait se contrôler mais là encore, il y avait des limites et elle commençait à les atteindre sérieusement.
« Il va de soit que vous ne viendrez ici qu’en cas de nécessité ou comme vous le dites pour la mise en place de mission. Nous communiquerons par portable, je pense que c’est le moyen le plus rapide et simple. Avez-vous de quoi noter ? »
Sur cette demande, Jilan sorti un portable d’une de ses poches. Evidement, c’était presque logique qu’il en ait un sur soit. Ca n’étonnait même pas la louve et pour le coup, elle se dit qu’ils auraient pu y penser bien avant. Même si elle savait où il habitait et qu’elle avait pu le revoir à sa guise, ça aurait probablement était plus simple de le contacter par téléphone et de lui donner rendez-vous. Sauf que, elle n’aurait pu le faire chier chez lui. Elle n’aurait pas pu faire fuir une jeune humaine, ni énerver Jilan et encore moins le mater. Ouais, sa façon de penser laisser quelque peu à désirer. Mais qu’elle aime faire chier son monde n’était un secret pour personne, du moins, pour les individus qui pouvait la côtoyer et y survivre. Elle lui donna donc son numéro en ne le disant qu’une seule fois. Fois qui parut suffire à son interlocuteur puisqu’il ne lui demanda pas de répéter. Maintenant que ce détail était régler, ils pouvaient passer à autre chose. Et Jilan s’occupa de passer à un autre sujet, du moins en apparence, en lui notifiant qu’il ne pourrait probablement pas rencontrer de vampire. Chose qu’elle avait déjà conscience et ça ne lui faisait guère de peine de s’en occuper personnellement. Elle ne pouvait pas non plus lui laisser le soin de recruter tous les membres. Même si elle lui faisait confiance, elle ne pouvait pas ignorer qu’il pourrait peut-être essayer de la renverser et prendre sa place. Elle devenait paranoïaque en pensant ainsi ? Non, elle l’était déjà depuis un bon moment, donc rien d’inquiétant. Et puis, il lui faudrait surement plus de belles paroles et de situations dangereuses passées ensemble pour qu’elle ait une confiance totale. Ouais, lui donner la permission de prendre des décisions pour l’organisation devait traduire d’une certaine confiance. M’enfin, qu’il trahisse l’organisation était une chose. Qu’il la trahisse personnellement en était une autre. Si toutefois ça devait arriver, elle ne donnerait pas cher de la peau du lightness. Mais bon, ça n’arriverait surement pas maintenant.
« Je m’occuperais pas croiser des vampires ou darkness. Je ne peux pas non plus vous laisser faire du recrutement seul. Quant à votre force physique, nous pourrions la développer, si vous êtes partant pour vous prendre des coups ? Mais nous verrons ça plus tard. »
Ouais, elle lui proposait son aide pour l’entrainer au combat. Non pas pour sa façon de se battre mais pour palier à son défaut de force et de rapidité contre les créatures. Bien sur, il ne pourrait jamais être à leur hauteur, mais il pouvait toujours essayer de s’améliorer davantage. Ce serait toujours ça de prit, pour lui comme pour elle. Parce que s’ils étaient amenés à faire des missions ensemble, que ce soit en plein jour ou non, elle ne voudrait pas avoir à faire gaffe à son cul au risque de tout faire foirer. Elle lui laissait cependant le choix d’accepter ou non sa proposition. Mais il devait garder à l’esprit que s’il merdait quelque part à cause de cette faiblesse, la louve s’occuperait de lui personnellement. Second ou non. Elle l’écouta lui indiquer qu’il souhaiter clore cet entretien. Monsieur commençait-il à regretter la chaleur de ses couvertures et la présence de cette humaine ? Soupirant, elle ouvrit la porte et sortie. Elle attendit qu’il la suive et elle le raccompagna à la sortie. Non pas pour se montrer courtoise, vous l’aurez comprit mais parce qu’il y avait un point qu’ils n’avaient pas encore abordé. Et elle devait reconnaitre qu’elle n’y avait pas pensé plutôt. Parcourant le chemin inverse de la grotte, elle prit la parole :
« Il faudra également s’occuper de cet humain et peut-être également de sa vampire. Je pense m’en occuper sous peu, mais si vous avez des infos à leur sujet, n’oubliez pas de m’en faire part. »
Sur ses paroles, elle tourna les talons et s’enfonça de nouveau dans le repaire, lui laissant le loisir de trouver la sortir seul. Elle n’avait rien à ajouter donc elle n’avait aucune raison de rester plus longtemps en sa compagnie. Non pas que ça la dérangeait mais il lui avait fait comprendre qu’il souhaitait partir, et elle n’avait aucune envie de l’obligé à rester. Voyez qu’elle peut aussi ne pas faire sa chieuse quand elle veut ?
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par Invité Dim 14 Avr - 14:00