| par Invité Jeu 11 Sep - 18:18
| Les paroles adressées au vent n’eurent pas la réponse qu’elles attendaient en retour. Existait-il seulement une réponse à la provocation du chasseur ? La bête elle n’avait pas besoin de mots pour exprimer toute sa malveillance et sa sauvagerie. Entre les deux amants séparés par la volonté de l’Ombre, une féroce bataille s’ensuivit. Les coups étaient portés sans retenue ou presque, Natsume essayait davantage de canaliser la bestialité de la louve que réellement la blesser. Son unique expérience d’un combat contre un représentant du peuple lycan datait de sa rencontre avec cette drôle de louve manipulatrice. Et curieusement, si les deux se laissaient aller volontiers à la sauvagerie la plus pure sous leur seconde forme, le darkness sentait que quelque chose différait. La force et la violence de cet adversaire-là avaient quelque chose de plus… Brutal encore que celles de Kyarra. Son esprit lui jouait-il des tours ? L’adrénaline faussait-elle la réalité sur le moment ? A moins que l’influence de cette maudite pierre n’aille encore plus loin sur son adversaire ? Alors que cette pensée lui traversait l’esprit, un bond soudain de l’animal le prit de court. Avant qu’il ne se rende compte de son erreur, le garçon était plaqué au sol, sur le dos. Le choc lui arracha une grimace de douleur, laquelle s’élargit encore plus lorsque les griffes de la louve lacérèrent sa chair de plus belle. Merde. Il avait baissé sa garde l’espace de quelques secondes et il en payait le prix. Son premier réflexe fut d’essayer de se libérer du poids de l’animal mais celui-ci le bloquait avec force contre le sol. Que lui restait-il comme solution dans ce cas ? Quelle arme pouvait-il matérialiser pour se débarrasser de son adversaire ? Les idées fusaient dans son esprit, si bien que Natsume n’eut pas le temps de faire son choix. Son regard croisa celui de la louve et un frisson lui parcourut le dos tout entier. Où était passée cette femme si douce et gentille ? Cette bête sur lui n’avait plus rien à voir avec Amarra ! Sa gorge se serra. Sa bien-aimée l’aurait-elle quitté pour de bon ? Il ne reverrait plus jamais son expression à elle ?! Son instinct lui hurlait de sortir de sa torpeur pour affronter la bête qui elle, n’attendrait pas qu’il se remette de ses émotions pour l’éventrer ! Mais en voyant cette gueule s’ouvrir sur lui, le darkness sut que c’était trop tard. Même s’il faisait apparaître la moindre arme à l’aide des ombres qui les entouraient tous les deux, étrange couple sous les rayons de la lune, jamais il n’aurait le temps de l’atteindre avant que l’animal ne lui broie le cou ! Son seul espoir résidait en la conscience d’Amarra à présent. Et si celle-ci ne pouvait reprendre le contrôle de son propre corps et bien… La mort l’attendait au tournant. Une nouvelle fois. Alors même qu’il avait promis de la protéger contre elle-même ? Il déglutit avec difficultés, sentant le remord l’envahir doucement. Les battements de son cœur emplissaient l’air et l’intérieur de sa tête, comme si l’on avait arraché l’organe pour le presser contre ses oreilles. Faisait-il autant de bruit que ça ?
La pression sur son cou se fit de manière lente, cruelle, comme l’était son adversaire. D’abord, les canines de l’animal vinrent chatouiller sa peau, piquant celle-ci pour qu’il garde à l’esprit leur existence. L’étau se resserrait peu à peu au fur et à mesure que l’espace entre la mâchoire de la louve et le cou de Natsume se réduisait. Bientôt, les deux furent liés et il sentit que l’air lui manquait. Allait-elle prendre plaisir à lui broyer le cou avec lenteur ? Ou bien lui arracherait-elle la gorge d’un seul mouvement ? Le darkness ignorait laquelle de ces deux options il devait espérer pour que la souffrance soit la plus courte possible. Mourir en ayant la gorge arrachée semblait être la mort la plus rapide mais il risquait d’avoir le temps de s’étouffer avec son propre sang tandis que la louve se lécherait les babines, rougies par le liquide vital de sa victime. Mais alors qu’il pensait que cette situation ne tarderait pas à pencher en faveur de l’une ou l’autre des options évoquées plus haut, il n’en fut rien. L’étau autour de sa gorge se stabilisa subitement avant que l’animal ne fasse marche arrière. Incrédule, le garçon vit la bête se tendre sous quelque forme de douleur, inconnue à ses yeux. Que se passait-il ? Un sort ? Quelqu’un les avait aperçu et était intervenu pour le sauver d’une mort certaine ? Non… L’apparence de la louve changea, pour révéler l’humaine qui se cachait sous cette épaisse fourrure noire. En croisant le regard d’Amarra, Natsume sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Elle était revenue pour lui ? Pour l’empêcher de rendre les armes à son tour ?
« Ama-… ? » commença-t-il sans y croire lui-même.
« Ne meurs pas... je t'en conjure... Je ne veux pas de sacrifice.... pas pour moi... je t'en prie.... je n'y arriverais... pas. »
Dire que son regard était rempli de douleur. Elle lui transmettait cette même douleur, laquelle transperçait le corps et l’âme du darkness comme des épées aiguisées. Les mots repassaient en boucle dans sa tête. Ne pas mourir. Vivre. Même si cela signifiait souffrir ? Souffrir de n’avoir pu la sauver, elle ? Allait-il devoir choisir entre eux deux ? Sachant qu’Amarra ne donnait pas cher de sa propre vie si elle reprenait le contrôle d’elle-même, avec son sang à lui sur les mains ? Pourtant, elle souffrait déjà. Aux prises avec ses propres démons, sa conscience humaine luttait, en vain. A certains endroits, le sombre pelage revenait déjà, signe imminent que la bête n’allait pas tarder à refaire surface. Natsume voulut parler mais aucun son ne franchit ses lèvres. Les mains de la jeune femme venaient d’entrer en mouvement et se posèrent sur sa gorge. Avant qu’il ne puisse se défendre ou même lui faire réaliser ce qu’elle était en train de faire, la pression réapparut sur son cou. Les fins doigts de sa bien-aimée étaient en train de l’étrangler ! Même sans être sous sa forme de louve, celle-ci contrôlait le corps d’Amarra ?! Plus par réflexe que dans le but de se libérer, le garçon posa ses propres mains sur les poignets de la jeune femme, sans violence mais avec fermeté, comme pour lui faire comprendre qu’elle lui faisait mal. Il savait au fond de lui, que la femme qu’il avait aimée était partie. La voir dans cet état ne faisait que lui renvoyer la vérité en pleine figure. L’Ombre avait gagné… Un cri de douleur perça soudain l’air et l’étau sur sa gorge disparut avec lui. L’air emplit à nouveau ses poumons.
« Amarra ! Que dois-je fai-… ? »
Le darkness n’eut pas le loisir de terminer sa question que les lèvres de la jeune femme vinrent se presser contre les siennes. Trop surpris par ce baiser soudain pour y répondre avec la même passion, la tristesse envahit les prunelles aux reflets sanglants lorsque les derniers mots d’Amarra retentirent à ses oreilles.
« Adieu mon amour. »
Tous les espoirs qu’il avait placé en elle, en eux, les plus fous comme les plus vains, se volatilisèrent sous la réalité funeste enchaînée à ces paroles. Plus cruellement consciente que quiconque du sort qui l’attendait, Amarra elle-même venait de s’avouer vaincue. Et ce murmure adressé au darkness n’était qu’autre que son dernier souhait. Un appel à l’aide. Le désespoir s’empara de Natsume alors qu’une partie de lui refusait toujours d’accepter ce destin. Non ! Ils ne pouvaient pas avoir perdu contre cette chose, cette créature malveillante ! Il ne pouvait pas se voir arracher la femme qu’il aimait à cause des sombres desseins de l’Ombre !
« Je ne pourrais pas… Amarra… » lâcha-t-il avec peine, la voix brisée par la douleur et la peine.
Etait-ce là tout ce qu’il avait pu faire pour elle ? La contraindre à résister de plus belle contre sa partie lupine pour échapper de justesse à la mort ? La voir se tordre sous la souffrance qu’elle endurait pour lui ? Et au final, se voir désigné pour la libérer de ses tourments d’être à jamais partagé entre deux natures ? Ses propos n’obtinrent pas de réponse. La bête reprenait ses droits. Le peu d’aspects humain que la jeune femme avait pu reprendre à l’animal, disparurent peu à peu, remplacés par les attributs de la louve qu’elle était au plus profond d’elle-même. Il fallait faire vite ! Se décider ! Offrir sa vie pour sauver l’être aimé ! Natsume savait que le temps pressait. Bientôt, son adversaire reviendrait à la charge pour lui arracher la gorge, chose qu’il n’avait pas pu faire plus tôt. Devait-il régaler à la fois l’animal et l’Ombre en les laissant terminer ce qu’ils avaient commencé ? Mais… Et Amarra ? Soudain, la tête de la louve bascula en avant. Son regard n’avait plus rien d’humain, plus aucune douleur ni remord, simplement, cette envie de tuer qui faisait sa nature même. Tout se passa très vite. En voyant cette gueule ouverte fondre sur lui une fois de plus, le darkness agit par réflexe plutôt qu’avec les sentiments. Son instinct choisit la survie et les ombres matérialisèrent aussitôt une épée aux formes indistinctes. Emporté par son élan, la bête s’empala dessus dans un grognement sourd. Pourtant, loin de s’arrêter, le corps glissa toujours plus loin sur l’arme faite d’ombres et le garçon crut qu’elle parviendrait tout de même à atteindre sa gorge. Le sang gicla sur lui et d’importantes quantités de ce liquide rougeâtre s’écrasèrent sur lui. L’odeur de la mort emplissait tout. La bête agonisait. Ses membres remuèrent en vain pour lacérer le corps de sa victime qu’elle ne pouvait atteindre, tandis que sa gueule s’agitait bêtement dans le vide, comme un pantin dont les fils se seraient emmêlés. La fourrure noire fut parcourue de soubresauts, alors que la vie s’échappait d’elle en même temps que son sang. La bête s’immobilisa alors. Seule cette lueur sauvage brillait encore d’un faible éclat au fond de ses iris.
L’esprit anesthésié dès lors que son corps avait agi tout seul, Natsume mit quelques minutes à réaliser ce qu’il venait de faire. L’odeur du sang assaillit ses narines de plein fouet. Un second liquide vint alors se mêler au sang qui recouvrait tout. Le darkness ne pouvait retenir ses larmes. Le corps sans vie de la femme qu’il aimé gisait au-dessus de lui. Et il en était le meurtrier. Le coupable. Sa conscience ne pouvait accepter la raison de la légitime défense. Le garçon ne voyait que le résultat de son action, laquelle avait conduit à la mort de la jeune femme. L’épée d’ombres se volatilisa aussi brusquement qu’elle était apparue et le cadavre encore tiède glissa sur lui. Doucement, Natsume vint le serrer contre lui, alors que le chagrin croissait à chacune des secondes qui s’écoulaient. Puis, toutes les émotions qu’il avait ressenties depuis l’apparition de l’Ombre s’exprimèrent en un hurlement. Chagrin, peine, douleur, colère, impuissance, peur, désespoir. Sa partie autrefois humaine ne pouvait contenir autant de sentiments avec autant d’événements. Il n’y avait rien de jouissif dans cet acte ! Il ne jubilait pas d’avoir pris la vie d’Amarra ! Par sa faute, elle… Le garçon n’essaya pas de contenir son chagrin et se laissa aller à la douleur à travers ce hurlement. Il ne se souciait aucunement des éventuels campeurs de nuit qui auraient pu se trouver à proximité. Il n’y avait que son amante et lui… Plusieurs longues minutes s’écoulèrent ainsi avant que son cri ne perde en puissance pour finalement s’arrêter complètement. Pourtant, le darkness ne bougeait toujours pas. Non pas que le corps de la jeune femme soit lourd. L’instant réel était encore trop douloureux pour qu’il ait le courage de se lever. Il lui fallait honorer une dernière fois la mémoire de sa bien-aimée. Qu’importe la raideur de ses membres et la peine de son esprit… Lentement et avec des gestes calculés, Natsume déplaça le corps sans vie pour le prendre dans ses bras et se remettre debout, non sans difficultés. Les joues encore humides des larmes qu’il avait versées pour elle, le garçon s’avança en direction du lac, paisible malgré les funestes événements dont il venait d’être le témoin silencieux. Le darkness entra doucement dans l’eau glacée, ignorant la température de celle-ci. Son esprit ne pensait plus qu’à une chose et le froid se répandant dans ses membres inférieurs était le cadet de ses soucis ! Lorsqu’il fut allé le plus loin possible du bord en ayant toujours pied, il déposa le corps d’Amarra sur la surface du lac. Celui-ci parut flotter quelques instants mais c’était grâce à l’appui des mains de Natsume. Quand ce dernier consentit enfin à libérer le corps sans vie, celui-ci s’enfonça lentement mais sûrement dans les profondeurs du lac, pour toujours.
Le regard vide et le cerveau dénué d’émotions, le garçon finit par faire le chemin inverse, non sans nettoyer le sang qui lui avait maculé le torse. Chacun de ses gestes fut exécuté avec une lenteur anormale parce qu’il avait la cruelle sensation d’effacer chacune des caresses de la jeune femme sur son propre corps à travers ce choix. Fermant les yeux pour chasser ces sinistres pensées de son esprit, Natsume finit par ressortir du lac pour prendre la direction de la cabane. Retourner en ville dans cette tenue n’était pas imaginable pour lui, même s’il n’accorderait que peu d’attention aux regards des rares personnes se trouvant dans les rues à cette heure de la nuit. Tomber sur des représentants des forces de l’ordre n’était pas à exclure non plus et meurtre ou pas, il aurait bien eu du mal à justifier sa qualité de nudiste. Le darkness se rhabilla donc, en silence pour éviter de céder de nouveau au chagrin. Amarra l’avait imploré de vivre. Il ne savait pas encore s’il en serait capable sur le long terme mais pour le moment, il allait devoir s’éloigner de cet endroit le plus vite possible pour que la tentation d’en finir s’estompe avec la distance. Alors qu’il s’apprêtait à sortir, son regard se posa sur les braises encore chaudes qui se battaient pour conserver leur vigueur, alors que le bois venait à manquer. Combien de temps resta-il à fixer bêtement la cheminée ? Difficile à dire. Pourtant, mille pensées lui traversèrent l’esprit à cet instant, tout comme celle de mettre le feu à la cabane. De cette façon, il n’aurait plus à être hanté par ce qui s’était passé entre ces murs non ? Mais cela ne reviendrait-il pas à nier les sentiments qu’il avait éprouvés pour Amarra ? Aurait-il le courage d’aller jusqu’à effacer l’endroit de leur seconde rencontre en tant que connaissances et première en tant qu’amants ? La gorge serrée, Natsume finit par renoncer à cette idée, même s’il prit la liberté de brûler ce qui restait des haillons qui avaient constitué les vêtements de la jeune femme lorsqu’il l’avait trouvée ici. Dire qu’il ne lui avait même pas posé la question de sa présence en des lieux aussi reculés… Ni sur la personne qu’elle était vraiment… Les réponses demeuraient à présent au fond du lac, avec Amarra elle-même. Le darkness sortit alors de la cabane, veillant de refermer la porte derrière lui et s’en alla du côté de la forêt, chemin le plus court pour rejoindre la ville. Pas une seule fois il ne se retourna. Même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait pourtant. |
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