[Suite] Rencontre nocturne imprévue ! [ PV Nephtys]

Quittant le lycée avec Nephtys, à qui j’avais proposé de prendre la moto, je m’engageais sur les routes à fond de train. Le puissant mais félin ronronnement du moteur de la moto dans les oreilles était distrayant, cependant, nous n’eûmes pas d’accident, mais réflexes vampiriques nous sauvant la peau d’un grand nombre de chauffards. Car la nuit était un dangereux terrain de jeu, que ce soit à cause des créatures sanguinaires qui y rôdaient, ou à cause des jeunes bourrés qui reprenaient quand même le volant après une soirée trop arrosée, quittes à mettre leur vie et celle des autres en danger. Je voyais passer à toute vitesse les paysages urbains de l’Avventura à travers la visière rabaissée de mon casque. Les lignes blanches de la chaussée défilaient, alors que je doublais les quelques camions encore sur la route. Mes mouvements étaient fluides, ce qui permettait à la bécane de mordre parfaitement la route, même dans les plus grands écarts. J’avais souvent joué à chat avec les flics sur les routes de tous les pays où j’avais été, que ce soit en voiture ou en moto, et jamais ils n’avaient réussi à me foutre une contravention ou même à m’arrêter. J’étais trop rapide et trop bonne conductrice. Sans compter que je n’avais pas peur de prendre des risques, ce qui me poussait à conduire comme une folle. Pourtant, je n’avais essuyé qu’un crash dans ma vie, et c’était à cause d’une vielle bagnole aux freins défectueux. Autant dire que pareille poubelle devrait être interdite de rouler ! C’était un véritable danger. La taule c’était alors retrouvée pliée en accordéon dans la barrière de sécurité sur le bord de l’autoroute. Mais j’avais eu le temps de quitter le véhicule avant qu’il ne s’enflamme. Je n’avais été que très légèrement blessée au bras droit, et je n’en avais pas gardé de cicatrices. Seulement des souvenirs me rappelant de ne jamais plus rouler avec une caisse de collection qui n’était pas passée au contrôle technique depuis quarante bonnes années !

Passant trop vite devant un radar pour qu’il n’ait le temps de me flasher, je quittais la route principale en ralentissant un peu, prenais le virage le plus serré de la ville sans même m’en faire et débouchais sur le centre ville. Je m’arrêtais sur le parking à l’entrée, ne pouvant pas m’engager sur la route piétonne en bécane. Debout au-dessus de la moto, j’ôtais mon casque et coupais le contact. Je mettais la béquille avant de descendre, et aidais la lightness à descendre à son tour. Elle semblait avoir plutôt bien supporté le voyage, pour quelqu’un qui n’était pas habitué à rouler avec moi. Dieu sait que des filles que j’avais emmenées avec moi avaient été malades en descendant. Non, Nephtys semblait plutôt en bonne santé, bien qu’elle me paraisse un peu blême. Tirant de sous la selle un anti vol, je l’adaptais sur la roue avant, et je mettais les casques à la place de l’anti vol dans le compartiment. Fermant le tout, je me retournais vers la jeune femme et lui demandais en souriant :

-Ca va, tu tiens le coup ? Je suis désolée, j’ai tellement l’habitude de rouler vite !

-Je ris, le plus naturellement du monde. J’attendis un instant qu’elle se remette de ses émotions avant de me mettre en route, marchant entre les quelques fêtards qui hurlaient dans les rues, mais personne ne nous attaqua en chemin, nous permettant d’atteindre La Cage sans encombre. Une longue file d’attente s’étirait de la porte d’entrée, où le videur jetait ceux trop mal sapés ou déjà trop ivres. Me permettant de doubler tout le monde (j’étais une employée de la boite, tout le monde le savait), je saluais le grand type baraqué qui contrôlait le flux de clients, et lui présentais Nephtys. Il ne fit pas de difficultés et nous laissa entrer sans poser plus de questions. A l’intérieur, l’ambiance était explosive, comme d’habitude. Les danseurs faisaient leur show, quand ils ne prenaient pas une rapide pause avec des habitués du club. La musique battait son plein, et l’alcool coulait à flot. Pourtant, les gens ivres semblaient avoir désertés le coin, rendant l’endroit très agréable. Je saluais quelques clients ( et clientes) sur mon passage, et leur répondais que ce soir, je ne travaillais pas, quand on me posait la question. On me réserva une table dans le fond de la salle, sur une estrade surplombant la salle et le dancefloor. Otant mon blouson, je fis signe à la jeune femme de s’asseoir, avant d’en faire autant, me mettant en face d’elle. D’étonnante bonne humeur, je lui demandais avec nonchalance :

-Qu’est-ce que tu bois ? Prend ce que tu veux, c’est ma tournée !

La moto roulait à tout allure et l’air fouettait ses cheveux qui dépassaient de sous son casque. Catherine roulait avec une incroyable dextérité, et la lightness s’accrochait bien à la moto, inquiète d’être expulsée du véhicule à un moment donné. Zigzaguant entre les voitures, elles filaient vers le centre ville et la boite que la vampire semblait bien connaitre. Nephtys se détendit au fur et à mesure du trajet, sa pilote savait apparemment très bien manœuvrer la moto, et apprécia cette sensation de vitesse, de liberté. Quand elles arrivèrent pourtant, ses jambes tremblaient un peu et la lightness fut reconnaissante lorsque Catherine lui laissa le temps de retrouver son équilibre.

« C’est impressionnant en tout cas ! Tu conduis vraiment rapidement ! »

La vampire en riait, comme si c’était complètement naturel pour elle d’aller si vite. Elles passèrent devant le videur qui accepta de leur faire doubler toute la file et Nephtys lui adressa un sourire un peu timide, ne connaissant absolument pas les lieux. A l’intérieur, l’ambiance était étonnante, mélange de danse et d’alcool, à la juste limite de l’indécence et de l’excès. Beaucoup semblaient connaitre sa nouvelle amie qui se fit rapidement aborder par les différents clients mais la vampire ne resta pas lontemps avec eux, lui proposant alors de boire quelque chose. Nephtys accepta avec plaisir, un peu tendue dans ce lieu inconnu.

« Une bière s’il te plait ! »

Elles s’assirent à une table et la lightness en profita pour observer les danseurs qui se déhanchaient avec souplesse, provoquant l’admiration et l’attirance de nombreux clients. Elle admira leur façon de se mouvoir, certaine de ne pas en être capable, ni même d’oser monter sur une scène, quelle qu’elle soit.

« Et que fais-tu ici ? Tu es danseuse, serveuse ou barman ? »

Ce ne devait pas être de tout repos de travailler ici, avec la musique, la lumière tamisée et les clients éméchés. C’était bien différent de son job de pion, quoique ses élèves puissent avoir ce même air perdu ou abruti régulièrement ! Ayant fini de dévorer la place des yeux, Nephtys but une gorgée de sa bière fraiche et se tourna à nouveau vers Catherine.

« Alors comment commence-t-on mon entrainement ? Que dois-je faire ? » Demanda-t-elle, très enthousiaste.

Avant de baisser les yeux, rougissant, simplement parce qu’elle vit un homme la regarder. Il y avait du boulot avant d’arriver à un visage impassible…

Une fois entrée dans le bar et assise à la table, je regardai les danseurs faire leur prestation. Certains manquaient un peu de souplesse ou de vitesse dans l'exécution de leurs pas, mais dans l'ensemble, ils étaient plutôt bons. Les femmes utilisaient leurs atouts naturels sans s'en cacher, mais sans trop en montrer non plus. Elles marchaient ainsi sur la frontière entre indécence et vulgarité, et simple show artistique. Les hommes, au contraire, étaient plus dans des chorégraphies physiques. Ils dansaient en jean et débardeurs, ou alors torse nu, mais la retenue dont ils pouvaient faire preuve ne passait pas pour de la pudeur. Cela dit, même dans ces conditions, ils allumaient avec efficacité les clientes assises dans la salle. Les gens buvaient tranquillement, dansaient ou bavardaient avec agitation. La musique battait mes tympans, mais j'entendais aussi les rires non retenus. Tous profitaient de l'ambiance de la boite, de sa chaleur et de sa convivialité. Un groupe de jeunes était même installé près du bar. Ils discutaient entre eux avec entrain, et ils semblaient se connaître depuis longtemps. C'était même plutôt amusant de les voir faire, car il y avait autant de filles que de garçons, alors qu'on pouvait penser que ce genre d'endroit était pour des hommes en manque de belles filles se déhanchant.

Les serveurs passaient entre les tables avec dextérité, enchaînant les commandes à une rythme soutenu mais trouvant toujours le temps de plaisanter avec les clients qu'ils servaient. Ils portaient des plateaux, chargés de verres de sodas ou de d'alcools plus ou moins forts. Les gens, habillés de robes de soirées ou de chemises-cravates débraillées, de jeans ou de shorts, étaient de toutes races et de toutes ethnies. Il y avait aussi bien des vampires que des lycans, mélange de peaux crayeuses et métissées. Mais il y avait aussi des hybrides, qui ne cachaient pas le moins du monde leur nature. Si on pouvait imaginer que les darkness aimaient ce genre de lieux, il n'y en avait pas de présents ce soir, ce qui était plutôt une bonne chose. Quelques élémentaires se baladaient même ça et là. Ce lieu était parfait pour des cours de maîtrise, même si la débauche affichée pouvait laisser penser le contraire. Si on ne voulait pas passer pou une victime aux yeux de tous les hommes du coin, il valait mieux leur faire comprendre de faire gaffe et de garder leurs distances. Je commandais la bière de Nephtys au serveur, et lui demandait aussi un verre de vodka. Il nous amena nos verres assez vite, et je répondais à la question de Nephtys en souriant :

-Ici, je suis danseuse. Je le fais plus par passion que pour l'argent, car j'a les moyens de vivre sans. D'ailleurs, je n'apprécie guère le patron de cette boite. Je ne suis pas vraiment employée, et je ne viens bosser ici que sur un arrangement. Mon salaire est fait des pourboires que me laissent les gens.

Je soupirais en me rappelant pourquoi je venais danser ici. J'avais proposé mes services à Danaliel pour sauver ma peau, et celle de Néro, le jour où cette vipère de lycan nous avait tendu un piège. Il m'avait empoisonnée, puis mordue, me laissant une vilaine cicatrice du côté gauche du cou. J'étais tombée dans les pommes et j'avais vu le fantôme de ma mère, qui m'avait poussée à devenir meilleure, à tel point que j'en étais presque une loque. C'était grâce à elle si j'en étais là aujourd'hui, mais je m'étais quand même ressaisie. Il fallait que je continue de tuer les loups garous, et un cœur trop tendre ne le permettait pas. D'où le juste milieu après lequel je courais maintenant. J'avais une véritable haine pour celui qui tenait ce rade, mais j'aimais venir ici. Parce que je pouvais laisser libre cours à ma passion. Comme je l'avais dit à Nephtys, je n'étais pas salariée, et ne gagnais mon pain que de la poche des clients. Mais beaucoup me connaissaient et appréciaient de me voir bouger, donc ils se montraient plutôt généreux à mon égard.

Portant mon verre à mes lèvres, j'observais la douce cohue qui secouait le bar. A la porte, ça entrait et sortait sans cesse, alors que agents qui surveillaient la salle viraient les gens trop ivres:

-En fait, on commence dès maintenant. Regarde ces danseurs. Ils n'ont pas peur de montrer leurs corps, ils n'en ont pas honte. Ils assument, et c'est ce qui fait d'eux ce qu'ils sont. Si tu est trop perméable, c'est en partie parce que tu ne te connais pas bien. La danse, comme tant d'autres sports, demande une grande connaissance de soi, de son corps mais aussi de son esprit, de ses capacités et de ses limites. Avant d'être impassible comme je le suis, tu dois parvenir à discipliner un minimum tes émotions. La frustration, la jalousie, la colère, l'amour, la honte, l'exaspération.. Tout ça peut-être contrôlé, mais il faut du sang froid et de la concentration. Comme ces danseurs, tu dois fait fi des gens, de leurs critiques. Mais attention, tu n'en deviens pas pour autant fermée au monde, parce que les commentaires des autres peuvent aussi aider à progresser. Mais passer à côté des injures, du mépris et de ce qui peut te blesser, ça ça te rendra forte.

Buvant une gorgée de vodka, je regardais passer ce type, qui regarda Nephtys, et je la voyais instamment rougir. J'attendis que le type s'éloigne, et je me mi à sourire doucement:

-Tu vois... Ce type a senti que tu étais timide et mal à l'aise. Alors il s'est dit qu'il avait toutes ses chances. Tu dois apprendre à te sentir bien partout, avec qui que tu sois. Un danseur ne performe pas toujours dans une salle qui lui est familière, avec des spectateurs qui lui sont coutumiers. Pourtant, il s'adapte, pour que son travail ne soit pas entaché et reste de bonne qualité. Tu dois être sûre de toi, ne pas montrer que tu n'as jamais vu cet endroit. Fait comme si tu étais une habituée, détend toi. De toute façon, si ça dérape, je suis là, il ne peut rien arriver.