La journée avait été des plus longues et ennuyante. Le dossier sur lequel il devait travailler depuis le matin même était d’une incroyable banalité. Tout portait à croire que le Cercle voulait garder sous silence les arrestations qui avaient eu lieux au repaire. D’après ce qu’il avait pu entendre. A moins que cela ne soit pour mieux interroger leur adversaire, à l’abri des citoyens. Cette idée aurait pu faire sourire le darkness s’il n’était d’une humeur si morose. Si son hypothèse se révélait être juste, il allait pouvoir s’en donner à cœur joie contre le Cercle. S’il bafouait les droits de l’homme à ces fugitifs, ils étaient bons pour être accusé à leur tour. Même les pires criminels, tueurs en série ou simple meurtrier avait le droit d’avoir une défense, quelqu’un pour le conseiller lors d’interrogatoire. Peut-être qu’il allait devoir se renseigner de ce côté là, discrètement. Cela ne devrait pas être trop difficile en parlant aux bonnes personnes. Mais pour l’heure, Damien en avait terminé avec le travail pour aujourd’hui. Il regarda sa montre pour s’informer sur l’heure et soupira. Vingt et une heure passée. Il n’avait pas vu le temps passé malgré l’affaire accablante dont il s’occupait. Les quelques feuilles qui se trouvaient devant lui, étaient toutes annotées par les avocats des deux parties. Il avait donc pu se faire une petite idée de ce qui allait se passer le lendemain lors du procès. Les choses seraient probablement plus intéressantes avec la partie des plaidoyers. Cette partie était toujours la plus amusante, pour ne pas dire ennuyeuse, dans les procès. Il prenait même un certain plaisir à voir les avocats défendre avec des arguments, plus ou moins convainquant, la personne dont elle était chargée de disculper. Le darkness se sentit quelque peu mieux avec cette suite de pensées et entreprit de ranger ses documents dans leurs pochettes respectives. Il prit ensuite son téléphone, mettant le haut parleur tout en mettant sa veste :
« Miranda, pourriez-vous me trier les dossiers les plus urgents demain matin ? Le procès pourrait prendre plus de temps que je ne le pensais au départ. »
Il entendit le bruit fin et discret d’un stylo trop souvent utilisé sur le papier alors qu’il parlait, la secrétaire notait tout ce qu’on lui demandait, comme si elle avait peur d’oublier une information. Alors que tout le monde s’accordait à dire qu’elle avait une mémoire surprenante.
« Comment avez-vous su que je serais toujours là, à cette heure ? » Demanda-t-elle sans répondre à la question posée.
Le darkness raccrocha alors pour sortir de son bureau et passer devant celui de la jeune femme. Ses yeux restaient impassibles, comme à son habitude, mais un sourire se dessinait sur ses lèvres.
« Vous êtes toujours la dernière à partir Miranda. Quelque soit l’heure et le jour. » Répondit le juge en la regardant dans les yeux.
La réaction de l’intéressée ne se fit pas attendre et une couleur rosée se peignit sur ses joues, comme si elle avait honte d’entendre la vérité.
« C’est tout à votre honneur mais faites attention à votre santé, Miranda. Nous serions bien ennuyés sans vous. » Poursuivit Damien, sans se préoccuper de voir le rose se transformer en rouge.
Pour une fois, il ne faisait que dire la vérité. Il y avait peu de personne qu’il estimait mais cette femme en faisait partie. Elle avait réussit à garder la tête froide lors de crises pendant des procès lourds et longs.
« Rentrez chez vous maintenant. Bonne soirée Miranda. » Termina-t-il en sortant du bureau et ensuite du bâtiment.
Le soleil était encore présent mais le darkness n’eut pas envie de rentrer. Sa voiture le conduisit alors non loin des rues les plus animées. Son choix s’arrêta sur le bar Bouken. Mais contrairement à la majorité des personnes qui se mettaient près des fenêtres pour profiter dans rayons du soleil, lui se dirigea plutôt vers l’étage et près d’un mur. Il attendit que quelqu’un vienne prendre sa commanda et il ne fut pas déçu lorsqu’il vit une jeune femme aux longues jambes s’avancer vers lui.
« Bonjour... Je prendrais un Fallen Angel s’il vous plait, Mademoiselle. »
A l’approche de la jeune femme, il avait senti l’air autour de lui changer légèrement, ou plutôt, il eut l’impression qu’un frisson le prenait le long de son dos. En était-elle la cause ? Cette fois, il sourit à cette idée.
Voila plusieurs jours que Lina travaillait au bar Bouken. Elle avait eu le temps de se familiariser avec l'endroit et de connaître les personnes qui étaient avec elle au quotidien. Le seul moment qu'elle n'aimait pas, de la journée, c'était le soir parce qu'il y avait souvent des hommes qui venaient dans l'unique but de se saouler. Cela ne la dérangerait pas si ils pouvaient arrêter de glisser un regard furtif sur les longues jambes qu'elle possédait. Il y avait des moment où cela ne lui déplaisait pas, puisque c'était un beau gars qui l'abordait. Mais dans le cas contraire, elle avait juste envie de frapper pour éviter qu'elle ne soit confrontée à ce genre de situation très gênante. Après tout, l'instinct des hommes ne se contrôlait pas vraiment et par fois elle regrettait d'avoir prit ce boulot pour avoir au moins un salaire qui pourrait l'aider à payer son logement, sa nourriture et les quelques vêtements qu'elle achetait quand il lui restait assez d'argent. Oui, elle était pauvre malgré les jolis habits qu'elle portait quand elle se baladait dans la rue mais elle faisait avec et n'en souffrait pas vraiment plus que ça car il fallait bien à un moment donné qu'elle ait une petite fortune mais pour ça, il fallait économisé et ce n'était pas vraiment son genre. Pourtant, elle allait devoir le faire tôt ou tard.
Cette journée-là fut plutôt sympathique pour la jeune femme puisqu'elle ne travaillait qu'à partir de 17h, ce qui l'arrangeait beaucoup car elle avait envie de se balader un peu dans la ville où elle venait d’emménager. Au moins, elle ne se sentait pas seule grâce au fait que beaucoup d'autres créatures vivaient également ici mais la seule chose qui l'intéressait, c'était de rencontrer l'un des siens ou un darkness et bizarrement, elle n'en avait pas encore eu l'occasion. Pourquoi ? Elle n'en savait rien. Peut être que les membres de sa race n'étaient pas beaucoup et qu'ils préféraient se cacher ou tout simplement ne pas hurler sur tous les toits qu'ils étaient un lightness. Idem pour les contraires de ces derniers sauf que c'était facile à deviner.. Ce n'était pas vraiment des bonnes personnes. Après, qui sait, le contraire pouvait exister. Elle en était la preuve même si elle, elle était complètement paumée. Elle ne savait pas si elle était bonne ou mauvaise. Question qu'elle allait bien élucider à un moment ou à un autre.
- Lina, va t'occuper de la table, là-bas, s'il te plaît. Et cesse donc de rêvasser, tu n'es pas dans ton canapé qui doit sûrement être très confortable.
- Plus confortables que ces chaises, en tout cas ! rétorqua t-elle sur le ton de l'amusement.
Elle reçut un coup de chiffon sur la hanche de la part du barman qui lui disait de filer prendre la commande. Elle lâcha un petit rire en prenant son carnet tout en se dirigeant vers la table qu'on lui avait désigner. Un jeune homme, qui ne manquait pas de charme, y était assit. Elle lui fit un grand sourire qui manqua de s'effacer quand un sensation bizarre la prit de court. Un frisson parcourut tout son corps alors qu'elle se stoppait devant lui. Elle ne savait pas du tout ce que c'était mais elle espérait que cela partirait rapidement. Sûrement un courant d'air froid..
- Très bien, je vous apporte ça tout de suite Monsieur.
Lina tourna les talons et repartit en direction du bar tout en sentant que tout redevenait à peu près normal autour d'elle. Était-ce à cause de lui ou devenait-elle tout simplement folle ? Elle secoua la tête, faisant bouger sa queue de cheval et ses boucles d'oreilles, dans l'idée de reprendre ses esprits. Elle prit une grande inspiration et attendit quelques minutes que la boisson commandée soit préparée. Une fois fait, elle la déposa sur un plateau qu'elle emmena avec le montant à payer dans une petite coupelle. La sensation la reprit de plus belle et elle ne put s'empêcher de dévisager cet homme, le tout en déposant sa boisson devant lui.
- Voila pour vous. Dites.. c'est vous qui faites ça ?
Elle n'avait pas pu s'empêcher de poser la question alors que c'était une évidence pour elle. Soit il faisait des choses bizarre, soit c'est qu'il y avait quelque chose qui clochait entre eux deux mais elle ne saurait dire quoi. Peut être qu'il l'éclairerait..
Une fois la jeune femme partie, Damien eut l’impression de respirer avec plus de facilité. Comme s’il y avait dans l’air, quelque chose de trop pur pour ses poumons, qui l’empêchait de respirer comme à son habitude. En détaillant la serveuse, ne se privant pas de faire glisser son regard des pieds jusqu’à sa chevelure, s’arrêtant sur quelques formes au passage, un faible sourire naquit sur ses lèvres. Intéressant. Il avait déjà eu l’occasion de croiser un de ses contraires au cours de sa longue vie, il ne faisait donc aucun doute sur la nature même de cette créature aux longues jambes. L’ennui dans tout cela, c’était de deviner le tempérament de son homologue. Allait-elle être comme la plus part de ses semblables ? Cherchant de détruire toute trace de Darkness sur Terre ? Cette hypothèse faillit le faire soupirer d’ennui. Il n’y avait rien de plus accablant que Lightness qui avait décidé de mener à bien sa mission. Peut-être allait-il devoir revoir ses plans pour cette soirée. A moins qu’elle ne le surprenne ? Cette idée lui effleura l’esprit en la voyant revenir vers lui, sa queue de cheval flottant presque dans l’air au rythme de ses pas. Il ne détourna pas les yeux en apercevant sa façon pour la moins indiscrète de le dévisager et l’éclat qu’il put lire dans ses iris -de couleurs différentes- le fit sourire intérieurement. Se pourrait-il, qu’elle ne sache pas qui elle avait en face de lui ? Ce qu’elle était ? En fin de compte, la soirée pouvait être plus intéressante qu’il ne pourrait le penser. Damien la remercia poliment pour lui avoir ramené sa commande, sans pour autant se mettre à sourire. C’était ce qui le caractérisait le plus clair de son temps : lorsqu’il souriait, cela ne devait n’annoncer rien de bon, pour son interlocuteur.
« Faire ça, dites-vous ? » Reprit-il, un air interrogateur dans ses iris sanglants.
Alors l’inconnue confirmait qu’elle ne savait pas qui elle avait en face de lui. Savait-elle pourquoi elle était censée être revenue d’entre les morts ? Probablement pas. Peut-être même qu’elle était une toute jeune Lightness ? Il avait déjà eu l’occasion d’entendre ce genre de récit. Mais quoi que ce soit effectivement, il ne faisait qu’émettre des hypothèses silencieuses. Il ne lâchait pas son interlocutrice des yeux, réfléchissant aux possibilités de la suite de cette conversation. Il ne se passa que quelques secondes entre sa question et sa reprise de parole, ne donnant ainsi pas la possibilité à la jeune femme de répliquer quoi que ce soit et encore moins de lui donner l’impression qu’il calculait les choses.
« Je crains malheureusement que oui. Mais ce n’est pas intentionnel, si c’est également l’une de vos questions. » Déclara-t-il sur un ton éternellement neutre.
« Savez-vous ce que nous sommes ? A en juger par votre question, je devine que non... »
Oui, il faisait les questions-réponses. Peut-être était-ce une déformation professionnelle ? Ou alors, il s’agissait simplement d’une habitude, lorsqu’il savait qu’il ne se trompait pas. Et même s’il ne connaissait pas cette femme, il avait déjà pu déduire certaines informations sur elle. C’était horriblement facile de lire en elle...
« Puis-je vous offrir un verre -lors de votre pause peut-être ?- pour répondre à quelques interrogations que je peux lire dans vos magnifiques yeux... »
Damien n’allait pas se refaire. Lorsqu’il avait une femme, à son goût, devant les yeux, il ne pouvait s’empêcher de glisser quelques compliments aux coins des phrases. C’était devenu un jeu au fil des années, jugeant ainsi par la même occasion les femmes qui y étaient le plus réceptives ou bien celles qui n’aimaient pas. Oui, il y en avait, celles qui ne supportaient pas d’entendre des compliments sur leur physique, parce qu’elles n’avaient tout simplement pas le même regard sur elles. C’était plutôt rare. Dans quelle catégorie se trouvait cette femme ci ? Il ne lui faudrait que quelques instants pour avoir la réponse, en fonction de la réaction de son corps et de sa réponse. Il ne fallait pas simplement se contenter de la réponse verbale, mais également celle, plus subtile, du corps.
Pourquoi lui proposer de répondre à ses questions ? Pour s’assurer qu’il ne s’était pas fourvoyé en la dévisageant. Et pourquoi envisager quelque chose d’intéressant en sa compagnie ?
Lina ne savait pas vraiment trop quoi faire, vu que c'était la première fois qu'elle était confrontée à pareille situation. Elle était si ignorante sur le sujet que cela lui faisait presque peur d'en apprendre un peu, même si cela pourrait la prévenir pour les prochaines éventuelles rencontres à venir, même si cela ne lui donnait pas très envie à cause de la sensation bizarre que cela créait. Mais, après tout, elle n'allait pas s'en plaindre, vu qu'il semblait enclin à répondre à toutes les questions qu'elle pourrait poser alors qu'elle attendait patiemment une réponse de sa part et qui ne se fit pas attendre. Bon, ce n'était qu'une question à laquelle elle répondit par un hochement affirmatif de la tête alors qu'elle ne le quittait pas du regard, ses yeux d'une couleur différentes posés sur son visage qu'elle étudia lentement, se contentant de l'écouter parler, sans rien de plus, plus qu'il répondait tout de suite aux questions posées. Du coup, elle attendit qu'il finisse et ses dernières paroles la firent presque rougir. Elle n'avait pas l'habitude qu'on la complimente et elle se trémoussa légèrement sur place, se demandant si elle prenait sa pause tout de suite ou si elle attendait. Elle servit un léger sourire au jeune homme.
- Je vais demander à un collègue de me remplacer pour un petit moment. Et vous n'êtes pas obliger de me payer un verre, vous savez.
Sans attendre sa réponse, la lightness se détourna et marcha d'un pas déterminé vers l'un des serveurs qu'elle connaissait un peu. Elle lui murmura à l'oreille ce qu'elle comptait faire et il lui dit que cela ne le gênait pas. Pour le remercier, elle lui tapota légèrement son épaule droite avant de se diriger vers le bar afin de demander un verre de vodka-citron. Il le lui servit et elle paya tout de suite à l'aide de quelques sous qui se trouvaient dans sa poche de pantalon. Elle retourna donc vers la table de l'inconnu afin de prendre place à lui, l'air un peu hésitante. Il était clair que si il lui disait qu'il était un darkness, même si elle ne comprenait pas vraiment en quoi ils différaient de sa race à elle, bien qu'elle n'y connaisse rien, elle ne l'attaquerait pas ni rien. Si elle devait un jour rejoindre les Rebelles, se seraient surtout pour pouvoir essayer de tuer le premier lycan qui s'approcherait d'elle. Elle haïssait tellement cette race qu'elle pourrait même s'allier avec le premier vampire venu pour pouvoir atteindre son objectif. Mais passons. Elle prit une grande inspiration avant de se mettre à parler pour en savoir un peu plus sur sa condition et la sienne, qui sait.
- Je ne sais pas vraiment ce que vous êtes, ni qui je suis réellement. J'ai juste entendu une voix dans ma tête qui me disait de continuer ce qu'elle avait commencé avant que je ne revienne à moi. Je sais juste que je peux devenir une sorte d'ange et que les sentiments positifs me font beaucoup de bien. D'ailleurs, c'est pareil pour la lumière du soleil.
La jeune femme se tut quelques instant, l'air de réfléchir aux questions qu'elle pourrait lui poser. Peut être que commencer par lui demander comment fonctionnaient leurs deux races respectives, ce serait une bonne idée. Elle ferma les yeux quelques instants en buvant une gorgée de sa boisson, ce qui la fit un peu grimacer puisqu'elle n'avait pas l'habitude de boire de l'alcool. Elle reprit ensuite là où elle en était.
- J'aimerai beaucoup que vous m'expliquiez ce qui nous diffèrent autant. Comme vous pouvez le constater, je n'y connais rien. Avons-nous une mission spéciale ? Si oui.. Est-ce qu'elle est difficile à accomplir ? Je vais vous avouez que cela m'effraie beaucoup, tout ça.
Lina ne s’épanchera pas plus sur le sujet de ses inquiétudes et de ses peurs puisque cela relevait du domaine privé et qu'elle ne le connaissait pas. Après, si ils gardaient contact et qu'ils devenaient proche, peut être qu'elle s'ouvrirait mais jamais depuis qu'elle avait été placer en famille d'accueil elle ne s'était confier à quelqu'un. Pourquoi ? Parce qu'avec le passé qu'elle avait eu, elle s'était forgée une carapace et la plupart du temps, pour ne pas dire tout le temps, elle évitait de discuter avec quelqu'un au point qu'il devienne son ami. C'était rare quand elle ouvrait la bouche pour parler à part quand elle travaillait, si bien que cela la surprenait elle-même qu'elle parle autant à cet homme qu'elle venait tout juste de rencontrer. Soupirant longuement, elle s'empara d'une mèche rebelle qui s'était faufilée hors de sa queue de cheval pour pouvoir jouer avec.
- Les sensations que je ressens en étant auprès de vous, sont-elles normales, aussi ? Il y a t-il un quelconque moyen pour pouvoir les faire stopper où elles seront toujours présentes, quoi que l'on fasse.. ? Oh, et, en passant, ressent-on la même chose lorsque l'on est près d'un semblable où est-elle complètement différente ?
Elle déposa ses yeux sur lui, sa curiosité pouvant se lire dans son regard qui brillait légèrement. Elle était contente d'avoir trouver une personne qui pouvait l'aider à mieux s'en sortir maintenant qu'elle n'était plus humaine et même si elle ne l'avouerait pas à voix haute, elle le trouvait vraiment charmant si bien qu'elle craignait un peu de succomber à ses charmes si il décidait d'en user..
La façon qu’elle eut de se dandiner, suite à ce simple compliment, aurait pu faire sourire le darkness. Mais il n’en fut rien, bien qu’il était tout de même un peu amusé par ce comportement digne d’une collégienne qui n’est pas habituée à être complimentée. Cela serait donc sans doute facile de la faire tomber dans ses bras, sans trop de résistance. Demander à être remplacée ? Déjà ? Cette demoiselle ne perdait pas de temps, ce qui amusa encore un peu plus Damien. Ce dernier hocha la tête, d’un air entendu et la regarda partir prévenir qui de droit. Pendant ce temps, il porta son verre à ses lèvres et but une faible gorgée, simplement pour avoir le goût en bouche. Il ne fut pas étonné de la voir revenir dans un temps record. Elle mettrait sans doute en avant son désir de ne pas perdre trop de temps ou de ne faire attendre personne, qui savait ? Quoi qu’il en soit, il la vit revenir, un verre à la main. Le juge ne pu s’empêcher de se demander si ce n’était que du jus d’orange ou si elle s’autorisait de l’alcool sur son lieu de travail, pendant une pause ? Interrogation qui n’avait que très peu d’importance, en soi. Il la laissa commencer la conversation, comme il lui avait dit précédemment, il était enclin à répondre à ses questions mais il ne pouvait pas les devancer. Damien écouta avec une certaine attention les dires de la jeune femme, sans la lâcher des yeux. Elle ne savait pas, confirmant l’hypothèse silencieuse du darkness. Il hocha faiblement la tête, pour lui confirmer qu’il avait compris ce qu’elle voulait dire. Déjà assis de façon droite dans sa chaise, il déposa ses mains sur la table, entrelaçant ses doigts entre eux, comme il avait l’habitude de le faire pendant son travail.
« Avec ce que vous me dites et la sensation de nos deux corps à proximité, je peux déjà vous dire que vous êtes ce qu’on appelle une Lightness, mademoiselle. » Damien avait fait exprès d’utiliser une certaine tournure de phrase, pour observer la réaction de son interlocutrice. « Les émotions bienveillantes sont votre force. Tout comme le soleil... »
Il ne la lâcha pas des yeux, levant ces derniers au plafond lorsqu’il vit la timide grimace déformer le visage de la serveuse. Il avait sans doute la réponse à sa question silencieuse : il y avait bien de l’alcool dans son verre. Ou alors, le jus d’orange n’était franchement pas bon. Dans le premier cas, Damien ne comprenait pas vraiment pourquoi elle avait choisi une telle boisson si c’était pour avoir cette réaction. L’accompagné ? Parce qu’il avait prit une boisson alcoolisée ? Peut-être, sauf que lui, n’était plus au travail... Qu’importe.
« Vous êtes normalement vouée à faire le bien autour de vous. »
Son ton avait légèrement changé sur un mot en particulier, avant que la fin de sa phrase ne retrouve le même ton uniforme. Il était évident qu’il pourrait essayer d’insinuer le doute chez cette personne. Corrompre une lightness, il n’avait jamais eu à expérimenter une telle chose mais il était prêt à tenter avec elle. Après tout, elle affirmait elle-même ne rien savoir de sa mission. C’était un jeu qu’il se plaisait à essayer.
« Et moi le mal. » Compléta-t-il sans une once d’émotion dans la voix. « Mais tout un chacun est libre de choisir son destin. Voyez, je suis juge. Je travaille pour la justice de cette ville, rien de très maléfique, vous ne trouvez pas ? » Termina-t-il avec une fine touche de raillerie. « Alors n’ayez aucune crainte et si je peux vous donner un conseil, vivez d’abord votre vie pour vous... » Sa voix était redevenue habituellement neutre.
Damien porta son verre à ses lèvres, pendant que son interlocutrice était en train, semblait-il, de se perdre dans ses pensées en jouant avec une mèche de cheveux. A moins que cela ne révélait un signe de nervosité ? Ce geste avait nombre de signification et sans connaitre la jeune femme, il lui serait difficile de connaitre la bonne avec certitude. Avait-elle terminé ? Il ne pouvait pas croire qu’elle n’avait pas d’autres questions à formuler. C’était trop peu pour quelqu’un qui ne connaissait rien de ce qu’elle était, ou de ce que son opposé était. Mais non, voila que l’interrogatoire improvisé reprit. Ah la sensation. Damien secoua d’abord la tête, faiblement, comme première réponse.
« Malheureusement, cette sensation de malaise est naturelle et permanente. Cela vous indique qu'un de vos contraire est près de vous. Vous pouvez seulement vous habituez à la ressentir et passer outre et non la stopper. Je suppose que c’est fait pour ne jamais oublier ce que nous sommes. »
Et surtout, pour pouvoir identifier plus ou moins des adversaires potentiels. Mais cette réponse, la serveuse n’avait pas besoin de l’entendre.
« Pour ma part, j’avoue me sentir étrangement bien en présence d’un autre darkness à mes côtés. Je suppose qu’il en va de même pour vous et un autre lightness, cela serait logique. »
Après tout, il n’avait jamais eu l’occasion de parler avec une lightness depuis qu’il foulait cette Terre. Soit certains cherchaient à le tuer, soit d’autres l’évitaient.
« Vous m’avez demandé nos différences précédemment et je vous ai répondu. Mais il y a une chose qui nous lie et qu’il ne faudrait pas oublier : nous sommes tous revenus d’entre les morts. Quelques soient les raisons à cela, il n’est pas rare d’un drame se soit produit au moment de notre mort. »
Il avait parlé d’une voix détachée, comme si évoquer sa propre mort ne lui faisait rien. Ce qui n’était pas totalement faux. Seul le feu lui rappelait ce moment désagréable de sa vie.
Il était clair que Lina devait surprendre le jeune homme qui devait sûrement s'attendre à ce qu'elle cherche à le tuer au lieu de discuter avec lui. Pourtant, elle n'était pas ainsi. Elle voulait des informations, il les lui fournissait et c'était amplement suffisant même si elle commençait à se demander si il ne lui faisait pas un peu de charme, comme si il espérait qu'elle tomberait aussi facilement dans ses bras. Sauf qu'elle n'était pas du genre facile et à cette simple pensée, elle fronça les sourcils sans vraiment le vouloir. Si il la voulait dans son lit, il faudrait d'abord qu'il déploie beaucoup d'efforts et il n'avait pas vraiment l'air du genre patient avec les femmes. Ou peut être que si, mais dans ce cas-là, elle n'avait pas envie d'être un trophée. En fait, dans les deux cas, elle n'en avait pas envie. Si elle devait avoir une relation, elle serait sérieuse et pas seulement un coup d'un soir ou devenir des plans culs. Mais bon, là n'était pas le sujet. C'est probablement une impression, de toute manière et elle n'avait pas à s'inquiéter. Après, si il décidait de vouloir la revoir, pourquoi pas ? Une lightness et un darkness pouvait bien se mettre ensemble, malgré la sensation désagréable qu'ils pouvaient éprouver. Et qui sait, avec le temps, si elle ne s'effacera pas petit à petit. Personne n'avait encore jamais vérifier, de toute façon, elle était prête à parier.
Un mot la fit sortir de ses pensées et elle le laissa finir pour ne pas l'interrompre. Il avait raison sur certains points, comme sur le fait qu'elle devait d'abord vivre sa vie pour elle. Puis ensuite il évoqua les sensations, suite à sa question sur le sujet. Elle ne pouvait pas affirmer ses dires puisqu'elle n'avait encore jamais rencontré un membre de sa race à part quand elle est morte. A ce souvenir, un frisson désagréable parcouru tout son corps et elle du secouer la tête pour s'empêcher de faire une tête bizarre, comme si elle revivait sa mort devant ses yeux. Elle se mordit la lèvre inférieur sans quitter le jeune homme du regard tout en continuant de jouer de manière distraite avec sa mèche de cheveux. Ce n'était pas un signe de nervosité mais c'était seulement une habitude qu'elle avait prit au fil du temps. Elle finit par prendre la parole.
- Vous savez, je ne pense pas que tous les darkness soient le mal tout comme les lightness soient forcément tous le bien. Moi-même je ne sais pas dans quelle catégorie me placer puisque je.. Non, oublier ça.
La jeune femme se tut, ne voulant pas en dire plus sur ses sentiments à un parfait inconnu même si il était facile de discuter avec lui. Surtout qu'ils étaient dans un lieu où il y avait beaucoup de monde et elle n'avait pas forcément envie de se confier dans un cadre aussi bruyant et plein de monde. De plus, il avait peut être l'intention de s'en aller après leur discussion donc il valait mieux qu'elle garde le silence sur ses incertitudes ses différentes questions qui la hantaient nuits et jours depuis qu'elle avait eu connaissance des deux groupes qui se déchiraient dans cette ville. Un soupire fendit ses lèvres alors qu'elle reprit.
- D'après ce vous me dites, nous sommes pareils et nous avons encore notre libre arbitre, vu que nous ne sommes pas obliger de choisir la voie qu'un autre nous à donner alors qu'on allait mourir. Et que l'on le veuille ou non, il y aura toujours une part de méchanceté et de bonté en nous. Seulement, notre nature nous indique la voie et c'est à nous de choisir ce que l'on veut faire. Je ne vous pense pas méchant, vraiment. Surtout que votre compagnie m'est très agréable..
Elle déposa ses yeux vairons sur lui, un petit sourire venant se dessiner sur son visage d'ordinaire fermer à toutes communications. Il n'y avait pas à dire, quand il s'agissait d'un sujet qui l'intéressait, elle devenait une vraie pipelette et adorait parler. Elle s'empara à nouveau de son verre pour en boire une gorgée, grimaçant moins cette fois. Quelque chose la perturbait dans son comportement et c'était probablement son air détaché, comme si il en avait rien à faire de sa nouvelle condition. Elle, cela l'obsédait même si maintenant elle se sent plus calme par rapport à ça. En parlant de choix, elle, qu'est-ce qu'elle va choisir ? Elle penchait de plus en plus pour les Rebelles même si elle ne doutait pas qu'avoir une place au Cercle serait sympathique. Surtout qu'elle avait eu vent des derniers évènements qui s'étaient dérouler et cela la faisait encore plus douter. Mais elle ne pouvait pas en parler ici. Elle ne dira donc rien sur ce sujet-là ce soir.
- J'avais remarqué que le soleil me faisait énormément de bien, moi qui préférait la nuit, ça me dérange un peu mais bon.. Je n'ai pas vraiment demandé à renaître ainsi, je voulais juste ne pas mourir. M'enfin, cela doit être pareil pour chacun de nous, je suppose. Et cela me fait bizarre d'entendre que les bonnes émotions sont ma nourriture.. Vu mon passé, cela ne m'aurait pas étonné que ce soient les mauvaises qui le fassent.
Elle ne dit alors plus rien, se remémorant certains moments de sa vie passé, son regard étant toujours posé sur le darkness qu'elle ne voyait pas vraiment à cet instant. Avait-elle bien fait de demander une seconde chance ? Elle n'en savait rien et ne le saurait sans doute jamais.
Il n’y avait pas à dire, Damien avait bien fait de venir terminer sa journée et commencer sa nuit ici. Cette rencontre pour le moins anodine pouvait certainement se montrer intéressante avec le temps, et ils étaient bien placés pour savoir qu’ils en avaient à revendre. Le darkness continuait de regarder son interlocutrice pour essayer d’en apprendre un peu plus sur elle, les choses qu’elle faisait sans pour autant s’en apercevoir peut-être. Il nota donc ce froncement de sourcil, dont il aurait aimé en connaitre la cause et ce frisson suite à certaines de ses paroles. Elle était comme une jeune femme qu’il avait croisé plusieurs fois : elle laissait voir ses émotions sur son visage. Autant cela pouvait être un bien, pour qui savait s’en servir, autant cela pouvait très facilement se retourner contre elle, pour les mêmes raisons. Il garda ses notes dans un coin de son esprit, pour peut-être lui en faire la remarque un peu plus tard. Ou pas. Ce qui suivit ensuite fit naitre un faible sourire aux coins de ses lèvres. Elle ne pouvait pas savoir comme elle voyait juste, cette petite. Et le meilleur exemple qu’il avait en tête était le chef de cette organisation dont il faisait partie et qui était en train de s’étioler petit à petit. Un lightness responsable de pas mal de maux de la ville depuis quelques temps, c’était réellement une situation qui ne devait pas se louper ! Dommage qu’il y ait eu cette attaque. Mais la suite devrait n’être que plus intéressante à regarder. Peut-être aurait-il même l’occasion de le juger. Il lui tardait presque de voir ce moment arriver. Mais là n’était pas le sujet et Damien ne devait pas se perdre dans ses pensées pour l’instant. Il pourrait le faire à loisir une fois seul chez lui. Et même s’il avait divagué légèrement dans ses songes, le darkness ne loupa pas ce sentiment d’incertitude qui émanait de la jeune femme. Elle ne savait donc pas vers quel camp se tourner ? C’était presque mignon. Et même si elle lui demanda de laisser tomber, Damien avait pour réputation de ne pas passer par quatre chemins, même pour des sujets douloureux et épineux.
« Vous voulez vous venger de la personne qui vous a fait du mal ? » Interrogea-t-il sans le moindre soupçon de reproche dans la voix.
Cela était tellement évident pour la plus part des individus morts violemment qu’il avait une chance sur deux pour que le cas de son interlocutrice soit similaire. Mais elle n’allait peut-être pas lui répondre. Après tout, être attaquée sur ce terrain par un parfait inconnu n’allait surement pas lui plaire. Ce qui enchantait intérieurement le darkness.
La tirade qui suivit fut accueillie par un hochement de tête pour Damien. Elle voyait juste en résumant ce qu’il lui avait communiqué. Personne ne pouvait décider pour soi-même ce que l’on désirait. Etre revenu darkness ou lightness ne signifiait pas nécessairement qu’il faille faire le mal ou le bien. Chacun décidait ce qu’il voulait faire de sa vie, à défaut -souvent- de ne pas avoir pu choisir sa mort.
« En effet. Le bien et le mal est un équilibre que nous possédons tous. Certains décident de pencher davantage vers l’un que l’autre. Mais au final, il est très rare de n’être que l’un. »
Bien sûr, il avait déjà connu des créatures qui n’étaient que méchanceté ou au contraire, bonté. Tout dépendait des individus, c’était comme pour tout au final. La fin des propos de la jeune femme le fit sourire de nouveau légèrement. Il ne ressentait pas d’attirance ou de plaisir à entendre ce genre de chose mais c’était une réaction normale en réponse à cette remarque. Et s’il voulait en apprendre plus sur elle et ses intentions, il allait devoir faire un effort pour se montrer courtois. Cette idée n’était pas pour lui plaire, parce qu’il n’aimait pas faire semblant mais il savait parfaitement jouer la comédie pour rendre ses émotions réelles. Après tout, il avait des siècles d’expériences derrière lui.
« C’est aimable de votre part. Et sachez que tenir une conversation courtoise avec vous ne me déplait pas non plus. »
Et dans le fond, c’était la vérité, à deux-trois détails près. Le darkness termina son verre et le reposa sur la table en écoutant la suite de ses propos. C’était presque triste d’entendre qu’elle aurait été mieux semblait-il, dans la peau d’une darkness. Mais Damien n’avait pas ce genre de compassion et il feignit simplement de compatir pour elle.
« Tout dépend de qui passe près de vous au moment de votre mort. Je suppose que si un être démoniaque était passé près de vous, vous auriez pu devenir une des nôtres. »
Mais honnêtement, il n’avait pas conscience de comment procédaient ces êtres supérieurs. Choisissaient-ils en fonction du vécu ? De ce que les revenants pouvaient ensuite faire sur Terre ? C’était des interrogations qui ne trouveraient sans doute jamais de réponse.
« Voyez seulement comme un moyen de détourner votre passé. Nourrissez-vous de ce qu’on ne vous a pas donné dans votre vie précédente. Prenez ce qui vous rend plus forte pour parvenir où vous le souhaitez. »
Il aurait pu également lui dire de se prendre la bonté des personnes qu’elle croisait pour s’en nourrir. Certains lightness ou même darkness parvenaient à vider leur proie des émotions ciblées, peut-être qu’avec de l’entrainement, elle parviendrait également à cela ? Mais Damien ne pouvait pas se permettre de trop en dire pour le moment. Il était censé être du côté des gentils et il devait donc agir comme tel, tout en insinuant certaines pensées. En voyant le regard se perdre chez son interlocutrice, le juge retint un soupir. Il pouvait clairement sentir les doutes chez la jeun femme. Mais ce n’était pas un repas qu’il appréciait, trop fade à son goût pour qu’il s’en nourrisse.
Pour la faire sortir de ses pensées, Damien leva lentement sa main droite gantée pour venir effleurer le menton de la jeune femme. Il ne la toucha pas, parce que même avec son gant, cette proximité presque intime rendait le contact désagréable et il voulait simplement la ramener parmi eux.
« Arrêtez de vous questionner sur la raison de votre retour parmi les vivants. Trouvez votre but et poursuivez-le. Entourez-vous de personne pour y parvenir si besoin mais il ne sert à rien de vous torturer l’esprit de la sorte. »
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par Invité Sam 22 Aoû - 19:59