Des éclats de rire sonores résonnaient partout dans le bar alors que l'après-midi était déjà bien entamée. L'endroit ne désemplissait pas et l'activité battait son plein. Plusieurs serveuses circulaient habilement entre les tables qui se touchaient presque parfois, remplissant ou récupérant les verres vides à la vitesse de la lumière. Il n'en avait pas toujours été autant tout au cours de la journée, puisque les premiers clients se limitaient seulement à un café ou deux avant de prendre la direction de leur lieu de travail. Rares étaient ceux qui attaquaient le double whisky avant midi mais bon, le jeune homme aux yeux couleur rubis qui se tenait derrière le comptoir luisant n'était pas là pour les juger ou quoique ce soit d'autre. Servir et prévenir les écarts de conduite dus à un taux d'alcoolémie trop élevé. Voilà en quoi consistait le travail de Natsume. Cela faisait plusieurs mois qu'il avait débuté comme barman ici et grâce à l'apprentissage de Saphira, il avait fini par prendre ses marques derrière le bar. Sa confiance était telle qu'à deux, il avait réussi à rétablir une activité régulière au Bouken, chose qui s'était révélée difficile pour les épaules d'une seule personne. Au final, la jeune darkness s'était laissée convaincre d'engager un peu plus de personnel pour faire tourner cette petite entreprise, chacun ayant également trouvé ses repaires au sein de l'équipe. Le travail au Bouken s'était révélé moins difficile que ne l'aurait imaginé l'étudiant. Dire qu'il angoissait de ne pas se montrer à la hauteur, autant du point de vue des clients que de sa patronne -et amante- Saphira, n'était rien comparé aux doutes qu'il l'assaillaient. Il avait déjà connu une expérience similaire dans la pizzaria où il travaillait. Il arrivait parfois que des clients se montraient -trop- exigents, désagréables et même agressifs. Le fait qu'il s'agisse d'hommes ivres morts n'arrangeait rien aux affaires de l'apprenti barman. Natsume savait faire preuve de détermination quand la situation l'exigeait mais il avait toujours eu du mal à gérer les rapports difficiles avec les clients. Si bien qu'il doutait même de parvenir à se faire respecter de la part des habitués du lieu, qu'ils soient déjà bien imbibés ou parfaitement sobres.
Avec le recul, il balayait d'un sourire toutes ces craintes. La confiance que lui témoignait Saphira tenait une part non négligeable dans la qualité du travail du garçon. Mais cela, il aurait bien dû mal à le lui avouer sans rougir. D'ailleurs, en parlant d'elle, l'étudiant n'avait pas revu la jeune femme depuis plusieurs semaines déjà. Il n'était pas rare qu'elle s'absenta quelques fois, pour diverses raisons, aussi avait-elle confié un double des clés de l'établissement à Natsume, afin que ce dernier veuille à ouvrir le bar en temps et en heure. Avec une activité comme la leur, il n'était pas conseillé de laisser le bar fermé trop longtemps, au risque de perdre des clients. Oui sauf que d'ordinaire, la darkness le tenait informé, soit en l'appelant directement, soit en lui laissant un message sur son portable pour ne pas l'inquiéter. Or là, c'était le silence radio total. L'étudiant avait beau essayé de la joindre à n'importe quelle heure de la journée, il ne faisait que tomber sur la messagerie vocale, ce qui le faisait dangereusement osciller entre la colère et la peur. Et si il lui était arrivé quelque chose ? Natsume savait ce que la jeune serveuse logeait au fond d'elle-même comme une tumeur. Une créature à l'âme aussi noire que la nuit, à l'image de la démone qui partageait la conscience du garçon. Et si cette même entité avait refait surface dans l'esprit de Saphira ? Contraignant cette dernière à commettre de nouveau les pires atrocités ? Cette idée lui serra la gorge mais il se rassurait presque en se disant que si cela avait été le cas, les journaux télévisés en auraient certainement parlé à la télévision. Ou alors la créature serait revenu vers lui pour le tuer, blessant encore un peu plus son hôte au passage. C'était, du moins, les deux hypothèses les plus probables qui lui venaient à l'esprit, quand il se rappelait le sadisme d'Elisabeth à tourmenter la vampire tandis qu'elle possédait son corps. Néanmoins, le manque de nouvelle de la part de la jeune femme l'inquiétait de plus en plus, jour après jour. Se rendre directement à son domicile ? Il l'aurait fait depuis un moment s'il avait pu ! Mais il ne connaissait pas l'adresse de Saphira. S'en était risible à ce stade de leur relation et comment la situation empirait mais oui, il ne s'était encore jamais rendu chez elle auparavant, ce qui le plaçait dans l'incapacité de le faire actuellement. Et comme il était le seul membre du personnel à connaître Saphira... Inutile de demander des renseignements aux deux autres recrues que le Bouken comptait dans ses rangs.
« …man ! Barman ! Eh petit ! Un autre verre s'il te plait, hip ! » s'écria soudain une voix non loin de lui sur sa gauche.
L'homme était un habitué des lieux et venait vider quelques verres quatre à cing fois par semaine. Il avait le profil du mari dont la femme ne veut plus et qui vient se saouler pour oublier les misères de son ménage. Ou alors le chômeur percevant les aides et qui préfère en déverser une partie dans l'alcool plutôt que d'essayer de se reconstruire une vie. En cela, l'étudiant pouvait difficilement les juger, lui qui avait été d'abord licencié avant de trouver, presque par miracle, un petit boulot par le biais de sa copine. Il ignorait même s'il n'allait pas abandonner la fac pour reprendre la gestion du bar avec Saphira. Les études ? C'était de l'argent précieux qui partait dedans et le garçon ne voyait pas quels débouchés s'offraient à lui par la suite. Le Bouken était, quant à lui, un moyen fiable de lui permettre de payer sa part du loyer lors de chaque fin de mois. Car il en avait assez de vivre sur la générosité et la solidarité de ses deux charmantes colocataires. S'il y avait bien une chose dont le jeune homme avait horreur, c'était d'être un poids pour qui que ce soit. A la manière d'une bande audio livrée à notre merci, le son lui parvint d'abord faiblement puis augmenta progressivement jusqu'à lui faire croire que l'autre criait tout contre son oreille. Natsume sortit de sa rêverie en sursautant avant de se tourner vers l'individu installé au bar sur une chaise haute. Il n'était pas surprenant que la voix de l'ivrogne ne l'avait pas atteint immédiatement, surtout avec le bruit qui emplissait les deux étages de l'établissement. Il arrivait parfois que le personnel du Bouken n'entende pas les commandes des clients dans le brouhaha général et il n'était pas rare, même fréquent de finir la journée avec un sacré mal de crâne en prime ! L'étudiant se demandait d'ailleurs comment une créature dotée d'une ouïe extra fine tel qu'un vampire, un lycan ou même certains hybrides, réagirait dans un environnement similaire ? Autant de bruit devait probablement être désagréable pour eux, ne serait-ce que pour les créatures de la nuit, capables de percevoir les battements des cœurs de leur victime s'accélérer en leur simple présence. Comme l'autre faisait de nouveau entendre ses revendications d'ivrogne au verre vide, le garçon se décida à prendre la parole, se retenant à grand peine de ne pas soupirer au visage de son interlocuteur à l'haleine pour le moins chargée.
« Un autre verre dites vous ? Allons bon, vous ne tenez presque plus debout, vous feriez mieux d'arrêter de boire pour aujourd'hui. » répondit-il poliment en lui souriant.
De faibles protestations suivirent bientôt mais Natsume ne le laissa pas insister davantage. Son sourire désarma son interlocuteur et il ne fallut que quelques mots supplémentaires, fermes mais corrects pour convaincre l'autre de renoncer à son dernier verre. Cependant, quand l'homme fit mine de se détacher du comptoir avec lequel il semblait avoir fusionné depuis plusieurs heures passer à vider ses verres les uns après les autres, le garçon dut se résigner à l'accompagner jusqu'à la sortie, de peur de le voir s'écrouler en plein milieu de l'établissement. Peut-être que l'air frais lui remettrait les idées en place lui.
« Je vous l'avais bien dis, vous ne tenez plus debout... Laissez-moi vous aider. » ajouta t-il en contournant rapidement le bar pour venir à la rencontre de son interlocuteur.
Contre toute attente, ce dernier ne protesta même pas, sa fierté ayant disparut en même temps que le contenu de ses verres. Il laissa donc le jeune barman passer l'un de ses bras sur ses épaules, l'autre sur ses hanches pour éviter qu'il ne reperde l'équilibre. Son haleine parvint de nouveau dans la figure de Natsume, qui fit cependant de son mieux pour ne pas le lui montrer, de crainte de le froisser. Il avait réussi à le faire plier jusqu'à présent car il savait que l'autre n'était pas un mauvais bougre dans le fond mais un individu ivre mort pouvait parfois se montrer terriblement lunatique et changer du tout au tout en une fraction de secondes. Saphira l'avait mis en garde contre cela. Toujours se montrer ferme mais poli avec les clients. Cela les décourageaient en général de poursuivre leurs tentatives, quelles qu'elles soient. Alors qu'ils allaient atteindre la porte, sans trop d'encombres, son interlocuteur se décida à reprendre la parole pour déclarer autre chose que des propos à la hauteur de l'ivrogne qu'il était.
« Tu sais que j't'aime bien toi p'tit ! T'as pas une mauvaise tête et t'es sympa hips ! Tu m'refuses jamais un verre, t'es pas comme l'autre mégère là, hips ! Satanée bonne femme que celle là ! »
L'autre mégère...?
Sur le moment, Natsume ne vit pas de qui il pouvait bien parler. Etait-ce sa femme qu'il évoquait ? Il réfléchit quelques instants et quand enfin, la lumière se fit dans son esprit, son expression s'assombrit. Non pas qu'il soit en colère que le client parle de Saphira de la sorte, il ne faisait aucune doute que la jeune serveuse s'était taillé un caractère fort afin de tenir l'établissement toute seule. Seul l'étudiant savait qu'au fond d'elle, elle était aussi timide et douce que lui. Mais il se gardait bien d'en parler autour de lui. Si une personne le pouvait, c'était bien l'intéressée et personne d'autre qu'elle. Cependant, alors qu'il avait réussi à chasser la darkness de ces pensées, voilà que l'homme, sans le vouloir bien entendu, venait de lui rappeler l'absence de la jeune femme et les inquiétudes que nourrissait le garçon. Il se perdit de nouveau dans ses pensées et cette erreur lui fut fatale. Avant qu'il ne puisse s'écarter de l'ivrogne, celui-ci lui vomit dessus les deux tiers de l'alcool qu'il venait de consommer au Bouken. Natsume se maudit d'avoir été aussi distrait, sachant que ce type d'incident survenait régulièrement au bar. Il accepta les excuses maladroites de son interlocuteur et après s'être assuré que ce dernier se trouvait en mesure de rester seul sans possible chute, il se hâta de rentrer à l'intérieur, direction les toilettes. Au passage, il fit signe à l'une des filles qui servait à l'étage, de fermer provisoirement le mini bar du haut pour se consacrer à celui du rez de chaussé, pris d'assaut en cette fin de journée. L'étudiant l'avertit qu'il devait s'absenter quelques minutes -la raison se trouvait sur ses vêtements, nul besoin d'e expliquer les détails- aussi sa collègue acquiesça immédiatement pour reprendre le bar. Même en sa qualité de serveuse, elle demeurait parfaitement capable de tenir le comptoir quelques temps, ce qui laissait à Natsume, le temps qu'il lui fallait pour se nettoyer. Il passa longuement de l'eau tiède sur la tache qui ornait sa chemise, jusqu'à la faire disparaître totalement. Par chance, il avait agi suffisamment vite pour que l'odeur n'imprégna pas encore les fibres du tissu. Sa besogne achevée, il s'autorisa une courte pose pour passer une main dans ses cheveux, avant de laisser son regard se perdre dans le reflet que lui renvoyait le miroir en face de lui. Le garçon soupira bruyamment avant de sortir des toilettes pour reprendre la gestion du comptoir principal. Dire que la soirée n'avait pas encore commencé...
Le soleil était debout depuis plusieurs heures déjà lorsque la louve commença à émerger de son sommeil. Depuis quelques jours, celui-ci était particulièrement agité, des envies de chasses et de sang se faisaient plus présents dans ses rêves. Elle se doutait que sa bête en était en partie responsable et ça lui plaisait qu’à moitié. Leann était sortie dans la forêt dernièrement pour lui laisser un peu le champ libre mais elle n’avait pas imaginé que sa louve intérieure en réclamerait davantage par la suite. Devait-elle s’en inquiéter ? Devait-elle forcer Danaliel à la revoir pour lui poser la question ? N’ayant que lui comme lycanthrope à sa connaissance ? Elle voulait savoir à quoi s’en tenir avec sa bête, savoir si ce qu’elle faisait pour elle était une bonne ou une mauvaise chose, mais elle ne pouvait que le questionner lui. Devait-elle alors prendre son mal -et celui de son autre partie- en patience ? En attendant qu’il revienne de lui-même vers elle ? Leann se retourna dans son lit et s’emmitoufla sous sa couette pour ne pas être déranger par les rayons du soleil qui filtraient entre ses volets. Combien de tems avait-elle dormit depuis qu’elle était rentrée du travail. Soupirant, elle sorti sa tête de la couverture et vit qu’il était dix heures vingt-trois, un rapide calcul lui confirma qu’elle n’avait dormi qu’à peine cinq heures. Tant pis, c’était déjà ça. Elle resta encore quelques minutes dans son lit, regardant son plafond terne en se demandant si elle allait encore rester comme ça ou se bouger. On était quel jour déjà ? Jeudi ? Vendredi ? Vendredi... C’était son tour pour les corvées concernant l’appartement. Même si ses colocataires étaient ordonnés et ne mettaient pas de bazar partout, elle allait quand même devoir les faire. S’extirpant avec difficulté de la chaleur de sa couette, elle se dirigea vers la salle de bain. Une bonne douche et elle serrait correctement réveillée. La jeune femme passa un petit moment sous la douche, essayant de chasser ses précédentes interrogations de son esprit. Mais une autre lui parvient : à qui pouvait-elle parler si ce n’était pas au loup ? Ses colocataires ? Comprendraient-ils seulement ce qu’elle pouvait ressentir ? Elle en doutait cruellement et dans le fond, elle n’avait aucune envie de leur faire part d’une chose pareille. Non pas qu’elle n’avait pas confiance en eux ou qu’elle avait peur de leur réaction, mais ça ne ferait probablement que les inquiéter. Elle sortie de la douche et se tressa les cheveux après les avoir coiffés, ça serait plus pratique pour la suite de la matinée. Revêtant un tee-shirt trop grand pour elle et un short, elle prit ensuite la direction de la cuisine et se fit un café en écoutant le calme de l’appartement. C’est avec un petit pincement au cœur qu’elle réalisa qu’elle quitterait bientôt l’endroit pour s’installer avec le loup, si ce dernier n’avait pas changé d’avis. Elle allait d’ailleurs devoir en parler avec ses deux colocataires, histoire qu’ils ne soient pas prit au dépourvu. Elle bu son café en allant sur le balcon, regardant les passants marcher dans la rue à plusieurs mètres sous elle et elle parti à s’interroger sur les vies de telles ou telles personnes. Une perte réelle de temps mais elle pouvait se le permettre, ne travaillant que le soir. Rentrant dans l’appartement, elle commença à s’activer pour les poussières et tout le reste. Elle soupira cependant en voyant un petit mot de Miku sur le coin du frigidaire : la liste de course. D’accord, elle irait dans l’après-midi, sans grande conviction mais puisque c’était à son tour. Alors qu’elle retournait dans sa chambre pour la mettre -elle aussi- en ordre, son portable sonna. A la sonnerie, elle su qu’elle n’avait pas rentré le numéro de la personne qui essayait de la joindre. Elle décrocha à la troisième sonnerie et elle fut sincèrement surprise d’entendre la voix du jeune professeur. Celui qui l’avait tiré d’un mauvais pied au Bouken et qui lui avait offert de prendre un verre chez lui. Leann sorti de ses pensées, lui présentant ses excuses pour s’être montrée distraite. Elle fut tout aussi étonnée de connaitre la raison de cet appel : il lui proposait un rendez-vous au Bouken. Il avait donc envie de passer du temps en sa compagnie depuis le temps qu’ils s’étaient vus. Elle ne pu s’empêcher de sourire à cette idée, sachant pertinemment qu’il ne pouvait pas la voir. Il lui donna donc rendez-vous en fin d’après-midi au bar, ce qu’elle accepta évidement, tout en lui indiquant qu’elle devrait allait travailler par la suite, mais il ne semblait pas être déranger de cette nouvelle. Ils auraient pas mal de temps devant eux avant qu’elle ne doive prendre la direction de la boîte de nuit. Leann s’habilla alors et entreprit d’aller faire les courses, en ajoutant une dernier chose à la liste : une chemise. Oui, ayant ruinée celle de Jilan lors de leur première rencontre, elle pouvait bien lui en racheter une. Et puis, ce n’était pas grand chose, compte tenu du fait qu’il allait surement payer leur consommation s’il allait jusqu’au bout de son invitation. Chemisier, jupes, bottes à talons et veste en cuir, Leann prit la direction du centre commercial pour faire les emplettes du trio plus son petit supplément. Une fois terminé, elle rentra à l’appartement et y resta toute la journée, restant principalement sur le balcon en s’autorisant même à s’endormir au soleil.
Lorsque le réveil de son portable sonna, elle prit la direction de sa chambre pour placer dans un sac à dos noir, parfaitement discret, ses vêtements pour le club et la chemise qu’elle avait achetée. Elle passa rapidement dans la salle de bain pour défaire sa tresse et laisser libre ses cheveux, qui ondulaient légèrement. La louve sorti ensuite, laissant -une fois de plus- un mot à l’intention de Miku, lui disant qu’elle partait plus tôt que prévue et qu’elles ne pourront donc pas se voir pour ce soir. Elle ne prit pas les transports en commun, elle était partie suffisamment tôt pour arrivé à l’heure sans avoir à se presser. Alors qu’elle commençait à apercevoir l’enseigne du bar, elle reconnu sans trop de mal le jeune professeur qui attendait déjà. Elle fronça les sourcils en regardant sa montre, il lui restait pourtant encore cinq minutes avant l’heure fixée, elle n’était donc pas en retard. Mais elle n’aimait pas pour autant le fait de l’avoir fait attendre. La jeune femme arriva alors à sa rencontre.
« Bonsoir Jilan... Je vous ai fais attendre longtemps ? »
Oui, même si elle n’était pas en tord, elle ne pouvait s’empêcher de poser la question. C’était surement bête de sa part, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Lui répondant, il l’invita à rentrer dans l’établissement, qui semblait étonnamment bruyant. Mais bon, côté bruit, ça ne valait pas celui de la boîte de nuit. Le duo monta alors les escaliers pour se diriger vers le bar à l’étage mais malheureusement aucun employé ne se trouvait là. Elle allait reprendre la parole lorsqu’une jeune femme arriva et prit leur commande. Leann ne fut pas étonné d’entre le choix de son interlocuteur et quant à elle, elle opta pour un Bloody Mary. Oui, le même cocktail qui avait fini sur la précédente chemise du professeur. A cette pensée, la louve ne pu s’empêcher d’en faire la remarque alors qu’ils s’installaient à une table.
« Je vous promet de faire attention à ce verre, cette fois-ci. »
A seulement quelques appartements de là, alors que la louve ouvrait difficilement les yeux après une courte nuit de sommeil, dans l'appartement de Jilan, le calme demeurait. Le jeune professeur n'avait jamais été du matin de toutes façons et il lui arrivait fréquemment de se coucher à point d'heure, soit en raison d'une pile de copies à corriger en toute dernière minute, soit parce qu'il avait occupé sa soirée avec une charmante compagnie féminine. Il n'eut donc pas l'occasion de goûter aux premiers rayons de soleil comme sa voisine d'immeuble, toujours endormi. Alors que certains se levaient de bonne heure pour se rendre au boulot ou bien pour profiter pleinement de la belle et chaude journée d'été qui s'annonçait, notre homme fit tranquillement la grasse matinée dans son lit à deux places. Dehors, la température gagnait de plus en plus de degrés au fur et à mesure que les heures passaient. Les rayons solaires filtrant à travers les rideaux de la pièce plongée dans une semi-obscurité, se firent plus chaud sur la peau du Lightness, réchauffant ce dernier et le forçant enfin à ouvrir un œil. Il mit du temps avant d'émerger complètement, laissant le regard hétérochrome se perdre dans la contemplation du jeu d'ombres et de lumières dans les rideaux de la pièce. Jilan se fit mentalement la réflexion qu'il avait bien choisi en optant pour ceux-ci quand il avait emménagé. Ce ne fut qu'après de longues -quoique plaisantes- minutes, que son esprit parvint à reprendre le dessus sur le reste de son corps encore à moitié engourdi par cette longue nuit. Non sans effort de sa part, il tourna la tête pour jeter un coup d'oeil à son réveil, bien que la luminosité dehors lui permettait d'estimer plus ou moins l'heure de la journée. 11h. Il avait donc dormi plus longtemps qu'il ne l'aurait cru. Le jeune professeur se retourna pour s'étirer sur le dos, étalant ses bras de chaque côté de lui. Un luxe que de posséder un lit deux places lorsqu'on vivait seul. Quoiqu'il était presque étonné de ne pas sentir de légère respiration à côté de lui en ce début de journée. Il n'était pas rare qu'il se réveille aux côtés d'une charmante créature rencontrée la veille dans la soirée. Etouffant un soupir d'agacement, il finit par se redresse en position assise et passa longuement une main dans ses cheveux écarlates, pour tenter tant bien que de mal, d'y remettre un peu tordre. Son regard se porta de nouveau en direction de la fenêtre, même si les rideaux tirés lui dissimulaient l'extérieur. Qu'allait-il pouvoir faire de sa journée bien entamée ? Les cours étaient terminés, chacun profitait à juste titre -ou non pour certains- des vacances d'été qui s'annonçaient aussi chaudes que les précédentes. Il n'avait donc plus d'étudiants, assis là sur les bancs de l'université, à attendre qu'il vienne les martyriser un peu. Ni de copies à corriger, empilées sur un coin de son bureau. Devait-il se rendre à la Grotte pour y retrouver Kyarra afin de lui faire un rapport ? A supposer qu'il la trouve là-bas, il doutait que la louve resta sagement à l'attendre dans cet endroit sombre et humide. Du peu qu'il connaissait d'elle, la lycanne était probablement partie chasser. Quant au prétendu rapport qu'il pourrait lui faire... Lui parler d'Alexya et de sa motivation à rejoindre le groupe comme espionne ? Pourquoi pas mais il attendait déjà d'avoir de ses nouvelles de ce côté là. Une fois qu'il se serait assuré de l'efficacité de la jeune hybride, alors il pourrait en informer sa supérieure. Il espérait seulement pour lui qu'elle aimait les surprises...
Tandis que les secondes, puis les minutes se succédaient sur le cadran de son réveil, toujours sagement à sa place sur la table de chevet, le Lightness eut soudain une idée sur comment occuper le reste de sa journée. N'avait-il pas promis indirectement à cette jeune femme -comment elle s'appelait déjà... ? Leann ?- de la revoir une nouvelle fois ? Jilan se rappelait qu'elle lui avait laissé son numéro mais vu le nombre de mois qui s'étaient écoulés depuis, peut-être qu'elle ne se souviendrait plus de lui. Dans ce cas là, il prendrait son mal en patience et attendrait avec impatience leur prochaine rencontre fortuite. Car lui ne l'avait pas totalement oubliée. Après tout, elle était la colocataire de l'humain qui leur avait échappé, à lui et Kyarra. C'était une chance pour le Lightness d'avoir rencontré Leann, il ne pouvait pas se permettre de la laisser lui filer entre les doigts. Pris d'une soudaine envie d'entendre sa douce voix, à la fois déterminée et hésitante à la fois, le jeune professeur se saisit de son portable pour composer le numéro de cette dernière. En l'espace de quelques mois passés à contempler ce bout de papier, posé sur un coin de sa table basse située dans le salon, il avait fini, avec le temps, par le retenir par cœur. Ce qui, entre nous, l'arrangeait plutôt bien à cet instant précis car il n'avait pas spécialement envie de se lever pour aller chercher ce fichu bout de papier. Comme la jeune femme ne décrocha pas immédiatement, Jilan commença à croire que sa première hypothèse allait se révéler vraie, qu'elle l'avait tout simplement oublié et qu'elle n'oserait pas prendre un appel dont le numéro lui était inconnu. Contre toute attente, au bout de la troisième sonnerie, il finit enfin par l'entendre à l'autre bout du combiné et la salua poliment. Il ne put s'empêcher de lui rappeler brièvement à qui elle avait affaire, afin d'éviter les quiproquos embarrassants par la suite. Sans perdre plus de temps, il lui exposa la raison de son appel et l'invita à boire un verre sur le lieu même de leur rencontre, le bar Bouken. Ni l'un ni l'autre ne s'essaya à rappeler dans quelles circonstances ils s'étaient justement croisés et le Lightness la remercia mentalement pour son silence. Non pas qu'il avait honte qu'elle lui ait renversé le contenu de son verre sur lui, ruinant par la même occasion, une chemise qu'il affectionnait mais il savait que la jeune femme s'en voulait à ce propos, peut-être encore. Et il commençait à se lasser de l'entendre s'excuser sans arrêt. Elle avait démontré une sacrée force de caractère quand il avait tenté de semer le doute dans son esprit concernant le secret de son colocataire, pourquoi donc se montrait-elle aussi soumise et discrète le reste du temps ? S'en était rageant. Il haussa malgré lui les épaules quand elle lui avoua qu'elle devait travailler ce soir. Ce n'était pas un problème pour lui qui n'aimait pas tellement traîner dans les rues une fois la nuit tombée. Dans le pire des cas, il saisirait l'occasion de l'accompagner sur son lieu de travail et de voir ce dont elle était réellement capable comme danseuse professionnelle. Il avait déjà eu un aperçu de son habilité de strip-teaseuse, il lui tardait presque de voir le reste. Après qu'ils se soient mis d'accord sur l'endroit du rendez-vous, fixé devant l'établissement même, ainsi que l'heure, ni trop tard, ni trop tôt, Jilan la remercia et raccrocha. Ils devaient donc se retrouver aux alentours de 18h au Bouken. Voilà qui lui laissait largement le temps de se préparer. Peut-être même aurait-il un peu de temps pour une sortie dans les rues de l'Avventura, des fois que le hasard le fasse rencontrer une jolie jeune femme avant l'heure du rendez-vous ? Le sourire aux lèvres, il se dirigea vers la salle de bain, reliée à la chambre pour y prendre sa douche. Quelque soit le déroulement futur de cette journée, il devait se concentrer sur sa rencontre avec Leann. S'il pouvait en apprendre davantage sur elle et sur l'étudiant, il pourrait s'en servir contre eux par la suite.
Finalement, il ne fit rien de ce qu'il avait prévu et passa les heures suivantes à lire, confortablement installé dans son canapé. Le bout de papier sur la table basse, lui rappelait le rendez-vous qui l'attendait ce soir et lasse de le voir traîner du coin de l'oeil, le Lightness finit par quitter son appartement bien plus en avance que prévu. Il dut se forcer à flâner dans les rues de la ville car attendre comme un piquet de parc devant le bar, ne lui plaisait pas non plus. Croiser tous ces types bourrés à l'haleine plus que chargée, sans façon. Ses pas le menèrent néanmoins aux portes de l'établissement et il repéra rapidement l'ivrogne qui tenait à peine sur ses jambes, appuyé contre le mur. Ne supportant pas l'idée de se retrouver en compagnie d'un humain, Jilan s'installa à quelques mètres de lui, jouant discrètement avec une orbe qu'il venait de faire apparaître au creux de sa main droite. L'ivrogne tituba encore plus qu'avant et un sourire cruel se dessina lentement sur les lèvres du jeune professeur. Cependant, un regard en direction de sa montre, lui rappela l'arrivée imminente de la jeune femme. Laquelle venait d'apparaître au coin de la rue. A contre cœur, le Lightness fit disparaître son orbe et plongea rapidement ses mains dans ses poches. Leann était en avance. D'ordinaire, cela lui aurait plu mais il commençait seulement à s'amuser avec le pauvre bougre que l'arrivée de la jeune femme venait de tout ruiner. Tant pis. Il l'observa donc se rapprocher de lui, remplaçant son sourire sadique par un sourire poli, l'enjoignant presque à prendre la parole d'elle-même, tandis qu'il la saluait cordialement. Ce qu'elle fit, prenant Jilan au dépourvu. Sa question le fit arquer un sourcil malgré lui mais il se reprit bien vite en balayant ses inquiétudes d'un mouvement de la main.
« Cela fait plusieurs mois que nous ne nous sommes pas vus et la première chose que vous trouvez à me demander, c'est de savoir si vous m'avez fait attendre longtemps ? Leann, les minutes qui ont précédé votre arrivé étaient les plus longues de mon existence mais c'est parce que j'étais impatient de vous revoir. » répondit-il avec un sourire presque espiègle, attendant de voir quelle serait la réaction de son interlocutrice.
Voyant que cette dernière ne savait pas trop quoi penser de ces paroles, il étouffa un soupire avant de consentir à ajouter autre chose, histoire de dissiper tous les doutes et les éventuels soupçons qu'elle pourrait nourrir à l'encontre de sa sincérité.
« Pour être tout à fait honnête avec vous, je viens seulement d'arriver alors ne vous en faites donc pas pour ça. »
Se disant, il l'enjoignit à pénétrer à l'intérieur du bar, plus que jamais curieux de la discussion qui se profilait à l'horizon. Comme à son habitude, le Bouken était pris d'assaut par les ivrognes du coin si bien que le rez-de-chaussé était complètement plein. Impossible de songer à y trouver une place, surtout quand on voyait la compagnie gesticulante et hurlante des individus ivres morts qui s'y pressaient, assoiffés. C'est donc presque naturellement, qu'ils prirent aussitôt la direction du premier étage, nullement épargné par le boucan d'un bas. Par chance, ils trouvèrent de la place à une table légèrement en retrait, si bien qu'on ne voyait le bar d'en bas que d'une seule place. Laissant la jeune femme choisir la sienne, Jilan se retrouva avec assis avec vu sur le comptoir du rez-de-chaussé. Il fut étonné de ne pas y apercevoir de barman mais lorsqu'une serveuse vint à leur rencontre pour prendre leur commande, ses doutes s'envolèrent aussi vite qu'ils étaient apparus. Ironie du sort, voilà qu'ils reprenaient exactement la même chose chacun, ce fameux soir où leurs routes s'étaient malencontreusement croisées. Cela amusa le Lightness mais il n'en fit pas la remarque. Il cherchait déjà un sujet à aborder quand Leann le devança, le surprenant une fois de plus. Son interlocuteur ignorait si elle se voulait sérieuse ou si c'était là un moyen bien à elle de faire de l'humour. Dans tous les cas, cette réflexion arracha un rire franc au jeune professeur qui ne s'attendait pas à ce qu'elle remette le sujet sur le tapis maintenant qu'ils venaient de se retrouver face à face.
« Pourquoi pensez-vous que j'ai veillé à choisir une chemise moins salissante à votre avis ? Méfiez-vous, je pourrais bien inverser les rôles cette fois, histoire de vous rendre la pareille... » répliqua t-il, non sans glisser une note moqueuse sur ces derniers mots.
Le sourire qu'afficha son interlocutrice le rassura sur sa tentative pour détendre cette dernière et Jilan la dévisagea un instant pour savoir si elle allait ajouter autre chose ou non. Puis, il laissa courir son regard hétérochrome sur le rez-de-chaussé, veillant bien à ne pas laisser paraître le mépris que lui inspiraient les individus se cramponnant au bar, dans ses yeux. Il repensa à sa rencontre avec Alexya. C'était décidément plus divertissant que de s'entretenir avec une personne partageant cette même haine pour les humains et la paix, que de devoir toujours cacher ses véritables intentions. Si le Lightness aimait jouer à ce petit jeu, il devait reconnaître qu'il préférerait parfois discuter avec d'autres rebelles. Sauf que peu d'entre eux étaient aussi abordables que ne l'était la jeune hybride. Ses pensées revinrent vers Leann, sans que ses yeux ne suivent le mouvement. Il n'avait pas besoin de la regarder pour s'assurer de sa présence. Pourrait-il la convertir à sa cause ? L'enjeu était de taille et les risques aussi. Mais qui ne tentait rien, n'avait rien. Alors qu'il venait d'ajouter un nouvel intérêt à la conversation qui s'annonçait, voilà qu'il repéra quelque chose ou plutôt quelqu'un dans la foule. Difficile en effet de ne pas remarquer ses cheveux à la couleur si inhabituel pour un garçon de cet âge. Encore plus quand il s'agissait de l'humain qui les avait humiliés lui et la louve. Ainsi, il bossait donc au Bouken ? La dernière fois, il était livreur de pizza. Se pourrait-il que ce morveux ait monté en grade ? Peut-être... Impossible pour Jilan de rester de marbre plus longtemps. Ne voulant pas se trahir, il se leva et s'excusa auprès de la jeune femme, prétextant qu'il avait besoin de se rendre aux toilettes. Son excuse fut acceptée et le Lightness prit rapidement la direction du comptoir. De là où elle se trouvait, Leann ne pourrait pas le voir car elle leur tournait le dos. Et il doutait qu'elle épia le moindre de ses mouvements pour s'assurer qu'il ne lui avait pas menti. C'était plus dans le genre de Kyarra que de faire cela... Discrètement le jeune professeur s'approcha du comptoir, observant quelques intants l'albinos avant de prendre une voix forte, destinée à surpasser toutes les autres afin que l'autre l'entende.
« Barman ! Un verre de whisky s'il vous plait ! » s'exclama t-il avec un sourire ressemblant davantage à un rictus qu'à autre chose.
L'unique erreur de Natsume fut ne pas lever immédiatement les yeux vers lui, pour repérer la personne qui venait de s'adresser à lui. Avait-il oublié sa voix ? Jilan ne pouvait pas lui en vouloir, encore moins dans le brouhaha qui régnait dans l'établissement. Mais quand les iris couleur rubis rencontrèrent ceux, hétérochromes du jeune professeur, le verre au contenu ambré, s'échappa des mains de l'étudiant pour s'écraser sur le comptoir. L'expression de l'humain était extraordinaire, si bien que le Lightness s'autorisa un discret sourire cruel en guise de réponse aux mots qui devaient se bousculer contre les lèvres de son interlocuteur. Alors que ce dernier esquissait un mouvement de recul, Jilan fut plus rapide que lui et se saisit de l'un des morceaux de verres pour le planter dans la main du garçon, l'immobilisant à quelques centimètres de lui par la même occasion.
« Alors ? On ne dit plus bonjour ? Tu pensais peut-être que tu pourrais continuer ta petite vie tranquille sans problème ? Dommage pour toi, ta copine vampire n'est pas là pour te sauver la mise cette fois. »
Par chance, sa courte absence n'avait pas entravé le rythme du service assuré par l'établissement mais un bref regard en coin de la part de l'une des deux serveuses, l'encouragea à reprendre rapidement sa place derrière le comptoir du rez-de-chaussé. Par une chaude journée comme celle-ci, il y avait tellement de monde que Natsume se demandait bien quand il trouvait le temps de repenser à Saphira qui ne lui donnait pas de nouvelles. Il parvenait tant bien que de mal à ne pas se montrer trop distrait par la jeune femme mais ses deux collègues ou même les clients eux-mêmes -ce qui était plus problématique dans le fond- le reprenaient de temps en temps. Etouffant un soupir, il entreprit de jeter un rapide coup d'oeil parmi les personnes qui se tenaient accoudées au comptoir. Une petite dizaine et seulement quatre verres présents sur le meuble aux reflets boisés. Avec un sourire résigné, l'étudiant commença alors à prendre les commandes unes à unes, presque avec plaisir puisqu'elles lui permettaient d'oublier la darkness pendant quelques minutes. Il ne prit pas la peine de s'assurer que le service reprenait à l'étage, faisant suffisamment confiance à ses deux collègues pour cela. Il espérait simplement que la journée s'achèverait aussi rapidement qu'elle avait débuté et qu'il n'aurait plus à se soucier du contenu de chacun des verres présents sur le comptoir devant lui. C'était décidé, le garçon essayerait de rappeler Saphira dans la soirée. Pourvu qu'elle décrocha cette fois, sinon il allait finir par signaler sa disparition, préférant de loin s'attirer les foudres des forces de l'ordre pour les avoir fait se mobiliser pour rien, plutôt que de rester un jour de plus sans nouvelle de sa part. Alors qu'il relevait la tête, il s'aperçut que deux clients le remerciaient en déposant de la monnaie sur le comptoir. Et deux de moins... Qui se feraient certainement bientôt remplacés. Il récupéra l'argent et salua les deux hommes qui prenaient déjà la direction de la sortie. Heureusement qu'ils étaient moins imbibés que l'individu que le garçon avait dû ramener jusque devant les portes du Bouken. Natsume se saisit des deux verres vides et entreprit de les laver, rapidement, comme il en avait pris l'habitude à force de travailler au sein de l'établissement. Cela fait, il tourna le dos au comptoir pour les essuyer à l'aide d'un torchon mais bizarrement cette seconde action, pourtant aussi banale et naturelle que la précédente, s'effectua plus lentement que sa consoeur. A vrai dire, le jeune barman n'avait plus envie de faire face à ses clients, pour deux raisons. La première était qu'il n'avait vraiment pas la tête à servir les ivrognes du coin, alors qu'il les accueillait poliment le reste du temps. La raison ? Elle se serait lue sur son visage. L'expression de l'étudiant était plus sombre que d'habitude et ses yeux renvoyaient une inquiétude qui ne lui correspondait pas. Du moins, jamais ses clients ou ses collègues n'avaient plus la remarquer auparavant car depuis sa rencontre avec Saphira, le garçon espérait davantage de la vie. Bien entendu, il avait ses propos à soucis, ses retrouvailles suivies de la longue nuit qu'il avait passée en compagnie de la vampire, le lui rappelaient sans cesse. Mais ce que Maria ignorait, c'est que l'étudiant ne pouvait plus renoncer aussi facilement à la vie pour tenter d'affronter l'entité dans l'au-delà. Il ne pouvait se résoudre à abandonner la jeune serveuse derrière lui... Alors qu'elle lui avait affirmé être toujours là pour lui si jamais il décidait de rendre les armes face à Elisabeth. Ce n'était pas possible. Il...
« Barman ! Un verre de whisky s'il vous plait ! »
Se retenant encore une fois de soupirer d'agacement, Natsume ferma les yeux. Du whisky, encore et toujours du whisky ! Ils n'en avaient donc pas assez de boire toute la journée ? Ils n'avaient vraiment personne avec qui passer du temps et profiter de cette belle soirée qui s'annonçait, plutôt que de rester cloîtrés à se remplir la panse de liquide ? Probablement pas... Mais alors qu'il prenait sur lui et commençait à remplir le verre qu'il venait précédemment d'essuyer, du précieux liquide ambré, la voix de l'homme résonna de manière familière à ses oreilles. L'étudiant avait l'impression étrange de l'avoir déjà entendue quelque part mais il était bien incapable de se rappeler où et dans quelles circonstances... Dommage, cela aurait pu lui être utile par la suite. Tandis qu'il fronçait les sourcils -conscient que personne ne pourrait le voir faire une tête pareille-, le garçon se creusa les méninges pour tenter de se souvenir. Peine perdue. Mais il se dit également que, compte tenu du brouhaha régnant dans le Bouken, il pouvait très bien s'être trompé sur l'intonation de la voix de son interlocuteur. Ou l'avoir confondue avec une autre, déjà entendue auparavant, ou présente actuellement dans l'établissement. Cela devait être ça oui. C'est sur cette réflexion que le garçon interrompit le flot de pensées qui l'assaillait. Juste à temps car le verre manqua de déborder, pour tâcher son haut de whisky. Natsume pesta silencieusement. Voilà ce qu'il lui en coûtait de se montrer distrait par la moindre petite chose. Il consentit enfin à se retourner pour faire face à l'individu qui venait de lui crier, plutôt que de lui faire simplement sa commande. Quand les iris rubis rencontrèrent ceux de cet homme, le cœur du jeune barman manqua un -ou plusieurs- battements. Il s'arrêta net dans son mouvement, tandis que le verre couleur ambre lui échappait des mains pour s'écraser avec fracas sur le comptoir en bois lustré. Et une gaffe de plus ! Mais ce n'était plus grand chose aux yeux de Natsume. Seul comptait la personne en face de lui à cet instant. Ces yeux... Il ne pourrait jamais les oublier, c'étaient ceux de l'homme qui avait froidement assassiné son ancien collègue de travail alors que ce dernier tentait de le tirer d'un mauvais pas, celui-là même qui aurait dû se révéler fatal pour l'étudiant. Le complice de la prétendue lycanne. Sans même s'en rendre compte, le garçon avait changé de couleur, son visage avait blêmi sous l'effet combiné de la terreur et de la panique. Une petite partie de lui avait beau lui répéter en boucle que l'individu ne pourrait rien tenter dans un endroit aussi vivant que l'était le Bouken, au risque d'être démasqué, la peur ne quittait pas l'étudiant. Que faisait cet homme dans le bar ? Etait-il venu pour lui ? Se pourrait-il qu'il ait mené ses propres recherches pour le retrouver et le ramener auprès de sa partenaire de chasse ? Natsume déglutit avec difficultés, sachant pertinemment ce qui l'attendait si sa route venait à croiser de nouvelle celle de la louve. Elle lui ferait payer pour l'affront qu'ils avaient subi cette nuit là. Un frisson parcourut le corps du jeune barman, un corps qui ne savait plus s'il devait se reculer pour s'éloigner le plus possible de la personne en face de lui, ou s'il devait se rapprocher pour ramasser les morceaux de verre éparpillés sur le comptoir avant que quelqu'un ne se blessa avec ? Il faut croire que l'esprit de Natsume était tellement perturbé qu'il chercha à faire les deux actions en même temps. Il tenta de reculer sa main du comptoir mais son interlocuteur fit plus rapide que lui. Lorsque l'éclat de verre lui entailla profondément la main, l'étudiant ne put retenir un gémissement de douleur, qui passa presque inaperçu dans le brouhaha général. Sauf que la grimace qui étira ses lèvres dans le même temps, accompagné du geste du jeune professeur, ne pouvait laisser aucun doute sur ce qui était en train de se passer, détails qui ne devaient pas échapper à l'individu aux cheveux rouges. Ses paroles firent froid dans le dos. Ainsi, il était réellement venu pour se venger ? Le garçon ne pouvait pas le croire, comment... Comment avait-il pu découvrir où il travaillait ? Si c'était aussi simple pour lui alors...
« Tout comme votre partenaire n'est pas là non plus pour vous je me trompe ? Vous devriez faire attention, sans elle, vous serez vite à terre... » répliqua t-il froidement avec un drôle de rictus.
L'étudiant ignorait si sa tentative pour ne pas afficher la crainte qu'il éprouvait vis-à-vis de cet homme était réussie ou non. L'étirement étrange de ses lèvres, donnant lieu au rictus cité plus haut, était le résultat d'un mélange entre un début d'insolence du à sa situation et à la terreur que lui inspirait son interlocuteur. La première avait toujours été son dernier recours en cas de problème mais on ne pouvait pas dire que cela s'était révélé efficace jusqu'à présent, au contraire, son comportement pour se défendre lui attirait davantage d'ennuis qu'autre chose. Il n'était pas fait pour paraître courageux et insensible, c'était un fait. Comme il s'y attendait, sa réflexion ne plut pas à l'intéressé et il aperçut brièvement une lueur de colère dans les iris hétérochromes avant de sentir une nouvelle douleur fulgurante dans sa main tandis que l'homme remuait davantage le morceau de verre dans sa chair à vif. Dire que ses blessures suite à la nuit mouvementée passée en compagnie de Maria venaient tout juste d'être cicatrisées qu'on s'amusait sadiquement à les rouvrir. C'était peut-être la raison pour laquelle les mouvements du verre dans sa chair étaient aussi douloureux... Se mordant la lèvre inférieure pour ne pas gémir de douleur une fois encore, Natsume osa dévisager son interlocuteur droit dans les yeux. Il savait plus ou moins ce que son propre regard renvoyait mais il s'efforçait de ne pas paraître aussi terrifié qu'il ne l'était en réalité. Maintenant qu'il avait la possibilité de mourir par les mains de cet homme, il fuyait en s'accrochant à la vie ? Parce qu'il ne savait pas s'il était prêt pour ces épreuves ? Oui, il lui fallait affronter la mort en face mais également la démone par la suite. Il aurait bien aimé que Maria ou Saphira soit présente à ses côtés pour cela mais il doutait que l'une et l'autre n'accepta sa mort de cette manière, la seconde encore moins. Il lui semblait que l'échange brutal entre lui et le jeune professeur attirait quelques regards, probablement en raison du sang qui s'échappait de sa plaie que pour le geste de l'homme en lui-même. A cette heure de la journée, les vampires se montraient encore rares mais les lycans et hybrides étaient tout à fait capable de repérer l'odeur du sang, dans un périmètre aussi restreint que le Bouken et ce, en dépit des effluves d'hydromel, de vomi ou corporelles qu'on retrouvait dans le bar. Cette idée rassura en partie le garçon. Au moins, son interlocuteur ne pourrait pas jouer trop longtemps avec lui, au risque d'attirer l'attention sur ses faits et gestes. Mais et la suite ? Natsume doutait qu'il le laissa partir de la sorte, il pouvait tout aussi bien attendre la fermeture de l'établissement pour s'en prendre à lui. A moins qu'il n'ait d'autres projets en tête ? Quant bien même il parvenait à échapper à l'individu aux cheveux rouges, l'odeur de sang pourrait révéler certains pulsions parmi ses clients. Ou alors celles d'un rebelle caché dans les ombres des rues, une fois la nuit tombée quand l'étudiant rentrerait chez lui après avoir fermé le bar ? C'est avec ses pensées en tête que le jeune barman tenta néanmoins d'afficher un visage impassible. Ce qui était, vous vous en devinez, totalement en vain venant de lui...
La réponse de Jilan à sa question surprit quelque peu la louve et elle ne pu cacher ce qu’elle pensait. C’est-à-dire : elle ne savait pas comment prendre ces paroles. Même si dans le fond, elle se doutait qu’il devait plaisanter, probablement pour faire un peu d’humour et faire passer sa question pour aussi ridicule qu’elle semblait l’être aux yeux du professeur. Aurait-elle dû plutôt lui demander comment il allait en premier lieu ? En effet, c’était probablement ce que faisaient les gens lorsqu’ils ne s’étaient pas vus depuis un moment. Mais... N’était-ce pas simplement entre amis ? Enfin bien sur, on peut toujours demander à son interlocuteur comment il se porte. Mais cette question n’est-elle pas l’une des plus hypocrites qui soient ? La louve ne pouvait pas penser que toutes personnes posant cette question était réellement intéressée par sa réponse. Ce qui ne voulait pas dire qu’elle ne se préoccuperait pas de la réponse que pourrait lui fournir Jilan, elle l’appréciait, même si elle ne savait pas encore comment qualifié leur relation. Connaissance ? Oui, cela paraissait être pas trop mal. Amis ? Hum... Non. Ca pourrait changer mais pour le moment, ce n’était pas le cas. Pourquoi ? Surement parce qu’ils ne se connaissaient pas tant que cela ? Peut-être. Elle fut surprise qu’il reprenne la parole, d’une façon presque plus sérieuse. Elle sourit en coin et hocha la tête pour lui signifier qu’elle l’avait entendu et qu’elle acceptait de ne pas s’en vouloir plus que nécessaire de l’attente qu’elle avait pu lui infliger. Alors qu’ils montaient les escaliers, elle laissa cependant échapper une réplique.
« Vous auriez pu m’appeler plutôt si je vous manquais tant... »
Oui, c’était bien cette louve timide qui attendait bien patiemment que l’on prenne des décisions pour elle, qui venait de rentrer dans le jeu de son interlocuteur. Elle ne le draguait pas pour autant, mais cette réplique lui était venue toute seule à l’esprit et elle n’avait pas cherché à se demander si elle pouvait la sortir ou non. Oui, celle qu’elle désirait être dorénavant se poserait surement moins de question sur le résultat de ses paroles sur autrui. Bien entendu, cela ne voulait pas dire qu’elle dirait tout ce qu’elle penserait à tout le monde. Elle continuerait de se demander si certaines choses peuvent être dites ou non, selon les contextes et les personnes. Leann ne voulait pas non plus blesser les autres en parlant sans réfléchir. Mais dans cette situation, à part lui montrer qu’elle avait -finalement- comprit qu’il n’était pas sérieux, elle ne ferait pas grand chose de mal. Et elle se doutait qu’il prenne également au sérieux sa réplique. Mais si c’était le cas ? Elle haussa très légèrement les épaules et elle se dit qu’elle aviserait probablement le moment venu. Après les remerciements de deux occupants de la table lorsque la serveuse leur apporta leur commande, Jilan répondit à sa pointe humour concernant sa chemise. A vrai dire, il rit d’abord et lui répondit ensuite. Pendant son petit éclat de rire, Leann ne pu s’empêcher de sourire même si cela n’avait rien de drôle. Quand il prit la parole, elle fut obligée de détailler sa chemise. En effet, étant noire, il était presque sûr de ne pas voir ressortir la couleur rouge de son cocktail. L’avait-il réellement fait exprès ? Ou alors il savait que cette couleur lui allait mieux ? Ne sachant pas vraiment, elle opta pour un compromis entre les deux. Pour la suite de sa réplique, ce fut à la louve de rire doucement et elle répondit sur un ton plaisantin.
« Sauf que vous ne pourriez surement pas le faire avec aussi peu de classe que moi... »
Leann ne su pas s’il avait entendu sa réplique ou non. En effet, il avait les yeux fixé sur un point qui se trouvait au rez-de-chaussée. Une connaissance ? Quelqu’un qu’il souhaitait rejoindre ou au contraire éviter ? Elle aurait pu lui poser la question, après tout, qu’il soit ainsi perdu dans ses pensées alors qu’il était l’auteur de ce rendez-vous, était plutôt moyen comme comportement. A croire qu’elle n’était pas assez intéressante. Elle haussa les épaules sans qu’il puisse voir son mouvement et porta son verre à ses lèvres. Tant pis, elle ferait avec et elle attendrait qu’il daigne dire quelque chose. Leann, toujours un peu soumise ? Oui, les vieilles habitudes ne se perdent pas rapidement. Alors qu’elle reposa son verre sur la table, Jilan se leva et s’excusa en lui disant qu’il devait se rendre aux toilettes. Elle sourit et acquiesça. Qu’aurait-elle pu faire et dire d’autre ? Lui dire que son excuse était mal trouvée et qu’il n’avait pas besoin de lui mentir pour faire ce dont il voulait ? Elle supposait qu’il pouvait prendre mal ce genre de paroles. Surtout que cela reviendrait à lui dire qu’elle ne croyait pas ce qu’il lui disait. Oui, ce n’était définitivement pas ce qu’il fallait dire. La louve le regarda donc s’en aller et descendre les escaliers. Peut-être que sa première hypothèse sur la connaissance aperçue à l’étage d’en dessous était bonne. Lui en ferait-elle la réflexion ? Probablement pas. Et puis, il pouvait aussi réellement se rendre où il lui avait dit qu’il allait. Elle n’avait pas à jouer les curieuses de la sorte avec lui. C’était irrespectueux et plutôt mal élever de sa part. Allait-elle s’excuser auprès de lui à son retour ? Probablement mentalement mais pas à voix haute. Ce serait lui avouer qu’elle avait douté de ses paroles et encore une fois, elle doutait qu’il apprécie ce genre de réflexion. En même temps, qui les apprécient ?
La louve ferma les yeux quelques instants, le bruit environnant était presque plus gênant qu’au club. Du moins, c’était l’impression qu’elle avait, mais peut-être que cela venait du fait qu’ici, la musique était absente ? Elle n’avait donc rien sur quoi se focaliser et son ouïe se baladait un peu partout dans le bas. Surtout maintenant que Jilan l’avait laissé à leur table, elle ne pouvait même plus se concentrer sur sa voix ou à la rigueur le battement de son cœur. Oui, ce serait surement difficile d’y parvenir avec le boucan que faisait le rez-de-chaussée, mais elle notait l’idée dans un coin de sa tête pour le tester à son retour. En espérant qu’elle entende encore lorsqu’il prendrait la parole. Alors qu’elle s’était légèrement perdue dans ses pensées, un autre de ses sens se mit en éveil : son odorat. Pour maintenant connaitre cette odeur, elle pouvait dire sans mal que du sans frais coulait dans le bar et elle était presque persuadée que cela venant d’en bas. Une bagarre qui aurait déjà dégénérée ? En temps normal, elle aurait trouvé cela navrant mais là, elle trouvait ça dangereux. Bien qu’elle s’était mise d’accord avec sa bête pour la laisser prendre le dessus lorsqu’elle se trouvait dans la forêt, Leann ne pouvait pas ignorer qu’elle essayait à cet instant de sortir pour chercher elle-même la source de cette odeur. Cela ne lui plaisait pas du tout, surtout parce qu’une petite partie d’elle était tentée de laisser faire sa bête. Elle secoua légèrement la tête, elle devait penser à autre chose et surtout calmer son rythme cardiaque qui commençait à s’accélérer. La jeune femme bue donc une longue gorgée de son verre, appréciant l’alcool qui descendait dans sa gorge. Malheureusement, ses pensées se tournèrent de nouveau vers sa bête une fois le verre reposé sur la table. Elle n’avait jamais réagit de la sorte en présence de sang. Etait-ce parce qu’elle avait décidé de lui laisser plus souvent plus de liberté que la bête pensait pouvoir venir plus fréquemment ? Si c’était le cas, Leann devait-elle arrêter ce qu’elle avait entreprit et ne plus essayer de libérer cette partie animale ? Rien qu’à cette pensée, la jeune femme savait que c’était une mauvaise idée. Si elle voulait connaitre davantage les envies et besoin de cette autre partie d’elle, elle ne pouvait pas tout simplement l’enfermer. Elle garda encore quelques instants les yeux fermés, voulant cruellement savoir ce qu’elle devait faire et ne pas faire. Elle s’étonna de regretter que Jilan ne soit pas un lycanthrope, elle aurait aimé lui parler de ses doutes et de ses craintes concertant sa bête... Non, ce n’était pas tout à fait vrai, elle voulait simplement trouver quelqu’un qui puisse l’aider là dedans, ayant décidée de ne pas voir Danaliel avant qu’il ne l’ait décidé. Mais elle ne pouvait pas non plus attendre des semaines, elle deviendrait probablement folle avant. Laissant par la même occasion les portes ouvertes pour faire sortir sa bête. Oui, une partie de la jeune femme aimerait voir ce qui se passera si une telle chose devait arriver, mais elle savait également qu’il n’y avait que peu d’option. Elle finit par rouvrir les yeux, il fallait absolument qu’elle se change les idées et arrête de penser à tout ça. Que pouvait bien faire Jilan ? Y avait-il du monde aux toilettes ? Ou la personne qu’il était parti voir lui tenait la jambe ? Elle était presque sûre qu’il ne serait pas parti sans le lui avoir dit, bien élevé comme il semblait l’être. Quoi qu’il en soit, s’il ne revenait pas bientôt, ce serait elle qui devrait quitter l’établissement. L’odeur de sang dans les parages et l’impossibilité de se changer les idées ne faisait pas bon ménage. Alors qu’elle suppliait presque mentalement le professeur de revenir, elle le vit remonter les escaliers et se diriger vers leur table. Leann ne pu empêcher de laisser échapper un soupire de soulagement à cette vision. Elle allait pouvoir arrêter de penser à ce qui la perturbait et reprendre une conversation normale.
Vraiment, le Lightness regrettait presque que sa partenaire de chasse ne fut pas présente à ses côtés lorsque le jeune barman s'était retourné dans sa direction. L'expression de son visage, un subtil mélange de terreur et de panique, le tout rendu muet par la stupéfaction, c'était un spectacle tellement délicieux à voir. Si bien que Jilan avait légèrement sursauté en entendant le verre se fracasser sur le comptoir luisant du bar. Après cet incident, il n'en serait que plus brillant... Lui ? Surpris ? Non mais il s'était perdu dans la contemplation jouissive de son interlocuteur qu'il en oubliait ce qui l'entourait. Le bruit de verre brisé le ramena brutalement à la réalité et il n'hésita pas un seul instant avant de se saisir d'un de ces mêmes éclats de verre pour le plonger dans la main offerte de l'étudiant. La douleur se lut dans les traits de ce dernier, ce qui acheva de contenter le jeune professeur. Pourtant, malgré la souffrance qu'il devait endurer, le regard de l'humain avait quelque chose d'agaçant. Comme s'il s'efforçait, en vain, de ne pas céder devant la menace qu'incarnait le Lightness. Il pensait s'en tirer parce qu'il se trouvait dans un lieu public, généreusement pourvu en ivrognes qui n'en restaient pas moins des témoins gênants ? Ou alors parce qu'il ne le prenait pas au sérieux ? De ces deux hypothèses, Jilan penchait plus pour la seconde. Il se rappelait que trop bien la terreur du garçon alors que Kyarra et lui l'avaient coincé dans cette ruelle sombre. Oui, enfin, plus la louve que le jeune professeur. Mais la peur de Natsume était bien concrète elle, en revanche. Peut-être que la lycanne l'intensifiait plus, compte tenu du fait qu'elle était la première à lui être tombée dessus. Le Lightness doutait que l'humain soit du genre à fréquenter les ruelles obscures, du fait de sa race réputée comme faible, aussi bien que sa possession par l'entité démoniaque. Il était donc probable que la louve l'ait rencontré ailleurs pour le traîner -de force, cela va de soi- dans cette ruelle, pour un interrogatoire musclé. Le sourire étirant les lèvres du jeune professeur se renforça à ce simple souvenir. Il n'avait jamais songé à interroger la louve à ce sujet, préférant ne pas lui rappeler la manière dont le gamin s'était échappé d'eux mais il lui faisait étrangement confiance pour n'avoir pas ménagé Natsume. Peu de temps après sa réplique, la réponse de son interlocuteur lui parvint. Pour la première fois de la journée, la colère s'installa véritablement dans l'esprit du Lightness. Cet humain pensait être en mesure de le provoquer ? Alors que Jilan pouvait encore le tuer sous une simple impulsion ? L'agacement qu'il avait plus tôt ressenti à l'encontre de l'albinos, se mua en une sourde -quoique faisant une brève apparition dans les yeux de l'intéressé- colère. Le jeune professeur ne se fit pas davantage prier pour enfoncer encore plus le morceau de verre dans la chair à vif du garçon. La souffrance qui en résulta ne parvint qu'à moitié à le détendre car il avait parfaitement conscience d'avoir fait pâle figure lors de l'affrontement avec la vampire dénommée Maria. Même en plein jour, la force physique du Lightness n'égalerait jamais celle d'un lycan, aussi Kyarra avait toutes les chances de lui être supérieure sur ce point, cela il n'en doutait pas sinon il ne l'aurait pas accepté comme leader, mais la nuit lui offrait un sérieux désavantage qui le faisait passer pour un faible. Il était temps de rappeler à ce morveux qui avait le pouvoir de vie ou de mort sur sa misérable existence de mortel. Cependant, le jeune professeur sentit rapidement plusieurs regards sur lui et ce qui se passait réellement entre les deux hommes. Même ivres morts, les quelques clients qui s'étaient aperçus de la scène allaient rapidement devenir gênants s'ils se décidaient à intervenir. Qu'importe la manière dont on se positionnait, le Lightness était en tort. S'il avait été seul, cela aurait été différent. Il aurait très bien pu repartir bredouille pour guetter l'humain lors de la fermeture de l'établissement. Oui sauf que ce n'était pas le cas, il était attendu à l'étage et poser un lapin à Leann ne lui plaisait pas. Il avait encore à faire avec cette petite, tout en ne se trahissant pas. Puisqu'elle était la colocataire de Natsume, il irait probablement à sa rencontre si elle venait à l'apercevoir. Il ne fallait pas que l'humain parle, sinon tout était foutu. Le traîner de force dans les toilettes et lui couper la langue ? L'idée était plaisante quoique irréalisable sur le moment. Connaissant le caractère geignard du garçon, ils attireraient trop l'attention sur eux. Jilan réfléchit à toute vitesse. Le temps lui était compté avant que l'odeur du sang n'alerta les esprits, si ce n'était pas déjà fait. Déclencher une bagarre générale pour s'occuper discrètement de l'étudiant ? C'était envisageable... Mais le Lightness n'avait pas envie de se retrouver au milieu d'une mêlée de boules de poils... Etouffant un soupir de déception quant à la tournure qu'allait prendre ce début de conversation très prometteur entre eux, le jeune professeur se pencha légèrement par dessus le comptoir en bois pour venir susurrer quelques mots à l'oreille de son interlocuteur malchanceux.
« Tu as envie de mourir c'est ça ? Rassure toi, c'est à mon programme mais je suis accompagné pour le moment, cela m'ennuierait de faire attendre une dame alors que je peux m'occuper de toi quand j'en ai envie... Surveille tes paroles l'humain. » lâcha t-il sur un ton menaçant.
Un sursaut de frayeur parcourut le corps de son interlocuteur alors qu'il voyait se rapprocher le Lightness de lui. Cela amusa ce dernier. En dépit des efforts que mettait en œuvre l'étudiant pour dissimuler sa peur en lui tenant tête, ce qu'il éprouvait à l'encontre de Jilan était parfaitement visible. Nul besoin d'être un vampire ou même un lycan pour sentir les battements de son cœur s'accélérer davantage tandis que la distance entre les deux interlocuteurs s'était considérablement réduite. Et bien quoi ? Il allait enfin se montrer brave et aggraver sa blessure à la main pour se libérer de la prise douloureuse du Lightness dans le seul but de conserver une distance de sécurité entre eux ? Celle-ci existait-elle seulement quand on savait que le jeune professeur pouvait tuer tout aussi facilement à distance que proche de ses cibles ?
« A ce propos, je crois que tu devrais la rencontrer. Elle se ferait une joie de te revoir tu sais ? » ajouta t-il sournoisement avant de reprendre sa place initiale en face de l'albinos.
Ponctuant sa phrase d'un rapide mouvement du poignet visant à enlever le morceau de verre ancré dans la chair du garçon, Jilan n'avait pas pu s'empêcher de jouer à semer le doute dans l'esprit, déjà bien retourné, de son interlocuteur. Savoir qu'un meurtrier se trouvait en compagnie d'une de ses connaissances aurait de quoi le perturber, suffisamment pour qu'il se montre amusant tout au cours de la soirée. Car oui, maintenant que le Lightness savait qu'il bossait ici, il mourrait d'envie de le présenter à Leann pour voir ses réactions. Commettrait-il l'erreur de la prévenir ? Si du moins, le jeune professeur lui en laissait l'occasion. Ce dernier n'avait pas l'intention de perdre la confiance que lui portait la jeune femme, elle pouvait encore lui être utile. Quoique... Maintenant qu'il avait appris -par pur hasard reconnaissons-le- où travaillait l'étudiant, Jilan n'aurait plus besoin d'elle pour retrouver la trace du garçon. Plutôt satisfait de sa révélation, le jeune professeur tourna les talons sans un regard pour l'humain qu'il abandonnait avec sa blessure. La présence de curieux autour d'eux empêchait le Lightness de mener à bien ses retrouvailles mais il allait revenir à la charge, jusqu'à être complètement rassasié du désespoir de sa victime. Bientôt Natsume regretterait qu'il ne l'ait pas tué. Jilan prit la direction opposée des toilettes pour revenir sur ses pas, montant les marches de l'escalier qu'il avait précédemment emprunté deux fois, dans le sens actuel et celui inversé lorsqu'il s'était rendu près du comptoir pour attirer l'attention de l'humain. Il ignorait quelle serait la réaction de l'étudiant. Allait-il paniquer ou chercher à le coincer ? Stupide comme il était, peut-être. Mais il était également lâche et facilement impressionnable. Peu importe, s'il se contentait de rester dans son coin, à se terrer comme une proie sentant l'approche du chasseur, alors le Lightness se chargerait de le faire sortir de son trou une nouvelle fois. Pendant les quelques secondes qu'il mit à rejoindre la jeune femme à leur table, Jilan s'efforça de reprendre l'expression qu'il avait en la laissant seule devant son verre -ce qui ne ressemblait en rien à l'attitude d'un gentleman mais passons- afin qu'elle ne se posa pas de question inutile. Aux oreilles de son interlocutrice, il s'était simplement rendu aux toilettes. Autant se limiter à cette version des faits pour le moment. L'air de rien, il se rassit à sa place, en face de la jeune femme, toujours souriant. Il doutait d'avoir à se justifier pour le temps qu'il avait passé en bas mais peut-être que Leann y accorderait-elle de l'importance ? Après tout, il venait purement et simplement de la planter après seulement quelques minutes passées en sa compagnie alors qu'il l'avait appelée de lui-même pour la revoir. Et plutôt que de profiter de chaque instant en sa présence, il se défilait aussitôt ? Bon d'accord, l'excuse des toilettes restait un argument valable mais s'il voulait la manipuler comme il le désirait, Jilan devait avant tout deviner ce à quoi elle pensait et quelle était sa perception de l'instant présent. Aussi opta t-il pour l'option de la plate excuse.
« Excusez-moi pour l'attente, il semblerait que le barman se soit blessé à la main ou quelque chose du genre, du coup il y avait un peu d'agitation en bas. Rien de dramatique je vous rassure tout de suite. »
Se disant, il s'autorisa une gorgée -bien méritée selon lui- de son propre verre, qu'une des serveuses avait dû apporter entre temps. Il attendit patiemment que son interlocutrice réagisse à son affirmation avant de prendre position. Suivant ce qu'elle aurait à lui dire, il adopterait le bon comportement pour la suite. A force de discuter séparément avec les deux colocataires comme il le faisait, le Lightness avait la délicieuse impression d'être le maître d'une partie d'échecs grandeur nature. Comme s'il jouait les deux camps à la fois pour les mener à leurs propres pertes. Cependant, tandis qu'il réfléchissait déjà à ce que serait son prochain coup, un regard dans la direction de Leann lui fit comprendre que quelque chose s'était passé pendant son absence. Elle s'obstinait à vouloir conserver la même attitude que lorsqu'il l'avait quitté mais ses yeux la trahissait. C'était presque imperceptible mais pour Jilan qui aimait passer beaucoup de temps à observer les autres, il remarquait facilement quand quelque chose changeait, même légèrement, dans le mental des personnes qu'il rencontrait. Dans le cas de la jeune femme, il se moquait bien de savoir ce qu'elle éprouvait mais il mit de côté son agacement grandissant pour jouer les interlocuteurs prévenants.
« Vous avez l'air soucieuse, quelque chose ne va pas ? »
Partagé entre la satisfaction d'avoir agacé l'homme en face de lui et la crainte que celle-ci suscitait dans le même temps, crainte de le voir mettre à exécution les menaces qu'il incarnait par sa seule présence, Natsume eut malgré lui un sursaut quand il vit son interlocuteur se pencher en avant. E avait-il trop dit dans sa tentative pour ne pas paraître impressionné par l'individu en face de lui ? L'avait-il réellement énervé ? Il ne se rappelait que trop bien le sourire cruel étirant les lèvres de l'homme aux cheveux rouges quand il avait froidement abattu le collègue malchanceux de l'étudiant. Ce dernier ignorait tout des capacités de l'assassin -y compris sa race même- peut-être qu'il était parfaitement capable de le tuer sans même que les clients présents autour d'eux ne s'aperçoivent de quelque chose ? Cette idée le fit déglutir avec difficultés. Le garçon avait brièvement observé que de rapides regards leur étaient adressés, sans aucun doute en raison de l'odeur de sang frais qui devait titiller les narines de quelques uns des clients lycans qui se fondaient dans la masse des individus venus ici pour assouvir leur soif d'alcool. Cependant, lequel d'entre eux aurait le courage -ou la volonté- de s'interposer entre les deux interlocuteurs ? Après tout, c'était mal vu que de s'incruster dans une conversation qui ne nous concernait pas et avec les meurtres qui se perpétraient dans les ruelles mal éclairées de la ville une fois la nuit tombée... Peu de personnes osaient encore se mêler des histoires des autres. Des lâches ? Peut-être. Mais ils tenaient simplement à la vie et à celles de leurs proches, quoi de plus normal ? Le garçon ne pouvait pas leur en vouloir. Lui aussi avait quelque fois fermé les yeux sur les problèmes d'autrui et même si aujourd'hui, son regard sur la ville et ses citoyens avait évolué en raison de la malédiction qui pesait sur lui, il ne pouvait pas s'afficher comme étant blanc comme neige. Encore mois quand on savait tout le sang qu'il avait sur les mains... Sentir le souffle de l'homme contre son oreille le fit frémir de dégoût. Si seulement il était moins faible... Il pourrait lui faire payer pour l'acte atroce qu'il avait commis dans cette ruelle. Mais pour l'heure, il pouvait seulement le provoquer oralement, tout en essuyant les blessures que l'autre pouvait lui infliger, en espérant pour que l'envie de tuer ne remplace pas celle de jouer... Comme il s'y attendait, les paroles de son interlocuteur lui firent froid dans le dos à nouveau. Ainsi il projetait de le tuer ? Ce n'était pas une surprise, c'était même la première pensée qui avait traversé l'esprit de l'étudiant pour expliquer la raison de la présence de l'homme au bar. Oh bien sûr, il pouvait tout simplement être venu boire un verre, sans même savoir que Natsume travaillait au sein de l'établissement et il jouait sur la terreur qu'il lui inspirait pour semer la paranoïa dans la tête du garçon. C'est du moins ce que ce dernier songea quand il entendit la suite de ses propos jusqu'à qu'il prétendit être en compagnie d'une personne qu'il connaissait ? Le sang du jeune barman se glaça dans ses veines. Cela ne pouvait pas être vrai ! Il disait cela pour le perturber davantage n'est-ce pas ? Pourtant, le sourire sadique sur les lèvres de l'homme ôtait les espoirs de l'étudiant un à un. Avec qui était-il ? Ses pensées allèrent immédiatement à Saphira mais bien vite, il oublia cette option. Si la darkness ne lui avait pas donné de ses nouvelles après la proximité qu'ils avaient instauré entre eux, il imaginait mal qu'elle puisse passer du temps avec un autre homme dans son propre établissement, alors qu'elle avait disparu depuis plusieurs semaines déjà. Quant bien même, l'une des deux serveuses l'aurait rapidement repéré et aurait averti Natsume. Non, cela ne pouvait pas être elle mais alors... Qui ? Quelqu'un dont il était suffisamment proche et dont son interlocuteur connaissait le visage, ainsi que leur relation. Maria ? C'était l'unique personne que le meurtrier avait surpris en compagnie du garçon. Mais il faisait encore trop jour pour que la vampire se risque à mettre un pied dehors, qui plus est, le jeune barman doutait qu'elle apprécia ne serait-ce qu'un peu l'individu pour passer du temps avec lui. Inconsciemment, le fait qu'il ne puisse pas s'agir de l'une de ces deux femmes, rassura Natsume. Cependant, ses peurs revinrent rapidement au galop tandis que son esprit s'affolait pour tenter de mettre un visage et un nom sur la personne précédemment citée par son interlocuteur, visiblement satisfait de lui-même.
« De...De qui parlez-vous à la fin ? » osa t-il murmurer en fixant prudemment l'homme en face de lui.
Même si ce dernier lui avait répondu quelque chose, n'importe quoi, un unique indice ou une nouvelle pique concernant ses interrogations, l'étudiant ne l'aurait probablement pas entendu. Il aurait certainement vu ses lèvres remuer pour lui annoncer l'identité de son invitée mais l'esprit de Natsume était trop occupé à essayer de deviner la réponse par lui-même, qu'il n'aurait pas prêté attention aux paroles de son interlocuteur. C'est alors qu'il eut une illumination. Celle-ci paralysa son activité cérébrale pendant une fraction de secondes même si cela parut valoir une éternité. Sans même s'en rendre compte, il blêmit encore plus que lorsqu'il avait reconnu l'homme en face de lui. Et si cette personne dont ils parlaient tout les deux, n'était qu'autre que la prétendue lycanne, complice de son interlocuteur ? Si cela se révélé vrai, alors Natsume n'en doutait plus : son sort était scellé sitôt que les derniers clients auraient quitté le bar pour rentrer chez eux. Sans savoir que le jeune barman à qui ils avaient commandé pendant une majeure partie de la journée, n'aurait plus jamais cette chance contrairement à eux. Dans un mouvement de recul incontrôlable, il s'éloigna rapidement de l'homme, trop peut-être car il vint percuter violemment le meuble derrière lui. Une douleur fulgurante lui traversa le bas du dos à la suite de ce brutal contact mais ce ne fut rien comparée à celle qui lui vrilla la main droite quand il empoigna malgré lui les bords du meuble pour s'y appuyer. Il avait complètement oublié ses récentes blessures aux mains, il ne prêtait plus attention à la douleur, ni au sang frais qui se répandait sur le sol, à ses pieds. Le sourire sur les lèvres de l'individu aux cheveux rouges s'élargit encore un peu plus si c'était possible quand il vit le visage du garçon se décomposer tandis que l'idée faisait son chemin dans l'esprit de ce dernier. Les mots n'étaient pas nécessaires pour exprimer ce qui passait par la tête de Natsume à cet instant précis néanmoins, l'envie terrible d'en avoir le cœur net, quitte à provoquer sa propre fin, l'envahit.
« Ce n'est pas possible... Vous voulez dire qu'elle est ici ?... »
Le simple fait de le prononcer à haute voix le fit frissonner. Dire qu'il avait, par un temps, songer à se rendre aux mains des deux complices pour qu'ils se chargent de le tuer, évitant ainsi à la vampire de lui rendre ce funeste service. L'étudiant avait parfaitement conscience qu'une telle décision ne s'effectuerait pas sans douleur ni souffrance. Mais à présent qu'il pensait sincèrement à ses futures retrouvailles avec la lycanne. Contre toute attente, le sujet semblait être clos pour son interlocuteur qui, tourna soudain les talons, sans daigner lui répondre. Il avait probablement atteint son but en faisant paniquer à ce point le garçon. Lui dévoiler la vérité ne l'intéressait certainement pas. Du peu que Natsume savait de lui, il paraissait être quelqu'un qui se plaisait plus à tourmenter, aussi bien physiquement que mentalement ses victimes. Le jeune barman pesta silencieusement quand il le vit s'éloigner pour monter les escaliers et rejoindre le premier étage. En dépit du peu de détermination qu'il avait acquéri au cours de sa nuit passée en compagnie de la vampire, il était toujours aussi faible et influençable. Terriblement influençable. Il avait joué le jeu du meurtrier, en paniquant pour quelques insinuations sadiques de sa part. Le regard rubis suivit la silhouette mais une grimace de dépit étira les lèvres du garçon quand il se rendit compte que de là où il se trouvait, il ne pouvait pas distinguer la personne qui accompagnait l'homme aux cheveux écarlates. Devait-il se rapprocher discrètement d'eux ? Peut-être mais s'il s'agissait réellement de la louve ? Etait-il aussi inconscient pour amener la mort à lui de la sorte ? D'un autre côté, si c'était réellement sa complice qui se trouvait avec lui, rester à son poste jusqu'à la fermeture du Bouken ou bien prendre les jambes à son cou immédiatement après le départ de son interlocuteur, ne changerait pas grand chose, Natsume en avait cruellement conscience. Il sentit son cœur battre la chamade pour reprendre lentement mais sûrement, un rythme normal. Le bruit environnant lui parvint de nouveau et il s'étonna de n'avoir eu d'attention que pour la voix de l'homme pendant un bref moment. Dans le même temps, il prit conscience des regards de plus en plus nombreux qu'on lui adressait, dans le but de lui adresser une autre commande pour la plupart. Le jeune barman savait qu'il ne pourrait pas rester indéfiniment à tenir le meuble derrière lui, pour reprendre le dessus sur les diverses émotions qui l'assaillaient. Alors qu'il se décidait enfin à se motiver pour bouger de nouveau, il sentit la douleur intense dans sa main blessée, ce qui le fit instantanément lâcher prise. Nouveaux regards en biais. L'odeur du sang commençait à réveiller les pulsions de certains clients présents dans l'établissement. Natsume hésita sur la marche à suivre. Il ne pouvait plus servir un seul verre dans cet état. Question d'hygiène autant que de sécurité vis-à-vis des créatures qui se mêlaient à la foule des ivrognes. Cette fois-ci, il n'attendit pas de s'assurer qu'une des serveuses reprendrait le service du bar pendant son absence et il prit aussitôt la direction des toilettes pour la seconde fois dans la journée. Il se fraya tant bien que de mal un chemin en direction de la petite pièce adjacente à la principale où se trouvaient le comptoir et les différentes tables mais il n'eut pas le temps d'attendre la porte qu'on le retint par le bras. Un homme, légèrement plus âgé que celui qui était venu le menacer plus tôt. Il avait la peau étrangement pâle, ce qui ne rassura pas le garçon. Ne faisait-il pas encore suffisamment jour pour dissuader les créatures de la nuit de sortir ? Ou alors certains se montraient plus résistants aux rayons solaires ?
« C'est une bien délicieuse odeur qui s'échappe de toi mon garçon... Et un nectar qui n'égalera jamais aucun des alcools de ce monde... » laissé échapper l'inconnu avec un sourire qui n'annonçait rien de bon.
Sans perdre une seconde, il éleva la main de l'étudiant jusqu'à sa bouche pour y planter deux crocs pointus. Natsume grimaça de douleur en ressentant cette sensation désagréable que lui avait fait connaître Maria quelques mois plus tôt. Il se maudit de n'avoir pas pu anticiper cette semi-agression. Il aurait dû se douter que le sang attirerait les créatures à lui, barman ou non. Et par conséquent, se montrer plus prudent pour ne pas susciter des envies sanguines de la part de ses clients. Le Bouken servait du sang à ceux et celles qui le désiraient, cela n'empêchait pas certains d'apprécier de boire directement à la bouteille...
Le temps que mit Jilan à parcourir la distance qui les séparait lui parut être interminable. La louve avait besoin de quelque chose auquel se rattacher pour faire taire sa bête, alors pourquoi prenait-il tout ce temps à revenir vers elle ? Parce qu’il ignorait tout de ce qui se passait dans l’esprit de la jeune femme ? Probablement. Mais une chose était sûre : elle ne lui en parlerait probablement pas. Pourquoi ? Alors qu’elle savait qu’elle avait besoin de parler de tout ce qui se passait en elle ? Parce qu’il n’était pas lycanthrope et elle n’était pas sûre qu’il puisse comprendre et à plus forte raison l’aider. Evidemment, étant professeur, il devait avoir des conseils déjà tout prêts à sortir à ses élèves, mais Leann n’avait aucune envie de passer pour tel. Tant pis, elle attendrait de croiser un individu de sa race pour le questionner, si toute fois elle en avait le courage. Parce qu’entre ce qu’elle voulait faire et ce dont elle était capable, il y avait encore une petite marge pour certains sujets. Et puis, il fallait également reconnaitre qu’elle n’allait pas lui raconter un truc aussi important après plusieurs mois sans s’être vu, sans même savoir pourquoi il avait attendu pour lui téléphoner et pourquoi il s’était finalement décidé ? Oui, la lycanne se questionnait toujours un peu à ce sujet, même si elle n’avait pas réellement de raisons de douter de la bonne foi de son interlocuteur. Elle le regarda s’assoir et elle eut l’impression qu’il allait faire comme si de rien n’était, comme s’il n’avait pas mit de longues minutes à revenir. Non, elle ne lui reprocherait pas à haute voix cette absence, sinon elle devrait donner la raison de son malaise. Mais elle aimerait quand même qu’il ait l’honnêteté de lui dire la vérité. Et c’est à ce moment qu’il prit la parole, s’excusant immédiatement de l’avoir faite attendre pour ensuite lui donner la raison de cette dernière. Une blessure ? Alors l’odeur de sang qu’elle sentait depuis un moment était due à un simple accident ? C’était rassurant de se dire qu’il n’y avait pas eu d’autre blessés. Mais la suite des paroles du professeur la perturbait un peu. L’agitation ? Alors elle n’était pas la seule à être perturbée par cette odeur ? Est-ce que d’autres clients n’avaient pas réussit à se contrôler et avaient essayé de s’en prendre à l’employé ? Cette idée lui fit froid dans le dos. Elle aussi aurait aimé aller jeter un œil à ce protagoniste mais elle ne l’avait pas fait en sachant qu’elle risquait de perdre totalement le contrôle. Alors pourquoi les autres créatures n’étaient tout simplement pas sorties de l’établissement pour prendre l’air ? Est-ce que c’était parce qu’ils aimaient cette sensation ? Elle secoua légèrement la tête, elle devait arrêter avec toutes ces questions, ça ne lui apportait rien de bon. Elle releva la tête, sans se souvenir de l’avoir baissée en direction de la table pour répondre à Jilan. Elle avait presque un ton détaché de la situation, comme si son excuse était acceptée mais qu’elle aurait pu s’en passer.
« Aucun problème, le temps que vous ne me plantez pas ici sans rien dire. »
Est-ce qu’elle lui faisait ainsi comprendre qu’il pouvait prendre congé d’elle à condition de la prévenir ? Tout à fait. Elle ne le prendrait pas mal, après tout il pouvait très bien y avoir des imprévus à ce qu’il avait imaginé pour la soirée. Elle n’irait donc pas jusqu’à lui jeter la pierre s’il décidait d’écourter leur entrevue. Peut-être qu’elle réfléchirait simplement à deux fois avant d’accepter une autre invitation -s’il y avait- mais ça serait tout. Pas de rancune ni rien. Mais dans le fond, elle espérait que cela ne se passe pas comme ça. A vue de nez, il lui restait encore quelques heures devant elle avant d’aller travailler et elle n’avait aucune envie de les passer seule. Elle était persuadée d’être assaillit par des pensées qu’elle préférait taire pour le moment. A son boulot, la musique l’aiderait à se focaliser sur ses mouvements, mais en dehors... Leann savait qu’elle aurait à faire face à tout ce bazar qui se profilait. Jilan la fit alors sortir de ses pensées en reprenant la parole. C’était ce qu’elle avait voulu, pour se concentrer sur une conversation, qu’elle soit intéressante ou non, mais elle aurait aimé qu’il s’abstienne de cette question. Déjà, parce qu’il lui faisait comprendre qu’elle lui montrait qu’elle était perturbée, ou a moins pas dans son assiette. Ensuite, parce qu’elle avait devant elle deux choix. Soit, elle lui mentait en essayant de trouver une raison bidon à son état. Soit, elle se décidait à lui dire la vérité... Mais elle redoutait de sa réaction à son égard. Elle ne savait même pas s’il était au courant de sa race. Il n’avait aucune raison de l’être, puisqu’elle ne lui avait rien dit à leur première rencontre... Donc elle devrait déjà faire face à sa réaction de découvrir sa véritable identité. Serait-il assez conciliant pour ne pas la rejeter ? Leann senti alors ses mains se mettre à trembler et elle les plaqua aussitôt sur ses jambes, sous la table à l’abri du regard de Jilan. Elle devait faire ou dire quelque chose, pour ne pas aggraver la situation. Sa situation... Mais si seulement cette foutu odeur d’hémoglobine arrêtait de venir lui chatouiller les narines ! Elle irait beaucoup mieux et ne serait pas perdue à ce point. Elle reporta son regard sur son interlocuteur et lui sourit faiblement. Tout en se levant, elle semblait être désolée -chose qu’elle était réellement- et s’excusa.
« Je... Suis désolée... J’ai besoin de me rafraichir un peu... Je reviens rapidement... »
Aussitôt ses paroles prononcées, Leann tourna les talons et prit la direction de l’escalier. Elle voulait se rendre aux toilettes pour se passer de l’eau sur le visage et s’il y avait trop de monde, elle sortirait simplement de l’établissement pour prendre simplement l’air. Peut-être qu’un air frais et non chargé d’odeur de sang serait tout aussi bénéfique que s’asperger d’eau ? Elle descendit les escaliers et repéra aussitôt la porte vers laquelle elle devait se diriger, mais un couple semblait bloquer le passage. Au fur et à mesure qu’elle descendait les marches, l’odeur de sang se faisait sentir. Maudit soit ce barman qui s’était blessé. A une fois arrivée au rez-de-chaussée, elle se dirigea vers la porte et vers les deux hommes. Son esprit ne reconnut pas immédiatement le plus jeune des deux hommes, à croire qu’une fois qu’on a une envie de sang et de chair, le cerveau fonctionne au ralenti. Elle se stoppa alors à hauteur du duo pour dévisager... Son colocataire ! Elle ne comprit pas non plus immédiatement ce qu’il faisait là, elle due attendre quelques instants de plus avant de se souvenir qu’il leur avait dit avoir trouvé un nouveau job dans le bar de la ville. Bien sur ! Elle était complètement paumée. Une voix alors inconnue pour la louve la fit sortir de ses pensées et tourner la tête vers le protagoniste. Sa bouche était étrangement rouge et proche de la main de Natsume. Cette fois, la lumière se fit plus rapidement et elle fronça les sourcils.
« Un problème jeune demoiselle ? Vous souhaitez également avoir votre lot de chair peut-être ? »
Evidemment, crocs pointus et peau pâle, il ne fallait pas chercher très loin : un vampire. Donc c’était normal qu’il puisse reconnaitre son odeur et qu’il joue là dessus. Pensait-il vraiment qu’elle était venue pour cette raison ? Est-ce que ses yeux reflétaient réellement son envie ? Elle espérait que non. Non pas parce qu’elle se préoccupait de ce que pouvait penser un inconnu, mais il y avait son colocataire devant elle. La louve ne leur avait jamais posé de problème dû à sa race, se contrôlant toujours en leur présence et elle doutait leur avoir déjà montré une envie de chasse... Et elle voulait que ça reste comme ça. Mais est-ce que sa faim se voyait sur son visage ? Inspirant profondément, elle finit par attraper la main de l’inconnu, celle qui tenait Natsume. En se concentrant sur l’expression qu’affichait ce dernier, elle pouvait dire qu’il avait peur, son odeur même ne laissait aucun doute là dessus. Leann lui aurait bien fait remarquer qu’avoir peur ne faisait qu’attirer davantage les prédateurs, mais elle supposait que ce n’était pas le bon moment pour dire cela. La jeune femme serra le poignet du vampire, sachant que même si elle ne savait pas se battre, sa force restait toujours celle d’un lycanthrope. Elle n’avait encore jamais fait ça, s’interposer face à n’importe qui. Mais elle s’était promit de ne plus rester passive, c’était pour Danaliel au départ... Mais si Natsume avait également besoin, elle ne resterait pas les bras ballants à regarder la scène. Quitte à ce qu’elle prenne sa place face au vampire, ça, c’était parfaitement faisable. Surtout qu’elle était plus résistante que son colocataire et qu’elle ne craignait pas les coups. Elle ne su pas si sa détermination à aider le barman se lit dans ses yeux, elle n’avait aucune idée de ce qu’elle renvoyait comme image mais le vampire finit par lâcher le bras de l’employé après avoir jeté un coup d’œil aux alentours. Que ce soit grâce à elle ou aux regards que les autres clients pouvaient leur lancer, elle s’en fichait, le principal, c’était que le vampire tournait les talons et laissait ainsi le jeune albinos tranquille. Sans un regard pour ce dernier, Leann se dirigea vers la porte des toilettes. Elle avait toujours besoin de se passer de l’eau sur la figure et encore plus maintenant après ce qui venait de se passer. Elle devait faire partir cette image d’elle en train de sauter sur ce vampire et lui arracher la gorge pour qu’il lâche son colocataire. Mais aussi, parce qu’elle s’était retrouvée à côté de Natsume, qui avait la main en sang et qu’elle aurait bien nettoyé à coup de langue. Le plus troublant dans tout cela, ce n’était pas les images en elles-mêmes mais l’excitation qu’elle ressentait en les voyants. Elle avait besoin d’aide, savoir si tout cela était normal et surtout s’il y avait quelque chose à faire pour les faire taire. Elle se passa de l’eau sur le visage et se regarda ensuite dans la glace suspendu au dessus du lavabo et elle fit un bon en voyant ses yeux. Ils avaient prit une couleur plus vive et plus proche de celle de sa bête et elle ne s’en était même pas aperçu. Que devait-elle faire ? Retourner vers Jilan pour simplement lui présenter de nouvelles excuses et l’abandonner ? C’était une option mais... Elle devait d’abord se calmer et faire disparaitre cette couleur de ses iris.
Vu la manière dont avait réagi son interlocutrice, Jilan sut, avant même qu'elle ne s'excusa pour se rendre aux toilettes, qu'il avait vu juste. Ce n'était pas difficile en soi de voir que quelque chose semblait perturber la jeune femme. Etait-il possible qu'elle soit inquiétée de ne pas le voir revenir vers leur table, pensant peut-être que son invité avait préféré voir ailleurs ? Et qu'à présent, elle se sentait mal d'avoir imaginé ce scénario grotesque ? Cette idée fit grimacer légèrement le Lightness, quoique, cela ressemblait plutôt bien au portrait mental qu'il avait dressé de Leann. Ne soignait-il pas assez son comportement envers elle pour qu'elle s'imagina des choses pareilles ? S'en était presque désespérant. Mais alors qu'il l'observait toujours du coin de l'oeil, guettant aussi bien une réponse de sa part qu'un autre signe révélant son état psychologique, tout en ruminant silencieusement en constatant la tournure des événements, il lui vint soudain une autre idée. L'avait-on importuné pendant son absence ? C'était une hypothèse comme une autre et bien que le Lightness ne se voyait pas assez chevaleresque pour retrouver l'individu en question et lui faire ravaler ses mots, il doutait en plus que Leann lui en parla d'elle-même, tout simplement. Trop timide et réservée pour cela. Alors même que son état troublé se reflétait sur les traits de son visage et de ses yeux ? Ses yeux ? Le jeune professeur cligna des yeux et se recula légèrement malgré lui alors qu'il avait repris la position qu'il avait avant son départ, c'est à dire, le menton soutenu au creux de la paume d'une de ses mains, tandis que le bras concerné reposait sur le coude sur la table en bois. Il ne se contenta plus d'observer mais de dévisager la personne en face de lui, laquelle s'évertuait à éviter son regard, dirigeant ce dernier vers ses mains, posées à plat sur ses genoux. Pour le coup, Jilan ne prit même pas la peine de noter qu'elle tentait de lui cacher ses mains, qu'elle avait laissées sur la table lors de son retour. Non, autre chose attirait son attention : les iris de son interlocutrice. Lorsqu'il l'avait rencontré devant les portes du Bouken, il aurait juré les avoir vus miroiter dans l'étrange nuance qu'était leur teinte absinthe initiale. Il ne pouvait prétendre se souvenir de leur couleur exacte lors de leur première rencontre -plusieurs mois s'étaient écoulées depuis, il en avait vu passer des paires d'yeux- et même si l'ambiance de l'établissement pouvait, en partie, modifier la couleur des iris d'une personne, en fonction des jeux de lumières, ce n'était pas le cas ici. Le regard de Leann avait véritablement changé de couleur, arborant une teinte plus proche de l'or que la précédente décrite plus haut. Stupéfait, le jeune professeur en oublia même la raison du silence de son interlocutrice. Dire qu'il venait de lui poser une question directe, qui la mettait encore plus mal à l'aise qu'avant son retour, lui passait désormais au-dessus de la tête. Pour un peu, il se moquait même de ce qui pouvait la mettre dans un état pareil. Seul cet étrange phénomène l'intriguait. Etait-ce une capacité propre qu'elle possédait ? Une sorte de représentation physique de l'empathie, dans le sens où celle-ci se refléterait directement dans la couleur des yeux de Leann ? Ou alors elle était capable de changer d'apparence ? Bon ok, il allait chercher un peu loin, étant donné qu'on ne parlait que d'un changement de couleur des iris de la jeune femme pour le moment mais il fallait un début à tout non ? L'évolution de son état psychologique lui faisait peut-être baisser son attention sur son pouvoir ? Au risque de commettre des erreurs ? Mais l'hypothèse qui restait encore la plus probable restait celle qui plaçait Leann comme une créature autre qu'humaine. Cette idée laissait le Lightness songeur. Il méprisait les humains parce qu'ils étaient faibles, bornés et corrompus. Mais cette petite en face de lui, sous ses airs de femme discrète et soumise, savait faire preuve d'un certain caractère quand la situation l'exigeait. Est-ce que Jilan l'appréciait ? C'était un excessif, disons qu'elle ne lui déplaisait pas pour une prétendue humaine. Comment son regard allait évoluer sur elle quand il apprendrait la vérité ? Si toutefois, elle se risquait à la lui dévoiler. Connaissant le caractère introverti de la jeune femme, il allait probablement devoir lui forcer la main. Et si elle se refermait sur elle-même comme une huître ? Peut-être que la méthode forte lui délierait la langue dans ce cas...
Réfléchissant toujours à ce qu'il pourrait lui dire -ou non justement- Jilan dévisageait son invitée. Il prenait soin de ne rien laisser passer sur son visage, qui pourrait trahir la moindre de ses pensées mais le risque était de toutes façons écarté d'office : Leann s'obstinait à ne pas croiser son regard. Le jeune professeur se demanda soudain si elle n'attendait pas qu'il reprenne la parole ? Comme pour l'aider à se lancer dans une vérité qui serait peut-être difficile à encaisser de l'avis de l'intéressée ? A cette idée, le Lightness se retint de rire. Qu'importe ce qu'elle avait à lui dire, elle pourrait difficilement faire pire que lui, si jamais il venait à lui avouer qu'il en réalité mort, plus de 300 ans auparavant. Converser avec un mort n'était pas quelque chose d'habituel pour le commun des mortels. Comment son interlocutrice pourrait-elle réagir en apprenant qu'elle avait affaire à un lightness -et un meurtrier de surcroit- ? Pas plus mal que lui si jamais elle venait à parler d'elle. Mais contre toute attente, la jeune femme opta pour la fuite, du moins, temporairement et prétexta avoir besoin de se rafraîchir. Ce à quoi Jilan ne vit pas d'argument à lui opposer. La retenir ? Cela n'aurait servi à rien et il aurait été déplacé de sa part de le faire, comme Leann ne l'avait pas fait quand il avait du s'éclipser, à peine installés à leur table. Il nota cependant que la jeune femme se garda bien de préciser ce qu'elle comptait rafraîchir justement. Son visage ou son esprit ? Bien décidé à prendre son mal en patience, le Lightness la regarda donc s'éloigner rapidement vers le rez-de-chaussé. De là où il se trouvait, il apercevait légèrement la porte des toilettes, ce qui lui permettrait de suivre la progression de son invitée. Se faisant, il porta nonchalamment son verre à ses lèvres, pensif. Ses pensées s'orientèrent tour à tour vers la découverte du changement de couleur des iris de Leann pour revenir au jeune barman rencontré par hasard. En songeant à ce dernier... Devait-il mettre ce temps libre à profit pour le retrouver et régler quelques comptes, à l'abri des regards ? Non, mauvaise -bien que tentante- idée. A part les toilettes, il ne voyait pas d'autres lieux pour discuter tranquillement en tête à tête et traîner le garçon dehors alors qu'il n'avait pas fini son service, ne ferait qu'attirer l'attention de ses collègues féminines. Qui plus est, ils finiraient malencontreusement par croiser la jeune femme, ce qui risquait de rapidement compliquer les choses. Non pas que Jilan ne projetait pas de les faire se rencontrer, histoire d'alimenter les peurs de l'étudiant tout en s'amusant intérieurement de la tournure de la situation. Mais il devait s'assurer d'être présent tout au long de la conversation, ne jamais laisser les deux colocataires seuls. Sinon, les dires de l'albinos allaient très certainement ruiner ses rapports avec Leann, ce qui n'était pas prévu au programme du Lightness. Il savait qu'il pourrait encore tirer profit de son invitée, pourquoi s'en priver ? Si elle apprenait la vérité trop rapidement, il se verrait contraint de la faire taire. Et il y avait tellement d'autres moyens d'acheter le silence d'une personne, qu'il serait dommage d'en arriver là avec cette charmante petite.
Le liquide ambré filait rapidement entre ses lèvres entre-ouvertes, descendant le long de sa gorge, réchauffant cette dernière au passage, alors que le jeune professeur s'autorisait de nouvelles gorgées. Sachant qu'il serait impoli de sa part de finir entièrement son verre avant le retour de Leann, il se força donc à reposer son verre, non sans jeter de fréquents regards à ce dernier, en faisant se heurter les glaçons restants entre eux. Puisqu'il se retrouvait dans cette situation, précédemment occupée par son interlocutrice, le Lightness se rendait compte à quel point il était agaçant d'attendre le retour de la personne avait laquelle on avait décidé de passer la soirée -et peut-être la nuit-. Sauf que se plaindre à qui voudrait bien l'écouter ou faire pleuvoir les reproches sur la jeune femme à son retour n'aiderait personne, lui encore moins, aussi prit-il son mal en patience. Il pouvait tout aussi bien rappeler une serveuse et engager une conversation bien orientée dirons-nous quand son regard hétérochrome fut attiré par autre chose en bas. La tignasse blanche du garçon était visible près de la porte des toilettes mais il n'était pas seul. Un homme que Jilan ne connaissait pas, semblait être intéressé par le flot rougeâtre qui s'échappait de la blessure de l'albinos. Un vampire ? Ou peut-être l'une de ses créatures encore moins connues que les darkness et lighness, ceux qu'on appelait -à juste titre- les oubliés ? Ces enfants maudits issus d'une union entre un lycan et un vampire, deux races pourtant farouchement opposées l'une contre l'autre ? La curiosité du Lightness fut de nouveau stimulée et il prêta une attention particulière concernant l'étrange face-à-face qui se déroulait en bas. Il faisait encore un peu trop jour à son goût pour que les créatures de la nuit ne se décident à investir les rues de l'Avventura mais l'idée qu'un oublié puisse se trouver parmi eux. Le jeune professeur était presque tenté de quitter de nouveau sa table, pour se rendre à leur rencontre quand une autre silhouette vint apparaître dans son champs de vision. Leann ? Elle allait forcément reconnaître son colocataire ! Le Lightness se mordit la lèvre. Il avait eu raison de ne pas évoquer son nom devant le jeune barman, sinon... Il observa, intrigué, l'intervention de la jeune femme, pourtant si calme d'habitude. Etait-ce parce qu'une de ses connaissances était impliquée ? Jilan se promit de lui poser la question si l'occasion se présentait à lui, rien que pour voir son interlocutrice se recroqueviller à cette révélation qui laissait entendre qu'elle se fichait du reste du monde. Cependant, sa position ne lui permettait uniquement de voir ce qui se passait, non d'apercevoir les expressions des différents concernés ou même d'entendre leurs paroles. Peu après l'arrivée de Leann, l'inconnu sembla opter pour la retraite. Parce qu'il avait du monde autour d'eux ou bien... Un sourire cruel flotta sur les lèvres du Lightness. Peut-être que son invitée lui avait caché plus de choses qu'elle ne voulait le faire croire à première vue. Son appréhension revint toutefois au galop quand il vit l'étudiant passer lui aussi la porte des toilettes, à la suite de la jeune femme. Tellement qu'il prit une nouvelle gorgée de son whisky, pour éviter que son esprit ne s'affole. Tout allait bien. L'humain ignorait l'identité de la personne qui l'accompagnait, au contraire, il devait probablement penser qu'il s'agissait de Kyarra, non de sa colocataire.
« Profites bien pendant que tu le peux encore... humain. » murmura t-il pour lui-même.
Finalement, il se résolut à finir son verre pour de bon et n'hésita pas un instant pour en recommander un autre auprès de l'une des deux serveuses. Etait-ce réellement parce que le whisky lui faisait défaut ou parce qu'il avait besoin d'un peu de compagnie pour tuer le temps avant le retour de la jeune femme ? Qui sait... ?
La situation lui échappait de plus en plus. Les mouvements du vampire étaient parfaitement contrôlés -quoi de plus surprenant de la part d'une telle créature ?- si bien qu'ils n'attiraient peu -voir pas du tout- l'attention sur eux, au grand damn de Natsume. L'inconnu ne lui prélevait pas de grandes gorgées, heureusement pour lui sinon il se serait probablement déjà écroulé par terre mais il persistait à maintenir sa prise, empêchant le jeune barman de libérer sa main. Avait-il envie de jouer avec lui ? Ou bien était-il décidé à ne pas le tuer -compte tenu du nombre d'individus présents autour d'eux, c'était plus que raisonnable comme choix- mais simplement boire tout le sang qu'il pouvait lui prendre, tant que la vie du garçon n'était pas en danger ? Ce dernier eut beau s'agacer de cette situation et tenter de libérer sa main, c'était peine perdue, l'autre avait la force nécessaire pour le garder auprès de lui, sans même forcer. L'idée qu'être dans un lieu public pourrait lui éviter des ennuis se dissipa soudain brutalement dans l'esprit de Natsume. L'homme en face de lui était parfaitement en mesure de le tuer discrètement s'il le souhaitait. Crier et appeler à l'aide ? Il ne voyait que cette solution mais un regard en coin de la part du vampire l'en dissuada. Question d'égo peut-être et aussi que l'étrange lueur dans les iris sanglants semblait envelopper son corps entier, paralysant ses membres un à un. De l'hypnose ? Ou peut-être l'attraction naturelle dont faisaient preuves les créatures de la nuit afin d'attirer leurs proies à elles. Le jeune barman pesta en silence. Cela se lut dans ses yeux, ce qui parut amuser son interlocuteur. Trop occupé à chercher un moyen de rompre cet sorte d'enchantement dont il était victime, l'étudiant ne se préoccupa plus du tout de ce qu'il pouvait se passer autour de lui. Il ne fit pas même attention à la silhouette qui entra brièvement dans son champs de vision pour venir à sa hauteur. Une personne de plus désirant se rendre aux toilettes certainement. Mais quand cette dernière s'arrêta à leur niveau pour attraper le bras du vampire et ôter sa bouche de la main du garçon, ce dernier s'autorisa un regard dans la direction de son sauveur... Et son cœur manqua un battement. Leann ? Non pas qu'il soit surpris de la découvrir dans un lieu comme celui-ci, à vrai dire, c'était typiquement le genre d'établissement que devait fréquenter Danaliel. Et si la jeune femme était toujours avec lui, elle devait certainement l'accompagner. Ce qui prit davantage au dépourvu Natsume, c'était qu'il n'ait pas reconnu sa colocataire. Il la voyait presque tous les jours... Mais aussi le fait qu'elle s'interposa entre lui et l'inconnu. Depuis quand Leann était capable de ce genre de chose ? Qu'elle les interpella timidement pour demander des explications ou prier l'homme de lâcher son colocataire, le jeune barman pouvait l'imaginer mais qu'elle agisse directement le surprenait. Il voulut la remercier pour son intervention mais quand le vampire prit la parole, un frisson lui parcourut le dos involontairement. De quoi parlait-il ? Lorsque les trois colocataires avaient du faire connaissance, faute de s'attendre à vivre sous le même toit, la jeune femme lui avait avoué qu'elle n'était pas humaine, mais une représentante des lycans. Mikû et lui-même l'avaient totalement accepté, n'ayant rien à reprocher à ceux de cette race et tout s'était bien déroulé entre eux. Comme Leann leur avait dit, elle n'avait jamais montré aucune envie de chasse ou de violence à leur égard, si bien qu'elle ressemblait plus à une humaine qu'à une louve. Non pas que cela soit rabaissant pour elle, au contraire. Alors pourquoi cet homme s'adressait-il à elle de la sorte ? Il avait certainement dû sentir que la gêneuse n'était pas humaine et il jouait là-dessus. Comment Leann allait-elle réagir ? Natsume craignait qu'elle soit blessée par cette remarque, elle qui était aussi gentille qu'un agneau... Il l'avait sous estimée car l'inconnu fut celui qui parut regretter ses paroles. Après un dernier regard dans la direction du garçon, il tourna les talons aussi rapidement qu'il était apparu pour s'en prendre à sa main blessée. Un soupir de soulagement franchit les lèvres de l'étudiant et il voulut se tourner vers la jeune femme pour la remercier comme il le devait sauf qu'elle ne lui en laissa pas le temps, prenant aussitôt la direction des toilettes. Natsume fronça les sourcils. Quelle mouche l'avait piquée ? Etait-ce au sujet des propos que le vampire avait prononcés ? Plus inquiet pour elle qu'au sujet de sa blessure, le jeune barman prit une profonde inspiration et pénétra à sa suite dans les toilettes.
Ces dernières étaient aménagées de telle sorte que l'espace comportant les lavabos, tous reliés les uns aux autres sur tout le mur, restait commun pour les deux sexes. Une fois à l'intérieur, il ne nous restait plus qu'à choisir quelle cabine utiliser pour... Enfin, vous aurez compris quoi ! Rapidement, le garçon retrouva la jeune femme, occupée à se passer de l'eau sur le visage, en face de l'un des lavabos. Il ouvrit la bouche avant de la refermer, faute de savoir quoi lui dire. Peut-être aurait-il dû réfléchir à deux fois avant de pénétrer dans les toilettes. Ou carrément ignorer sa colocataire pour s'occuper de sa main. Oui sauf qu'il ne pouvait pas agir de la sorte envers elle, pas après ce qui venait de se passer et tout simplement parce qu'il la connaissait. Leann le prendrait certainement mal s'il faisait semblant de ne pas la voir à ses côtés, sans lui adresser la moindre parole. Quel naïf il faisait ! Il n'avait pas compris que sa seule présence dérangeait encore plus la jeune femme que son silence. Natsume se risqua enfin à prononcer doucement le prénom de son interlocutrice, afin d'attirer son attention pour débuter une conversation qui promettait d'être tendue entre eux quand il oublia net ce qu'il avait l'intention de lui dire, à savoir des remerciements pour son intervention salvatrice. Lorsque leurs regards se croisèrent, l'étudiant eut un mouvement de recul incontrôlé, qui lui fit percuter le mur derrière lui. Mais passée la sensation de douleur se répandant dans son dos, la stupeur mêlée à un début de peur se lisait sur les visages du jeune barman. Quelque chose avait changé chez sa colocataire, une aura effrayante émanait d'elle mais le pire restait ses yeux. Ils avaient viré vers le jaune, délaissant la teinte verte avec laquelle il partageait auparavant les iris de la jeune femme. Une sorte de sauvagerie affamée brillait au fond des yeux de Leann. Un sentiment que l'étudiant n'avait encore jamais vu chez elle. Il regrettait presque de l'avoir suivie dans cette petite pièce déserte. Que se passait-il au juste ? Pourquoi en arriver à craindre cette douce et souriante colocataire ? Etait-il possible que sa bête, sa bête noire, fasse son apparition ? Alors qu'elle leur avait dissimulé sa présence depuis tout ce temps ? Non, il ne pouvait pas croire que Leann puisse posséder un double aussi monstrueux mais... N'était-ce pas le fardeau de tous les lycans ? Apprendre à cohabiter avec leur partie lupine, sans que cette dernière ne prenne le dessus sur eux ? Et lorsque cela arrivait malgré tout... Gare aux malheureux qui se trouveraient sur leur chemin ! Oui sauf que le malheureux en question n'était qu'autre que Natsume cette fois.
« Leann qu'est-ce que... Est-ce que ça va ? » poursuivit-il prudemment.
Dans un autre cas de figure, il se serait probablement rapproché d'elle mais ce qui émanait de la jeune femme l'en dissuadait. Le silence se fit ensuite entre les deux interlocuteurs. Le silence ? Pas tout à fait. Le bruit que faisait le sang du jeune barman en venant s'écraser sur le sol, brisait celui-ci. Le son était amplifié par l'absence de bruits alentours, ou alors c'était simplement les oreilles de l'étudiant qui se montraient plus réceptives au moindre son, à présent que le danger était proche, trop proche même. La réaction de sa colocataire fut brutale. Sans même lui répondre quoique ce soit, elle se rua sur lui, le bloquant contre le mur en pressant son avant bras gauche contre le torse du garçon, tandis qu'elle se saisissait du poignet droit de ce dernier pour amener sa main rouge d'hémoglobine à la hauteur du visage de Natsume. La lueur qu'il avait aperçue plus tôt dans les iris dorés, se fit plus insistante dans le regard de la louve. Son comportement n'inquiétait pas encore le jeune barman mais lorsqu'elle passa sa langue sur sa blessure, semblant se délecter du sang frais, la crainte qu'il soit la raison de cette attitude fit suffoquer l'étudiant. Il grimaça en la sentant faire, ce contact râpeux contre sa chair à vif le chatouillait presque. Il tenta de refermer le poing, quitte à se faire mal en plongeant ses ongles dans la plaie mais son interlocutrice lui mordit les doigts en signe d'avertissement. Elle ne voulait pas qu'il se débatte et qu'il la laisse tranquillement profiter de ce flux d'hémoglobine gratuit. L'esprit de Natsume en vint à comparer brièvement Leann et l'inconnu qui l'avait accosté plus tôt. Il dut se faire violence pour rejeter cette comparaison. Non, sa colocataire n'était pas comme lui, elle n'était pas avide de sang, elle... Elle était simplement en train de nettoyer sa plaie à grands coups de langue, ne faisant qu'attiser sa faim de secondes en secondes. Tout ceci parce qu'il avait été assez stupide pour la tenter en la suivant, sans même s'occuper de sa blessure avant tout. Le garçon tenta bien de la raisonner en prenant la parole, doucement pour ne pas que la jeune femme ne sentit agressée et donc apte à réagir encore plus violemment. Il n'eut pour toute réponse, qu'un grondement sourd qui monta de la gorge de la louve. La panique commença sournoisement à l'envahir. Que pouvait-il faire ? Se débattre ? Ce serait provoquer la bête enfouie en Leann. Mais... Est-ce que cette dernière était toujours en face de lui à cet instant ? Rien ne le lui garantissait... En désespoir de cause, Natsume éleva doucement son bras libre, sans mouvement brusque pour ne pas attirer l'attention de la jeune femme, toujours occupée par sa main blessée. Le garçon crut même sentir les crocs de cette dernière s'enfoncer à plusieurs reprises dans sa chair à vif, ce qui le pressa à intervenir. Lentement, pendant un temps qui sembla durer une éternité, il réussit enfin à atteindre le distributeur à savon mousseux. Retenant presque sa respiration en mettant son plan à exécution -comme si le moindre de ses battements de cœur pouvait alerter son interlocutrice-, l'étudiant récupéra plusieurs doses du savon avant d'envoyer sa main savonneuse dans la figure de la louve, direction les yeux et le nez, désignés comme les zones sensibles chez cet animal. Il marmonna de rapides excuses en effectuant son geste puis profita de la surprise de la jeune femme pour la repousser tout en la guidant vers les lavabos pour qu'elle puisse se rincer abondamment le visage. Lui, de son côté, s'assura d'abord qu'elle y parvienne avant de ne pas perdre une minute et passer sa propre main sous l'eau, pour arrêter le saignement. Bien entendu, il n'y réussit pas totalement aussi tira t-il à lui quelques centimètres de serviettes en papier pour enrouler son membre dedans. Celles-ci rougir instantanément mais c'était toujours mieux que de promener avec une main pissant le sang, ce qui attirait les prédateurs. Natsume n'osa rien dire ou faire pendant de longues minutes, préférant attendre que Leann se remette de ce geste, qu'elle s'emporte même après lui si elle le souhaitait. Avant de la découvrir dans cet état proche de sa bête, jamais l'étudiant n'aurait pensé qu'elle soit capable de s'énerver après quelqu'un mais cette journée semblait accumuler son lot de mauvaises surprises. C'est pourquoi le garçon se tenait sur ses gardes cette fois. Il était prêt à repousser une nouvelle fois sa colocataire, doutant qu'elle apprécia de se montrer sous ce jour avec lui mais il était aussi déterminée à la réconforter si jamais elle en témoignait le besoin. Il comprenait mieux que quiconque que parfois, on avait simplement besoin d'être rassuré lorsqu'on n'agissait pas comme on le souhaitait avec autrui...
« Pardon d'avoir agi de la sorte avec toi mais tu ne semblais plus être toi-même... Comment tu te sens ? » osa t-il demander après plusieurs longues minutes de silence. Une pause se fit avant qu'il tenta de poursuivre, maladroitement.
« Je te remercie d'être intervenue tout à l'heure, sans toi, je ne sais pas ce qui serait arrivé... »
Pendant tout ce temps, seul le bruit de l'eau s'écoulant dans le lavabo s'était fait entendre entre les deux interlocuteurs. Ce silence imposé avait quelque chose de pesant compte tenu de ce qui venait de se passer et que des explications se devaient d'être faites. Natsume cherchait, en vain, le regard de la jeune femme. Les iris couleur rubis renvoyaient toute l'inquiétude et l'affection qu'il pouvait porter à sa colocataire, en plus de la gratitude évidente qu'il ressentait à son égard pour s'être porté à son secours, sans peut-être l'avoir cherché au départ. Tant pis si la louve lui reprochait son -ou ses- action, il encaisserait sa colère. Il savait au fond de lui qu'il n'avait pas trop eu le choix, s'il avait trop attendu, qui sait ce qui se serait passé ensuite ? Qu'aurait-il pu faire si Leann avait laissé sa bête sortir entièrement ? Il en était de sa propre sécurité, ainsi que celles des clients se trouvant de l'autre côté de la porte. Il espérait seulement que la jeune femme en face de lui en aurait elle aussi conscience...
La première pensée que la louve eut en sentant la porte s’ouvrir derrière elle et amener de nouveau cette odeur de sang vers elle, fut de maudire son colocataire. Pourquoi l’avait-il suivit ? Peut-être parce qu’il était blessé et qu’il voulait passer sa plaie sous l’eau avant de s’occuper à la soigner ? Certainement, mais Leann ne le voyait pas sous cet angle. Pour elle, il ne faisait que venir jouer avec elle et la perturber davantage. Non, ça n’était pas le genre de Natsume d’agir de la sorte. Peut-être qu’il était venu à sa rencontre parce qu’elle ne lui avait adressé aucun mot, ni bonsoir alors qu’elle était intervenue en sa faveur ? Bien que gentil, elle se serait passé de ce genre de réaction. Elle ne voulait pas qu’il la voit dans cet état. A vrai dire, elle ne voulait que personne ne la voit comme ça et encore moins maintenant qu’elle avait vu ses yeux dans le miroir. Lorsqu’elle senti l’odeur devenir plus forte, dans ce lieu fermé l’odeur s’était vite propagée, elle se remit de l’eau sur la figure. Elle ne voyait pas quoi faire d’autre pour se calmer. Non, calmer sa bête. Pourquoi devenait-elle ainsi ? Pourquoi maintenant alors qu’elle était en compagnie de son colocataire et ami ?! Est-ce qu’elle en faisait exprès pour qu’elle se retrouve seule si jamais elle dérapait ? Non, elle ne pouvait pas penser de la sorte. La seule chose que voulait sa bête était de goûter à ce fluide qui était en train de se répandre sur le sol. Quel gâchis ! Alors qu’un simple coup de langue pouvait rapidement récupérer ce sang. Leann secoua vivement la tête, non, elle n’allait pas faire ça à Natsume. Il fallait juste qu’elle se concentre sur autre chose que sur son colocataire et cette merveilleuse odeur qu’il dégageait et cela devrait aller. Mais comme pour rendre les choses plus difficiles qu’elles ne l’étaient déjà, voila que l’étudiant se mettait à prononcer son prénom. Certes, il ne l’avait qu’appeler du bout des lèvres mais ce simple mot avait reporté toute son attention sur lui. Alors qu’elle tournait la tête de son côté pour lui signifier qu’elle l’avait entendu, leur regard se croisèrent et la louve émit un étrange sourire face à la réaction de son colocataire. Ainsi donc, il avait peur d’elle rien qu’en apercevant ses yeux ? Hum... Intéressant. La lycanne huma l’air et se rendit vite compte que la peur revenait à la charge du côté de son ami. Cette odeur attira que davantage sa bête à la surface. C’était comme si Natsume était en train de l’appeler à lui. Pourquoi ne se contrôlait-il pas ? Pourquoi semblait-il si effrayé alors qu’il devait avoir conscience qu’elle n’avait jamais été un danger pour lui ? Non, ce n’était en rien sa faute. La seule fautive là dedans c’était entièrement elle. Si elle avait un meilleur contrôle sur sa bête, jamais ses yeux auraient changé de couleur et elle n’aurait pas eu besoin de s’éloigner de lui pour tenter de se calmer. Oui, elle était simplement faible. Mais n’était-ce pas pour cette raison qu’elle avait décidé de changer ? Mais et si la seule chose qui changeait en elle, c’était la puissance de sa bête à s’imposer à elle ? Comme pour la faire sortir de nouveau de ses pensées, -elle allait commencer à croire qu’il en faisait exprès- voila qu’il reprenait la parole. Et pourquoi ? Pour savoir comment elle allait ! Cela ne se voyait-il pas sur son visage ?! Pensait-il vraiment qu’elle allait bien à cet instant ?! Leann dégluti difficilement, pourquoi ce mettait-elle ainsi en colère envers Natsume alors qu’il ne lui voulait aucun mal et que... A cet instant, la louve perdit le contrôle de son corps et elle ne pu qu’assister -impuissante- à la scène qui suivit. Elle se vit plaquer son colocataire contre le mur qui se trouvait derrière lui et se saisir de cette main si longtemps désirée. La jeune femme se hurlait à elle-même d’arrêter tout cela, mais sa bête et une partie d’elle se délectait de ce qui était en train de se passer. Ce doux affolement qu’elle pouvait lire dans les yeux rougeâtres de son interlocuteur l’excitait davantage et elle ne mit pas longtemps avant de passer -enfin- sa langue sur cette plaie. Leann fut parcourut d’un frisson le long de la colonne vertébrale lorsque le sang se déposa sur sa langue. Quand elle le vit commencer à refermer sa main, sa seule réaction fut de lui mordre -pas très violement- ses doigts pour lui faire comprendre qu’elle ne souhaitait pas qu’il l’empêcher d’agir. Même si une partie d’elle aurait aimé qu’il se batte, pour qu’elle puisse se montrer davantage violente. A chaque nouveaux coups de langue de la jeune femme, sa gorge se serrait et elle ne pu s’empêcher de laisser ses dents se planter dans la chair de Natsume à plusieurs reprises... Il lui serait tellement facile de lui arracher un morceau de peau en même temps que du sang. Il prit une nouvelle fois la parole mais cette fois-ci, ses mots ne parvinrent pas à former des phrases compréhensible pour l’esprit de Leann, aussi grogna-t-elle en signe de désapprobation. Qu’il se débatte était une chose, mais qu’il essaye de lui parler en était une autre.
Trop occupée à lécher cette plaie, la louve ne fit pas attention à ses faibles mouvements. Le temps qu’il la laissait faire, c’était tout ce qui lui importait. Elle n’avait aucune envie qu’il tente quelque chose pour que sa bête se voie devenir plus agressive. Non, elle ne devait pas laisser Natsume se débrouiller seul et rester passif alors qu’elle était en train d’agir comme une bête. A cette pensée, elle fut saisit d’une peur instable. Et si à cause de ce qui était en train de se passer, il lui interdisait de remettre les pieds à l’appartement ? Il en serait évidement dans son droit. Elle venait de s’en prendre à lui alors qu’il n’avait fait qu’être au moment endroit au mauvais moment. Mais est-ce qu’elle allait oser s’expliquer ? Lui dire qu’elle avait perdu le contrôle de sa bête alors qu’elle se trouvait dans un lieu public, sous simple prétexte que l’odeur de son sang lui était parvenue ? Elle n’eut pas à se poser plus de question qu’une douleur au niveau de ses yeux et de son nez la frappa. Elle laissa échapper un grognement quand elle senti qu’on la poussa mais elle ne s’y opposa pas. Quand sa main toucha l’eau froide qui coulait du robinet qu’elle n’avait pas arrêté, elle s’empressa de passer ses mains dessous. Récupérant l’eau et s’aspergeant le visage avec. Ses yeux étaient en train de la bruler et il en allait de même pour son nez. Mais au moins, elle ne sentait plus l’odeur de sang et la douleur l’avait aidé à reprendre le contrôle de son corps. Elle resta face au robinet plus de temps qu’il lui fallut pour retirer la mousse qui s’était insinué dans ses yeux. Oui, elle n’avait pas la force d’assumer le regard de son colocataire sur elle. Elle ne savait même pas quoi lui dire. Lui présenter des excuses ? Oui mais encore ? Evidemment qu’elle allait s’excuser, mais est-ce qu’il attendait autre chose de sa part ? Si oui, voulait-il réellement qu’elle s’explique sur son comportement ? Elle espérait que non mais elle savait qu’elle lui répondrait s’il lui posait la question. Devait-elle attendre qu’il prenne la parole ? Ou devait-elle parler la première ? Puisque ce qui venait de se produire était entièrement de sa faute ? Alors qu’elle était en train de se décidé à articuler quelques mots, Natsume la devança et son premier mot la fit se figer sur place. « Pardon » ? Pourquoi donc s’excusait-il ? Comment pouvait-il penser qu’elle lui en voudrait pour ce geste ? Elle devait plutôt le remercier d’avoir réussit à la calmer avant qu’elle n’ait été trop loin. Leann agrippa le rebord du lavabo avec force mais dû le lâcher quand elle vit des fissures s’y faire. Comment elle se sentait ? Mal. Extrêmement mal. Elle pouvait accepter de souffrir pour sa bête mais en aucun cas s’en prendre à une personne qui comptait pour elle. Elle l’avait oublié, mais ne devait-elle pas déménager avec Danaliel prochainement ? Peut-être que cet évènement passé dans ces toilettes allaient mettre tous les colocataires d’accord sur le fait qu’elle n’avait plus sa place au sein de leur petit trio. Ca lui faisait mal de le voir sous cet angle mais elle ne pourrait pas leur en vouloir. Leann resta tournée, osant se regarder dans le miroir pour voir avec joie que ses yeux étaient redevenus normaux. Alors que Natsume reprenait la parole, ses mots firent secouer la tête de Leann. Comment pouvait-il la remercier après ce qu’elle venait de faire ?! N’avait-il donc aucune rancœur envers elle ? Comment cela pouvait être possible ? Lentement, la jeune femme se retourna vers son colocataire. Elle était tellement perdue entre ce qui venait de se passer et l’attitude presque normale de son ami, qu’elle ne réussit pas à prendre la parole immédiatement. Ses mains s’accrochèrent de nouveau au lavabo, cette fois, plus dans l’optique d’avoir quelque chose à laquelle se raccrocher et elle osa alors croiser son regard. Elle fut surprise et touchée par ce qu’elle lut dans ses iris et elle sentit une larme couler le long de sa joue. Pourquoi ne la rejetait-il pas ? Elle était un monstre et il en avait eu la preuve et pourtant, il n’y avait aucune trace de haine de son regard. Pire encore, c’était comme s’il la remercier. Elle le remerciait mais c’était peut-être encore pire que s’il s’était énervé contre elle. Inspirant profondément et laissant couler les larmes silencieuses sur ses joues, elle prit enfin la parole. Cette dernière était basse et tremblante mais elle se devait de prendre la parole.
« Je suis désolée. Je... Ne voulais pas que tu me vois comme ça. » Marquant une pause, elle se dit alors qu’il pourrait penser qu’elle perdait le contrôle plus fréquemment qu’elle voulait le dire et elle s’empressa d’ajouter, soudain prise de panique. « Je n’attaque personne Natsume. C’était un accident. Je ne fais de mal à personne ! ... Excuse moi... »
Que pouvait-elle ajouter de plus ? Lui dire qu’il pouvait se mettre à lui crier dessus ? Qu’elle n’y verrait aucun inconvénient ? Devait-elle lui dire maintenant qu’il n’aurait plus à supporter sa présence trop longtemps dans l’appartement, parce qu’elle allait bientôt le quitter ? Peut-être mais sa bouche refusait de s’ouvrir pour qu’elle ajoute quelque chose.
Malheureusement pour lui, en l'absence du barman, la charge de travail de ses deux collègues en jupe venait de s'alourdir un peu plus, si bien qu'aucune d'entre elles n'eut le temps pour s'attarder à la table du Lightness. On nota sa commande avant de changer son verre vide pour un autre plein mais cela s'arrêta là. De nouveau l'attente, pénible lorsqu'il se voyait contraint de l'endurer avec son égo pour seule compagnie. Faute de trouver mieux, Jilan s'occupa tant bien que de mal à observer les divers clients qui allaient et venaient autour de lui. Tous ne restaient pas aussi longtemps que lui et Leann avaient prévu de le faire. Différents profils, révélant des existences très variées, défilèrent sous le regard hétérochrome. Il faut l'avouer, le genre de clientèle qui prenait place au premier étage du Bouken n'avait rien à voir avec le ramassis d'individus qui traînaient au comptoir principal. Avec un sourire hautain, à peine dissimulé, le jeune professeur reporta son attention sur le rez-de-chaussé. Le trio qu'avaient formés son interlocutrice, l'humain et l'inconnu, s'était dispersé. D'ailleurs, ni Leann, ni son colocataire n'était encore ressorti des toilettes. Cela prenait-il autant de temps pour se passer un peu d'eau sur le visage ou tout simplement passer sa main sous l'eau ? Sentant l'agacement revenir à la charge dans son esprit, le jeune professeur tenta de focaliser son attention sur autre chose que sur l'absence de son interlocutrice. Il ne pouvait s'empêcher d'imaginer le scénario qui devait être en train de se dérouler dans les toilettes. Normalement, le garçon n'aurait aucun soupçon envers Leann mais elle ? Comment se sentait-elle ? Jilan doutait qu'elle s'en prenne à son colocataire -et probablement ami- mais si jamais quelque chose cédait en elle ? Il regrettait presque de ne pas pouvoir assister à ce spectacle. Tandis qu'il s'autorisait une nouvelle gorgée de son verre de whisky, ses yeux se posèrent sur les affaires que la jeune femme avait laissé dans sa précipitation à se rendre aux toilettes. Il y avait là, un sac à dos noir, plutôt discret, dans le genre de l'intéressé, ainsi qu'un sac en plastique provenant d'une supérette à proximité de l'immeuble où il logeait. Comment en était-il arrivé à cette conclusion ? Le nom du magasin et le logo de celui-ci, étaient inscrits sur le plastique blanc. Le fait qu'il s'agisse de la supérette la plus proche de son immeuble, intrigua le Lightness. Mais cela pouvait tout aussi bien n'être qu'une coïncidence, après tout, Leann n'avait pas non plus besoin d'habiter à l'autre bout de la ville sous prétexte qu'ils ne s'étaient jamais croisés auparavant dans ladite supérette. Cependant, il se demanda bien ce qu'elle avait pu acheter pour la peine. Il lui avait donné rendez-vous devant le Bouken et si elle avait accepté son invitation, cela supposait qu'elle n'avait rien à faire dans la journée ? Ou alors, elle pensait rentrer trop tard chez elle, au point que le magasin ait fermé ses portes, l'empêchant de faire une course de dernière minute ? Ce qui expliquerait pourquoi elle tenait à le faire avant de revoir Jilan. Ce dernier laissa donc ses pensées dériver au gré de ses envies et se souvint d'un détail. Il comptait se servir de la jeune femme pour retrouver la trace de l'humain, voilà qui était chose faite mais il ignorait toujours où logeaient les deux colocataires. Devait-il poser directement la question à l'intéressée ? C'était possible, bien que directe comme approche, il doutait qu'elle accepta de lui répondre. Autant parce qu'il n'avait pas besoin -dans l'immédiat- de connaître ce genre d'informations sur eux et qu'en tant que professeur, il devait certainement avoir accès aux données relatives à ses étudiants non ? Cela serait étrange qu'il se renseigne auprès d'un tiers... Surtout après avoir autant insisté sur le sujet de l'humain alors qu'il se trouvait en compagnie de Leann, le soir de leur rencontre. En clair, il ne pouvait pas compter sur elle pour obtenir cette information. Quant au garçon... La force serait le bon remède mais Kyarra serait plus à même à le lui faire subir que lui. L'idée lui vint d'un coup. Fouiller dans les affaires de la jeune femme, histoire de trouver sa carte d'identité ? Oui sauf que ce n'était pas dans sa façon d'agir. Son expérience avec Alexya en témoignait. S'il n'appréciait pas que l'on fouille dans ses propres affaires, pourquoi donc l'imposer aux autres ? D'autant que ce serait mal vu de la part des autres clients et encore plus de son interlocutrice, si jamais cette dernière venait à l'apprendre.
Etouffant un soupir, il plongea une main dans la poche droite de son pantalon pour en ressortir son téléphone. Il prit note de l'heure, ce qui ne fit que rajouter une couche supplémentaire à son agacement. Non pas qu'il soit pressé par le temps mais sitôt que la nuit tomberait, son humeur déclinerait dans le même temps. Vous allez me dire qu'il n'avait pas besoin de cela pour être de mauvais poil vu le tableau que je vous dresse de lui ? Et vous avez tout à fait raison, sauf que ce n'est pas le sujet... Alors qu'il laissait son téléphone reposer sur un coin de la table en bois et relevait la tête pour essayer de conserver son calme pendant cette attente qui se voulait interminable de son point de vue, ses yeux rencontrèrent ceux d'un homme, assis à une table quelques mètres plus loin. Le pauvre dut rapidement baisser les siens, vu comment le Lightness le foudroyait du regard. Cela n'allait pas. Il se laissait emporter par son agacement -et aussi peut-être ses craintes de voir son plan échouer-, s'il ne se reprenait pas très vite, il ferait fuir Leann dès son retour. Enfin, c'était exagéré car il n'imaginait pas un seul instant la jeune femme prendre ses jambes à son cou quand elle se rendrait compte qu'il pouvait très bien abandonner le rôle du parfait gentleman pour revêtir un masque un peu moins sympathique, quoique plus proche de ce qu'il était réellement. Un tueur sans émotions. Mais alors qu'il allait de nouveau, amener le verre à ses lèvres, au risque d'en vider un autre avant le retour de son invitée, il aperçut du coin de l'oeil, l'écran de son téléphone s'illuminer. Un appel entrant dont il ne reconnaissait pas le numéro. Hormis Kyarra et quelques uns des membres des rebelles qui lui servaient de relations, personne d'autre n'était sensé l'avoir. Bon il y avait bien Leann à présent mais elle ne pouvait pas l'appeler depuis les toilettes, son sac étant resté sur sa chaise en face de lui. De plus, il connaissait son numéro par cœur avec le temps passé à le voir traîner sur sa table basse dans le salon. D'humeur massacrante, Jilan laissa donc sonner la petite machine avant de voir l'écran s'éteindre. Tant pis pour l'intéressé, il allait devoir prendre son mal en patience lui aussi. Sauf que ce n'était pas dans l'idée de son mystérieux interlocuteur car le téléphone se ralluma presque aussitôt. Un second appel. Tenace avec ça ? Le Lightness laissa passer plusieurs secondes avant de finalement se décider à décrocher. Il espérait pour l'individu, qu'il ne se soit pas trompé de personne sinon il s'en servirait pour passer ses nerfs dessus.
« … Quoi ? » lâcha t-il froidement.
Sa voix seule permettait à la personne se trouvant à l'autre bout du fil, d'estimer l'humeur du jeune professeur. Ce dernier avait pris soin de ne pas parler immédiatement après avoir accepté l'appel, histoire de faire sentir à l'individu, qu'il tombait mal. Impression qu'il confirma dans le timbre de sa voix. Lorsque son interlocuteur osa enfin prendre la parole, il s'empressa de se présenter. L'homme disait être membre de l'organisation, un des espions que le jeune professeur aurait chargé d'enquêter pour son compte. Sur le moment, Jilan ne répondit rien. Sa rencontre avec Alexya laissait supposer que les Rebelles allaient bientôt compter une espionne talentueuse dans leurs rangs, ce qui en pousserait peut-être d'autres à se tourner vers une retraite anticipée. Oui sauf que la jeune hybride avait la charge de retrouver l'élémentaire du nom de Vegeo Natus, donc incapable de se voir confier la mission que l'autre venait de détailler : prendre Leann en filature depuis son lieu de travail qu'était l'unique boîte de nuit de la ville, jusqu'à son appartement, afin de découvrir où elle habitait. C'est alors que le Lightness se souvint de cette mission. Il avait bel et bien confié la tâche à une recrue rebelle de lui rapporter l'emplacement exacte du lieu où résidait la jeune femme. Avec son rendez-vous avec elle, il avait complètement oublié ce détail, qui venait de changer la donne, considérablement. Il se trouva soudain de meilleure humeur, prêt à écouter ce que l'autre avait à lui dire. Pourvu qu'il ne lui annonce rien qui lui fasse réellement sombrer dans la colère la plus violente. Auquel cas, il se verrait contraint de quitter l'établissement en vitesse pour trouver une victime ou deux. Et tant pis si Leann s'en offusquait, elle mettrait moins de temps à se refaire une beauté la prochaine fois. L'homme, encouragé par l'absence de répliques cinglantes de la part du jeune professeur, poursuivit donc. Il lui expliqua qu'il avait correctement effectué sa mission, repérant sans peine la danseuse près de son lieu de travail mais que -et il semblait fier de l'affirmer- sa filature lui avait révélé le logement de sa cible. Arquant un sourcil sans même s'en rendre compte, Jilan ne répliqua rien, se contentant d'attendre -de moins en moins patiemment tout de même- que son interlocuteur veuille bien en venir aux faits. Il s'impressionnait lui-même de se montrer aussi calme... Mais la surprise fut de taille quand l'homme lui indiqua l'adresse où résidait Leann. Le même immeuble que le sien ?! Sur le moment, il ne sut pas quoi répondre et ce fut les interrogations du rebelle face à cet absence de réactions de sa part qui le poussèrent à marmonner un vague « Bon travail ». Sans même écouter ce que l'autre avait encore à lui dire, le Lightness lui raccrocha au nez. Comment n'avait-il pu ne jamais croiser son invitée alors qu'ils vivaient au même endroit ? S'en était presque aberrant. Pire encore, l'humain dont il voulait la mort se trouvait à quelques appartements du sien, sans qu'il le sache. Cela énerva Jilan mais d'un autre côté, le sourire cruel qui étira ses lèvres n'annonçait rien de bon. Avec cette information, sa partenaire de chasse n'aurait aucun mal à retrouver le gamin pour lui faire payer l'humiliation qu'il leur avait infligée. Il s'autorisa quelques instants pour savourer cette découverte avant de d'appeler la louve pour le lui annoncer. Le jeune professeur se garda bien de répliquer quoique ce soit concernant les remarques de cette dernière sur le fait qu'il n'ait rien remarqué plus tôt. Malgré tout, il lâcha froidement qu'il n'avait pas son odorat pour pister ses proies lui... Profitant du silence qui suivit cette unique réflexion de sa part, Jilan ajouta qu'elle aurait le champs libre pour agir, vu que sa colocataire ne serait pas à l'appartement pour la soirée. Mais dans le pire des cas, il se chargeait de l'occuper, le temps que Kyarra s'amusa un peu avec le garçon. Il se retint de la mettre en garde contre l'entité que ce dernier abritait en lui. Cela clôtura l'appel. Le Lightness rangea le téléphone dans sa poche. Finalement, les choses s'arrangeaient pour lui. Mais il ne croyait pas si bien dire qu'un rapide regard en direction des escaliers, l'avertit que Leann revenait vers sa table... En étant accompagnée cette fois ! Elle lui amenait directement l'humain ? C'était trop gentil de sa part. Remplaçant aussitôt son rictus cruel par un sourire avenant, Jilan attendait patiemment que ses cibles viennent à lui... Ah, si seulement ils se doutaient de ce qui les attendait...
Spoiler:
La prochaine fois que vous me faites ce coup là, vous allez entendre parler de moi ! ><
Le temps qu'il avait passé en sa compagnie, après qu'ils aient emménagé tous les trois dans le vaste appartement, permit à Natsume d'imaginer quelles pouvaient être les diverses réactions possibles de la part de la jeune femme. Le garçon la savait discrète, réservée mais tellement gentille et serviable dans le fond, qu'il ne doutait pas qu'elle vive très mal le fait qu'elle s'en soit pris à lui. Même en admettant qu'il s'agissait de sa bête et non de Leann, le résultat devait certainement être le même aux yeux de cette dernière. Elle avait laissé sa partie lupine prendre le dessus et agresser celui qu'elle considérait peut-être comme un ami. Il n'y avait pas eu dégâts physiques, ou même morts d'homme -ce qui était rassurant dans un sens- mais le mal était fait. L'étudiant le comprit en voyant l'attitude distante, presque fuyante de la jeune femme à son égard. Il savait au fond de lui, que l'avoir suivie dans les toilettes, même dans le but de simplement se passer de l'eau sur sa main, afin de nettoyer la plaie, le rendait en partie responsable de ce qui venait de se produire. C'était bel et bien son précieux liquide rouge se répandant sur le sol, qui avait revenir à la surface de la conscience de Leann, sa bête enfouie profondément en elle. Pourquoi cet adverbe en particulier ? Parce que depuis qu'il la fréquentait, le garçon n'avait jamais eu à se plaindre de sautes d'humeur de la part de la jeune femme, ou même de comportements agressifs de sa part. Qui a dit que les lycans étaient forcément tous des lunatiques mal léchés ? Ce n'était pas le cas de sa colocataire, qui passait très volontiers pour une humaine, étant donné son comportement tout à fait calme. Plus il y réfléchissait, plus Natsume ressentit l'envie de tourner les talons sans même attendre une réponse pour quitter la pièce. Non pas qu'il soit fâché envers la jeune femme -son regard en témoignait par lui-même- mais peut-être était-ce, ce que l'intéressée désirait secrètement au fond d'elle ? Qu'il lui reproche son comportement passé ou tout simplement qu'il la laisse tranquille, pour qu'elle reprenne contenance ou ne ressente plus aucune envie pour ce sang, qui imbibait toujours les serviettes autour de la main blessée de l'étudiant ? Comment savoir ce qui se passait dans la tête de son interlocutrice à cet instant ? Des remords, des doutes et des craintes... Mais le garçon était loin de s'imaginer qu'il puisse la mettre dans un état pareil quand il aperçut une première larme, quitter les cils de Leann, pour venir rouler le long de sa joue, silencieuse comme celle qui venait de la laisser s'échapper. Cette vision noua la gorge de Natsume et il s'en voulu encore plus. Qu'avait-il fait ou dit, qui puisse la blesser à ce point ? Ou alors, elle lui était reconnaissante de ne pas changer d'attitude envers elle après ce qui était passé entre eux ? Ce qu'il vit dans les iris de son interlocutrice, le fit pencher pour la seconde option, faisant timidement sourire l'étudiant. N'avait-elle donc rien appris de lui pendant ces semaines et ces mois passés à vivre sous le même toit ? Pensait-elle réellement qu'il lui puisse lui en vouloir, alors qu'elle avait fait l'effort de les informer, Mikû et lui, de sa race et des risques que celle-ci impliquait pour eux, simples humains ? Si Leann leur avait caché la vérité, ou bien, si elle avait attaqué plus sérieusement le garçon, alors oui, peut-être que la réaction de ce dernier aurait été différente. Non pas qu'il soit capable de renier une personne de la sorte mais entre encaisser et accepter, il y avait une marge. Cependant, ce n'était ni le lieu, ni le moment de réfléchir à ce qui n'avait pas été commis ou ce qui aurait été différent pour x raisons. Ce qui était fait, était fait. Et à l'heure actuelle, Natsume avait en face de lui, une personne qu'il considérait, à juste titre, comme une amie et qui pleurait en silence, certainement remplie par le poids de la culpabilité. Sentiment qu'il ne connaissait que trop bien. L'envie d'aller la prendre dans ses bras le traversa. C'était un moyen bien connu et surtout, efficace, de réconforter les gens en leur prouvant qu'on tenait à eux, quoiqu'il arrive. Mais... Et si l'odeur du sang, désormais plus proche qu'elle ne l'était actuellement, refaisait basculer Leann dans une demi folie sanguinaire ? Le garçon avait compris la leçon et ne voulait surtout pas provoquer d'autres catastrophes relationnelles par simple négligence de sa part. Sauf qu'avec Leann dans cet état... Demeurer distance envers elle, ne signifierait-il pas qu'il la craignait ? Qu'il ne voudrait plus l'approcher désormais, sous prétexte qu'elle ne savait pas se contrôler ? Non, l'étudiant ne voulait pas qu'elle pensa une chose pareille. Pour lui, le choix était fait depuis un long moment, bien avant que la louve ne dévoile son identité en emménageant en leur compagnie. Il ne redoutait pas les autres races, pas plus qu'il ne les méprisait et ne souhaitait qu'une chose : que celles-ci puissent toutes vivre en harmonie. S'il voulait réaliser cet idéal, ne devait-il pas commencer avec de petites choses ? Comme celle d'accepter la jeune femme pour ce qu'elle était, le bon comme le mauvais côté ?
Prudemment, il s'approcha d'elle. Mais il ne fit pas de mouvement brusque, préférant opter pour une attitude pacifique aux yeux de la bête qui sommeillait en Leann. Même pour cette dernière, peut-être qu'une soudaine proximité la dérangerait, pour les raisons évoquées plus haut. Le garçon soupira intérieurement à cette idée. Tant pis si elle le repoussait, il accepterait son choix. Ce n'était pas comme s'il était limité à une seule et unique erreur au cours de la journée. Dans le cas de Natsume, ces dernières avaient plutôt tendances à s'accumuler en général... Avant que la jeune femme ne puisse proférer un mot à son encontre, il la prit dans ses bras, faisant attention aux moindres sursauts du corps de sa colocataire, juste au cas où si sa bête venait à refaire surface à l'improviste. L'étudiant doutait d'être un expert en lycan pour imaginer pouvoir prévoir avec précision, quand ceux-ci laisseraient tomber les barrières mentales de leurs esprits, pour laisser libre court à leur partie lupine. Tout comme il savait qu'il ne ferait pas le poids contre Leann une fois de plus, si elle décidait de s'en prendre à lui pour goûter plus longtemps à son sang. Peut-être même qu'elle y avait pris goût en si peu de temps ? Ne disait-on pas d'un chien qu'il fallait s'en méfier une fois qu'il avait goûté au sang ? Natsume ignorait s'il fallait croire ou non cette théorie hasardeuse, d'autant que la jeune femme n'était pas un chien mais il s'en moquait. Il voulait toujours faire confiance au jugement de sa colocataire, même après ce qui s'était passé. Son regard n'avait pas changé sur elle. Ni ne changerait jamais, du moins, il l'espérait, pour le bien de leur relation. Le garçon laissa passer quelques secondes pendant cette étreinte, sentant sans peine, quelque chose d'humide contre lui, ce qui n'était certainement pas la conséquence du fait que Leann avait dû se passer de l'eau sur le visage, pour chasser la sensation de brûlure sur ses yeux et son nez. En y repensant, l'étudiant s'en voulait de lui avoir imposé ce désagrément, surtout si ces deux sens étaient plus développés chez ceux de la race lycanne mais il doutait d'avoir eu d'autres choix. Dans sa situation, il n'osait pas imaginer ce qui aurait pu se passer s'il avait attendu, ne serait-ce qu'une ou deux minutes de plus. Qui sait réellement ce que sa colocataire aurait pu faire, sous l'effet de l'excitation due au goût du sang contre son palet ? Profitant de ce bref instant de répit entre eux, il réfléchit également à ce qu'il pouvait lui dire. Trouver les bons mots, ceux-là qui sonnaient sincèrement au creux de vos oreilles. Ceux-là qui pouvaient vous rassurer dans n'importe quelles circonstances. Au bout de plusieurs minutes, qui pouvaient, à elles seules, représenter une éternité, Natsume ferma les yeux et se décida à prendre la parole, sachant que le temps lui était probablement compté avant que l'odeur de sang à proximité de la jeune femme, ne finisse par réellement la déranger.
« Je sais tout ça Leann... Que tu ne fais de mal à personne, que tu ne voulais pas me blesser, ni que je te vois dans cet état... J'ai confiance en toi et je te crois quand tu dis que tu n'es pas un danger pour les autres. Tout comme Mikû le sait, elle aussi. Je voulais simplement... T'aider, mais au final, je n'ai fais qu'être un poids pour toi, je suis désolé... »
C'était peu, il en avait conscience mais il ne voyait pas ce qu'il pouvait ajouter d'autre. L'étudiant n'avait fait que s'adresser à elle, en essayant de se montrer le plus franc possible envers elle et il espérait que Leann le ressente également. Mais ne voyant pas quoi dire de plus pour donner à cette étreinte improvisée, une raison d'être, il finit par la lâcher pour se reculer d'elle, craignant presque que la louve ne lui fasse d'elle-même une remarque concernant sa main blessée et la dangereuse proximité qu'il avait instauré. Quittant les iris de la couleur de l'absinthe, ceux, rubis du garçon, se portèrent d'abord vers le sol. Parce qu'il ne savait pas où regarder ? Exactement ! La jeune femme et lui étaient les seules personnes se trouvant dans les toilettes à cet instant, l'idée qu'un client entra à ce moment, amusa même Natsume. En effet, le nouveau venu aurait de quoi se poser des questions en découvrant la scène, avec ces deux principaux protagonistes, tirant des têtes d'enterrement. Et surtout, que faisait le barman dans les toilettes alors que du monde se pressait devant le comptoir, blessé, en compagnie d'une charmante -pour tout ceux qui savaient apprécier un bon tour de poitrine féminine- demoiselle, le visage en larmes ? Si possible, l'étudiant souhaitait éviter les quiproquos embarrassants pour lui, ainsi que pour l'ensemble du personnel. C'était la réputation du bar qui était presque en jeu ! Etouffant un soupir, le garçon se risqua donc à briser la glace entre eux, histoire que Leann oublia rapidement cet incident, pour tenter de profiter du reste de sa soirée.
« Je ne t'en veux pas tu sais... Et je préférerai que tu ne t'en veuilles pas non plus pour ce qui s'est passé... En fait, si tu pouvais... » commença t-il sans avoir l'occasion de terminer sa phrase.
En effet, un bruit derrière lui, accompagné d'un rapide regard de son interlocuteur en direction de la porte des toilettes, lui confirma que quelqu'un était finalement entré. L'étudiant pesta. Et voilà, un client les avait aperçu et s'empresserait de répandre l'information à sa sauce, ivre mort comme il devait certainement l'être. Natsume pressentait, étrangement, que la décoration des toilettes allait également, prendre une teinte toute autre, suite au passage de l'individu. Il ne prit pas la peine de se retourner vers le nouveau venu, comme si dissimuler son visage pour l'empêcher de se faire reconnaître. Sa tignasse blanche s'était imprimée dans l'esprit des ivrognes, comme celle de l'homme qui leur servait leur dose d'alcool. Mêmes ivres, ils s'en souviendraient encore ! Et puis, une fois la porte ouverte, la personne allait s'approcher d'eux pour ensuite les dépasser en les dévisageant bien au passage, avant de prendre la direction des cabines individuelles. C'était forcément ce qui allait se passer !
« Natsu ! Inutile de traîner dans les chiottes, tu peux aller en pause ! Profites-en pour soigner cette vilaine blessure au passage, ça t'évitera de mettre du sang partout ! » s'exclama l'une des deux serveuses, en service en même temps que lui.
Cette dernière s'aperçut trop tard que le jeune barman n'était pas seul et rougit légèrement en découvrant Leann, à ses côtés. Sans doute parce qu'elle n'aurait pas dû employer un tel langage devant un client... Elle marmonna brièvement quelques paroles d'excuses, à la fois, à l'intention de la jeune femme et de son collègue avant de refermer la porte derrière après que ce dernier lui ait adressé un regard amusé, en lui confirmant qu'il prendrait bel et bien sa pause, comme convenu. Puis, se retournant vers sa colocataire, il s'essaya de nouveau à sourire doucement, en espérant qu'il serait plus convaincant à présent. Cela tombait bien qu'il obtienne sa pause à ce moment précis, maintenant qu'il avait un peu de temps à consacrer à son interlocutrice, il comptait bien en profiter et essayer de se rattraper comme il le pouvait.
« Hum... Que dirais-tu de prendre un verre en ma compagnie ? Je te le paye si tu veux, je le mettrai sur ma note. » demanda t-il, trop maladroitement à son goût.
Le silence qui suivit ses paroles fut lourd et pesant aux oreilles de la louve qui n’osait pourtant pas le rompre pour ajouter quelque chose. Que pouvait-elle dire de plus ? S’excuser de nouveau auprès de son ami ? Qu’elle regrettait ce qu’elle avait fait, qu’elle était trop faible pour n’avoir pas su garder le contrôle de sa bête ? Il savait déjà la moitié de ces choses, mais pour la dernière... Oserait-elle seulement le lui avouer ? Natsume ne lui avait pas -encore- montré qu’il avait peur d’elle, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de se dire que ça n’allait pas durer. Elle savait qu’il lui faisait confiance, sinon lui comme Miku lui aurait certainement demandé de quitter l’appartement. Mais ce qui la poussait à ne pas lui communiquer cette faiblesse, c’était le fait qu’il ne pourrait surement pas comprendre ce système de dominance intérieure... Essayer de lui apprendre ? A quoi bon ? Réprimant un soupire, elle se trouva bien pitoyable dans cette situation. Incapable de se contrôle, laisser son ami gérer la situation et se tirer de ce mauvais pied seul et maintenant elle était paralysée devant lui. Dire qu’elle voulait devenir plus forte, moins dépendante et plus sûre d’elle... Dans ces circonstances, toute sa bonne volonté était en train de voler en éclat. Leann voulait changer, mais cela ne serait-il pas plus facile -pour les autres- à vivre, si elle restait la petite soumise qu’elle était depuis des années ? Danaliel n’apprécierait surement pas ce genre de pensées. Après tout, il avait prit pas mal de risques pour essayer de la faire changer, il avait été blessé... Non, elle ne pouvait pas revenir sur ce qu’elle avait décidé. Même si le futur paraissait être difficile, elle ne baisserait pas les bras. Elle l’avait lui et elle pouvait croire en lui pour l’aider dans les moments difficiles... Elle l’espérait de tout cœur. Perdue dans ses pensées, elle ne s’aperçu qu’il s’approchait doucement d’elle. Ce n’est que lorsqu’elle vit disparaitre le mur derrière le visage de son ami, qu’elle se rendit compte à quel point celui-ci était proche d’elle. A cette pensée, une certaine peur envahit la louve. Que comptait-il faire ? S’il s’était agit d’une autre personne, elle aurait certainement émit l’idée qu’il s’approchait pour la frapper, mais là, il s’agissait de Natsume. Il lui était tout bonnement impossible d’avoir ce genre de comportement. Comme elle -du moins jusqu’à ce soir-, il n’avait jamais montré de signe d’agressivité. Pourquoi cela changerait-il subitement ? Parce qu’il avait eu peur pour sa vie ? Non, la peur qu’elle avait sentie chez lui s’était évaporée lorsqu’elle s’était éloignée de lui. Alors pourquoi ? Leann ouvrit la bouche pour lui poser la question mais aucuns mots n’eurent le temps de franchir ses lèvres qu’elle sentit les bras de son ami se refermer sur elle. Il... Lui faisait un câlin ? Pour la réconforter ? Peut-être qu’elle aurait dû se reculer pour rester à distance de lui et de sa blessure mais elle n’avait ni l’envie ni le courage de faire un pas. L’étreinte de l’étudiante était simplement la seule chose dont elle avait réellement besoin. Savoir qu’il ne lui en voulait pas et surtout qu’il était toujours là pour elle. Quant à l’odeur de sang, lui elle la sentait toujours, mais elle était devenue sans importance aux yeux de la jeune femme et elle était maintenant maître de son corps. Il y avait bien d’autres choses qui la préoccupaient pour porter un quelconque intérêt pour ce liquide rougeâtre... Aussi alléchant soit-il. Chassant cette pensée de son esprit, elle senti son corps se décontracter. Sans qu’elle ne s’en rende compte, elle s’était figée lorsqu’il la prit dans ses bras. Devait-elle maintenant prendre la parole pour le remercier ? Pour ce qu’il avait fait précédemment et ce qu’il était en train de faire en ce moment même ? Mais avec quels mots ? Oui, elle ne savait toujours pas comment lui faire part de ce qu’elle ressentait. Elle ouvrit une nouvelle fois la bouche tout en fermant les yeux et en inspirant. Mais lorsqu’elle expira pour parler, Natsume la devança une nouvelle fois. Ils allaient devoir revoir leur timing à tout les deux... Cette pensée la fit sourire légèrement, en fait, elle le remerciait de ne pas l’obliger à parler pour le moment. Ces paroles lui firent chaud au cœur, parce qu’il la croyait malgré ce qui venait de se passer. La louve se décida alors enfin à bouger et elle passa à son tour ses bras autour de son ami, lui rendant ainsi l’étreinte qu’il avait prit l’initiative de commencer. Elle avait réellement de bons amis et elle les appréciait davantage en sachant qu’ils l’acceptaient entièrement. Elle et son autre partie, Leann pouvait difficilement demander mieux. Restant dans ses bras, elle lui souffla un discret « merci » au creux de son oreille. C’était un simple mot mais il pouvait sentir qu’elle y mettait tous ses remerciements et que ce qu’il venait de lui dire la touchait énormément. Comment cela n’aurait-il pas pu être le cas ? Elle venait de lui montrer-en partie- ce qu’elle était susceptible de devenir par moments, et il ne la rejetait pas. La jeune femme le laissa cependant s’éloigner d’elle, non sans avoir envie de le retenir près d’elle, mais elle ne pouvait pas lui demander ce service de plus. Et puis, elle se sentait déjà beaucoup mieux. Elle sentait que ses larmes avaient arrêté de couler et elle ne ressentait -presque plus- cette culpabilité lui peser sur le cœur. Leann resta contre le lavabo à regarder en coin son ami, qui était en train de fuir son regard. Cette proximité l’avait-il dérangé plus qu’elle ne l’avait pensé ? En sachant qu’elle ne s’était pas du tout posé la question, puisqu’il était venu de lui-même. Devait-elle ajouter quelque chose ? Peut-être mais elle ne voyait pas quoi... Lui demander si sa main allait bien ? Compte tenu qu’il était blessé à la base et qu’elle l’avait en plus mordillé par endroit ? Elle voulait savoir si ça allait mais elle n’osait pas revenir sur ce sujet. Peut-être plus tard, lorsqu’un peu de temps se sera écouler. Probablement demain matin lorsqu’ils prendraient leur petit déjeuner ensemble. Oui, la louve prévoyait de se lever en même temps que lui pour cette raison, même si cela signifiait ne pas dormir des masses. Elle sortie de ses pensées lorsqu’il reprit la parole, une fois de plus, c’était lui qui brisait le silence qui s’installait doucement entre eux. Elle lui sourit timidement à cette requête. Elle pouvait essayer mais cela risquait d’être difficile pour le moment. Même s’il ne lui en voulait pas, elle ne pouvait pas ignorer que le dénouement aurait pu être différent s’il n’avait pas agit. Mais elle préféra taire ses pensées pour le moment. Elle aurait tout le temps d’y réfléchir une fois qu’elle serait seule. Elle n’eut pas l’occasion d’entendre la fin des paroles de son ami, que quelqu’un fit irruption dans les toilettes. En effet, depuis le temps qu’ils étaient rentrés, personne n’était venu les déranger. Est-ce que les autres créatures avaient senti ce qui était en train de se passer entre les deux colocataires quelques minutes plus tôt ? Leann fut assez surprise de voir qu’il s’agissait d’une des serveuses et l’attitude qu’elle avait envers son ami la fit sourire. Elle paraissait autoritaire mais pas méchante. Elle devait simplement faire son travail. Entendre de la bouche de l’inconnu que Natsume était en pause donna une idée à Leann pour qu’elle puisse se faire un peu pardonner... Jusqu’à ce qu’elle pense à Jilan. Avec tout ce qui venait de se passer, elle avait complètement oublié le jeune professeur. Qu’allait-elle pouvait lui dire pour expliquer l’attente à laquelle elle l’avait soumis ? Elle se retient de sourire en se disant qu’elle pouvait toujours lui proposer un strip-tease en guise de dédommagement. Leann reporta alors son attention sur son ami et... La devança... Non, là ça commençait à être de l’acharnement. Surtout que cette fois, elle avait eu envie de prendre la parole la première. Tant pis, elle l’écouta. Elle sourit plus largement à cette demande et lui répondit en conséquence.
« Je veux bien mais... Je suis accompagnée... Mais tu peux te joindre à nous ! Je suis sûre que ça ne le dérangera pas... Enfin...» La louve fuit son regard pendant quelques instants et reprend. « Sauf si tu voulais que l’on soit que tous les deux ? »
La jeune femme attendit que son colocataire lui communique sa réponse avant de bouger. Elle fut contente qu’il accepte cette proposition. A vrai dire, elle n’aurait pas su comment gérer la situation autrement. Elle ne se voyait pas dire non à son ami qu’elle venait de brutaliser mais elle ne se voyait pas non plus aller voir Jilan et lui dire qu’elle devait écourter leur entrevue parce qu’elle devait parler en privé avec Natsume. Surtout qu’il était au courant du fait qu’ils étaient colocataires, donc pour le priver, ils pouvaient l’avoir une fois chez eux. Ils sortirent ainsi des toilettes, non sans apercevoir quelques regards dans leur direction mais cela ne préoccupa guère la jeune femme. Leann avait prit le temps de se regarder dans la glace et elle avait pu voir que ses yeux étaient presque revenus à la normal au niveau de leur rougeur. On pouvait imaginer qu’elle ait pleuré mais ce n’était pas non plus une évidence. Elle aurait très bien pu avoir une poussière dans l’œil... Elle laissa Natsume prendre ce dont il avait besoin pour sa main et l’aida à se la bander d’une meilleure manière qu’avec de simple feuille de papier. Cela ne lui fit rien, voir la plaie ne l’attira presque pas et elle pu l’aider convenablement. Après ça, ils purent monter pour aller rejoindre le professeur. Mais avant cela, Leann s’arrêta au comptoir de l’étage et commanda un autre verre. Le Bloody-Mary qui l’attendait ne serait pas assez fort pour son palet. Elle avait besoin de quelque chose d’autre pour faire disparaitre ce goût de sang dans sa bouche. Bon, pour ne pas mélanger deux alcools, elle opta pour prendre une vodka pure avec des glaçons. Une fois servie, Natsume également, même si lui avait évidemment éviter toutes boissons alcoolisées -il n’était qu’en pause après tout-, ils se dirigèrent vers la table qu’occupait Jilan. Leann eut l’air légèrement gênée de revenir ainsi, plusieurs minutes après son absence et accompagnée de surcroit. Elle espérait aussi qu’elle ne s’était pas trompée quand elle avait assuré à son ami que sa venue ne dérangerait pas la personne qui l’accompagnait. Elle jeta un coup d’œil à son colocataire et elle crut voir quelque chose passer sur son visage lorsqu’il vit qu’ils se dirigeaient vers la table de Jilan. Est-ce qu’elle aurait dû dévoiler l’identité du professeur à son ami ? Pour le coup, elle était un peu perdue dans cette situation mais ils finirent par s’assoir. Notant que Natsume eut du mal à prendre place autour de la table. Etait-il gêné qu’il s’agisse de l’un de ses professeurs ? Dans le doute, elle préféra ne rien lui demander, surtout pas devant Jilan. Posant son nouveau verre sur la table, elle se tourna vers ce dernier pour s’excuser.
« Excusez-moi pour cette attente, il y a eu un peu de mouvement au rez-de-chaussée. » Elle jeta un coup d’œil à son colocataire et reprit en s’adressant à Jilan. « Je... J’ai pris la liberté d’inviter Natsume à notre table le temps de sa pause, j’espère que ça ne vous dérange pas ? »
Bon ce n’était pas tout à fait elle qui l’avait invité puisqu’il lui avait d’abord fait la proposition mais bon, elle n’allait pas non plus tout lui expliquer. Sinon, elle aurait probablement dû lui dire pourquoi ils avaient envie de prendre un verre ensemble. Et même si elle appréciait Jilan, elle ne voulait pas lui parler de cet incident... Du moins pas devant son ami.
Les expressions respectives de chacune des deux personnes qui s'avançaient vers lui, ne présentaient aucune similitude, au point que s'en était presque amusant. Si le visage de Leann affichait une mine embarrassée, comme si elle se trouvait gênée de revenir accompagnée -ce qui devait certainement être le cas-, celui du garçon en revanche, était délicieux à observer. Il avait marqué un temps d'arrêt lorsqu'il avait aperçu le jeune professeur, assis à une table mais l'humain avait ensuite blêmi légèrement quand il avait compris que les pas de sa colocataire l'amenaient directement en face de l'homme qu'il redoutait de croiser. A cette réaction prévisible, le Lightness lui adressa son sourire le plus amical. Un salaud manipulateur lui ? Parfaitement. L'albinos essayait maladroitement de cacher son malaise en présence de Jilan mais c'était peine perdue. Oh bien entendu, il n'avait pas non plus écarquillé les yeux et lâché ce qu'il savait à propos de l'homme. Mais son attitude n'avait pas échappé à la jeune femme qui se retourna vers lui une première fois. Le Lightness soupira intérieurement. Pourquoi donc ce gamin n'était-il pas capable de faire preuve d'impassibilité ? C'était amusant mais à ce rythme, il allait simplement faire foirer son plan et le trahir, en dépit de sa bonne volonté à paraître aimable en leur compagnie. Enfin, vu les regards en biais qu'il lui jetait prudemment, le jeune professeur doutait qu'il avoue quoique ce soit à sa colocataire en sa présence. Ce qui était déjà, un bon début en soi. La suite promettait d'être amusante. Tandis qu'il observait du coin de l'oeil, les gestes futiles du garçon pour tenter d'agir naturellement en face de lui, Jilan entendit vaguement les excuses de leur interlocutrice à son encontre. Cela l'obligea à revenir au moment présent, au risque d'ignorer superbement la jeune femme pour se concentrer sur le nouveau venu, ce qui semblerait un peu étrange venant de quelqu'un qui l'avait vu en cours pendant toute une année. Ou alors Leann penserait à ce qu'il lui avait raconté le soir de leur rencontre ? Qu'elle imaginerait l'opinion du jeune professeur au sujet de la menace que représentait le garçon pour elle ? Ou pour eux d'ailleurs, même si ce n'était pas le cas aux yeux de l'homme. Se retenant de soupire une fois encore, Jilan reporta son attention sur la demoiselle, sans se défaire de son sourire poli. Allait-elle penser qu'il souriait trop pour être honnête ? Peut-être mais si c'était le cas, elle n'aurait jamais dû accepter de le revoir. Car leur entrevue privée dans son appartement, n'avait pas toujours été détendue quand on se rappelait les positions très différentes des deux interlocuteurs. Si la jeune femme avait envie de jouer avec le feu -et de se brûler- libre à elle. L'avoir accompagné directement chez lui avait déjà été une erreur de sa part, elle allait simplement en commettre d'autres jusqu'à la dernière que le Lightness lui accorderait. Toujours en la dévisageant, il balaya ses excuses d'un mouvement de la main. Pourquoi s'excuser quand il savait qu'elle avait été retenue par la présence de son colocataire ? Il n'allait pas le lui reprocher, au risque de paraître tout d'abord impoli, puis indiscret de l'avoir épiée alors qu'elle se trouvait à la porte des toilettes, empêchant au garçon, une bien mauvaise soirée. D'autant que lui-même s'était éclipsé un peu plus tôt, ne prenant pas la peine d'écourter ses retrouvailles avec l'humain sous prétexte qu'une délicieuse créature l'attendait à l'étage, seule à leur table. Jilan n'était pas quelqu'un de moral, sous bien des tableaux mais il connaissait les limites à ne pas dépasser dans son comportement de tous les jours, tout comme les règles qui l'affichaient comme un parfait gentleman. Ah, la dure vie que celle d'un manipulateur...
« Ne vous en faites pas pour cela, nous serons quittes comme ça. Et puis, je suis ravi de revoir mon étudiant... Une chance qu'on soit passé prendre un verre au bon moment, au bon endroit pas vrai ? » lança t-il à l'attention de l'albinos.
Alors que la jeune femme, peut-être rassurée par ces paroles, venait de reprendre sa place en face de son interlocuteur, ce dernier remarqua que le garçon semblait complètement paralysé. Le mot était certainement un peu fort pour décrire l'attitude du concerné mais il ne faisait pas non plus mine de vouloir s'asseoir à leur table. Allait-il céder à la panique et prétexter qu'il ne pouvait, finalement, plus accepter l'offre de Leann ? Non, cela n'allait pas se passer de la sorte. Le Lightness se leva soudain pour s'approcher de l'humain. En chemin, il attrapa une chaise à une table voisine et la tira en direction de la leur pour contraindre le garçon à s'y installer. Tenant la chaise d'une main, le bras de Natsume de l'autre, il réussit son coup en exerçant une légère pression sur les épaules de l'intéressé pour qu'il s'assoit enfin en leur compagnie, toujours aussi mal à l'aise. Le jeune professeur eut le plaisir de sentir un tremblement secouer le corps de l'humain quand ses mains se posèrent de chaque côté de sa tête. Il avait peur de lui ? Après son comportement revêche et les propos -presque- courageux qu'il lui avait tenus ? Et, de surcroît, alors qu'ils se trouvaient en présence de Leann ? Il était vraiment désespérant... A croire que Kyarra allait simplement s'ennuyer avec lui quand elle retrouverait enfin sa trace. L'idée amusa à moitié le jeune professeur et, profitant que leur interlocutrice s'autorisa une nouvelle gorgée de son verre -il avait discrètement noter que le contenu avait également changé entre temps- il se pencha vers le garçon pour venir lui murmurer quelques mots, se doutant que le brouhaha ambiant, les dissimulerait sans problème aux oreilles de la demoiselle.
« Elle ne sait rien alors tiens ta langue, sinon, je me verrai contraint de l'éliminer elle aussi... Tu ne veux pas qu'elle souffre n'est-ce pas ? Alors sois un bon élève et joue le jeu... »
Aussi rapidement qu'il avait effectué son action sournoise, il se redressa pour reprendre la place qu'il occupait avant l'arrivée des deux colocataires. Il eut bien du mal à cacher sa satisfaction devant la situation qui s'offrait à lui. La suffocation silencieuse du garçon et l'incompréhension à peine dissimulée de Leann quant à ce qui se passait entre les deux hommes. N'avait-elle aucune idée de comment étaient les relations entre les professeurs et leurs étudiants ? Dans quel monde vivait-elle au juste ? Si certains conservaient une bonne entente du début jusqu'à la fin, ou se faisaient une joie de revoir leurs anciens élèves sitôt que ces derniers quittaient les bancs de l'école, ce n'était pas le cas de tout le monde. Les seconds considérant souvent les premiers comme des tortionnaires modernes aux ordres de l'Education Nationale. Ce qui n'était, pas totalement faux si l'on prenait l'exemple de Jilan pour illustrer cette vision des choses. Enfin... En dépit de ce retournement de situation risqué pour lui, le Lightness appréciait finalement l'initiative de son interlocutrice. Elle ne pouvait pas mieux faire pour perturber davantage l'humain. Sans même que le jeune professeur ait à bouger le petit doigt. Et le pire dans tout ceci, c'est qu'elle ignorait tout de ce qui se tramait autour d'elle. Brave petite. C'était presque touchant de sa part. Mais s'il savait ne pas pouvoir compter sur Natsume pour engager et animer la conversation autour de la table, Jilan constata qu'il en était autant pour Leann. Cette dernière ne disait plus rien depuis le moment où ils avaient finalement pris place tous les trois, attendant peut-être que son colocataire prenne la parole pour communiquer ses impressions sur le fait de revoir son ancien professeur. Non pas que l'humain était en mesure d'affirmer à haute voix son opinion sur la question, ni même communiquer ses impressions mais garder le silence constituait une réponse en soi. Déplaçant furtivement sa jambe sous la table en bois, le Lightness vint marcher sur le pied du garçon pour l'inciter à réagir, le tout, sans rien laisser paraître sur son visage. Il se contentait, en effet, de dévisager tour à tour ses deux interlocuteurs, le même sourire tranquille étiré sur ses lèvres, afin de n'éveiller aucun soupçon chez la jeune femme. La réaction de sa victime fut immédiate et il voulut reposer son verre sur la table. Dans la précipitation de son mouvement, il manqua de renverser celui-ci. Au vue de la couleur du liquide et des bulles d'air qui remontaient de temps en temps à la surface, Jilan en déduisit qu'il s'agissait de la célèbre boisson importée des Etats-Unis. Un liquide sucré qui n'aurait pas été facile à enlever si jamais il s'était retrouvé sur les vêtements de l'un ou l'autre des deux interlocuteurs de l'humain. A la simple d'idée que quelqu'un d'autre puisse de nouveau foutre en l'air une de ses chemises, le jeune professeur répliqua par un coup de pied dans le tibia droit de Natsume avant de prendre la parole, le plus naturellement du monde, comme si ne se passait en dessous de la table.
« Et alors quoi, vous êtes bien silencieux tout d'un coup ? Tu n'as pas à te sentir gêné Natsume, nous ne sommes plus en cours et d'ici à ce que ces derniers reprennent en Septembre, j'aurai certainement oublié ce qui se sera dit ici. »
Lorsque la jeune femme l'avertit qu'elle était accompagnée pour la soirée, le cœur de Natsume se serra. Non pas qu'il veuille se l'approprier pour lui tout seul pour le reste de sa pause -après tout, elle était libre d'aller boire un verre avec qui elle voulait- mais il était pratiquement certain que sa colocataire se trouvait en compagnie du lycan. L'étudiant n'imaginait pas qu'un autre homme puisse sortir en tête-à-tête avec Leann et s'il avait s'agit d'une femme, en l'occurrence, une collègue de travail ou une amie -bien que l'intéressée avait reconnu être nouvelle en ville-, il doutait qu'elle se montra aussi embarrassée en lui proposant de se joindre à eux. Elle savait que son colocataire et Danaliel se connaissait alors pourquoi se montrer aussi réservée à l'idée d'une rencontre entre les deux amis ? Peut-être parce qu'elle ignorait réellement quelle était la relation qui unissait les deux hommes ? Il faut dire que le garçon n'était pas du tout préparé à revoir le lycan pour son cas. Il appréhendait même les retrouvailles car, même s'il ne ressentait aucune animosité à l'égard de son ami, il n'en éprouvait pas moins de la déception -et une pointe de rancune- quand il s'était senti abandonné par ce dernier. Sans cela, il était certain qu'il n'aurait pas rencontré Saphira, ni même qu'il soit tombé amoureux d'elle ou qu'il décroche un emploi dans le prestigieux Bouken... Mais quand même ! Il y avait certaines attitudes qui ne passaient pas. Sauf que le jeune barman n'était pas en mesure d'exprimer à voix haute, son ressenti et son appréhension suite à la proposition de son interlocutrice. Le regard brillant de Leann l'empêchait de refuser son invitation, surtout qu'il était l'instigateur d'une telle démarche, en lui proposant naturellement de boire un verre en sa compagnie durant son temps de pause. Avec le recul, Natsume se dit qu'il aurait dû se douter que la jeune femme serait accompagnée. Rares étaient les gens qui se rendaient dans un bar pour boire seul. Les ivrognes qui n'attachaient plus d'importance à rien d'autres qu'à leur dose d'hydromel existaient, certes, mais la plupart du temps, on se rendait dans de tels endroits pour faire la fête ou simplement profiter de la présence de ceux qu'on appréciait. Aurait-il dû d'abord demandé à sa colocataire si elle était seule ? Peut-être mais c'était trop tard pour faire marche arrière, aussi, accepta t-il son offre. Tant pis s'il s'agissait de Danaliel, il n'aurait qu'à pas trop parler et régler ses comptes avec le lycan une autre fois. Il avait d'autres problèmes plus importants que son ami à l'heure actuelle. Devrait-il lui en toucher un mot d'ailleurs ? Lui dire qu'un meurtrier à sa recherche se trouvait dans ce bar ? Alors qu'il suivait la jeune femme hors des toilettes, ignorant difficilement les regards curieux qu'on leur jetait en biais, Natsume oublia rapidement cette idée. Même si l'homme acceptait de l'écouter, rien ne disait qu'il irait s'en prendre à l'assassin, surtout en compagnie de Leann. Et puis... Danaliel n'avait jamais prétendu être du côté du Cercle lui aussi... Les pensées du garçon s'égarèrent un instant pour se remémorer cette sombre nuit dans la forêt. Celle pendant laquelle il avait découvert une autre facette du lycan, bien moins agréable que l'humour acide et l'odeur de cigarette qui l'accompagnait parfois. Même si un semblant d'amitié existait entre eux, il imaginait mal l'intéressé prendre des risques pour lui. Soupirant discrètement, le jeune barman remarqua au dernière moment qu'il approchait du bar. Il demanda à Leann ce qu'elle voulait boire mais sitôt après lui avoir répondu, elle insista pour l'aider à bander sa plaie. Chose qui intrigua le garçon. Est-ce que ça n'allait pas plutôt la tenter de goûter une nouvelle fois à ce liquide sanglant si alléchant ? Bien au contraire, elle ne manifesta aucun signe avant coureur d'une possible sortie de sa bête, ce qui rassura Natsume. Il la remercia chaleureusement pour son aide -inutile de préciser qu'il n'y serait probablement pas arrivé seul, doué comme il l'était!- et une fois servis tous les deux -de la vodka pour elle, un simple Coca-Cola pour lui- ils prirent la direction du premier étage. Sans aucune surprise, vu le genre d'individus qui demeuraient au rez-de-chaussé. Tout en atteignant les dernières marches d'escalier, l'étudiant sentit son cœur s'emballer un petit peu plus à chaque seconde. Sa conscience lui rappelait sans cesse qu'il était fort possible qu'il recroise également l'homme aux cheveux rouges ainsi que la personne qui l'accompagnait. Autrement dit, les deux complices qui avaient tué froidement son ancien collègue de travail. Le garçon déglutit difficilement et se résolut à ne rien laisser paraître sur son visage. Il doutait que son agresseur tenta à nouveau quelque chose contre lui alors qu'il n'était plus seul. Du moins, il l'espérait, tout comme il ne voulait pas Leann soit mise en danger par sa faute...
Cependant, sa respiration se bloqua d'elle-même quand il reconnut immédiatement l'individu en question, assis à une table non loin d'eux. A la grande surprise du jeune barman, personne ne se trouvait installé en face de lui et il ne put s'empêcher de jeter un bref regard aux tables voisines, ainsi qu'autour de lui sans que Leann ne le remarqua. Aucune trace de la prétendue louve dans les environs. Etait-ce une bonne ou une mauvaise chose. Le garçon n'aurait su le dire et se contenta donc de suivre sa colocataire qui...alla s'arrêter en face de la table de l'homme ?! Sous l'effet de la surprise, Natsume pilla net. Cela ne dura qu'une fraction de secondes, car un bref regard de la part de son amie, l'obligea à se rapprocher encore un peu. Avait-elle eu le temps de voir l'étrange lueur dans ses yeux ? Son léger froncement de sourcils laissait croire que oui, pourtant, elle ne fit aucune remarque à ce sujet, préférant s'excuser auprès de son invité. Mais ? Et Danaliel ? N'étaient-ils pas sensés être ensemble ? Son cerveau lui jouait-il un tour au point de remplacer involontairement le lycan par l'image de son agresseur ? Etait-il devenu fou et paranoïaque à ce point ?? Quand la voix du sinistre individu lui parvint, lointaine mais reconnaissable entre toutes, le garçon se mordit violemment la lèvre inférieure. Non, il ne rêvait pas. C'était simplement le pire des cauchemars qu'il pouvait imaginer. Que Leann se trouva en compagnie de cet homme... Tandis qu'une partie de lui s'efforçait de rejeter cette association improbable, l'autre essayait de garder la face devant le regard du meurtrier. Natsume ne comprenait plus rien et il ne put s'empêcher de blêmir légèrement en écoutant l'échange entre les deux interlocuteurs. Comment sa colocataire, si douce et gentille, pouvait fréquenter ce sadique ? Il devait le lui dire, ne pas la laisser une seconde de plus en sa compagnie, par peur qu'il lui fasse du mal. Oui mais comment faire ? Rattraper Leann et la tirer en arrière pour lui intimer de quitter les lieux en vitesse tandis qu'il affronterait seul l'homme ? Il n'était pas impossible que celui-ci puisse le tuer en pleine foule, s'il sentait sa couverture menacée mais peut-être, que le garçon aurait le temps de contacter la police avant que cela n'arriva ? Quelle était sa priorité ? Vivre ou laisser la jeune femme mettre sa vie en danger aux côtés de cet individu ? La question ne se posait même pas. S'il l'avait voulu, il aurait immédiatement tourné les talons, dévalé les escaliers pour se saisir du téléphone de fonction de l'établissement pour appeler les policiers. Mais et ensuite ? Comment être capable de protéger Leann ? Certes, elle était une louve mais pour avoir une complice de la même race, l'homme devait savoir comment s'en tirer face à elle si jamais elle laissait sa bête prendre le dessus. Ou alors il profiterait de sa surprise pour passer à l'action ? Cette idée arracha un frisson à Natsume. Si seulement il pouvait parler en tête-à-tête avec la jeune femme. Lui expliquer la situation. Quels dangers représentait cet individu et surtout, pourquoi diable se trouvait-elle avec lui ? Les paroles de leur interlocuteur commun le firent tilter. Son étudiant ? Alors il était professeur avec ça ? L'Education Nationale engageait vraiment n'importe qui... Ou alors il s'était forgée une fausse identité dans l'optique d'approcher la jeune femme ? Minute ! Il ne réfléchissait pas de la bonne manière. Comment l'homme avait-il pu l'aborder ? Etait-ce par pur hasard que leurs routes s'étaient croisées ? Non, ça ne pouvait pas être le cas. Dans ce cas, avait-il fait des recherches de son côté afin de le retrouver mais malheureusement, il avait aussi découvert l'existence de ses deux colocataires ? La panique s'insinua lentement en lui. Si ses soupçons s'avéraient justes, il allait pouvoir s'en prendre à Leann ou même Mikû avait de le viser lui... Natsume se sentit cruellement impuissant devant la tournure que prenaient les événements. Il ne voyait pas comment se sortir d'une situation pareille... Si seulement Danaliel avait été dans les parages. Oui mais il ne pouvait décidément plus compter sur le lycan, même si ce dernier l'avait autrefois aidé. L'envie de fuir reprit le dessus et son embarras dut alerter le prétendu professeur car ce dernier l'obligea à s'asseoir à leur table. Le jeune barman pouvait sentir toute l'autorité qui émanait du personnage, rien que dans la pression qu'il exerça sur ses épaules pour le faire s'installer sur une chaise, à leurs côtés. Etait-il aussi tordu que sadique ? Il devait certainement s'amuser comme un fou dans cette situation sauf qu'il allait rapidement déchanter lorsque le garçon dévoilerait la vérité. Mais avant qu'il n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche pour protester contre cette décision, -décision qui lui appartenait jusqu'à preuve du contraire-, son interlocuteur le devança en lui murmurant quelques mots à l'oreille. L'étudiant sentit son corps se raidir, l'air lui manquer. Qu'il s'en prenne à Leann ? Non... Il ne voulait pas ça... Etait-il réellement capable de mettre ses menaces à exécution ? Son regard le laissait croire. En proie au désespoir, le garçon reporta lamentablement son attention sur le contenu de son verre. Celui-ci tremblait légèrement entre ses mains tandis qu'il le conservait sur ses genoux, n'osant plus relever la tête pour dévisager l'un ou l'autre de ses interlocuteurs.
Un silence pesant -sonnant presque anormalement dans le brouhaha qui emplissait les lieux- s'installa entre eux. D'abord mal à l'aise par cette absence de conversation, le jeune barman commença à espérer que son manque de réactions à l'encontre de l'homme, allait tôt ou tard finir par alerter sa colocataire. Leann était une lycanne, ne sentait-elle pas ce genre de choses ? La crainte, l'envie de fuir ? Certainement, tout comme prédateur le faisait, Maria le lui avait appris. Mais peut-être qu'elle ne comprendrait pas pourquoi il se sentait mal à l'aise en compagnie de celui qu'elle pensait être son ancien professeur. Sauf qu'il ne voyait pas d'autres solutions pour la mettre en garde contre l'homme assis en leur compagnie. Jusqu'à ce que la douleur se fasse sentir. Réprimant une grimace de douleur, il ne put que tenter de reposer -maladroitement- son verre sur la table pour éviter de laisser échapper un gémissement. Son regard resta cependant rivé sur la table devant lui, ce qui ne dut pas non plus plaire à son agresseur car un second coup, au tibia cette fois-ci, lui fit serrer les dents. A ce moment, il osa relever la tête pour croiser le regard hétérochrome de l'homme, le fusillant du regard tandis que le sourire tranquille de ce dernier l'exaspérait au plus au point. Que cherchait-il à faire ? Le provoquer ? Comme si cette situation ne devait pas l'amuser assez, il fallait encore qu'il trouve le moyen de le faire souffrir physiquement en plus de le torturer mentalement ? Un rictus insolent s'installa sur les lèvres du garçon, alors qu'il soutenait difficilement le regard de son interlocuteur. Ne pas lui montrer qu'il avait peur, ne pas lui montre qu'il avait peur, ne pas lui...
« C'est que je m'attendais à voir quelqu'un d'autre quand Leann m'a avoué qu'elle était accompagnée... Les rapports prof/élèves ne sont plus ce qu'ils étaient autrefois j'en ai bien peur... Comment connaissez-vous Leann ? »
Le ton de sa voix n'était pas aussi assuré qu'il aurait voulu qu'il le soit mais au fur et à mesure qu'il s'exprimait, celui-ci se fit de moins en moins chaleureux et finit même par se montrer brutal quand l'étudiant posa finalement la question qui lui trottait dans la tête depuis un bon moment. C'était la seule chose qu'il trouvait à dire au lieu de « Qu'est-ce que vous nous-voulez ?! » qui aurait sonné de manière trop agressive aux oreilles de l'homme si ce dernier avait la ferme intention de mettre ses menaces à exécution.
Leann ne pouvait tout simplement pas ignorer l’attitude de son colocataire depuis qu’ils avaient atteins leur destination : la table du jeune professeur. Pourquoi donc Natsume ne bougeait pas ? Pourquoi Jilan dû se montrer galant ? Pour inciter son ami à prendre place à leur table ? Est-ce qu’elle avait fait une bourde en invitant ainsi l’étudiant ? Elle aurait aimé leur poser la question, mais elle ne voyait tout simplement pas comment tourner sa phrase. Leur demander de but en blanc lui paraissait être une bien mauvaise idée mais elle ne pouvait pas non plus prendre l’un de deux hommes à part pour cela. Premièrement, parce que cela était très impoli. Deuxièmement, parce qu’il aurait été évident pour l’homme restant que le duo parlerait de lui et ceci était tout aussi impoli. Alors quoi ? Elle devait rester à les regarder et attendre que l’un des deux dise quelque chose pour briser cette atmosphère ? Pourtant, Jilan avait l’air de prendre les choses en main, puisque Natsume finit par s’assoir. Alors qu’elle vit le premier se pencher sur le deuxième homme, il y eut de mouvement non loin d’eux. Un groupe d’homme qui avait l’air un peu trop éméchés et qui voulait essayer de contraindre une des serveuses à rester près d’eux. Et dire qu’ils étaient à l’étage, endroit où les gens -normalement- bien élevés et avec du savoir vivre devaient se trouver. Mais bon... L’alcool peut faire réagir les gens d’une certaine façon. C’était désolant à souhait et Leann aurait presque eu l’envie de se lever pour aller aider la jeune femme. Malheureusement, elle n’avait aucune envie de prendre sa place. De la lâcheté ? Oui un peu. Mais surtout, elle ne se voyait pas quitter la table et laisser les deux hommes en tête-à-tête. Toujours en ayant à l’esprit que ce genre de comportement ne convenait pas. Mais bien vite, la dite-serveuse fut sauvée par le vigile en service. Leann pu donc reporter son attention sur le professeur et son élève. Lorsqu’elle porta son regard sur ce dernier, elle fut surprise. Pourquoi lisait-elle du doute et de l’appréhension dans ses iris sanglants ? Est-ce qu’ils s’étaient dit quelque chose qu’elle n’avait pas entendu et qui avait une certaine importance ? Dans le doute, devait-elle poser la question ? Non, cela équivaudrait à leur avouer que pendant quelques instants, elle n’avait pas prêté attention à eux. Ce qui n’était pas polie en soi. Bon... Elle allait devoir faire avec et espérer qu’ils ne se soient rien dit de primordial. La louve fronça une fois de plus les sourcils en sentant une certaine odeur. Elle était subtile mais bien présente et... Elle émanait de son ami ? C’était à ne plus rien y comprendre. Pourquoi Natsume aurait-il peur dans cette situation ? Est-ce que, par hasard, la relation prof/élève était à redouter ? Il était tout bonnement impossible à la louve de le dire. Elle n’avait été scolarisée seulement lorsqu’elle était chez son père, ensuite plus rien. Elle ne pouvait tout simplement pas imaginer comment un étudiant de faculté était en compagnie de son professeur. Et pareil dans le sens inverse. Oh bien sur, elle avait conscience qu’il devait y avoir une sorte de respect mutuelle entre eux... A moins qu’elle ne se trompa également sur ce point ? Devait-elle également poser la question là dessus ? Non, elle allait surement passé pour une imbécile. Mais donc, elle devait faire l’autruche et ne pas se préoccuper de ce que son odorat lui permettait de sentir ? Elle se retient de soupirer en se disant que ce n’était aucunement l’entrevue qu’elle avait imaginé avoir avec les deux hommes. Elle n’avait pas réellement eu le temps de penser à quoi que ce soit, mais elle n’aurait surement pas pensé qu’il puisse y avoir un si grand blanc ainsi entre eux trois. Elle porta son attention sur son verre de vodka et décida de l’entamer. Elle avait conscience qu’elle allait passer pour une personne sans gêne mais elle avait toujours le goût du sang de son ami sur la langue. Leann but donc une longue gorgée, qui lui brula la gorge au passage, avant de reposer son verre. Voila qui était déjà un problème de réglé. Il ne restait plus qu’à... Parler aux deux hommes ? Ne serait-ce pas le plus difficile ? Pour le coup, elle commençait à regretter cette situation, ne sachant pas du tout si elle devait la laisser comme telle ou essayer de faire quelque chose. Une partie d’elle lui disait bien de prendre la parole mais elle ne savait pas quoi dire. Les questionner tout deux sur leur relation ne lui paraissait pas être une idée fabuleuse et commencer un sujet uniquement avec l’un des deux hommes était à exclure. Comme pour venir à son aide, Jilan prit la parole. Pour sa part, elle ne voyait pas quoi répondre à cette remarque. Leur communiquer qu’elle sentait un certain malaise entre eux et qu’elle n’avait pas voulu ça lui paraissait être une -encore- mauvaise idée. La louve dévisagea les deux hommes en se demandant ce qui s’était déjà passé entre eux. L’un paraissait sur de lui et l’autre voulait se montrer fort... Ou alors c’était son imagination ? L’effet de l’alcool avec sa perte de contrôle, qui lui jouait des tours ? Comme précédemment, on lui vient en aide et cette fois-ci, ce fut Natsume qui prit la parole. Il s’attendait à voir quelqu’un d’autre ? Danaliel peut-être ? Leann se retient d’afficher un sourire triste à cette pensée. Même si elle appréciait Jilan, elle devait reconnaitre que passer du temps avec son compagnon lui aurait fait du bien. Mais... Il ne l’avait pas encore recontacté après leur dernière entrevue. Elle ne l’avait pas non plus croisé à la boite de nuit. Elle regrettait tout ce qui s’était passé mais ce n’était pas le moment de penser à cela. Et puis, quelque chose dans la voix de son ami l’intrigua également et la fit sortir de ses pensées. Etait-ce de l’amertume qu’elle décelait ? Si c’était le cas, pourquoi ? C’était à ne rien y comprendre mais une chose était sûre : elle avait merdé en les confrontant. Le regard de la louve faisait la navette entre les deux hommes et elle se demanda si elle devait répondre à la question de Natsume à la place de Jilan. Parce qu’après tout, il ne s’était pas adressé à elle et répondre à la place d’un autre était surement pas poli. Elle devait donc rester en retrait et ne parler que lorsque l’on lui poserait une question ? Ce n’était pas comme si ça allait lui poser des problèmes d’agir de la sorte. Certes, elle ne voulait plus rester passive mais elle n’allait quand même pas s’imposer dans une conversation si rien n’indiquait que l’on avait besoin de son avis. C’est donc sans réel gêne qu’elle laissa Jilan répondre à la question de son ami. Elle nota qu’il ne l’enfonça pas tant que ça quant aux circonstances de leur rencontre. Mais bon, Natsume savait déjà comment était la louve : trop gentille avec n’importe qui.
Spoiler:
> > Vous pouvez me jeter des pierres -pas trop grosses- pour ce poste >.>" < <
Satisfait de son double jeu, le Lightness eut le loisir d'apprécier que ses menaces morales, comme physiques, semblaient s'être ancrées dans l'esprit du garçon. Ce dernier, toujours aussi mal à l'aise en sa présence, ne faisait pas mine d'alerter la jeune femme par les rares moyens qui se trouvaient à sa disposition. Il pensait la faire réagir par son silence ? Alors il pensait sincèrement que Jilan serait assez stupide pour le laisser faire et ruiner l'intégrité de son plan ?... Quel imbécile... Le jeune professeur eut bien du mal à se retenir de lui infliger un nouveau coup dans les tibias, de peur que la douleur se perçoive dans la voix de Natsume alors qu'il prenait enfin la parole. Le Lightness se devait de prendre son mal en patience. Il se détendit en songeant à ce qui attendait le gamin alors qu'il rentrerait chez lui, éprouvé par cette soirée. Rien que d'imaginer sa tête, sa surprise, sa terreur... Le sentiment qui l'étreindrait lorsqu'il comprendrait qu'il allait mourir dans l'appartement qu'il avait partagé avec la jeune femme, sans moyen d'alerter qui que ce soit, entre les griffes de sa complice. Non, il était décidément plus amusant de faire parler l'étudiant comme si de rien n'était entre eux. C'était une manière de jouer encore un peu plus à ses dépends, tout en le préparant pour ce qui l'attendait ensuite. Jilan reporta brièvement son attention sur la personne qui lui faisait face. La jeune femme n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'elle s'était excusée pour l'attente qu'elle avait infligée à son invité. Pourquoi ce silence ? Se doutait-elle de quelque chose ? Bien que tendu, le Lightness ne se sépara pas de sons sourire, préférant de jouer les menteurs jusqu'au bout. Il était évident que Leann pouvait sentir que quelque chose ne collait pas dans cette entrevue imprévue, qu'il ne devrait pas avoir autant d'animosité entre les deux hommes, et ce, en dépit des problèmes que suscitaient parfois une relation entre un étudiant et son professeur. Elle ne pouvait pas être stupide à ce point, si ? Même si elle ignorait ce qui se passait réellement ou alors, ce qu'aurait dû être la relation entre les deux interlocuteurs, elle allait forcément remarquer combien le corps de son colocataire s'était raidi depuis que les iris rubis avaient rencontré, ceux, hétérochromes, de son agresseur. A moins qu'elle n'ait entendu les propos que le Lightness avait murmuré à l'oreille de son ami ? Si c'était le cas, son silence n'annonçait rien de bon. Elle devait certainement se poser des questions au sujet de la sincérité du jeune professeur, sur ce qui se passait, si elle devait intervenir ou non... Comme pour le couper dans ses réflexions, le garçon choisit ce moment pour reprendre la parole. Il avait l'air d'avoir compris la leçon, mais le timbre de sa voix se fit froid sur les derniers mots, faisant à demi arquer un sourcil à son interlocuteur. Il voulait se la jouer ainsi ? Lui prouver qu'il ne le craignait pas ? Alors qu'il n'avait fait que multiplier les signaux prouvant le contraire ? S'il avait pu, Jilan aurait éclaté de rire mais les circonstances l'en empêchaient. Il attendit donc patiemment que le garçon finisse sa tirade avant de lui écraser le pied une nouvelle fois, plus fort et pendant plus longtemps que la première fois. Même dans cette situation, il essayait encore de lui tenir tête ? C'était bien courageux de sa part mais voué à l'échec, le Lightness allait le lui prouver. Il se surprit soudain à se sentir...agacé par l'attitude de l'humain. Pourquoi s'énervait-il pour un simple morveux dont les jours, non, les heures mêmes étaient désormais comptées ? Le jeune professeur prit sur lui une fois encore afin d'éviter de se trahir, aussi bien dans ses propos que dans le son de sa voix. La conversation ne faisait que commencer, il avait encore tout le temps de lui faire payer son insolence. Du moment que Leann ne se douta de rien...
« Tu me demandes comment ? Elle ne t'a donc rien dit ? » commença t-il en jetant un regard en direction de l'intéressée.
Non pas que cela le surprenne tant que ça, le contraire l'aurait davantage étonné. Les colocataires vivaient certes, sous un même toit mais cela n'en faisaient pas pour autant des confidents. Si la jeune femme avait préféré ne pas évoquer sa rencontre, puis son entrevue avec lui, Jilan n'y voyait aucun inconvénient. Il pouvait comprendre que la tournure de la conversation, dont une grande partie était demeurée centrée autour de l'étudiant, n'avait pas lieu de lui être rapportée. Quant à ce concernait le strip-tease de Leann... Sans doute que le garçon connaissait le métier de sa colocataire mais peut-être pas l'autre facette de celui-ci... Le coup d'oeil qu'il porta à la jeune femme, étant autant destiné à l'encourager pour prendre la parole à son tour, que pour lui rappeler, à travers une lueur amusée dans les yeux, ce qui s'était passé ce soir là. Comment leur rencontre avait débuté et de quelle manière elle s'était achevée... Devait-il rapporter à l'humain que sa gentille colocataire s'était déshabillée devant lui, le soir même de leur rencontre ? Sans aller jusqu'à parler de strip-tease, le simple fait d'en évoquer quelques mots, pourrait faire passer Leann pour autre chose qu'une jeune femme sans histoire et sans...penchants ? Le Lightness s'amusa en silence de ce qu'il crut apercevoir dans le regard de son interlocutrice. Avait-elle compris ce qu'il envisageait de faire ? Le redoutait-elle ? Ou alors, elle s'étonnait qu'il puisse agir de la sorte ? Peut-être qu'elle ne le pensait pas capable d'une chose pareille ? C'était bien mal le connaître mais après tout... Qui pouvait affirmer connaître le vrai visage du jeune professeur ? Il s'adossa plus fermement contre le dossier de sa chaise avant de reprendre, d'une voix assurée.
« Je prenais un verre ici même quand on s'est rencontré. Le hasard l'a mise sur ma route, rien de plus. Elle m'est tombée dessus d'une manière plus que charmante, sauf du point de vue de ma chemise. C'est comme cela qu'on a fait connaissance. »
Cela dit, il se tut un instant, laissant le choix à l'intéressée de confirmer -ou non- ce qui venait d'être dit. Ce n'était pas son intention que d'enfoncer le clou en rappelant à la jeune femme qu'elle avait gâché une de ses chemises ce soir-là. Aussi précieuses étaient-elles aux yeux du Lightness, ce n'était qu'une chemise et rien de plus. On pouvait s'en procurer dans n'importe quelle supérette du coin. Y compris celle dans laquelle son interlocutrice avait visiblement fait ses courses. Espérant avoir rassuré Leann sur la possibilité d'avouer ce qui s'était réellement passé entre eux ce soir là, Jilan reporta donc son attention sur l'humain. Son expression n'avait que peu changé entre temps. Toujours ce même regard qui se voulait revêche alors que son corps était quelques fois parcouru de tremblements. Vraiment pitoyable... Le jeune professeur se retint de soupirer devant cette attitude complètement ridicule que lui offrait le garçon. Qu'il se décide à faire un choix entre un semblant de bravoure et une terreur sans nom, pas lui afficher un mélange des deux... Enfin, il doutait d'obtenir mieux de sa part. A moins que... ? Alors que le silence revenait à la charge autour de la table, le Lightness se décida à jouer une autre de ses cartes. Peut-être que Leann ne comprendrait pas le sens de sa démarche ou n'accepterait pas qu'il aborde l'un des principaux sujets de conversation entre eux le soir de leur rencontre. Mais si cela pouvait faire de nouveau blêmir Natsume, alors le jeune professeur se ferait une joie de relancer la discussion. Il décroisa les bras -qu'il n'avait même plus le souvenir d'avoir placés dans cette position- et installa ces derniers sur la table, se rapprochant légèrement du garçon par la même occasion.
« D'ailleurs, on a commencé à parler de toi après qu'elle m'ait dit que vous étiez colocataires... Tu ne penses pas que c'est le bon moment pour le lui dire ? Alors que nous sommes tous réunis ? » ajouta t-il avec un début de sourire sournois à l'encontre de l'étudiant.
Laissant volontairement quelques secondes s'écouler tandis que la nouvelle allait lentement percuter le cerveau de l'humain -et peut-être celui de Leann au passage-, Jilan se contenta de fixer son interlocuteur droit dans les yeux avant de se repousser en arrière, attrapant son second verre de whisky au passage pour s'autoriser une longue gorgée du liquide ambré. De quelles manières ce face à face allait tourner ?
Avait-il bien fait de lui demander des précisions concernant sa rencontre avec Leann ? Plus les secondes défilaient, plus le garçon en doutait. Il y avait plusieurs possibilités. Peut-être que la jeune femme l'avait rencontré sur son lieu de travail, dans la boite de nuit que tenait Danaliel ou alors ils s'étaient rencontrés par le plus pur des hasards, chose qu'il se refusait à croire. Si l'homme en face de lui avait essayé de retrouver sa trace, il était presque certain que l'individu ait cherché à se rapprocher de l'entourage de l'étudiant pour mieux l'atteindre. Sans aller jusqu'à devenir paranoïaque, c'était l'option la plus concrète qui s'offrait aux yeux de Natsume. D'autant plus que sa colocataire et le prétendu professeur ne paraissaient pas fréquenter les mêmes lieux, de part leurs métiers que leurs états d'esprit respectifs. Tandis qu'il réfléchissait silencieusement, le jeune barman se retint de soupire lorsque lui vint cette évidence : si son amie ne lui avait pas parlé de cette rencontre -pourquoi l'aurait-elle fait après tout ?- c'était sans aucun doute parce que celle-ci avait dû se dérouler le plus naturellement du monde. Pas de comportements louches ou insistants. Pas de questions indiscrètes. Mais connaissant le personnage, le garçon ne pouvait que valider cette théorie. L'homme savait jouer les manipulateurs en toutes circonstances, Leann avait dû se faire avoir par ses bonnes manières et son sourire. Sauf qu'à cause de lui, elle se retrouvait en danger aussi. Pouvait-il réellement croire son interlocuteur sur parole quand ce dernier laissait entendre qu'il ne ferait de mal à la jeune femme, uniquement si sa cible se mettait à dévoiler ses actes passés ? Une partie de la conscience de Natsume lui hurlait le contraire mais que pouvait-il faire d'autre ? Tenter le tout pour le tout et le regretter par la suite s'ils venaient à mourir tous les deux ? Qu'il se fasse tuer était une chose. Qu'il mette en danger la vie d'une personne innocente et qu'il appréciait, en était une autre. Fixant le visage du professeur dans l'espoir d'entendre sa version des faits, le garçon ne vit pas venir la nouvelle attaque. Son pied, déjà douloureux, le fit grimacer une fois encore. Mais dans le fond, il remercia presque l'homme pour agir de la sorte envers lui. S'il continuait à lui envoyer des coups sournois sous la table, la douleur de l'étudiant finirait par apparaître dans son expression ou le timbre de sa voix, ce qui pousserait peut-être sa colocataire à se poser des questions. Avec un peu de chance, elle ne ferait pas la moindre remarque à ce sujet, discrète et réservée comme elle était mais qu'elle prêterait davantage attention aux efforts de l'homme aux cheveux écarlates pour jouer les gentlemen. Natsume misait sur les capacités des lycans à déceler certains signaux qui ne trompaient pas. Il espérait vraiment que Leann remarqua quelque chose qui puisse lui mettre la puce à l'oreille. Qu'elle ait le temps de fuir, de ne plus jamais recroiser la route de cet individu ou qu'elle prévienne la police. Cependant, son flot de réflexions -et d'espoirs- se vit interrompu par la réponse du professeur. La voix de ce dernier laissait supposer qu'ils s'étaient rencontrés d'une manière peu banale, ce qui alerta immédiatement l'étudiant. Lui avait-il fait quelque chose ? Non... La jeune femme n'aurait jamais accepté de le revoir dans ce cas. A moins qu'il n'utilisa un quelconque moyen de pression sur elle également ? De nouveaux tremblements secouèrent le corps de Natsume mais cette-fois, il s'agissait non plus de peur mais de colère. Il se retint de rétorquer qu'il n'en avait rien à faire des circonstances de leur rencontre, qu'il voulait simplement que son interlocuteur quitta immédiatement l'établissement sans jamais y remettre les pieds. Mais bien entendu, aucun mot ne sortit de sa bouche car l'homme reprit aussitôt. Le bref regard qu'il lança à Leann, inquiéta davantage l'étudiant, toutefois, la suite de ses propos fit retomber légèrement la pression autour de la table. Une simple rencontre, fruit du hasard ? Puisque l'individu l'affirmait par lui-même, il y avait une chance pour que cela soit vrai. Il aurait très bien pu lui mentir, ou déformer la réalité sans que cela alerta la jeune femme. Le garçon observa en coin, la réaction de son amie suite à cette affirmation et il dut accepter le fait que leur interlocuteur commun semblait avoir dit la vérité les concernant. Pourtant, une lueur étrange fit son apparition dans les iris de sa colocataire. Etait-ce un reflet du à l'éclairage du bar ? Une hallucination ? Peut-être que le stress lui faisait imaginer toutes sortes de choses... ?
Sauf qu'il n'eut pas l'occasion de s'y attarder davantage ou même de poser carrément la question à Leann, histoire d'en savoir plus. Comme s'il voulait les empêcher de se concerter entre eux pour mettre les choses au clair dès à présent, voilà que l'homme aux cheveux écarlates reprenait la parole. Mais cette-fois, il s'adressait de nouveau au garçon. Ce dernier dut se résoudre à tourner la tête en direction de celui qui venait de parler mais ses questions le prirent de court. Natsume sentit son corps se raidir entièrement -si ce n'était pas déjà le cas auparavant- et sa respiration se bloqua un instant quand le sens des paroles du professeur atteignirent son cerveau. Sur le coup, il en voulut à sa colocataire d'avoir avoué qu'ils vivaient ensemble. Ce n'était pas comme si la situation n'était pas suffisamment compliquée comme ça, pour qu'en plus, ils fournissent des informations supplémentaires à leur prédateur, histoire que ce dernier s'amusa encore un peu plus à les tourmenter. D'un autre côté, Leann devait malheureusement ignorer ce dont l'homme était réellement capable envers ses semblables, aussi l'étudiant s'efforça t-il de ne plus penser à l'erreur qu'avait commise son amie. Elle ne pouvait pas savoir... Devait-il reporter sa colère sur les forces de l'ordre ? Pour n'avoir pas arrêté à temps les deux complices ? Alors même qu'il avait pris son courage à deux mains pour aller faire sa déposition au commissariat le plus proche ? La soudaine proximité entre lui et son agresseur -plus que son regard insistant- ramena le garçon à la réalité. Inconsciemment, il se recula légèrement pour garantir un semblant de distance de sécurité entre eux, bien que cela ne lui soit pas d'une grande aide vu la tournure de la conversation. Qu'insinuait-il ? L'idée même que son interlocuteur puisse lui permettre d'annoncer qu'il n'était rien d'autre qu'un meurtrier, aurait fait sourire Natsume dans d'autres circonstances, tant cela lui paraissait stupide. Non... L'homme voulait parler d'autre chose mais... La lumière se fit soudain dans l'esprit de l'étudiant et son visage blêmit encore un peu, au point qu'on aurait pu le comparer avec l'une de ses créatures de la nuit, connue pour la pâleur de leur peau. Le professeur ne pouvait tout de même pas faire allusion à ça ? Comment pouvait-il l'obliger à dévoiler sa véritable condition à sa colocataire ? Avait-il laissé entendre à la jeune femme, que le garçon avait quelques problèmes disons, particuliers ? L'inquiétude revint à la charge dans l'esprit de Natsume. Mais cette fois-ci, ce n'était pas la crainte qu'on leur fasse du mal. Il avait davantage peur que la louve apprenne pour Elisabeth, ce qu'il avait pu commettre comme crimes par sa faute et qu'elle changea son regard sur lui. Certes, lui l'avait accepté en tant que colocataire et amie, malgré la race de Leann ainsi que ce qui s'était passé dans les toilettes un peu plus tôt. Mais est-ce que cette dernière se montrerait aussi compréhensive à son égard ? Peut-être que le fait d'avoir chacun une part d'ombre à contrôler les rendrait plus proches ? Ou alors, si la jeune femme n'avait encore jamais réellement agressé quelqu'un, au point de le tuer, pourrait-elle vraiment accepter le fait que le garçon avait, quant à lui, du sang sur les mains ? Et pas n'importe lequel, car les personnes proches de lui étaient les plus touchées ? Natsume pouvait comprendre que sa colocataire craignit pour sa propre vie -même si la force d'un lycan restait inégalable- ainsi que pour celle de Mikû. Qu'après avoir encaissé la découverte et bien réfléchit à ce sujet, elles lui demanderaient tout simplement de quitter la colocation ? D'une part, parce qu'il était un danger pour elle mais aussi parce qu'il leur avait caché la vérité ? S'il avait su qu'il se retrouverait dans une situation pareille, l'étudiant aurait voulu revenir en arrière, pour changer les choses. Quitte à tout dévoiler aux deux jeunes femmes et qu'elles le mettent à la porte dès leur premier jour passé ensemble. Quitte à ne pas vivre tous les moments qu'ils avaient passés ensemble...
« Je ne sais pas... de quoi vous parlez... Et même si c'était le cas, Leann sait déjà tout ce qu'il y a à savoir sur moi... Cessez vos insinuations déplaisantes. »
Le son de sa voix, bien que bas, n'en était pas moins glacial. Tant pis si son interlocuteur n'appréciait pas son attitude ou son ordre, à peine dissimulé. Il pouvait bien lui faire du pied ou continuer à le malmener, ça ne changeait rien aux yeux du garçon. Ce dernier avait déjà compris -et presque accepté- que la personne à sa droite serait celle qui mettrait fin à ses jours. Pourquoi résister ? Pour que cela attira des ennuis à Leann ? S'il en avait eu le courage, le jeune barman aurait relevé la tête pour chercher le regard de son amie. Il ne voulait pas lui montrer sa résignation et sa tristesse. Mais au moins la regarder droit dans les yeux, une dernière fois avant la fin. Qu'il puisse graver dans sa mémoire, même si celle-ci serait peut-être effacée par la darkness, l'expression de sa colocataire. Savoir qu'il agissait ainsi pour la protéger, elle et Mikû, lui donnait un peu de courage. Dans une tentative pour s'épargner une autre coup de pied de la part du prétendu professeur, Natsume attrapa son verre, lequel avait été laissé tranquille jusqu'à présent et se mit à boire une longue gorgée de Coca Cola. La boisson lui agressa la gorge mais il s'en moqua pas mal. Que pouvaient bien lui faire quelques bulles d'air quand il se doutait du sort qu'il l'attendait ? Son entreprise eut l'air de fonctionner car il ne sentit aucune douleur dans ses tibias ou ses pieds. Une fois qu'il eut vidé son verre, les iris rubis se portèrent inconsciemment en direction de l'horloge, située sur un pan de mur un peu plus loin. Son temps de pause n'allait pas tarder à prendre fin. Vu comment c'était parti, il pouvait bien se permettre de glisser une dernière pique à l'intention de son agresseur avant de s'excuser pour repartir travailler. Mais avant d'avoir le temps de prononcer quoique ce soit, une sonnerie de portable l'arrêta net dans son idée, venant couper court aux échanges houleux au sein du trio.
Alors qu’elle avait écouté les paroles de l’homme qui répondait à son colocataire, elle se rendit compte qu’elle n’avait pas cherché à comprendre le sens de sa première phrase. Or, en y repensant un peu, elle avait comme l’impression que Jilan avait essayé de jouer avec son ami. Du moins, en essayant de lui faire imaginer pas mal de choses avec une telle tournure de phrase. Etait-ce un procédé fréquemment utilisé par les professeurs sur leurs élèves ? Pour les faire réfléchir d’autant plus ? C’était étrange, comme il venait de le dire, la période scolaire était terminée et ils n’avaient donc plus à agir dans les rôles qu’ils représentaient chacun. La louve se demanda alors si les deux hommes ne s’étaient pas rencontrés autre part que sur les bancs de l’université ? Mais si c’était le cas, pourquoi Jilan se serait-il contenter de lui dire qu’il était simplement l’enseignant de Natsume ? Leann réprima un soupire en se disant qu’elle devait aller chercher un peu trop loin... Bien que l’attitude de son ami albinos ne soit pas aussi détendue qu’à son habitude. Il était sur la défensive et cela se sentait. Devait-elle oser poser la question à voix haute une bonne fois pour toute pour être fixer sur ce qui était en train de se passer ? Elle oublia toutes interrogations lorsque ses yeux croisèrent ceux hétérochromes de Jilan. Elle pouvait facilement voir qu’il pensait à ce qu’elle avait fait dans son appartement : accepter de lui faire un strip-tease. Devait-elle lui dire qu’elle ne s’en offenserait pas qu’il agisse de la sorte ? Même si elle ne comprenait pas pourquoi il agirait ainsi. Premièrement, parce que ce n’était pas comme si cela avait une grande importance. Deuxièmement, parce que cela ne regardait pas Natsume. Ils vivaient certes, ensemble mais ils avaient encore une partie de leur vie que chaque colocataire ignorait des autres. Non, si le professeur se mettait à raconter ce genre de chose, elle se poserait beaucoup plus de questions sur son compte et sur ses intentions. Même si jusqu’à maintenant, elle n’avait pas eu à se plaindre... Si on omettait le fait qu’il avait insisté sur une partie de la vie de son ami. Elle se demanda un instant si elle devait garder à l’esprit cet incident mais bien vite elle décida que ce n’était pas la peine. Elle ne reparlerait pas de ce sujet avec Jilan et elle ne se voyait tout simplement pas l’aborder avec son colocataire. Pas plusieurs semaines après cette dite-discussion. Leann sortit de ses pensées lorsque le professeur répondit -de manière moins détournée- à la question de Natsume. Elle se retient de lever les yeux au ciel en entendant la description des faits. Bon c’était vrai qu’elle lui était tombée dessus, même si le terme « rentrer dedans » aurait été plus approprié à ses yeux. Et pour le coup de la chemise, elle ne pu retenir un petit soupire. Même si elle avait remit le sujet sur le tapis dès leur « retrouvaille » elle s’attendait presque qu’il n’oublie pas de si tôt cet accident. La lycanne songea un instant à sortir la chemise qu’elle avait dans son sac pour lui dire qu’il n’avait plus à se plaindre de ce côté, mais elle trouvait l’approche et la situation non propice. Aussi se contenta-t-elle d’hausser les épaules maladroitement lorsque Natsume porta son regard sur elle. Oui, c’était réellement la version de leur rencontre et oui elle était toujours aussi maladroite dans les mauvaises situations. Même si cette fois, elle n’avait été en rien là dedans... Après un semblant de silence, pendant lequel son ami avait l’air de se demander si Jilan lui racontait vraiment la vérité, ce dernier reprit la parole et Leann tourna rapidement la tête dans sa direction en haussant un sourcil. Il lui avouait avoir parlé de lui avec elle. Ca ne la dérangeait pas vraiment, puisqu’elle n’avait rien à cacher, mais cette démarche dérangea la louve sans qu’elle ne sache vraiment pourquoi. Elle fronça ensuite les sourcils lorsqu’elle entendit les questions consécutives de Jilan. Pourquoi parlait-il donc de ça ? Ici et maintenant ? Mais surtout, de quoi se mêlait-il au juste ? Il n’était qu’une connaissance de Leann et le professeur de Natsume, de quel droit se permettait-il de faire ce genre de remarque ? La jeune femme n’apprécia pas du tout cette démarche et son regard ne cachait en rien ce qu’elle pouvait penser. Elle ouvrit la bouche pour lui répondre mais son ami l’a devança. Même s’il lui cachait réellement quelque chose, ce que semblait croire Jilan, il était évident qu’il ne dirait rien ici. Premièrement, parce que s’il avait voulu lui parler, il l’aurait déjà fait. S’il ne le faisait pas c’est qu’il avait ses raisons. Deuxièmement, parce que Jilan était là. Si c’était aussi important que semblait le croire ce dernier, il était naturel que son colocataire n’aborde pas ce genre de sujet dans un lieu public et en compagnie de quelqu’un d’autre. Reportant son attention sur le professeur, la louve répondit à son tour. Son ton était neutre, bien qu’un peu autoritaire.
« Nous avons déjà eu ce genre de discussion et je vous ai déjà dis que peu m’importait les secrets de Natsume. Je ne sais pas ce que vous cherchez à faire mais cessez s’il vous plait. »
Peut-être qu’il cherchait dans le fond à les aider en poussant Natsume à se dévoiler, mais Leann n’aimait pas ce genre de procédés. Elle n’était pas de ces gens qui poussaient leurs amis à leur parler. Elle respectait le fait que tout un chacun avait besoin de son jardin secret et que rare étaient les personnes à y pénétrer. Devait-elle le rappeler à Jilan ? Elle supposait que ça ne servait à rien, il avait conscience du point de vue de la jeune femme. Mais donc, il avait abordé ce sujet, uniquement pour Natsume... Mais n’avaient-ils pas eu ce genre de discussion également ? Si son ami s’était -en partie- dévoilé à son professeur, il avait dû également lui dire qu’il ne souhaitait pas en parlant à tord et à travers et qu’il voulait avoir le choix de décider qui serait au courant ou non. Leann commença à se poser des questions sur les intentions de ce jeune professeur mais ses interrogations furent interrompues alors qu’une sonnerie de portable se fit entendre. Plusieurs secondes furent nécessaires à la louve pour qu’elle comprenne qu’il s’agissait de son propre portable et que cette sonnerie était mise pour le club. Une pour Natsume, une pour l’appartement et une pour le club. Elle se pencha alors sur son sac pour récupérer l’objet rapidement, histoire de ne pas louper l’appel. Même si elle savait que cela ne se faisait pas, elle savait aussi que la boîte de nuit ne l’appellerait pas si ce n’était pas un peu important. Horaire modifié, tenus spéciales pour la soirée... Le genre de chose qu’il vaut mieux apprendre le plus rapidement possible, histoire d’agir en conséquence. Elle ne pu cependant pas s’empêcher de jeter un regard en direction des deux hommes pour avoir leur avis. Natsume se leva pour leur signifier que son temps de pause était fini et qu’il devait reprendre le travail, quant à Jilan, il lui signifia du coin de l’œil que ça ne le dérangeait pas. Du moins, c’est ainsi qu’elle prenait son regard. Pour le coup, elle resta donc à table, surtout qu’elle supposait ne pas en avoir pour très longtemps. Elle reconnu la voix de Sophia, et la salua rapidement. Elle fut étonnée de ne pas la sentir aussi joyeuse que d’habitude, mais elle était comme tout le monde : des jours avec, des jours sans.
« Bonsoir Leann... Euh... Ce n’est pas un licenciement mais... Tu n’as plus à venir à la Cage pendant un moment. »
La louve regarda droit devant elle sans vraiment voir ce qui s’y trouvait, attendant simplement la suite des propos de sa collègue et en faisant une montagne de supposition. Etait-ce Danaliel qui lui faisait prendre des vacances pour ne pas avoir à la croiser sur leur lieu de travail ? Non, il n’agirait pas comme ça. Mais alors quoi ? Elle n’avait pas entendu parler de rénovations ou même d’une potentielle fermeture -temporaire- de la boîte. Ou alors, comme elle avait eu deux jours de repos, elle n’avait pas entendu les rumeurs ? A moins que ce ne soit parce qu’il y avait trop de danseurs ces derniers temps et qu’il avait été obligé d’en choisir certaine et d’autres non ? Non, ça ne collait pas non plus.
« Leann ? Tu m’écoutes ? »
« Non je suis désolée... Y a-t-il une raison à ça ? »
Leann entendit son interlocutrice soupirer à l’autre bout du fil. Elle devait surement la prendre pour une écervelée, mais elle ne lui fit aucune remarque. Sophia n’était pas du genre à critiquer les gens ou leur façon d’être. Elle reprit cependant, sa voix avait quelque chose d’étrange.
« C’est ce que j’étais en train de te dire... Nous sommes obligés de fermer le club... »
Elle prenait un temps fou à lui dire ce qui était en train de se passer que la louve commençait à s’imaginer pas mal de chose. Un incendie dans l’établissement ? Un nombre d’employé touchés, ce qui ne permettait pas d’assurer tout le service du club ? L’estomac de Leann se serra en pensant qu’il pouvait s’agir de Danaliel lui-même mais elle émit un faible sourire pour se rassurer et se dit que ça ne pouvait pas être ça. Pourtant les prochaines paroles de sa collègue lui donnèrent cruellement raison.
« La police a retrouvé le corps de Danaliel dans la journée. Et comme personne n’est en mesure de reprendre le club à sa place, il faut le fermer. Je te tiens au courant dès que... » Leann avait lâché son portable qui s’écrasa probablement sur le sol, elle ne faisait plus attention à ce qui était en train de se passer autour d’elle. Elle se serait retrouver au milieu d’une foule, elle n’aurait entendu aucun bruit. Son esprit était comme bloqué sur ce qu’elle venait d’entendre. « Le corps de Danaliel »... Il... Etait mort ? Elle ne voulait pas le croire mais... Jamais Sophia ne lui aurait fait une plaisanterie de ce genre. La louve n’était même pas sur que ses collègues soient au courant pour sa relation avec le patron... Donc... Elle lui avait dit la vérité ? Il était réellement sorti de sa vie ? Après si peu de temps passé ensemble ? Après ce qu’ils avaient vécus et ce qu’ils avaient encore à faire ? Qu’allait-elle devenir s’il n’était plus là ? Elle s’était promit beaucoup de chose mais elles tournaient toutes autour du loup. Mais s’il disparaissait, que faire ? Leann senti sa respiration s’accélérer sous l’effet du choc et elle se leva. Elle avait besoin d’air, besoin de savoir si elle ne rêvait pas. Sans un regard du côté de Jilan, à vrai dire elle ne se souvenait plus de sa présence, elle prit la direction des escaliers sans se préoccuper des personnes sur son passage. Un homme la bouscula -ou alors elle le bouscula ?- et seul un grognement sourd monta dans la gorge de la jeune femme, faisant reculer l’homme. Personne ne se mettrait en travers de son chemin jusqu’à la porte d’entrée de l’établissement. Elle dévala les escaliers et se dirigea vers sa destination, cognant par moment des clients et ne s’excusant pas. Elle n’avait pas réellement conscience qu’elle les bousculait et quant bien même, elle n’avait que faire de les reproches. Une fois dehors, elle cru que l’air frais allait rentrer seul dans ses poumons, mais ce n’était pas le cas, l’oxygène refusait de pénétrer son corps. Il fallait qu’elle se calme, elle était incapable de respirer. Elle fit encore quelques pas avant de s’écraser sur le sol, les genoux en avant et les mains pour amortir le choc. La louve ferma les yeux pour essayer de faire le vide dans sa tête, mais les mots de Sophia revenaient toujours à la charge. Ce n’est que lorsqu’elle se rendit compte que sa bête était totalement absente qu’elle comprit que quelque chose n’allait pas. Elle prit plusieurs inspirations saccadées avant de tousser, ayant trop d’air d’un coup dans ses poumons. Elle était complètement perdue, il fallait qu’elle respire mais chaque bouffée d’air semblait lui bruler la gorge et elle ne savait pas ce qu’elle allait devenir.
« Aide-moi... »
Son murmure était à la fois adressé à sa louve intérieure, elle avait toujours été là pour elle depuis qu’elles avaient commencé à cohabiter, alors elle ne pouvait pas l’abandonner maintenant. Mais également -et étrangement- à Danaliel. Même si elle avait comprit l’information, une partie d’elle refusait encore d’y croire. Peut-être qu’en le suppliant, il ne l’a laisserait pas seule ? Pas encore une fois ?
Force était de constater que les deux colocataires se rejoignaient sur un point : l'un comme l'autre n'appréciait pas l'insistance -et la sournoiserie à peine dissimulée- du Lightness. Si les paroles du garçon passèrent royalement au-dessus de la tête de ce dernier, Jilan consentit néanmoins à prêter une oreille attentive à la réponse de la jeune femme. Il se moquait bien de ce que pouvait penser l'humain. Pour un peu, il aurait presque enchaîné sur de nouvelles questions pour le faire plier, qu'importe ses dires précédents. Mais l'intervention de Leann, jusque là rester discrète, trop peut-être car on oubliait presque sa présence parfois, venait de clore le sujet. Le jeune professeur avait conscience qu'il avait été trop loin, que si son interlocutrice n'avait pas déjà des doutes sur sa sincérité, elle commencerait forcément à se poser des questions s'il abordait une nouvelle fois la question du secret du garçon, sans l'approbation de celui-ci. Etouffant un soupir d'ennui plus que d'agacement, le Lightness se renfonça dans sa chaise, donnant volontiers l'illusion qu'il boudait comme un enfant puisqu'il n'avait pas obtenu ce qu'il voulait. Sauf qu'en réalité, il réfléchissait déjà à la suite des événements, comment il pourrait retourner la situation à son avantage en quelques mots bien placés. Le challenge était délicat à en juger par le regard inquisiteur de la jeune femme assise en face de lui. La lueur indécise dans les yeux de Leann laissait supposer que passer le reste de la soirée en sa compagnie semblait grandement compromis. Ce n'était pas comme si Jilan espérait l'avoir pour lui cette nuit. Lorsqu'ils avaient pris un verre dans son appartement, il aurait pu lui forcer la main -même si ce n'était pas son genre habituellement- mais comme l'intéressée n'avait pas donner suite à ses sous entendus, il avait préféré laisser couler pour tenter sa chance une autre fois. Donc côté déception, le jeune professeur n'était pas touché. Surtout qu'il se doutait du déclin prévu de son humeur au fur et à mesure que les dernières lueurs du jour se dissipaient lentement à l'extérieur du Bouken. C'était peut-être préférable pour Leann qu'elle ne passa pas la soirée avec lui. Car, très honnêtement, il ne s'imaginait pas du tout devoir jouer ce rôle à nouveau, pas en face d'elle en tout cas. Une fois lui avait suffi, si elle changeait pas d'idéaux, alors il se verrait contraint de l'éliminer pour éviter qu'elle ne parla de lui à d'autres. On n'était jamais trop prudent avec ses interlocuteurs, même d'un soir ou deux. A court d'arguments, le Lightness reporta son attention sur le contenu, ambré, de son verre. Celui-ci serait vide d'ici quelques gorgées. Valait-il mieux attendre encore un peu ? Histoire que les glaçons fondent d'eux-mêmes ? Ou prendre les devants, vider le verre d'une traite et en recommander un autre suivant son état après avoir déjà bu deux verres ? Vu que le garçon semblait peu disposé à faire la conversation et que la jeune femme à leurs côtés s'était à nouveau perdue dans ses pensées, l'attente risquait de rapidement agacer Jilan. Devait-il relancer à nouveau la conversation ? Si oui, sur quels sujets ? La présence de Natsume a leur table avait eu le mérite de pouvoir jouer sur les sous entendus mais maintenant qu'il se retrouvait pris à son propre jeu... Faire profil bas n'était pas tellement dans les habitudes du jeune professeur. S'excuser pour sa conduite envers les deux colocataires ? C'était une possibilité intéressante, seulement si elle pouvait s'appliquer à ses deux interlocuteurs. Or, l'humain ne serait pas dupe sur ce point. L'envie de soupirer le prit à nouveau et il dut se retenir pour ne pas exprimer son ennui quant à la situation actuelle. Encore et toujours ce silence pesant entre eux trois. Heureusement qu'il y avait un peu d'animation autour, sinon l'ambiance aurait été mortelle... C'est ce que le dénommé Natsume sembla penser aussi car il entreprit de vider son propre verre, non sans jeter un rapide coup d'oeil en direction de l'horloge derrière le Lightness. Celle là même que ce dernier avait aperçue en cherchant une table du regard lorsqu'ils étaient montés à l'étage avec Leann. Ainsi, il pensait reprendre prochainement le boulot ? Quel bon timing que celui-ci ! Une fois l'étudiant reparti, Jilan aurait tout le loisir de s'expliquer avec la jeune femme, afin d'éviter qu'elle ne se monte à la tête des choses sans intérêt. Mais alors que le garçon s'était levé et se préparait, visiblement, à leur annoncer qu'il allait reprendre son service, une sonnerie de téléphone se fit entendre. L'attention du Lightness fut détournée mais il ne reconnut pas celle de son propre appareil. Le regard couleur rubis de l'humain oscilla entre les deux personnes restants, ce qui informa Jilan quant au fait que ce n'était pas le sien non plus. Les deux hommes se tournèrent donc en direction de la dernière personne présente à leur table, laquelle mit du temps à réaliser que c'était son téléphone qui sonnait. Ce qui amusa légèrement le jeune professeur. Il faut dire que dans le bruit qui emplissait la salle, peu de personnes avec l'ouïe assez fine pour noter une sonnerie pareille.
Voyant l'hésitation de la jeune femme à prendre l'appel entrant, le Lightness soupira discrètement avant de lui signifier d'un seul regard, qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce qu'elle décroche. Au point où ils en étaient, il n'était pas le mieux placer pour leur rappeler certaines règles de politesse. De plus, il se rappela soudain qu'elle s'était également trouvée au téléphone lorsqu'elle s'était rendue chez lui dans l'optique de prendre un verre. Avant même qu'il ait fait un pas dans le salon, Leann avait précipitamment raccroché, preuve irréfutable qu'elle connaissait ses classiques en terme de politesse. Jilan ne se voyait tout simplement pas lui faire une remarque là-dessus. Il opta donc pour finir le peu de whisky qui subsistait dans son verre, observant tout de même les changements d'expression qui se succédaient sur le visage de son interlocutrice. A en juger par son regard perdu, son désarrois qui se mua rapidement en incompréhension, quelque chose n'allait pas. Mais aucun des deux hommes ne pouvait entendre ce qui se disait à l'autre bout du fil, aussi, l'un comme l'autre préféra attendre que Leann mette fin d'elle-même à l'appel pour s'expliquer. Lorsque le téléphone lui échappa des mains pour s'écraser sur le sol, le doute n'était plus permis. Sans laisser le temps à l'un de ses interlocuteurs de dire quoique ce soit, la jeune femme s'était levée pour prendre la direction du rez-de-chaussé. Surpris, le Lighness la regarda s'éloigner, plus que jamais conscient qu'il s'agissait d'une bien mauvaise nouvelle pour la mettre dans un état pareil. Elle qui se montrait toujours soucieuse du regard d'autrui sur sa personne et ses moindres gestes... Qu'elle quitta leur table de la sorte ne laissait rien présager de bon. Le jeune professeur ne s'offusqua pas d'être ignoré par son invité et se contenta de finir son verre. Le temps de réaction du garçon le lui permit largement. De toutes évidences, il n'en savait pas plus que lui au sujet de ce mystérieux coup de fil. Aussi Jilan décida t-il de ne pas perdre davantage son temps avec l'étudiant, puisqu'il n'avait plus de raison de le tourmenter. Sans la présence de Leann, le jeu perdait tout son intérêt. Parce que oui, le Lightness se refusait encore à admettre qu'il avait perdu la dernière manche. Son verre vide, il le reposa tranquillement sur la table avant de se décider à partir à la recherche de la jeune femme. Il l'avait vaguement aperçu prendre la direction de la porte d'entrée. Besoin d'un peu d'air frais ? Probablement. Il contourna Natsume mais sentant que ce dernier allait lui aussi se lancer à la suite de sa colocataire, peut-être dans l'espoir de l'intercepter avant lui, Jilan plaça une main ferme sur l'épaule du garçon pour lui intimer de rester à l'endroit où il se trouvait. Le Lightness n'avait certainement pas la force physique d'un lycan ou d'un vampire mais par ce simple geste, il témoignait une fois encore que l'humain n'avait d'intérêt à gagner en lui tenant tête. Et pour s'assure que l'autre comprendrait sa démarche et n'insisterait pas, il décida de lui glisser quelques mots à l'oreille, sournoisement, comme seul lui savait le faire.
« Tu peux oublier l'idée de la suivre sinon j'informerai tes collègues que tu te défiles, je pense que cela se sentira sur ta fiche de paye... »
Le regard que lui lança le garçon l'amusa au plus au point, bien plus que l'indécision de la jeune femme plus tôt. Qu'il était mignon à le dévisager de travers ainsi. Il lui donnait envie de lui coller son poing dans la figure ou de torturer physiquement sa charmante colocataire devant ses pauvres yeux impuissants. Malheureusement, bien que l'idée soit alléchante en elle-même, Jilan avait d'autres projets concernant l'intéressée. Il doutait d'être en mesure d'exécuter ce plan naissant, surtout s'il avait permis à sa complice de retrouver la trace de l'étudiant pour l'éliminer une bonne fois pour toutes. Qu'il continue donc à lui jeter des regards noirs en biais. Bientôt, il les regretterait... N'ayant rien d'autre à dire qui lui vienne à l'esprit, le Lightness s'éloigna donc vers les escaliers, réfléchissant déjà à comment accueillir une Leann bouleversée. Mais au moment de les emprunter, il se souvint d'une chose et se retourna donc une dernière fois en direction du garçon. Celui-ci n'avait pas bougé depuis le moment où il lui avait intimé l'ordre de rester à sa place. C'est qu'il savait se montrer obéissant quand on usait des bons stratagèmes... Son sourire habituel revenu sur les lèvres, il lui adressa une ultime pique, histoire d'achever la détermination de l'humain.
« Au fait, comment se porte cette chère Saphira ? Cela fait un moment qu'on ne la voit plus dans les parages. Ce serait dommage s'il lui était arrivé quelque chose tu ne crois pas ? »
Une lueur mauvaise passa dans les iris hétérochromes tandis que le visage de Natsume se décomposait une nouvelle fois suite à ces propos. Le jeune professeur aurait donné cher pour savoir à quoi il pensait à cet instant. Avait-il compris où Jilan voulait en venir au sujet de la jeune darkness ? Ou alors s'imaginait-il déjà qu'après sa colocataire, il allait tenter de s'en prendre à ladite Saphira ? Malheureusement pour lui, c'était déjà fait... Un simple assassin engagé pour quelques misérables pièces et son compte était bon. Le Lightness apprécia le spectacle qu'il apercevait dans le regard de son interlocuteur mais sans attendre de véritable réponse de sa part, il tourna les talons et descendit les escaliers pour aller retrouver la jeune femme à l'extérieur. Il ne mit d'ailleurs pas beaucoup de temps avant de la voir. Elle s'était bien rendue dehors mais elle n'avait pas fait quelques pas, gisant lamentablement sur le sol. Jilan s'approcha doucement d'elle, autant pour ne pas la surprendre que pour éviter une bien mauvaise réaction de sa part. La soirée s'écoulait doucement, plus qu'il ne l'aurait imaginé alors qu'ils se trouvaient tous les trois à l'intérieur. La chaleur de la journée était tombée et il commençait à faire sombre. Sans plus attendre, le Lightness enleva sa veste et recouvrit les épaules de Leann afin que celle-ci remarqua enfin sa présence à ses côtés. Elle semblait toujours être en état de choc aussi l'homme ne prit-il pas immédiatement la parole. Il attendit qu'elle se soit habituée à sa présence avant de demander doucement.
« Voulez-vous rentrer ? Vous n'avez qu'un mot à dire et je retourne chercher vos affaires pour vous accompagner. »
Accueil
Rechercher
S'enregistrer
Connexion
par Invité Sam 13 Juil - 0:53