Partagé entre l’incompréhension de voir le vampire réagir de la sorte –et surtout, qu’il soit capable de voir l’ancienne démone, sans doute que les drogues l’aidaient sur ce point- et celle d’entendre une nouvelle fois la voix de la personne qui avait tour à tour voulu sa mort et sa vie, le garçon ne bougeait plus d’un pouce. La terreur se lisait toujours sur les traits du malheureux patient, pourtant, aucune animosité n’était perceptible dans le timbre d’Elisabeth. Dire qu’elle se montrait plutôt taquine, presque joueuse, envers les deux hommes. Rien à voir avec la description et les souvenirs que le darkness avait d’elle. Etait-ce vraiment cette femme qui avait précipité le début des Trois Jours Sombres ? Ou… La main qui se posa soudain sur son épaule coupa net le flot de questions qui se répandait dans son esprit au fur et à mesure que ses réflexions entraînaient de nouvelles interrogations au sujet de cette voix. Encore ahuri par sa propre découverte, Natsume écouta vaguement les propos de son interlocuteur. Se reposer ? Il n’était pas celui qui avait passé la journée à tourmenter un pauvre bougre !
« Mon petit Natsume ? Comme c’est mignon ~ »
Hein ? Dire qu’il n’avait même pas entendu cette partie du discours du scientifique. Il était perturbé à ce point ? Le darkness se concentra sur la fin des propos de Laudius et crut comprendre que ce dernier parlait vaguement d’un dossier. Le sien ? Si c’était le cas, il risquait d’être déçu. Seul Jean Dame avait rédigé quelques lignes à son sujet dans un rapport visant à le faire entrer dans les rangs du Cercle. Si à présent tout le monde reconnaissait son existence en tant que membre actif et espion à ses heures perdues, tous en revanche n’avaient pas connaissance de son parcours personnel. Alors de là à l’inscrire dans un quelconque dossier, médical ou non…
« Doc, je… » « AAAAAAAAH ! »Le hurlement du vampire le fit sursauter une fois de plus et Natsume dut se résoudre à se tourner brusquement dans la direction de l’intéressé, coupant court à son échange avec le scientifique dans le même temps. Leur prisonnier tentait vainement de reculer, comme pour échapper à quelque chose. Ou plutôt, quelqu’un. Une jeune femme se tenait face à lui, accroupie tout en l’observant avec une attention que certains pourraient qualifier de macabre. Une longue chevelure blanche couvrait ses épaules, recouvrant celles-ci, avant d’atteindre le milieu de son dos. L’inconnue dut sentir le regard du darkness sur elle et se tourna vers lui, souriant. En reconnaissant ces yeux couleur sang, tout comme les siens, le garçon sentit son cœur manquer un battement. Elisabeth. En chair et en os. Pourtant, elle avait seulement continué d’exister sous forme d’esprit dans le sien. Et si lui était en vie, comment elle… ?
« Ne fais pas cette tête, tu es le plus corrompu de nous deux à présent… Dis-moi, ce fardeau n’est pas trop lourd à porter ? »
Alors… S’il était revenu à la vie en tant que darkness, ça voulait dire que cette femme… ne l’était plus ? Mais comment pouvait-elle toujours exister si… ? Natsume sentit le sang quitter son visage et en croyant entendre la voix du scientifique le ramener dans le monde réel, il ferma les yeux. Respirant longuement, il se tourna vers Laudius lorsqu’il les rouvrit.
« Vous avez raison Doc. Je vais rester ici quelques minutes avant de ramener le colis. Qui sait ? Peut-être qu’il sera moins chiant à traîner… » lâcha-t-il avec tout le détachement dont il pouvait faire preuve à cet instant.
Est-ce que son comportement avait paru suspect aux yeux de son interlocuteur ? Certainement et n’importe qui aurait trouvé cette situation louche, si on ne s’était pas simplement contenté de le traiter de fou… Le garçon se surprit à espérer que le scientifique n’allait pas imaginer des théories plus farfelues les unes que les autres à son sujet. Ce n’était pas sans une bonne raison qu’il évitait de raconter son passé au premier venu… Ignorant la silhouette de la jeune femme, il vint saisir le vampire par le col pour revenir sur ses pas et le jeter dans la cellule qu’il avait occupé une bonne partie de la journée. Après s’être brièvement excusé auprès de Laudius pour la gêne occasionnée, l’albinos finit par se dégoter une place sur un vieux fauteuil installé dans la pièce réservée au personnel lors de ses pauses. Il y retrouva le congélateur, ainsi qu’un micro-ondes, une table et quelques chaises. Plutôt que de s’asseoir dedans comme le ferait toute personne lambda, Natsume préféra une position horizontale plutôt que verticale, collant sa tête sur l’accoudoir droit du fauteuil tandis que son bassin reposait en équilibre précaire sur celui de droite. Quant à ses jambes, elles ballotaient dans le vide. A défaut de pouvoir retrouver le confortable canapé du salon de son appartement, il se contenait de cette étrange position. Un bras en travers du visage, il ne fit même pas attention à ce qui l’entourait, si Laudius venait s’installer à la table pour continuer à travailler ou… Le sommeil le surprit plus vite qu’il ne l’aurait cru. Il grogna tout de même en percevant une lumière agressive au-dessus de sa tête. Son premier réflexe fut de vouloir replacer son bras devant ses yeux, n’ayant toutefois pas le souvenir d’un néon aussi violent dans la salle de repos. Chose curieuse : son bras ne lui obéissait pas. Le darkness lutta quelques minutes pour tenter de faire abstraction de la lumière et retourner vers les bras de Morphée. Peine perdue. Jurant de plus belle, il ouvrit alors les yeux pour découvrir un plafond différent de celui aperçu vaguement au moment de prendre place dans le fauteuil. Inconnu et pourtant horriblement familier quand il se rappelait sa furtive présence au moment d’assister à l’étude du scientifique sur son patient. En baissant les yeux en direction du bras qui refusait de bouger, il s’aperçut qu’il était solidement attaché au niveau des poignets.
« Que… ?! »C’était quoi ce bordel ? Depuis quand il était ici ? En tant que sujet ? Et Laudius ?! Par chance, seuls ses poignets et ses chevilles étaient entravées, aussi l’albinos tenta de se redresser, tirant sur chacun de ses liens en même temps pour espérer les voir céder. Avant de basculer en arrière, retombant sur la surface de la table sur laquelle il se trouvait, à présent moite de sa sueur à force de multiplier les efforts musculaires pour se libérer. Que s’était-il passé pendant son sommeil ? Un retournement de situation ? Un simple rêve ? Même si ça prenait davantage des allures de cauchemar à ce rythme…