Quand les loups rodent dans les bois... [PV Lidinia Joliver]

Précédemment

Journal


Après l'appel du Recruteur du Cercle, Alex avait préparé assez d'affaires pour tenir une semaine ou deux avant de quitter son appartement parisien, sans doute pour longtemps. L'un des militaires avec qui il avait sympathisé lui enverrait le reste sous peu...
Le jour ne s'était pas encore levé quand il avait enfourché sa moto pour entamer le voyage menant à Avventura.

Il ne fit qu'un seul arrêt, dans une station service. Autant pour avaler un rapide petit-déjeuner que pour combattre le froid de la route. Le ciel était couvert, menaçant sans pour autant sembler vouloir tourner à l'orage.
L'officier regarda distraitement les nuages au dehors tout en terminant son café.
A cette heure le fast-food était pratiquement vide, mais il sentait désagréablement peser les regards sur lui. Son odorat sur-développé avait même perçu la discrète touche d'inquiétude de la serveuse quand elle était venu lui apporter sa commande. Une jolie fille, avec un beau sourire et une odeur agréable par ailleurs.

Alex se demanda ce qui provoquait cette réaction. Sa cicatrice au visage sans doute. Où le discret renflement que formait le pistolet sous sa veste... A moins encore que ce ne soit une sorte d'instinct universel caché quelque part dans le code génétique humain, permettant de reconnaître un prédateur.
Amusé à cette pensée il sourit à son reflet dans la vitre. Il n'allait pas laisser la grisaille et les serveuses timides gâcher son humeur.
Rassasié et réchauffé, le Lycan se décida à quitter les lieux. Il lui restait beaucoup de route à faire...

Quelques heures plus tard il passait la porte du bâtiment du Cercle, aussi imposant que facile à trouver. Tout en patientant à l'accueil réservé au public, il nota la présence de gardes armés et de caméras avec une sorte de satisfaction. La sécurité n'était pas négligée, bien au contraire.
Malgré tout on l'avait laissé rentrer avec son pistolet. Difficile de faire autrement sans une fouille systématique.

Après présentation de son ordre de mission et quelques palabres, un des gardes du lieu le prit en charge. On lui indiqua où garer sa moto et on lui donna un casier dans un vestiaire pour déposer ses affaires en attendant de s'occuper son appartement. Manifestement on  ne l'attendait pas si tôt.
En guise d'uniforme, on lui donna une casquette frappée du logo du cercle et un insigne assortit qu'il colla sur sa grosse veste noire. Sa tenue de motard était de toute façon assez proche de la tenue réglementaire, et ses chaussures militaires renforçaient l'illusion.
Le garde finit par l'emmener à l'armurerie, où un Hybride simiesque placé derrière un comptoir les accueillit d'un reniflement.

-Bonjour. C'est pour quoi? demanda-t-il en évaluant le nouveau venu de la tête aux pieds.

L'officier lui rendit son regard avec toute la bienveillance possible. C'est à dire finalement très peu. Il donnait surtout l'impression d'avoir avalé un plat au goût désagréable.

-C'est un nouvel Elite, expliqua sobrement le garde.

L'humanoïde regarda de nouveau son visiteur, cette fois avec une sorte d’intérêt. Il s'arrêta sur le renflement de sa veste.

-Je vois que vous avez déjà une arme, monsieur...?
-Capitaine. Capitaine Varko. En effet.

L'Hybride claqua de la langue. L'officier se fit la réflexion qu'il n'aimait pas l'odeur des hybrides, et particulièrement de celui là. Leurs fragrances animales les rendaient difficiles à interpréter alors que les humains étaient étrangement facile à décrypter à la moindre émotion forte.

-Il va falloir la laisser ici. Seuls les personnels habilités peuvent porter des armes.

Alex sourit, cette fois plus franchement. Pas question qu'il se sépare de son arme.
Insensiblement le garde qui l'accompagnait s'écarta. Sa nature de Lycan était inscrite sur son ordre de mission, et quand un loup-garou souriait de toutes ses dents il n'était pas conseillé de rester trop près.

-Je suis parfaitement habilité. Permis spécial délivré par l'armée.

L'armurier ne lui rendit pas son sourire, peu impressionné.

-Il n'est pas valable dans l'enceinte du Cercle, le seul qui délivre cette habilitation c'est moi. Enfin je suppose que ça peut s'arranger...

Il avait lâché cette dernière phrase en se grattant le dos, comme si cela l'ennuyait profondément, mais l'officier vit son petit regard en coin, calculateur. A côté de lui, le garde du Cercle leva les yeux au plafond.

-Si vous commencez le service opérationnel aujourd'hui je veux bien vous donner une habilitation tout de suite pour votre arme. A titre exceptionnel. Je devais partir en patrouille cette après-midi, mais de nombreux travaux m'attendent à l'armurerie. J'imagine que vous pourriez par exemple... Eh bien nous rendre mutuellement service.

Alex sourit de plus belle. L'armurier ne cachait pas ses intentions.

-Marché conclu, répondit-il sobrement.

Le procédé n'était pas très élégant, mais il n'y avait pas meilleur moyen de commencer que directement sur le tas. Une patrouille, ça lui permettrait d'apprendre à connaitre au moins un futur collègue et de tourner en ville.
Quelques minutes plus tard il ressortait avec son guide, la précieuse habilitation en poche et son HK-USP 45 bien à sa place dans son holster.

-Quel connard celui-là... Commenta ce dernier une fois la porte blindée refermée derrière eux. Je m'appelle Ricks au fait.

L'incident avait sortit le soldat qui l'accompagnait de sa réserve professionnelle et ils discutèrent un moment tout en explorant les principaux lieux du bâtiment.
Alors que midi sonnait, Alex disposait d'un badge d'accès et en savait bien plus sur Avventura et le Cercle. Ce qu'il avait apprit en quelques jours sur le net souffrait d'importantes lacunes.

Son "nouvel ami" insista pour l'emmener lui même à la cafétéria et lui fit rencontrer plusieurs autres soldats, dont le Capitaine s'astreignit à retenir le nom et la fonction.
Contrairement à l'armée, encore très largement humaine et hostile aux autres races, les employés du Cercle venaient de différentes espèces. Des menus différents étaient même servit.
Cela l'agaça. Il ignora le plateau plein de viande proposé aux Lycans, bien qu'il aurait de loin préféré ce régime alimentaire. Ricks ne dit rien en le voyant prendre les plats humains, et se remit à parler quelques secondes plus tard.

Sa conversation avait une cadence de tir élevée, mais le loup-garou lui en était étrangement reconnaissant.
Dans son ancienne unité, peu de gens parlaient aussi amicalement à un non humain, surtout à un de sa race. Il lui avait fallu des semaines pour se faire apprécier des moins sectaires. Manifestement le Cercle tenait d'abord à faire appliquer ses idées dans ses rangs. En outre bien que son grade soit théoriquement supérieur, son statut de nouveau venu semblait avoir aboli leur différence hiérarchique, ce que l'officier ne trouvait pas plus mal.
Le repas expédié, les deux hommes se dirigèrent vers les garages. L'humain avait informé son supérieur au réfectoire pour continuer à traîner avec lui. Manifestement la garde du bâtiment l'ennuyait.

Ricks choisit un gros 4x4 militaire, repeint aux couleurs de l'organisation. Il grimpa à l'intérieur sans hésiter, côté conducteur. Alex s'empressa de l'imiter côté passager.

-Et en avant marche! annonça le soldat avec un petit rire.

Tout en tournant dans les rues de la ville, les deux militaires continuèrent à discuter. Prudent, Alex ne dit rien de son passé de force spéciale, préférant écouter Ricks parler. Engagé depuis quelques mois, l'officier le classa rapidement dans les jeunes gens idéalistes, mais sans expérience du combat.
Il l'écoutait lui parler des principaux endroits et de la routine des forces de sécurité de la ville quand la radio s'activa.

-QG à voiture de patrouille 4-7... On nous signale une civile en vadrouille du côté de la forêt corrompue. On a marqué l'endroit où elle a été vue sur votre GPS, allez jeter un œil.

Ricks grimaça et répondit aussitôt.

-Reçu QG, on y va. 4-7, terminé. Merde... Je déteste ce coin c'est carrément glauque là-bas. Faut être tordu pour y aller se balader.

Alex regarda dehors. Les nuages noirs menaçaient de virer à l'orage.

-Surtout par ce temps. La forêt corrompue? C'est un coin dangereux?

Le soldat haussa les épaules.

-Pas vraiment. Il y a eu une bataille il y a quelques années, les jours sombres. Tu connais sûrement? Bref ça a laissé des marques. Tu verra, c'est particulier...

L'humain profita de la "mission" pour accélérer, dépassant la limite de vitesse autorisée et passa en trombe devant le poste de police de la ville, sous l’œil fataliste des policiers en faction. A Avventura, c'est le Cercle qui faisait la loi.
Quelques minutes plus tard, ils traversèrent un quartier entier laissé en ruine. Alex saisit très bien ce que disait son compagnon un peu plus tôt. Même à travers la vitre pare-balle du véhicule on sentait quelque chose de malsain dans cette zone...
Ils finirent par sortir de la ville et monter à l'assaut d'une colline. La forêt qui les entouraient n'avait pas non plus été épargnée, véritable champ de débris calcinés et de cendres noirâtres, caricature sinistre d'un véritable bois.

Après un bon kilomètre de route, Ricks finit par arrêter le véhicule, pile sur le point du GPS. Avant de descendre il dégaina son pistolet et vérifia rapidement ses munitions.
Alex haussa les sourcils devant ce zèle guerrier.

-On ne sait jamais... commenta le jeune homme avec un air gêné.

Le capitaine hocha la tête et l'imita sans poser de question. Il avait chassé les monstres assez longtemps pour souscrire à la politique consistant à toujours garder une arme à portée de main.
Malgré les nuages on restait en journée, et il avait engagé un chargeur de balles au nitrate d'argent, gardant celui anti-vampire en réserve. Dès le soleil couché il inversait la répartition. Une vieille habitude...
Bien préparés, les deux hommes descendirent du véhicule, non sans emporter les clés. Au cas où leur randonneuse aurait décidé de rentrer autrement qu'à pied...

-Bon, je vais jeter un œil par là, annonça Ricks, que les liens rendaient mal à l'aise. On tourne un peu pour vérifier que tout est RAS et on se barre.

Le Lycan approuva de la tête et se mit en route dans la direction opposée. L'odeur de brûlé le prenait à la gorge, et l'endroit était tout à fait comme le soldat l'avait décrit: glauque. Alex comprenait mieux sa répugnance en se frayant un passage entre les arbres calcinés.

Pourquoi diable quelqu'un voudrait venir ici?

Sombre. C'était le mot que choisissait la jeune louve pour décrire son humeur et le lieu dans lequel elle se trouvait. D'ailleurs, elle ne se rappelait plus vraiment comment elle avait fait pour venir jusqu'ici. Sûrement la bête qui voulait faire une petite balade, vu qu'elle n'en avait pas fait depuis si longtemps. Elle n'en savait rien et cela la perturbait légèrement même si elle venait tout juste d'apprendre à ne plus se poser de question. Confuse. Oui, elle l'était. Ses sentiments se mélangeaient, se croisaient.. Dans son coeur et son esprit, tout se confondait. Un vrai méli-mélo d'émotions et de sentiments tous plus cons les uns que les autres et qui ne provenaient pas forcément d'elle. En fait, elle dirait presque qu'elle s'était transformée en une espèce de schizophrène. C'était pratiquement ça. Comme si deux Lidina se faisaient face dans ce corps qui semblait si humain mais qui cachait une grande force. Une force qui pouvait tout détruire sur son passage si on ne l'arrêtait pas. Qui pourrait arrêter un loup-garou qui perdait toute son humanité en prenant sa forme ? Personne. Du moins, c'était ce que pensait ses deux moitiés. Autant parler de ces deux dernières. La première moitié était celle qui avait fait de la jeune femme une louve faible et éprouvant du dégoût quand il était question de chasser et de tuer des humains, chose que sa famille avait souvent fait par le passé mais qu'elle, avait complètement refusé depuis qu'elle avait vu un pauvre homme sans défense agonisé sous les crocs de sa mère. Grâce/A cause de cette moitié, elle aurait certainement pu faire partie du Cercle. D'ailleurs, c'était pendant la conférence virale qu'elle espérait pouvoir rencontrer un membre du groupe pour qu'il puisse la recruter. Ironie du sort, c'était les Rebelles qui étaient venues à elle et qui avaient fait en sorte qu'elle pense autrement. Merci à ce cher Bran qui l'avait fait devenir un être sanguinaire. Mais c'était surtout grâce/à cause de son petit ami qui avait été clair avec elle, lorsqu'il était venu lui parler "Tue ou soit tuer". Charmant, n'est-ce pas ? Maintenant, parlons de cette seconde moitié. Autant ne pas faire de dessin. C'était la partie la plus cruelle que Lidina n'avait jamais eu en elle, à cause de l'énorme bêtise qu'elle avait fait quand elle était petite. En effet, elle avait enfermé le loup en elle, en croyant qu'elle pourrait le contrôler ainsi. Elle s'était lourdement trompé. Il s'était alors libérer de ses chaînes pendant l'entretient dans cette cellule qui avec deux hommes qui la retenaient contre son gré, revenant avec plus de force pour composé sa nouvelle personnalité qui se démarquait de la première. Dans cette dernière, elle conservait sa gentillesse et sa douceur. Alors que dans l'autre, elle devenait un monstre assoiffé de sang et cela se voyait à ses yeux dorés. Il valait mieux, dans ces moments-là, de ne pas la croiser.

En ce jour, elle venait tout juste de laisser Stan pour aller faire une petite promenade et ses pieds l'avaient mener automatiquement à la forêt corrompue. Elle ne savait pas vraiment pourquoi c'était ce lieu en particulier que son esprit avait choisit alors qu'elle était perdue dans ses pensées. Peut être pour faire écho à ces dernières, qui étaient si.. lugubres, sans lumières ? Peut être. Mais ce n'était pas vraiment une question importante. A vrai dire, elle s'en fichait de se retrouver au milieu de cet endroit vraiment glauque. Elle était prête à parier que c'était la bête qui avait voulu aller ici, comme si elle cherchait de quoi chasser. Sauf qu'elle était conne puisqu'il n'y avait rien. Juste une odeur de brûlé qui la dérangeait énormément et qui la mettait légèrement sur les nerfs, si bien qu'elle maudissait son odorat développé. Un soupire s'echappa des fines lèvres de la louve qui marchait lentement, le regard perdu dans le vide. C'est alors qu'une autre odeur parvint à ses narines. Une odeur qui lui mettait l'eau à la bouche et qui réveillait tout ses instincts de chasseur. Un humain.

Lidina se mit à marcher à pas de loup en écoutant chacun des bruits que produisait l'homme qui n'était pas loin d'elle. Elle se rapprocha peu à peu, ses yeux n'ayant plus leur couleur habituelle. Ils n'étaient plus marrons, non, mais d'un joli or qui était remplient de cruauté. Elle passa lentement sa langue contre ses lèvres avant de prendre un air innocent, presque effrayé. Elle apparut alors à la vu de l'humain, l'air complètement paniquée.

- S'il vous plait, venez m'aider ! Je suis poursuive par quelqu'un qui me veut du mal et mon ami est.. est mort, tuer par cet horrible personnage.. Je vous en prie, faites quelque chose.. Je crois qu'il est rester près du corps pour aller le cacher.. Je peux vous montrez où c'est.

La jeune femme simula des pleurs qui n'étaient pas tout à fait faux. Dans un sens, cela lui permettait de se lâcher un peu à cause de tout ce qu'elle venait de vivre ces dernières heures qui avaient été plus qu'éprouvantes pour elle. Mais pour l'instant, elle voulait juste lui arracher la gorge à l'aide sa puissante mâchoire. Elle devait juste attendre le bon moment.. Et il finit par arriver. Alors que l'humain commençait à marcher en direction de l'endroit qu'elle avait indiquer, elle retira ses vêtements un à un de manière mécanique. Une fois fait, elle prit sa forme de louve avant de se mettre à grogner pour qu'il remarque sa présence. Elle vit alors la peur se former sur son visage, ce qui l'excita un peu plus. Elle avança lentement vers lui, pour l'inciter à courir et c'est ce qu'il fit. Dommage pour lui. Elle bondit à sa suite avec plaisir en courant rapidement, évitant facilement les obstacles. Lorsqu'il finit par tomber par terre à cause d'une racine, elle se jeta sur lui en plantant ses crocs dans son cou, le tuant sur le coup. Elle se mit alors à le manger avec plaisir, arrachant ses bras, ses intestins, le tout en se faisant plaisir. Par la suite, elle reprit forme humaine, se retrouvant complètement nue au milieu de cette forêt. Elle était complètement couverte de sang. Elle se dirigea vers ses vêtements pour les enfiler et partir d'ici. Sauf qu'il y avait un petit imprévu et il était de taille. Elle sentait l'odeur de quelqu'un d'autre, mais pas d'un humain, non.. De quelqu'un de sa race. Un sourire se dessina sur ses lèvres maculées de sang. La journée allait bien se finir, pensait-elle. Peut être qu'elle avait tord.. en tout cas, ça, elle ne le saura qu'après avoir rencontré cet autre loup.

Alex marchait depuis un moment entre les arbres morts de la forêt corrompue. Il avait lancé quelques appels pour essayer de se faire entendre de la randonneuse qu’ils cherchaient. Sa voix avait été comme happée par la cendre et le silence menaçant des lieux. Il avait fini par se taire, avançant sans faire de bruit, tous ses sens en alerte.
Malgré lui l’endroit le rendait nerveux, et il commença à se demander s’il ne s’agissait pas d’une sorte de test ou de bizutage réservé aux nouvelles recrues. Ricks l’avait laissé seul avec une mission qui pouvait très bien avoir été inventée de toute pièce.
Mis à part des arbres tordus et calcinés comme des cadavres de sorcières et une odeur persistante de cendres froides depuis longtemps, la zone ne semblait pas particulièrement dangereuse. Elle dégageait seulement une sensation de malaise, aussi persistante qu’inexplicable que le Lycan aurait volontiers ignoré si son instinct ne lui avait pas si souvent sauvé la vie. Quelque chose de profondément mauvais avait œuvré ici, et ce qu’il en restait pouvait toujours se révéler dangereux… C’est du moins ce que la bête en lui semblait vouloir lui dire.

Estimant finalement avoir suffisamment marché et cherché la randonneuse suspecte, il se décida de faire demi-tour quand quelque chose retint soudain son attention.
Une odeur.
Ténue, infime, pratiquement étouffée par l’acidité poussiéreuse de la cendre et pourtant...
Il se mit à renifler par à coup, cherchant à comprendre ce que ses sens bestiaux avaient détecté bien avant sa conscience d’humain. Quelque chose de vivant était passé non loin, il y avait peu de temps. Quelque chose… Ou quelqu’un.

Il s’avança, tourna, vira, cherchant là où l’odeur était la plus forte. Son flair n’égalait pas celui d’un loup-garou d’origine, mais il restait surhumain, lui décrivant un monde riche et complexe dont il n’avait jamais compris l’étendu jusqu’à sa transformation. Depuis les variations de température jusqu’aux émotions, tout ou presque laissait une trace odorante. Même dans un lieu comme celui-là. Et l’odeur d’un être vivant était toujours riche en informations et en nuances.
A mesure qu’il remontait la piste immatérielle, sa nature se précisait. Ce n’était pas un animal, et un parfum discret suggérait une humaine. Une odeur qu’il reconnut sans effort lui fit accélérer le pas.
Ce n’était pas une humaine. C’était une Lycan.

Quelque secondes plus tard il trouva les premières empreintes de pas dans la cendre. Pour un chasseur comme lui elles n’étaient pas difficiles à repérer et à interpréter. Les traces suggéraient un humanoïde léger avec de petits pieds, donc probablement une femme, ce que l’odeur lui avait déjà appris. Elle était passée là plusieurs minutes auparavant, peut-être plus. Difficile de savoir avec précision à cause de l’emprise étouffante de la cendre. Elle marchait sans se presser, ni hésiter.

Prit d’un mauvais pressentiment, l’officier se mit à suivre rapidement le chemin tracé par l’inconnue. Bien que le cercle prône l’égalité et l’amitié entre les races, il n’avait pas perdu ses vieilles habitudes. Un Lycan restait avant tout une machine à tuer redoutable dotée d’instincts meurtriers, chose qu’il était bien placé pour savoir.

Tout en avançant, il sortit également son portable en réfléchissant au moyen le plus rapide de joindre Ricks, partit de son côté.
Malheureusement l’appareil indiqua une absence totale de signal, comme s’il s’était retrouvé sous des kilos de plomb. Alex essaya de lever le bras, sans obtenir de meilleur résultat. La zone semblait étrangement perturber le téléphone… Il rempocha l’objet inutile, en jurant.
Ils avaient fait une erreur en se séparant, et maintenant il n’avait aucun moyen de joindre le soldat. Insensiblement il accéléra encore, et se mit même à trottiner à bon rythme quand il s’aperçut que les traces prenaient approximativement la direction de Ricks.

Il venait de traverser la route au niveau de laquelle ils s’étaient séparés quand il entendit les premiers cris.

-Merde ! gronda-t-il en se mettant franchement à courir, dégainant son pistolet sans même y penser.

Même sans l’ouïe surdéveloppée dont étaient dotés ceux de sa race, il aurait compris ce qui se passait. D’abord Ricks avait crié par peur et par surprise. Ensuite ses hurlements furent ceux d’une véritable panique, qui s’interrompirent brusquement.
Le silence retomba sur la forêt corrompue.

Alex s’arrêta de courir. Il n’avait pas besoin d’aller plus loin. Ricks était aussi mort que la cendre qu’il piétinait. Cela ne faisait aucun doute à ses yeux. Seul, sans moyen de communication, confrontée à une Lycan inconnue, tout dans la situation aurait dut le pousser au repli. Il n’y avait plus rien à sauver ici.

Une petite voix lui souffla sournoisement que c’était l’autre soldat qui avait emporté la clé du véhicule. Comme une invitation à aller de l’avant. Toutefois il était tout à fait capable de court-circuiter le démarreur du 4x4, ou de franchir la distance le séparant de la ville en courant.
Au fond de lui-même, quelque chose de beaucoup plus fort, de beaucoup plus primal bouillait. La rage. La haine. La féroce envie de se lancer à la poursuite de la responsable de la mort du jeune soldat et de la lui faire payer sans l’aide de personne. De se battre.
De tuer.
A nouveau il se sentait à l’unisson de la bête en lui. Chaque fibre de son être criait vengeance, humain et loup.

Une infime part de lui-même tenta de résister, sans conviction. Il regarda derrière lui, comme dans l’espoir de trouver une raison de reculer. Puis il serra ses doigts sur la crosse de son pistolet. C’était une lutte perdue d’avance.

Au loin un éclair illumina le ciel, lourd de promesse d’orage. Comme si le temps répondait à la violente tempête qui s’agitait en lui.
Le Lycan braqua ses yeux vers l’avant, le visage figé sur une expression indéchiffrable.
A cet instant, Alexandre Varko était redevenu ce qu’on l’avait entraîné à être, allant jusqu’à l’inscrire dans son ADN : un prédateur implacable et sans pitié.

Il se remit à courir, cette fois en soulevant à peine la cendre du sol. Ses mouvements étaient souples et presque silencieux. Il chassait.
Les arbres calcinés défilaient dans son champ de vision, comme autant de mains griffues et d’ombres menaçantes. Concentré dans une sorte de rage froide teintée d’une férocité vengeresse, Alex évitait les obstacles et les pièges que la forêt dressait sur sa route avec aisance. La bête en lui savait parfaitement comment bouger et même sous sa forme humanoïde, il y avait quelque chose de très animal dans ses mouvements et sa vitesse. Il ne ressentait aucun essoufflement, sa force de Lycan étant nourrie par sa rage et un entraînement qu’il poussait jusqu’à l’épuisement.

Soudain, elle apparut devant lui entre deux arbres, silhouette sombre, vaguement humanoïde. L’odeur du sang l’avait précédée, portée par un vent sans cesse changeant. Du sang humain, qui excitait encore plus la bête en lui.
Malgré la distance, l’officier n’hésita pas. Il se plaqua contre un arbre pour stopper sa course et tira deux coups de feu vers l’ombre, qui disparut aussitôt. Les détonations claquèrent sèchement, raisonnant au-dessus de la forêt et se confondant avec l’orage.

Tandis qu’il s’avançait lentement entre les arbres, la pluie commença doucement à tomber, goutte à goutte, mais c’est à peine s’il la sentit.
La chasse commençait pour de bon.

Lidina s'était parfaitement bien régalé lors de ce repas improvisé, oubliant alors totalement la première personne qu'elle avait été. C'était ça, son plus grand problème. Elle souffrait d'un trouble de la personnalité, si bien que lorsque la bête commençait à prendre le dessus sur son corps, son esprit, son âme.. elle devenait une autre femme. Cruelle et sans pitié, elle avait alors le besoin avide de répandre le sang et c'est ce qu'elle venait de faire avec ce pauvre homme qui n'avait rien demandé. Pourtant, elle ne se sentait pas pleinement satisfaite. La course avait été trop courte, pas palpitante. Elle avait besoin de quelque chose qui l'amuse, qui titillerait chacun de ses sens et l'encouragerait à planter ses crocs et à déchiré des muscles. Les siens étaient tout tendu, comme si elle s'apprêtait à partir de nouveau à la chasse. Pourtant, ce n'était pas ça. Ce ciel et l'endroit la rendait très légèrement nerveuse. Comme si quelque chose se préparait doucement, en silence, qu'elle ne puisse pas percevoir. C'était légèrement frustrant et le loup en elle s'agitait un peu, ce qui la mettait sur les nerfs. Elle voulait qu'il retourne sagement dans son coin, qu'elle puisse se retrouver. Oui, parce qu'elle avait beau posséder deux personnalités bien distinctes, elles arrivaient tout de même à cohabiter dans une délicate harmonie qui pouvait se rompre dès que l'une partie serait en total désaccord avec l'autre, si bien qu'elle cherchait toujours à faire en sorte que ça marche. Sauf que cette fois-ci, la bête en avait décidé autrement alors elle se laissa complètement aller, ses yeux étant toujours d'un beau doré. Elle les promena sur les lieux, tout ses sens en alerte. Puis une odeur parvint à ses narines et elle sut alors qu'elle n'était plus seule et qu'un danger la guettait. Elle se mit à marcher plus rapidement, cherchant l'origine de cette présence. En se rapprochant de l'humain, elle sentit que s'en était pas un mais un lycan. Quelqu'un de sa race, donc. Pourtant, son instinct de survie lui hurlait de partir car il n'allait pas se montrer amical avec elle.

C'est en passant entre deux arbres qu'elle sentit deux balles la froller et elle en frémit de colère. Il était armé et avait cherché à l'atteindre. Il ne savait donc pas à qui il avait à faire. A une lycanne d'origine, ce qui faisait qu'elle était donc plus forte que lui, si il était un mordu. Dans le cas contraire, cela rendrait le combat plus qu'intéressant. Elle décida de prendre sa forme de louve pour que son pas devienne plus léger et discret. Elle entreprit de faire le tour de l'homme qui avait tenter de lui trouer la chaire avec une petit objet qui lui ferait terriblement mal. Le truc qui allait être drôle, c'était qu'elle allait l'embrouiller en posant son odeur un peu partout. Elle frotta ses flancs contre les arbres qu'elle touchait, tout en tournant lentement autour de lui, étant assez loin de lui pour pas qu'il la remarque tout de suite. Elle répéta son action par deux fois, histoire d'inscrire son odeur sur tout le périmètre, pour qu'il se perde. Une fois qu'elle pensa que c'était bon, elle se déplaça lentement de manière à arriver dans son dos. Elle lui sauta rapidement dessus après avoir bander chacun de ses muscles. Elle l'écrasa par terre avant de reprendre forme humaine, ses doigts fins et délicats s'enroulant autour de son cou, le visage marqué par une folie grandissante.

- Qui es-tu et pourquoi essayes-tu de me tuer ? Je te somme de répondre tout de suite ou je te jure que tu n'auras plus que quelques secondes à vivre !

La louve se tut en plongeant son regard reflétant toutes les choses horribles qu'elle avait envie de lui faire, juste pour deux balles égarées qui l'avaient à peine toucher. Elle appuya fit alors glisser ses jambes sur ses bras pour pas qu'il bouge trop, son corps étant appuyé de tout son poids sur son buste. Si elle n'avait pas été en danger, elle ne prendrait pas toutes ces précautions. D'ailleurs, elle était tellement obnubilée par la tête de l'homme qu'elle tenait sous elle qu'elle avait oublié qu'il était armer. Le pire, dans tout ça, c'est qu'elle ne savait même pas que dans cette arme, il y avait des balles spéciales pour ceux de sa race et qui ne se trouvaient pas de son côté. Elle le découvrirait sûrement plus tard, lorsque que le combat serait engagé. Oui, elle ne doutait pas que dès qu'elle le lâcherait, il se retournerait contre elle. Elle jeta un bref regard au ciel d'où zébraient divers éclairs tous aussi impressionnant que les autres, renforçant l'impression de mal aise qu'elle éprouvait en ce lieu sinistre. Les goûtes d'eau commencèrent à glisser sur son corps nu, insensible à la température qui baissait. En réalité, elle avait chaud. Ce n'était que le début.

Les détonations avaient à peine fini de raisonner que l'officier s'avançait déjà vers l'ombre sur laquelle il avait tiré. Ses pas laissaient des empruntes dans le sol de cendre que la pluie humidifiait déjà.
Tous ses sens en alerte, il gardait son arme pointée devant lui, et marchait de petits pas en montant largement le genoux pour bien stabiliser sa visée. Il avait l'habitude de bouger ainsi...
Son corps retrouvait tout seul ses réflexes de soldat, tandis que son esprit était plus affuté que jamais. Il était à nouveau en chasse, mais il n'était pas sûr de qui était la proie.

L'une des balles était venue frapper un arbre, laissant une traînée argentée dégouliner de la plaie. Comme le sang d'un bois déjà mort depuis longtemps. Le deuxième projectile s'était lui complètement perdu.
Avec précaution, Alex chercha des empruntes autour de lui, malgré la pluie.
Des marques de pieds nus étaient encore imprimés dans la cendre. Il suffit d'un regard à l'officier pour voir qu'ils étaient menus comme ceux d'une femme ou d'un homme de petite taille. Son instinct et l'odeur semblaient indiquer la première hypothèse.
Quelques mètres plus loin, le motif changeait radicalement, laissant place à des traces de pattes reconnaissables entre mille.
Une louve, de belle taille cette fois. Capable de changer de forme très rapidement, avec beaucoup d'aisance.
Une petite décharge d'adrénaline lui traversa l'échine alors qu'il plissait les yeux. Un Lycan né?
Il n'avait sentit qu'une seule odeur, peut être était-elle partit chercher sa "meute". Plus que les autres races surnaturelles, les loups-garous aimaient vivre et chasser en groupe. A moins qu'il ne soit tombé sur une solitaire...

Un bruit à peine perceptible au milieu de la pluie le fit brusquement pivoter sur lui même. Son doigt failli presser la détente, mais il s'arrêta avant que le coup ne parte.
"Elle" avait déjà disparu derrière les arbres, invisible et rapide.

L'officier eu une fraction de seconde d'hésitation. Son adversaire lui tournait autour pour l'embrouiller et le désorienter. Dans son esprit il ne faisait sûrement aucun doute que c'était lui la proie. Il devait reprendre le contrôle du combat... Courir à sa poursuite ne ferait que lui faire perdre du temps, de l'énergie et l'exposerait. tenter de rejoindre le véhicule semblait trop aléatoire. La louve le rattraperait sûrement avant qu'il n'y parvienne.
Il fit quelques mètres au pas de course pour trouver une zone plus dégagée et s'immobilisa, pistolet pointé et tous ses sens en alerte. Les loups étaient rarement patients, et elle ne tarderait pas à l'attaquer. Et là...

-Allez, lâcha-t-il entre ses dents. Montre toi...

Il resta ainsi de longues secondes, sentant la présence invisible de son ennemie, insensible à la pluie qui dégoulinait sur sa tête et ses épaules.
Soudain un éclair illumina la forêt morte, et Alex entendit un frôlement léger derrière lui. Il se retourna et leva son arme, mais la louve avait déjà bondit sur lui. Il pressa deux fois la détente, mais les balles allèrent se perdre dans le ciel nocturne, alors qu'un long coup de tonnerre engloutissait les détonations.
L'officier lâcha un grognement en tombant à la renverse tandis que la Lycane l'écrasait au sol de tout son poids. Son arme lui échappa. Il essaya de se dégager mais elle reprit forme humaine à une vitesse stupéfiante et l’attrapa à la gorge. Alex chercha à desserrer sa poigne, et il eu la désagréable surprise de découvrir qu'elle avait plus de force que lui.

- Qui es-tu et pourquoi essayes-tu de me tuer ? Je te somme de répondre tout de suite ou je te jure que tu n'auras plus que quelques secondes à vivre ! cracha-t-elle d'une voix haineuse.

Ses yeux étaient ambrés, comme ceux des loups. L'officier qu'elle cherchait à le tenir plutôt qu'à l'étrangler. Peut être que sans l'odeur du sang humain qui lui collait à la peau et l'éclat de folie meurtrière qui brillait dans ses yeux il aurait envisagé de parlementer avec elle.
Mais là son cerveau aussi bien humain que bête lui hurlait de se battre. De tuer.

Sa main chercha son pistolet à tâtons dans la cendre, alors qu'il tentait de l'obliger à pivoter en la poussant sous le menton. Elle était trop petite, il n'avait pas assez d'allonge pour la frapper à coup de poing suffisamment fort pour l'obliger à le lâcher, mais il pouvait peut être la forcer à relâcher son emprise.
La jeune femme se déplaça pour écraser ses bras sous ses genoux, sans desserrer sa pression sur sa gorge. Il chercha à se dégager un instant, en vain, puis cessa de résister. Ils se fixèrent en silence durant quelques secondes.
Et puis une série d'éclairs particulièrement impressionnants sembla détourner son attention une fraction de seconde.
C'est tout ce dont Alex avait besoin.

Le Lycan ramena soudain ses jambes contre lui et passa son pied gauche sous celui de son assaillante. Il effectua un brusque sursaut en la poussant violemment sur sa droite, tout en utilisant son pieds en guise de levier pour la déséquilibrer totalement. La frêle jeune femme qui le maintenait au sol n'était pas aussi lourde que la louve, et la manœuvre devait largement suffire à la faire basculer. Et vu la force qu'il avait mit dans le mouvement, il n'aurait pas été étonné de l'avoir pratiquement catapultée.
La prise dégagea totalement un de ses bras, et pendant qu'ils roulaient dans la cendre mouillée il dégaina le poignard en argent sanglé contre sa cheville.
Alex prolongea la roulade pour se redresser d'un bond, faisant siffler la lame devant lui pour empêcher la louve de bondir à nouveau.

Un éclair fit briller l'argent du poignard, une arme longue d'une vingtaine de centimètres et aussi pointue qu'acérée.
L'officier se mit en garde, prêt à frapper à nouveau. Son adversaire avait beau être plus forte, son poignard lui donnait plus d'allonge et de vitesse si elle décidait de l'attaquer à nouveau, et la morsure de l'argent causerait de gros dégâts, même à une "née".
Il resta une seconde ainsi, évaluant ses options.

-Rends toi ou crève, gronda-t-il avec hargne.

Son pistolet était tombé derrière elle, hors de portée de son propriétaire. Elle ne devait pas l'avoir vu, et de toute façon à cette distance il serait sur elle avant qu'elle ne puisse s'en servir. Mais vu sa force elle était une arme en soit, sans parler de ses crocs et de ses griffes sous forme lupine.
L'adrénaline du combat coulait dans ses veines, comme du métal en fusion sous sa peau. Son esprit enregistra la nudité et l'apparente faiblesse de la jeune femme en face de lui sans même y déclencher la moindre pensée. Quelque chose d'autre avait noyé son cerveau, faisant passer tout le reste au second plan.

Il voulait se battre. Il voulait vaincre. Il voulait... Tuer... Massacrer la louve. Pas parce qu'elle avait sans doute mis en pièce le soldat qui l'accompagnait.
Parce qu'elle était sa proie.

La lame pivota entre ses doigts. Dans quelques secondes ce sentiment prendrait le dessus et il attaquerait, mut par cet instinct irrépressible, aussi humain que bestial.

La jeune femme ne savait pas vraiment pourquoi elle laissait le loup prendre les rênes de son corps. Elle y réfléchissait juste après qu'elle ait poser sa question au lycan qui se trouvait sous elle. Elle était en position de force mais pour combien de temps ? Elle sentait que tout ne s'arrêterait pas là et qu'il la laisserait repartir tranquillement. Un frisson l'a parcourue alors qu'elle croisait son regard et elle envisagea pendant une seconde de le lâcher et de faire en sorte qu'il n'y ait aucun combat. Elle n'avait pas envie de se battre contre un membre de sa race qui n'avait pas les même idéaux qu'elle. C'était complètement stupide. Elle devrait le lui dire et lui faire comprendre qu'en ce moment, ce n'était pas elle qui dirigeait les gestes qu'elle effectuait. C'était la bête, en elle, qui ne voulait pas lui laisser la place et qui se battait férocement pour rester au premier plan. Un éclair attira son attention, si bien qu'elle relâcha ce dernier pour quelques secondes seulement. Il en profita pour l'envoyer paitre un peu plus loin. Elle roula sur le sol en lâchant un petit gémissement de douleur quand son dos rencontra un arbre qui se brisa sous l'impact. Elle ferma les yeux pendant un instant en se disant qu'elle pourrait s'enfuir maintenant au lieu de rester là et de prendre le risque de perdre la vie. Un grognement s'échappa de ses lèvres alors que son corps se levait mais pas sa volonté. Elle comprenait qu'elle ne pouvait rien faire pour arrêter la machine à tuer qui avait surgit du plus profond de son âme et qui maintenait la vraie Lidi qui se trouvait en position fœtale dans un coin en espérant que tout s'arrête.

Une lueur attira son regarda sur la lame qu'il tenait en main et elle ne put s'empêcher de frissonner, sachant directement que c'était de l'argent. Mais.. pourquoi prenait-il le risque d'en porter alors qu'il était lui-même sensible à ça ? C'était complètement stupide de sa part car une arme pouvait toujours se retourner contre son porteur, chose dont il n'avait peut être pas conscience. Un lent sourire étira doucement ses fines lèvres et elle décida à se moment-là de partir. Elle tenait trop à son corps pour pouvoir risquer de l'abimer ainsi.. Jusqu'à ce qu'il prononce 4 petits mots qui la firent instantanément changer d'avis. Elle était une née et un mordu ne pouvait rien contre elle, poignard ou pas ! Elle allait lui montrer de quel bois elle se chauffait et il allait le regretter. Elle se mit à rire avant de courir brusquement sur lui. A mi-chemin, elle se transforma en louve et fit une feinte en lui faisant croire qu'elle allait sur sa droite avant de changer d'itinéraire au dernier moment, bondissant donc sur sa gauche. Elle attrapa son bras armé en y plantant ses crocs avec violence, lui déchirant la chaire au passage. Par la suite, elle lui brisa le poignet en forçant sa mâchoire dessus, pour qu'il lâche ainsi cette pauvre arme qui ne lui serait d'aucune utilité. Elle s'éloigna lentement à reculons en reprenant forme humaine. Elle dit alors d'une voix froide, ne sachant pas si il oserait encore prendre cet outil dangereux.

- Me rendre ? Tu délires, mon pauvre.. Je m'attendais à mieux venant de la part d'un lycan, vraiment. Tu me fais pitié autant que j'ai pitié de ces humains qui méritent tous de crever.

Lidina rejeta ses cheveux mouillés en arrière, le sang mêlé à la pluie coulant lentement sur sa peau nue. Elle était folle et elle le savait. Il ne pouvait pas en être autrement lorsqu'un corps partageait deux personnalités qui étaient opposées. Mais elle n'y pouvait rien ! Elle n'avait jamais demandé à ce que sa part la plus sombre soit libéré.. Tout ça, c'était la faute de Bran. C'était à cause de lui qu'elle en était là, à se battre contre un membre de sa race. C'est comme si elle trahissait son sang et elle ne pouvait le supporter. Pourtant.. elle n'expliquait pas cette furieuse envie qu'elle avait depuis qu'elle avait sentie ces deux maudites balles l'effleurer. Elle ne lui avait rien fait ! A moins que l'humain qu'elle ait bouffer soit son ami ? Possible. Dans ce cas, elle le comprenait, vu qu'elle aurait agit pareil si on touchait à Stan. Heureusement, cet idiot est assez malin pour s'en tirer, donc elle n'avait pas trop peur pour lui. Elle se mit à soupirer en faisant glisser ses mains contre son visage, l'air complètement perdue pendant un instant. Elle devait faire quelque chose pour l'obliger à ne pas toucher à l'une de ses armes. D'ailleurs, elle ne savait pas vraiment où était passer son flingue et elle s'en fichait complètement. Des balles en argent devaient être à l'intérieur et elle n'avait pas spécialement envie d'y goûter. Elle se porterait mieux si elle restait à distance.

La louve retira lentement ses mains pour pouvoir observer le lycan. Elle s'approcha de lui avant de s'accroupir à ses côtés, ne se montrant pas prudente pour une fois. Elle le regarda longuement avant de reprendre la parole, se mettant à chercher le poignard des yeux en faisant en sorte qu'il ne remarque pas son manège.

- Tu sais, c'est lâche de se battre avec une arme quand on sait que l'adversaire est désarmé. Tu es un loup, oui ou merde ?! Bat toi avec ton corps, ton coeur et même ton âme ! Le courage vient de la et ce n'est pas une stupide arme qui t'aidera à le trouver !

-Rends toi ou crève.

La jeune femme sembla une seconde surprise avant d'éclater de rire. Alex serra le manche de son poignard et tendit ses muscles, mais c'est la louve qui passa à l'attaque la première.
Avec une vivacité surhumaine elle se mit à courir vers lui et changea de forme en une seconde. Elle allait bondir...
La scène était trop rapide pour penser. Tout se jouait sur les réflexes... La louve allait viser son arme, donc son flanc droit. L'officier fit siffler sa lame... Mais l'argent ne rencontra que le vide.
Son adversaire avait changé son angle d'attaque au dernier moment, perdant son élan mais évitant le coup du militaire. Elle profite de l'aubaine pour mordre le poignet qui tenait l'arme passé juste devant son museau. Sa gueule sertie de dents acérées était monstrueuse et pénétra l'épaisse veste en cuir pour entailler cruellement sa chair, jusqu'à l'os.
Alex poussa un cri de douleur mais ne lâcha pas prise. La rage d'être blessé menaça un instant de le faire se transformer.

Il voulait frapper. Tuer. Frapper encore ce monstre jusqu'à le mettre en pièce.

Il lâcha le poignard mais sa main gauche le rattrapa avant même qu'il ne touche le sol. Il frappa aussitôt la gorge mais sa Rangers dérapa dans la cendre mouillée et il rata son objectif. La lame en argent pénétra la peau juste à côté de la tête de la louve, au niveau de son épaule. Cela lui fit lâcher prise et elle lâcha prise avant de reculer, reprenant forme humaine.

Le Lycan l'observa, son poignard toujours dans la main gauche. Il releva sa manche droite en grimaçant. Sa main pendait, saignant abondamment. C'était douloureux, pourtant la chair se refermait déjà. Dans quelques minutes il devrait pouvoir l'utiliser à nouveau.
Le sang tombait dans la cendre assombrie par la pluie, goutte à goutte, laissant une marque brune.
Son regard revint sur son adversaire. Sa peau nue était tâchée de cendre humide, surtout sur les jambes. Un peu de sang coulait de son épaule droite, là où il avait frappé. La morsure de l'argent avait laissée sa marque. Mais sa bouche était marquée du sang du militaire. Elle en avait jusqu'au menton.
Ce dernier n'attaqua pas, attendant de récupérer.

-Me rendre ? lança-t-elle d'un ton méprisant. Tu délires, mon pauvre.. Je m'attendais à mieux venant de la part d'un lycan, vraiment. Tu me fais pitié autant que j'ai pitié de ces humains qui méritent tous de crever.

Tandis qu'elle écartait ses cheveux, Alex sourit d'un sourire de prédateur. Plein d'une joie cruelle.

-J'espérais que tu dirais ça... N'attends pas de pitié de ma part monstre.

Malgré son discours agressif, il ne bougea pas, faisant seulement quelques pas de côté pour gagner discrètement quelques centimètres sur la distance qui les séparait. Il ne sacrifiait pas à l'échange de provocation pour le plaisir; seulement pour mieux récupérer.
Quelque chose passa pourtant dans les yeux de la louve. Comme une hésitation... Un doute?
Il faillit en profiter pour se jeter sur elle, mais se retint à la dernière seconde. Charger un Lycan puissant avec un simple poignard et une seule main valide aurait été franchement stupide.
Il serra les dents. Quand elle l'avait mordue, il avait failli se transformer et laisser la bête prendre le contrôle. Seulement failli... Mais cela brouillait son jugement.

Apparemment troublée, la jeune femme passa ses mains sur son visage, essuyant un peu de sang au passage. elle ne semblait pas avoir mal. Sa blessure à l'épaule n'était sûrement pas profonde... La prochaine fois il ne la raterait pas.
Elle enleva ses mains puis s'approcha avec lenteur. La main gantée du militaire se serra à nouveau sur le poignard. Son visage avait quelque chose de... Différent. Comme si elle semblait soudain plus calme. Elle s'accroupit tout près de lui -ou plutôt juste assez loin pour être hors de portée, et sur son flanc droit. Alex la laissa faire, prêt à la poignarder si elle faisait l'erreur de bondir vers lui. Ce mouvement lui laissait la voie libre jusqu'à son pistolet, comme un défi d'aller courir le chercher. Mais il ne ferait pas l'erreur de lui tourner le dos.
Elle resta immobile de longues secondes avant de se retourner vers lui.

-Tu sais, c'est lâche de se battre avec une arme quand on sait que l'adversaire est désarmé. Tu es un loup, oui ou merde ?! Bat toi avec ton corps, ton cœur et même ton âme ! Le courage vient de la et ce n'est pas une stupide arme qui t'aidera à le trouver !

L'officier haussa les sourcils, surpris. D'un mouvement "naturel" il se décala d'un pas pour se retrouver entre son adversaire et le pistolet. Il était toujours en garde, sa lame prête à frapper.

-C'est stupide. Je ne suis pas un loup. Je suis un soldat...

Il fit un petit pas en arrière, tendit ses muscles en prévision d'une attaque. Rien ne vint.

-... Je me bat avec mes armes et tout ce qui peut m'aider à abattre mes ennemis, c'est tout. La lâcheté n'existe pas en combat. Ce qui compte, c'est de tuer l'adversaire.

Il se retint d'ajouter qu'en force brute et sans arme, la louve était capable d'une vitesse et de transformations qu'il ne pourrait égaler. Les armes ne faisaient que rétablir l'équilibre...
A son tour il s'accroupit, et se détendit insensiblement, le genre de signes que les sens de la bête percevraient comme une invitation à la paix. Insensible aux gouttes froides qui ruisselaient sur sa peau et ses vêtements, il continua:

-Tu as l'air moins impulsive que la plupart des Lycans que j'ai chassé, alors je vais te le demander une dernière fois. Rends toi et je n'aurais pas besoin de tuer. C'est ma derni...

Subitement et en plein milieu de sa phrase il balaya le sol de sa main droite d'un geste foudroyant. Elle n'était pas assez solide pour qu'il se batte avec, mais il avait réussit à attraper un peu de cendre et à la projeter au visage de la louve. Dans le même mouvement il bondit sur elle en profitant de la faible distance qui la séparait, espérant la frapper avec tout son élan d'un coup de genou.
En une fraction de seconde, sa lame d'argent siffla.

Oui. Il était un soldat, un Lycan et un chasseur. Le combat et la chasse étaient dans son sang, dans son âme. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait en paix, envahit par une joie féroce.
Que la proie soit une tueuse surpuissante ne faisait que rendre le combat plus intéressant.
Tout compte fait il avait bien fait de rejoindre le Cercle.

Sonnée par le coup qui la projeta en arrière et blessée par le morceau d'argent effilé, la louve roula sur elle même et se transforma à nouveau.

Alex pivota, découvrant son dos et elle bondit, croc et griffes prêts à le déchiqueter. Mais avant qu'elle ne l’atteigne, le soldat avait prolongé son mouvement en pliant les genoux. Il tourna sur lui même et planta son poignard en argent dans la poitrine de la louve qui passait au dessus de lui.
Celle-ci s'écrasa dans la cendre et roula dans un nuage noirâtre avant de s'immobiliser. Elle tenta de se relever mais émit un couinement et retomba dans la cendre mouillée.

Son adversaire la regarda un seconde, observant le poignard planté jusqu'à la garde. Une blessure sans doute mortelle...
Mais il devait s'en assurer. Sans dire un mot il marcha jusqu'à son pistolet et le ramassa.

Quand il se retourna vers la louve, elle avait reprit forme humaine. Allongée nue sur le sol noircit elle tremblotait, et du sang coulait de sa bouche.

Alex s'avança d'un pas et pointa son arme sur sa tête. Son visage était vide d'émotion.

-... Pitié parvint-elle à articuler alors que la pluie ruisselait sur son visage comme des larmes.

Le soldat prit une grande inspiration. Son doigt rattrapa le jeu du mécanisme jusqu'à sentir la résistance caractéristique du coup prêt à partir.
La lueur d'un éclair fit briller ses yeux bleus.

-Je suis un monstre, comme toi. Je n'ai pas de pitié, répondit-il froidement.

Puis il pressa la détente, et les détonations se perdirent dans le rugissement furieux du tonnerre.

[RP clos]