| par Invité Sam 7 Mar - 20:10
| Aline s'était assise sur un fauteuil sans dossier qui était placé devant les cabines, en attendant que Néro ai fini d'enfiler une des tenues qu'elle avait déniché. Les coudes appuyés sur ses cuisses et le menton posé dans ses mains en coupe, la demoiselle attendait avec une impatience mal dissimulée, tout en observant d'un œil amusé Ignis embêter innocemment les autres clients. Elle laissa échapper un petit rire goguenard et haut-perché lorsqu'une vieille femme chassa, pour la troisième fois consécutive, le petit oiseau d'un mouvement de la main, visiblement très agacée. Enfin quand le vampire se décida à sortir de l’abri sûr qu'offrait la cabine d'essayage, Aline se redressa sur son siège. Il portait la chemise que la demoiselle avait arraché sans vergogne des mais d'un pauvre humain, déstabilisé par l'apparente agressivité de la jeune fille. Au simple souvenir de ce moment, la vampirette blonde esquissa un sourire furtif aux coins des lèvres ce qui lui donna un aspect d'autant plus charmant. La passivité de certaines personnes était parfois tellement flagrante que l'on pouvait se jouer d'eux aussi facilement que l'on pouvait se jouer d'un enfant. Mais ce qui faisait s'élargir d'autant plus le sourire de la demoiselle, était les regards courroucés que lui avaient adressés les autres clients pour exprimer leur réprobation vis-à-vis de l'attitude excessivement impolie de la jeune fille mais, bien sûr, aucun d'entre eux n'avait osé s'interposer, ni même intervenir devant le spectacle d'un jeune homme qui se faisait marcher sur les pieds par une enfant mal élevée.
*Que les Hommes sont égoïstes...* songea-t-elle finalement, en guise de conclusion à ses courtes réflexions.
Passant outre la figure de trois kilomètres de long que tirait Néro -qui laissait deviner sa débordante envie de changer de style et son enthousiasme ardent à l'idée de prolonger la séance de shopping- la Cristina Cordula improvisée inspecta dans les moindres détails de son regard avisé qui frisait de près l’impolitesse, la tenue que son congénère avait passé de bien mauvaise grâce.
"- Je n'en avais pas l'intention." répondit la vampire avec une mine faussement offusquée.
Elle se leva finalement, avant d'ajouter après avoir bien pris le soin de choisir ses mots:
"- Ça change. Ça change même beaucoup."
C'était un constat, pas un avis personnel. Il n'y avait pas à chercher plus loin. Elle s'arrêta là cependant dans ses commentaires. Elle était peut-être malpolie et insolente dans ses paroles, mais elle ne pouvait pas lui dire que de son point de vue c'était largement mieux sans cette espèce d'ensemble noir et ce drôle de chapeau; il risquait de se vexer, ce qui par ailleurs était tout à fait compréhensible, et c'est ce qu'elle cherchait à éviter à tout prix. Et pour le chapeau, Aline finit par se dire que l'on tenait tous à un objet, aussi étrange soit-il. Elle-même n'avait-t-elle pas été incapable de se débarrasser de sa bague de fiançailles en argent, lorsqu'elle avait tué dans un bref moment de jalousie ardente son fiancé qu'elle avait découvert marié à une autre? Elle aurait pu la jeter dans le lac le plus proche afin de tirer un trait à sa manière sur tout ce qui la reliait au passé, comme elle en avait eut la grande envie, après avoir succombé à cette rage meurtrière qui l'avait poussé à l'assassinat. Et moi, n'avait-je pas pu me résoudre à jeter la petite chaine en or -que mon grand-père m'avait offert- après son décès? Malgré l'affreux sentiment d'abandon et cette colère d'impuissance qui me consumaient? Pourtant aujourd'hui, plusieurs années après, elle pend toujours à mon cou comme pendrait une croix au cou d'un fervent croyant. Pendant un cour instant, Aline fixa le bijou brillant, qui ornait son annulaire gauche et qui malgré les ans et les siècles n'avait point perdu de son éclat, une minuscule paillette de nostalgie empreinte dans le regard. La demoiselle savait parfaitement que si quelqu'un venait lui demander de retirer sa bague, elle lui tomberait sur le râble avec toute la hargne dont elle était capable.
Ainsi, pour la première fois de sa vie, elle décida de respecter les choix d'autrui, et ne demandera pas à son compagnon de shopping de retirer son étrange chapeau afin de parfaire son look, quoi qu'elle en pensât. Elle ne connaissait pas l'histoire qu'il y avait derrière cet accessoire et ne voulait pas le savoir, mais ce dont elle était sûre c'est qu'elle ne voulait, en aucun cas, le vexer. C'est pourquoi, elle s'abstiendra de faire des commentaires.
"- Laissez moi m'occuper de votre look le temps de cette croisière, et ensuite vous pourrez remettre cette cape sans couleurs et ce chapeau, si le cœur vous en dit. "
Elle espérait sincèrement qu'il dirait oui, car elle commençait à apprécier sa compagnie et elle comptait s'amuser un peu, histoire d'oublier un instant le cour de sa vie. Il était certain que si la demoiselle n'avait pas été dans une de ses courtes périodes de bonne humeur, elle se serait jamais retrouvée à faire du shopping en compagnie d'un vampire à l'allure taciturne, tout deux accompagnés d'un petit oiseau au plumage aussi rouge que le rouge à lèvre de la vampire. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas passé du temps avec un membre de son espèce. A vrai dire, cela faisait un bon moment qu'elle n'était pas resté à se balader avec quelqu'un tout court. Sauf si ce n'était pas pour le trucider après. Ainsi donc, elle aurait aimé prolonger encore un peu ce moment d'infime complicité soudaine afin de profiter un maximum de sa croisière avant de reprendre le cour de sa vie de bête sauvage et solitaire et sa petite routine de tueuse en série et de buveuse de sang.
"- Essayez ça maintenant." dit-elle avec un superbe entrain, tout en lui tendant une autre chemise, bleue marine cette fois-ci, et un pantalon sombre.
Et elle lui servit son plus beau sourire. |
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