| par Invité Ven 16 Mai - 16:04
| Depuis un certain temps, j'avais tendance à me méfier des demoiselles aux airs de femmes fatales. Je les connaissais bien, notamment parce que j'en étais une, et je savais que, bien souvent, ce genre d'apparences cachaient de très lourds secrets, parfois même des mauvaises intention. Assise au bar, en face d'elle, je tenais mon verre en la regardant avec une méfiance partagée d'intérêt. Qui était cette jeune femme, qui m'était inconnue et que je n'avais encore jamais vue à la boite ? En général, les gens qui venaient ici étaient plus ou moins des habitués ou des gens qui venaient d'arriver en ville et qui cherchaient à faire connaissance, puis à s'établir. Mais quelque chose clochait chez elle... Quelque chose que je n'arrivais pas à identifier, ce qui m'énervait beaucoup. En général, j'arrivais tout de suite à mettre le doigts sur un détail qui m'interpellait, pour une raison ou une autre, mais là, rien ! Frustrée, je portais ma Vodka à mes lèvres, avalant une gorgée brûlante d'alcool, ce qui me réconforta un peu. L'avantage d'être un vampire était de pouvoir boire presque à volonté, tant la boisson avait peu d'effet sur notre organisme. Cependant, ça ne réchauffait qu'un temps les longues soirées d'hiver, et les cadavres de bouteilles tenaient trop peu de place dans mon lit à mon goût. J'avais été de déceptions en malheurs, depuis un bon moment maintenant, et ma vie amoureuse et sexuelle qui avait un temps était florissante était à présent aussi désertique que le Sahara. Bon, vous me direz, si je voulais me faire des plans cul d'un soir, j'aurais pas de problèmes... Mais je trouvais que le fait de ne pas s'attacher, de juste coucher puis de massacrer le prétendant de la nuit, comme je le faisais avant, craignait trop pour que je recommence. Alors, du haut de mon immortalité, eh bah... J'attendais. J'attendais la personne qui bouleverserait à jamais ma vie, avec qui je pourrais tout partager : ma richesse, mes passions, ma vie, mon savoir et ma personnalité, ainsi que des sentiments réels, pas seulement créés d'une illusion. Je ne voulais pas forcer une personne à m'aimait en lui suggérant, surtout que je venais d'être plaquée par cette salope d'humaine, qui à la première occasion, allait voir ailleurs. Je rêvais d'une femme fidèle, loyale, aimante et attentionnée. Mais il fallait croire que, dans ce monde moderne et dépravé, ça devenait vraiment rare !
Je sentais que j'allais le regretter d'avance, cependant, je voulais éviter les désillusions. Alors, discrètement, j'épiais les pensées de la jeune femme. Enfin... J'essayais. Son esprit était barricadé par de solides murailles, reconnaissables entre mille, et que seuls mes congénères possédaient : hautes, épaisses et du genre difficiles à franchir. Cependant, je perçus la bribe d'idée qui passa dans sa tête à ce moment là, par un minuscule trou, une infime brèche trouvée dans les remparts de son esprit. Seulement, ce que j'entendis me surprit grandement : Faire quoi des dizaines de fois ? J'essayais de forcer un peu la brèche, afin de m'infiltrer dans sa tête, mais même après avoir bataillé pendant quelques minutes, tout ce que je réussis à obtenir, c'est une migraine. Génial... Mais qui pouvait donc bien être cette fille mystérieuse ? C'était bien le genre à cacher un couteau dans ses bottes et une grenade sous son chapeau... Bon, vous me direz, j'étais toujours plus ou moins armées, mais chez elle, cette impression d'insécurité et de dangerosité était encore plus prégnante. Comme si tout en elle me hurlait de m'en méfier, déclenchant en moi un imperceptible signal d'alerte. Mais attendez voir... Depuis quand j'avais peur du danger ? Je m'étais vraiment ramollie avec les années ! Après tout, j'avais été un monstre sanguinaire, capable d'égorgée une famille par simple plaisir ! J'avais tellement commis d'horreurs que mon noms avait fait frissonner des générations parmi tous les pays d'Europe ! Où était donc passé la tueuse, la chasseuse implacable que j'avais été ? Partie en vacances, sûrement, en même temps que ses impressionnants pouvoir de pyrokinésie, qui ne lui servait plus à présent que de vulgaire briquet... Et puis, après l'apparition de ma mère, cette fois-là, je m'étais promis de changer et de cesser de tuer sans raisons des gens innocents... Je comptais bien m'y tenir, et pourtant, cette femme-là réveillait en moi des pulsions que je n'avais plus ressenti depuis plusieurs mois. Mais qu'est-ce qui m'arrive ?
-Permettez-moi de vous dire que vous n'êtes vraiment pas mal non plus.
Et voilà que je me remets à jouer les allumeuses ! Vraiment, cette fille faisait ressortir tous les côtés les plus sombres de ma personnalité... Elle était sexy en diable, habillée comme ça, à se tenir si proche de moi, un doux parfum m'effleurant les narines... Malgré toutes les odeurs qui se bousculaient dans le club, il n'y avait que la sienne qui me parvenait, obsédante, entêtante... Elle provoquait en moi un intente désir, l'envie de la protéger contre vents et marées, de l'aimer, de la chérir, de la toucher, de l'enlacer, de l'embrasser... Non! Je ne la connaissais pas, je ne savais rien d'elle ! Peut-être qu'elle n'était intéressée que par ma fortune, pas par moi ou l'être que j'étais. Rien ne m'assurait qu'elle ne voulait pas me tuer pour me prendre tout ce que j'avais. Si ça se trouvait, elle avait déjà fait des recherches sur moi, mimant seulement de me rencontrer pour la première fois et de ne rien savoir ? Les gens du Cercle, comme les Rebelles, savaient très bien jouer la comédie, et le fait de me sentir aussi attirée par elle me mettait sévèrement en danger et brouillait mon jugement. Je devais me ressaisir, et vite !
-Différente ? Peut-être. Mais vous n'êtes pas comme tous ces gens, vous non plus. Je le ressens.
Rien qu'en analysant son aura, j'y la confirmation qu'elle n'était pas humaine, mais bel et bien vampire, comme moi. Les jeunes vampires ne connaissaient pas leur capacité naturelle à reconnaître plus ou moins facilement leurs congénères. J'avais développé cette sorte d'intuition au fil des années, j'avais appris à reconnaître les signes : une pâleur anormale, une beauté surnaturelle, une rapidité et une agilité supérieure à la moyenne, et cette étrange impression de froid qui se dégageait de nous. Elle envoyait tous les signaux, cependant, ses yeux me disaient qu'elle devait être transformée depuis peu. Il n'y avait pas dans ses prunelles cette sagesse et cette expérience que j'avais pu déceler chez les très vieux immortels comme Néro. Une partie de notre histoire se reflétait dans nos iris. Après tout, les yeux étaient le miroir de l'âme... Et la fougue qui se dégageait de Pyro m'indiquait une jeunesse évidente et peut-être une naïveté encore infantile. C'était plutôt craquant, cependant... Si on oubliait que les très jeunes vampires pouvaient très, très facilement péter un plomb et devenir complètement incontrôlables. Ils étaient un peu des bombes à retardement, qu'il fallait savoir garder à distance au cas où ils explosent. Malgré l'impression d'ouverture que donnait la jeune femme, on sentait bien par les émotions qui passaient dans son aura qu'elle était méfiante, elle aussi. Apparemment, les vampires, généralement très solitaires, avaient pris la fâcheuse habitude de se méfier de leurs frères. Pourtant, je me penchais vers elle et lui murmurait à l'oreille :
-Cet endroit m'appartient, très chère... Mais pour que vous l'ignoriez, vous devez être ici depuis peu, je me trompe... ?
Je me reculais un peu pour revenir m'appuyer contre le dossier de mon siège, sans décroiser mes longues jambes de sous le bar. Je portais une nouvelle fois mon verre à les lèvres, attendant de voir la réaction de la jeune femme. En principe, les gens qui me voyaient ici me reconnaissaient, certains venaient même parfois me parler. Sans compter que j'étais aussi danseuse, mais comme je ne voulais pas tout de suite abattre toutes mes cartes, je me gardais bien de le dire à Pyro. Je remarquais, comme elle, qu'elle attirait beaucoup les regards des clients. Sa robe, pour le moins voyante et très sexy, faisait monter la chaleur chez certains hommes. Mais à sa façon de se tenir, de se comporter et de réagir, j'eus le pressentiment que les mâles ne l'intéressaient pas. Tout chez elle me criait qu'elle était plus à même d'aimer une femme. Je n'aurais pas forcément sur mettre le doigt dessus, une nouvelle fois, mais ça me paraissait évident. Pourtant, je m'étais toujours dit qu'il était plus facile de repérer les lesbiennes masculines, à l'apparence parfois extravertie, extravagante, que les féminines qui ressemblaient farouchement à des hétéros. Mais je ne saurais dire pourquoi, chez elle, ça me semblait vraiment flagrant. Pour la libérer de ces regards persistants, qui me rendaient étrangement jalouse, je la pris par la main en faisant attention à ce que je ne lui fasse pas renverser son verre sur elle, je l'emmenais dans un box vide. Comme tous ceux du club, il possédait une table, de confortables fauteuils noirs et rouges et était coupé de l'autre partie par des murs en demi cercle. Ca offrait plus d'intimité, mais il était aussi plus facile d'y discuter sans être dérangé, ni par le bruit, ni par les potentiels importuns, que je me ferais un plaisir de virer à coup de pied aux fesses s'il fallait. J'étais bien décidée à percer à jour cette belle inconnue. |
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