| par Invité Lun 11 Mar - 20:02
| Plus le temps passait, et plus l'air se rafraichissait. La vampire avait constaté, non sans un certain amusement, la quantité de vêtement que l'élémentaire portait afin de s'assurer que chaque parcelle possible de son corps soit recouverte et mise à l'abri du froid qui devenait de plus en plus mordant. La vampire quant à elle avait remarqué que, tant qu'elle se gardait bien nourrit, elle n'éprouvait pas vraiment le froid, à l'exception peut-être lors des pires tempêtes de neiges où l'on recommandait alors aux gens de rester chez eux et d'éviter de sortir, indication qu'elle n'écoutait jamais de toute façon. Sa petite blouse bleue foncé était faite d'un tissu bien mince quoi qu'opaque, et elle ressentait sans trop de déplaisir le vent, qui s'engouffrait plus facilement dans les grandes rues, traverser ses vêtements et se rendre aisément jusqu'à sa peau. Elle laissait cette force de la nature lui ébouriffer la crinière sans broncher, les mains dans les poches. Il y avait malgré la température une bonne dose de sérénité dans cet environnement dans lequel évoluait nos deux protagonistes. Les rues dans lesquelles ils flânaient étaient complètement vides ou presque, et les bâtiments ne s'était jamais fait si rassurants et monotones que maintenant. Un peu comme le jour de leur première rencontre, Eleonor s'était mise à parler (qu'est-ce qu'elle pouvait se montrer bavarde parfois!) et Vegeo l'avait attentivement écouté, sans émettre aucun commentaire. Il semblait toujours aussi taciturne, un peu comme la forêt, un peu comme la nature. Elle espérait ne pas trop l'ennuyer avec sa vie qui au fond tournait beaucoup autour de sa profession, mais l'attention du jeune homme à chacune de ses paroles lui avait prouvé que ce n'était pas le cas. Il lui avoua qu'il n'était pas retourné dans la forêt corrompue, ou plutôt pas vraiment. Quoi que cela veuille exactement dire, cette réponse lui convenait parfaitement. Elle non plus n'y était pas retourné, il était clair que quelque chose de malsain émanait de cet endroit, elle l'éprouvait en ce moment même, alors qu'elle fixait du regard les arbres morts et la cendre qui se trouvaient à plusieurs centaines de mètres d'eux. Et ce cadre faisait naître en elle un sentiment difficile à décrire de mal être qui ne la portait pas à y revenir. De toute façon elle n'avait pas tellement envie de ressasser le passé et de se rappeler avec lui de cette nuit, et elle s'était dépêcher d'enchaîner avec autre chose afin de changer de sujet.
La vampire s'assombrie lorsqu'elle apprit que son jeune interlocuteur n'avait pas d'emploi, et qu'il vivait au crochet de quelqu'un. Pour combien de temps ce bienfaiteur pourrait-il lui prodiguer un logis? Vit-il dans le quartier malfamé dans lequel ils s'étaient revus plus tôt ce soir? Être sans argent, c'est toujours être dans une situation précaire, même si on trouve des gens généreux autour de soi. Depuis l'instant où elle l'avait revue, Eleonor avait sentie que quelque chose lui manquait, que son état n'était peut-être pas aussi bon que ce que son apparence témoignait de prime abord. Mais elle n'avait rien fait de ce pressentiment qui était après tout peut-être faux. Maintenant, plusieurs pensées envahissaient son esprit. Il était clair, bien qu'elle avait cherché à éviter cette réalité, il était clair qu'elle n'en avait pas fait assez pour Vegeo. En fait, elle avait jeté un oisillon naissant hors de son nid en espérant qu'il vole; elle l'avait laissé tombé. Ce genre de pensées lui trottaient dans la tête depuis un bon moment, bien qu'elle tentait de les chasser. Elle se disait: "Je lui ai dit de venir à l'hôpital s'il y a un problème", puis sa culpabilité se faisait moins ressentir. Mais elle avait eue beau se voiler la face, et tenter de se convaincre que, miraculeusement, la première chose que l'élémentaire ferait à sa sortie de l'hôpital serait de faire des demandes d'emploi un peu partout et se payer un logement avec l'argent qu'elle lui avait donné, alors qu'il était si novice dans ce monde qu'était la société, la réalité refaisait surface. Il faudrait bien qu'elle affronte les faits tôt ou tard. Et au fond, c'était une bonne chose qu'elle l'ai retrouvé, elle aurait seulement aimé que ce soit un peu plus tôt. Elle poussa un soupir.
-Je redoutais cela.
Ils marchaient toujours côte à côte et Eleonor fixait le sol, n'osant pas le regarder en face. Elle était un peu perdue dans ses réflexions. Quoi faire maintenant? Elle s'ordonna mentalement de s'enquérir de son sort, et de s'impliquer réellement cette fois-ci, car il méritait un meilleur sort que ce qu'elle était en train d'entrevoir. S'il refusait son aide, alors tant pis, au moins elle aurait essayé, et n'aurait alors rien à se reprocher. Cette fois, elle ferait un suivit complet. Elle n'y avait jamais clairement réfléchit mais, le fait est qu'elle avait toujours eue une certaine difficulté à s'impliquer émotionnellement envers qui que ce soit. Elle mettait ça sur le compte de sa nature. Ce n'était pas sa faute, elle était une vampire, froide de caractère et blablabla… Certes c'était lâche de sa part, mais dans une profession où la mort est omniprésente, n'est-ce pas pardonnable de se détacher de cas qui pourraient aisément provoquer chez elle des périodes d'angoisse? Puis il y avait Vegeo. Pourquoi avait-elle cette manie de considérer chaque personne qu'elle aidait comme un patient? Elle opérait, passait en revue leur état de santé et les poussait dehors dès l'instant où ils étaient guéri. Son métier avait changé jusqu'à la façon dont elle percevait le monde, et il y avait de quoi s'en inquiéter. Elle savait très bien que travailler était sa principale et presque même sa seule occupation dans l'existence, et elle avait accepté ce manque de diversité dans sa vie parce que, franchement, elle adorait ça. Pourtant cela semblait causer des lacunes dans sa personne à plusieurs niveaux. Cette réflexion sur elle-même qu'elle avait entretenue dans un coin isolé de sa conscience jaillissait dans ses pensées d'un seul coup, déjà toute réfléchie, déjà bien brossée, ainsi elle n'eût pas trop mal durant ce petit moment où elle insultait mentalement son attitude à côté de l'élémentaire. Parce qu'au fond elle s'avait bien qu'elle n'avait pas agit correctement et savait également ce qu'il lui restait à faire. Il ne lui fallu pas beaucoup de temps pour déclarer:
-C'est de ma faute et je m'en excuse… Je lance ça un peu à la dérobée mais, à l'hôpital on cherche toujours des gens pour faire des petites tâches comme laver les vitres, passer le balai ou nettoyer les assiettes recouvertes de restes de dinde gélatineuse à la cafétéria.
Elle lui adressa un bref sourire, repensant aux grimaces enfantines qu'il avait fait devant le repas plus que médiocre qu'elle avait eue l'audace de lui faire avaler. Et elle se rappelait également très bien la façon autoritaire avec laquelle elle s'était d'un seul coup porté garante de l'élémentaire auprès de Natsume quelques minutes avant cela, et la façon présomptueuse avec laquelle elle lui avait garantit qu'il irait mieux si elle s'en occupait. Si ça avait été le garçon qui avait été en charge de Vegeo, peut-être que les choses auraient mieux tournés et qu'il aurait un travail présentement. Cette pensée ne fit que renforcer sa conviction: plus question de se défiler. S'il cherchait du travail, il était certain qu'elle pourrait lui en trouver un en claquant des doigts, et ce peu importe dans quel genre d'environnement il souhaitait travailler. Ça n'avait pas à être à l'hôpital forcément.
-Vivre sans travail c'est vivre sans argent, et vivre sans argent c'est vivre en situation précaire. Je crois donc que là est la priorité... Et si d'aventure votre protecteur venait à vous évincer, je pourrais aisément vous héberger le temps de trouver votre propre domicile.
Elle continuait de marcher en posant son regard vers le ciel. Sa maison était à l'origine destiné à héberger une famille de cinq personnes, elle contenait des pièces à ne plus savoir quoi en faire disposées sur trois étages, alors évidemment elle avait plus de place que nécessaire pour prêter logis à quelqu'un dans le besoin. Mais elle avait, pourquoi, elle l'ignorait, la peur ridicule de l'effrayer en en faisant trop par ses propositions. Elle-même avait beaucoup de difficulté à accepter l'aide d'autrui et rien qu'en faire la demande lui semblait empiéter sur ses amitiés et la mettait mal à l'aise, alors elle figurait qu'apporter son aide à quelqu'un qui n'en faisait pas la demande était tout aussi rude. Aider de façon détacher avait toujours la meilleure chose à faire à ses yeux. Pourtant l'état financier de Vegeo lui avait prouvé que cette façon de faire pouvait échouer. Il était peut-être temps qu'elle change sa perception des choses, on est jamais trop vieux pour apprendre ou pour changer après tout. |
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