| par Invité Ven 28 Déc - 17:07
| Une semaine s’était écoulée depuis sa rencontre mouvementée avec Elisabeth. Dire qu’il l’avait cherchée sitôt qu’il avait appris qu’elle était à l’origine des sinistres événements qui avaient conduit à la disparition partielle de la forêt. Ce n’était pas dans le but de lui faire payer pour cet acte –Jilan n’était pas un fervent défenseur de la Nature- mais simplement pour faire sa connaissance et en apprendre plus sur elle. N’ayant jamais eu l’occasion de rencontrer un de ses contraires, le Lightness savait désormais de quoi ils étaient capables, même s’il lui restait encore à découvrir les limites des pouvoirs de cette race. Suite à cela, sa curiosité malsaine lui avait valu quelques contusions. Il avait sous-estimé l’entité sous prétexte qu’elle logeait dans le corps d’un vulgaire humain. Il aurait dû la démasquer dans un autre lieu, à un autre moment. Les ténèbres –parce qu’il refusait d’admettre sa faiblesse momentanée face à la Darkness- n’avaient pas joué en sa faveur non plus. Heureusement que l’université était fermée pour les semaines à venir, en raison des fêtes de fin d’année, cela lui laissa le temps de se reposer. Un paquet de copies à corriger l’attendait sur son bureau sauf qu’il n’avait aucune envie de s’y mettre, à moins pour les changer en avions de papier, son grand passe-temps après le meurtre gratuit. Il conservait une part d’amertume au sujet d’Elisabeth. Son état d’esprit rejoignait le sien mais elle ne semblait nullement disposée à coopérer pour mettre à mal la paix. Il cherchait vainement un moyen de la rallier à sa cause, ou encore à celle des Rebelles. A force de penser à elle, Jilan se rendit compte qu’elle l’obsédait. Mais loin de le faire changer d’attitude, cela l’incita à faire des recherches sur ces créatures en tout point opposées à ceux de sa propre race. Le jeune professeur se rendit à la bibliothèque. Par chance, elle était encore ouverte, même à cette période de l’année. Comme il s’y attendait, les seuls ouvrages qu’il put dénicher sur les étagères furent des encyclopédies traitant des différentes races découvertes jusqu’à présent. C’est sans réelle surprise, qu’il apprit que leur naissance se faisait de la même sorte, ou presque, que la leur mais aucun des livres qu’il ouvrit ne lui apporta ce qu’il désirait. L’absence de détails concrets agaça rapidement le Lightness et il décida de consulter les archives. Là encore, il trouva peu de réponses à ses interrogations car avec les ravages causés durant les trois jours sombres, beaucoup d’ouvrages avaient souffert des flammes. C’est dépité qu’il quitta les lieux.
N’ayant pas spécialement envie de retourner entre ses quatre murs, il erra en ville, profitant du retour timide du soleil. Il repassa devant le lieu de l’explosion, remonta l’allée des Fast Food pour finalement dépasser l’imposant bâtiment où siégeait le Cercle. Impassiblement, il regarda la devanture de l’immeuble. Ce dernier devait certainement contenir plusieurs des informations que la bibliothèque n’était pas parvenue à lui communiquer. Cependant, à moins de faire partie de leur organisation, impossible pour le Lightness de pénétrer à l’intérieur. Malgré la chaleur des rayons du soleil sur sa peau, il ressentit de la déception mêlée à de la frustration. Il ne devait quand même pas faire exploser le bâtiment pour voler les renseignements dont il avait besoin si ? Cela ne lui servirait qu’à se mettre à dos les membres du Cercle et il n’avait pas besoin d’attirer l’attention sur lui plus que nécessaire. Moins il se ferait remarquer, plus il pourrait agir dans l’ombre –enfin, façon de parler- afin de servir ses intérêts et ceux des Rebelles. En parlant de ces derniers, ils se faisaient discrets depuis un certain temps. Et cela ne plaisait pas au jeune professeur, qui trouvait qu’il manquait un peu d’animation dans cette ville. Décidément, rien ne valait une bonne petite guerre. Ou encore une simple émeute. Avec cette fichue paix, on s’ennuyait ferme. Tandis qu’il ruminait là, à fixer la façade de l’immeuble, il lui vint soudain une idée. Si Elisabeth était cliniquement morte, il devait rester une trace d’elle quelque part. Une preuve de sa mort officielle ? Au fond de lui, Jilan doutait que l’Avventura enterrait ceux qui tentaient de la détruire mais pour le moment, il n’avait que cette vague illumination. C’était probablement stupide de sa part mais il allait tenter le coup. Sans trop savoir où il mettait les pieds, il arpenta la ville, dans l’espoir de trouver le cimetière. Bien entendu, il ne savait pas du tout quelle direction prendre. Lorsque vous arriviez en ville, ce n’était pas « Excusez-moi, pourriez-vous m’indiquer où se trouve le cimetière s’il vous plait ? » la première chose qui vous venait à l’esprit. En règle générale, on ne demandait jamais la direction d’un tel endroit, puisque, l’unique fois dans votre vie où vous auriez eu besoin de le savoir, c’était justement quand vous étiez déjà mort. Et jusqu’à preuve du contraire, les morts ne parlent pas. Ils se laissent conduire vers l’ultime lieu, celui qui sera leur tombeau et finissaient par pourrir dans l’oubli et l’indifférence générale. C’était ce genre de pensées qui lui faisait accepter sa réincarnation en immortel. La perspective de la mort terrorisait la plupart des mortels. Cela l’amusait de voir comment certaines essayer de la tromper ou s’évertuez à croire en une vie dans l’au-delà.
Sauf que le Lightness n’avait pas anticipé quelle serait sa réaction, une fois qu’il serait face au sinistre portail –les portails de cimetières ont toujours l’air sinistre- et qu’il pourrait apercevoir les tombes derrière les barreaux. Tuer des gens innocents ou non, voir des cadavres refroidis et raides, tout cela le laissaient de marbre. Pourtant, il restait marqué par la première image qu’il avait de son retour à la vie : son cercueil vide. Nul ne l’avait préparé à cela, pas même ses parents aux idées sataniques. Il avait beau se jouer de la mort et rire de ceux qui devaient l’affronter, cette vision le hantait. Il pouvait aussi bien voir son propre corps à l’intérieur du cercueil que celui de sa petite sœur. Lorsque cela survenait, il avait l’impression de devenir fou et seul un semblant de lumière vive pouvait le ramener à la raison. Passée l’horreur, venait la rage. Il détestait faiblir devant un souvenir qu’il voulait révolu. Ce qui appartenait au passé ne le concernait plus. Du moins, c’est ce en quoi il s’efforçait de croire. Plus il marchait, plus son humeur s’assombrissait et il refusa catégoriquement de demander son chemin. Résultat, la journée touchait à sa fin quand finalement, il aperçut le muret entourant le cimetière. L’atmosphère lugubre du lieu n’aida en rien. Un tremblement incontrôlable le parcourut des pieds à la tête, agitant ses membres comme le ferait un pantin dont on agitait les fils. Avait-il fait le bon choix en se rendant ici ? Avait-il le courage et la volonté d’affronter ce lieu morbide ? Il n’avait aucun doute sur sa volonté, il était venu pour savoir mais… Toutes ses réflexions depuis qu’il avait quitté le centre-ville l’avaient égaré. Jilan ne parvenait pas à croire qu’il était parvenu à oublier cette maudite Darkness un moment, le temps de dresser un bilan psychologique sur lui-même et son passé. C’était le comble ! Même lui sentait que quelque chose clochait. La dépression le guettait ? Lui ? La bonne blague ! Il n’avait pas accepté cette seconde chance dans le seul but de pleurer sur ce qu’avait été sa vie d’avant. Il avait un objectif bien plus intéressant que cela. Le jeune professeur redressa la tête et éclata de rire. Pas un de ces rires joyeux ou jaunes mais bien le rire d’un dément. Un rire malsain et cruel, avec une note de folie. Une chance pour lui qu’il était seul à ce moment-là, sinon il aurait fait fuir les éventuels témoins. Quant à ceux qui se seraient inquiétés pour lui ou se seraient autorisés la moindre réflexion… Comme un écho à son rire, la pluie se mit soudain à tomber. Il ne manquait plus que ça tiens !
Au bout de plusieurs longues minutes, il se calma enfin, entièrement trempé. Il ne s’était bien évidemment pas encombré d’un parapluie et comment aurait-il pu deviner que le temps se dégraderait de la sorte ? Il lâcha un profond soupire et se dit que finalement, il allait rentrer chez lui. Une tombe ne disparaissait pas comme ça, il aurait tout le loisir de revenir un autre jour. Il se remit à marcher, droit devant lui puisque la route qu’il avait emprunté lui permettait de rejoindre la ville dans les deux sens. Le Lightness se replongea dans ses pensées, ou plutôt, il rumina sur tout ce qui lui avait déplu cette semaine. Allez savoir pourquoi, elles dérivèrent ensuite vers ses étudiants, qui ne seraient certainement pas ravis de leur revoir. Ils risqueraient de passer une mauvaise rentrée, parti comme il était. Si son humeur ne s’arrangeait pas d’ici là… Le jeune professeur dépassa le portail sans lui accorder un regard et parcourut quelques mètres avant de s’arrêter. D’où provenaient ces effluves de sang ? Il lui avait vaguement semblait sentir une présence près du portail et il se retourna pour apercevoir l’homme. Plongé dans ses réflexions, il n’avait même pas pris la peine de le remarquer, pourtant l’individu avait de quoi attirer l’attention : torse nu, en parti recouvert de sang même si la pluie avait commencé à dissiper le liquide écarlate présent sur lui. L’autre devait s’étonner aussi que Jilan le dépasse sans un regard, comme s’il faisait partie intégrante du décors. Le Lightness l’observa un court moment tirer une bouffée ou deux de sa cigarette, le plus naturellement du monde avant d’arquer un sourcil. Il se permit de faire un commentaire, énervé comme il l’était.
« Dans une tenue pareille, vous allez attraper la mort. Remarque, vous êtes au bon endroit pour cela. » déclara-t-il avec un humour acide. |
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